Conte de l'Avent
Le
petit malade et le druide.
Mon
cher Pitchoune, notre petit ami Victor pourrait parfaitement écouter
cette histoire. Il fut lui aussi un enfant à qui l’on passait tous
ses caprices. La vie n’est pas faite que de satisfaction, de
cadeaux et de plaisirs. Il faut parfois accepter de donner avant de
recevoir.
Il
était une fois un enfant aimé des siens, choyé plus que de raison.
Il était enfant-roi : celui qui obtient tout ce qu’il désire
d’un claquement de doigt ou bien d’une colère tonitruante. Sa
famille était tout à son service. La vie avait eu le don de le
faire naître dans un environnement où les soucis d’argent ne se
posaient jamais. C’est sans doute ce qui le rendit particulièrement
capricieux.
L’existence
équilibre parfois ce que la bonne fortune n’a pas justement
réparti. Le gamin tomba malade : un mal mystérieux qui le cloua
dans son lit sans que les médecins ni les plus grands spécialistes
appelés à son chevet ne puissent découvrir son mal. Ses parents
désespéraient de le voir se rétablir et satisfaisaient plus encore
tous ses désirs, croyant naïvement que la santé lui reviendrait
par tous ces cadeaux.
L’enfant
abusa de la situation. Il réclama et obtint bien plus qu’il ne
pouvait profiter. Livres, jeux, jouets, confiseries s’accumulaient
dans sa chambre sans lui redonner cette santé qui le fuyait. Bien au
contraire, plus il recevait, plus il souffrait. Son visage se
creusait, il pâlissait et s'affaiblissait de plus en plus .
Cependant
les désirs de l'enfant finirent par changer. Il tourna le dos aux
jouets pour leur préférer affection, tendresse et considération.
Il réclamait de quoi adoucir ses journées cloué dans sa chambre.
Il désira un compagnon, un animal qui allait le distraire et lui
redonner le sourire.
Il
exigea d’avoir avec lui un gentil furet. Il savait qu’on ne lui
refuserait pas cette incroyable demande. Il avait hésité entre un
renardeau et une fouine. Rien n’était trop beau pour lui et il en
profitait. Il obtint son petit carnassier qui pour lui passer le
temps fut enfermé dans une cage au pied de son lit.
L’enfant
se lassa vite de cette pauvre petite bête qui dépérissait dans sa
prison. L’odeur fut vite insupportable tout autant que les bruits
que le furet faisaient toute la nuit. La santé du garçonnet
s'aggrava par manque de sommeil. Les parents, incapables de prendre
une décision contraire au désir de l’enfant, attendirent que le
malade lui-même réclamât que l'on sorte l'animal de sa chambre
pour enfin assainir la pièce et libérer la malheureuse bête. Le
furet retrouva avec joie sa liberté et se mit à courir tout à son
aise !
Le
temps passa encore, l’enfant était au plus mal. Il réclama, cette
fois, un bel oiseau, pour égayer sa chambre. C’est un rossignol,
ce merveilleux chanteur qu’il lui fallait sans la cage sur sa table
de chevet. L’oiseau, capturé dans la forêt voisine, fut enfermé
à son tour dans la chambre de l’enfant.
Quelques
jours plus tard, le beau chanteur avait perdu sa voix et ses plumes
se ternissaient. La prison était pour lui un supplice. Il regrettait
sa forêt et sa liberté. L’enfant oublia vite ce compagnon
silencieux. Les parents une fois encore attendirent qu’il demande à
en être débarrassé pour libérer l’oiseau qui retrouva alors sa
forêt et sa voix.
Les
deux cadeaux avaient été deux échecs. Le gamin était si faible
qu’il n’avait plus ni l’envie ni la force d’exprimer un
caprice nouveau. Il se laissait dépérir, ne mangeait plus ; il
s’en allait doucement. Ses parents, au désespoir, avaient renoncé
à tout recours : ils passaient leurs journées au chevet de
leur cher enfant.
Un
matin, son état empira plus encore. L’enfant était si faible
qu’il était presque impossible d’entendre son souffle de voix.
Dans un soupir il dit : « J’aimerais revoir mon petit furet
et mon beau rossignol ! » Aussitôt, les parents lui promirent
de les faire revenir. L’enfant, dans un sursaut d’énergie, se
souleva et dit : « Oh, non, je ne veux pas les voir malheureux
dans leur prison. C’est dehors, en liberté, à ma fenêtre que
j’aimerais les voir et les entendre avant de quitter cette terre
! »
Inutile
de vous dire l’effet que provoqua cette requête. Cette fois, les
parents étaient incapables de satisfaire cette ultime volonté. Leur
enfant réclamait quelque chose qui ne peut se faire. Sa demande ne
pouvait ni s’acheter ni s’obtenir par la contrainte. Ils lui
avouèrent qu’ils ne pouvaient réaliser son désir. L’enfant
esquissa un sourire ; c’était la première fois que ses
parents lui disaient NON.
Trop
affaibli , il allait sombrer dans l’inconscience quand il se passa
quelque chose d’extraordinaire. Un homme qui savait des secrets de
la nature, un druide eut vent du désir de ce petit malade. Touché
par son ultime demande, il s’empressa d’aller dans la forêt. Il
invoqua les esprits, il chanta, il psalmodia des prières des temps
anciens puis revint souffler quelque chose à l’oreille de
l’enfant.
Quelques
minutes plus tard, un petit oiseau vint frapper du bec à la fenêtre
de la chambre du malade. Posé sur le rebord, le rossignol entonna le
plus mélodieux chant qu’on eût jamais entendu jusqu’alors. Sur
la pelouse, un furet courait en tous sens, heureux d’aller comme
bon lui semblait. Le rossignol s’envola et se posa sur le dos de le
furet.
À
ce spectacle extraordinaire, l’enfant, que le vieux druide avait
placé devant la fenêtre, rit aux éclats. C’était la première
fois depuis si longtemps. Il passa des heures à regarder les
facéties du furet et du rossignol. Puis ceux-ci s’en allèrent
vers la forêt et l’enfant regagna son lit après les avoir salués
de la main.
Chaque
jour, les deux animaux vinrent rendre visite à l’enfant qui
recouvra rapidement des forces et put enfin sortir de sa chambre. Il
avait retrouvé goût à la vie : il avait compris que les plus
belles choses ne sont pas celles qu’on réclame mais celles qu’on
va chercher soi-même. Le rossignol et le furet cessèrent de venir
quand ils comprirent que l’enfant était désormais capable de leur
rendre visite dans les bois.
Ce
fut ainsi que, chaque jour, il arpenta la forêt, observant les uns
et les autres, découvrant des merveilles. Il oublia bien vite sa
maladie et cessa d’être capricieux. Il avait trouvé sa voie. Il
fit des études de botanique et passa sa vie à faire découvrir la
faune sauvage et la flore aux enfants.
C’est
ce vieux monsieur, mon cher Pitchoune qui me raconta son histoire. Un
rossignol voletait au-dessus de sa tête tandis qu’un furet
pointait le bout de son museau en dehors de son terrier. J’aurais
aimé que Victor fut là lui aussi pour retirer le casque toujours
vissé à ses oreilles et écouter cette belle aventure. Puisses-tu
la lui faire entendre, mon brave Pitchoune, les enfants aujourd’hui,
ont bien du mal à écouter les récits des anciens.
Miraculeusement
sien.
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