lundi 30 novembre 2020

Retour de flammes


Boute et Couvre sont dans un brasier…

 



    C’est l’éternel combat du bien et du mal auquel se livrent ces deux groupes humains depuis qu’un peu après la nuit des temps, un membre du clan Boute s’est emparé de deux silex qu’il a frappés l’un contre l’autre. De ce simple geste, l’homme s’est senti tout feu tout flamme, se voyant déjà un grand avenir sur la Terre. Dans la lignée Couvre, on est plus circonspect : c’est dans la nature pré-humaine de refroidir toute forme d’optimisme tout en essayant d’éloigner le risque potentiel d’un embrasement général.

    Immédiatement, ça a jeté un froid dans une amitié qui jusqu’alors, les rendait inséparables. Ils étaient toujours de mèche avant cet incident qui mit le feu aux poudres affirmèrent leurs compagnes qui curieusement ignoraient tout de ces éléments de langage. Il faudra bien des siècles pour éclairer leurs propos prémonitoires. Mais laissons-cela aux historiens sérieux et penchons-nous plus avant sur ces prémices de la Guerre du Feu.

    Les membres du clan Couvre dont c’était le tour de tenir le rôle de chef de tribu se montrèrent particulièrement fermes. Ils interdirent à tous les membres de leur communauté humaine de sortir la nuit venue. Le patriarche Boute vit là une manœuvre pour contrer son invention qui éclairait d’un jour nouveau l’aventure humaine. Le débat fit rage, le baptême du feu commençait de fort mauvaise manière.

    L’amour vint se mêler à la querelle. Un homme Boute se consumait d’une passion secrète pour la compagne de son voisin Couvre qui en tant que chef, ne désirait pas pratiquer l’échangisme. Il accusa sournoisement son adversaire d’avoir le feu au cul, il convient de dire ici que sa découverte lui était montée à la tête. La suite fut d’ailleurs du même tonneau.

    Les deux femmes dont naturellement les hommes n’avaient nullement demandé leur sentiment, jetèrent de la graisse de mammouth sur leurs foyers respectifs, histoire de mettre un peu d’huile dans les rouages. Bien mal leur en prit, l’intérieur de la caverne fut envahi par une fumée épaisse. Beaucoup toussèrent et l’on redouta immédiatement une mauvaise grippe. Par mesure sanitaire, il fallait séparer le clan en deux, d’autant que douze personnes dans un espace aussi restreint, cela risquait d’aggraver la situation.



    C’est le clan de Couvre qui prit la poudre d’escampette laissant le soin au chef des Boute et aux siens d’installer de lestes barrières devant l’entrée afin d’éviter leur retour.  Pour le clan de Couvre, ce fut le début d’une longue errance à la recherche d’un nouveau foyer. Sans le secret des Boute, l’existence devint rapidement insupportable. S’étant réfugiés autour d’une vaste étendue d’eau, ils durent en convenir ; il n’y avait pas le feu au lac et pourtant le temps pressait.

    Le plus sage des Couvre la mort dans l’âme dut se résoudre à envoyer un représentant auprès du clan ennemi pour obtenir le précieux secret. C’est un enfant qui fut tiré à la courte paille pour aller mettre la main et rapporter son secret. Si le gamin se brûla les doigts, il réussit néanmoins à amadouer le monstre avec de l’amadou. De retour auprès de son clan, il leur enseigna une nouvelle manière de dompter le feu.

    Chacun pensa alors que le partage de la découverte allait sonner la paix des braves. Cet espoir fit long feu. Les membres du clan Boute, firent feu de tout bois, brûlant tout sur leur passage dans le feu d’une action qui n’avait aucun sens. C’était totalement absurde ; leur nouvelle puissance de feu leur ayant donné des envies de domination.

    Tout au contraire, dans la lignée de Couvre, le feu fut rapidement sacré. On le confia à des prêtresses pour le conserver précieusement et n’en user qu’avec parcimonie. Un rituel s’installa, on y célébrait le mystère de ce feu qui réchauffe les âmes tout en portant en lui le risque d’embraser la planète. C’est là que naquit le concept fort discutable du feu bienveillant de Dieu et la fournaise du Diable.

    La suite hélas exprima sans nul doute la victoire de Satan. Entre les descendants des Boute et ceux des Couvre, ce fut une guerre permanente. Ils mirent la Terre à feu et à sang, laissèrent sous la cendre bien des braises qu’un simple souffle ravivait. On ne joue pas impunément avec le feu, les humains n’eurent pas la sagesse de trouver une voie médiane entre les Boute-feux et Couvre-feux.

    Aujourd’hui encore, leurs batailles font des étincelles, chacun espérant retirer les marrons du feu pour au final, mourir à petit feu d’un virus à qui des apprentis sorciers ont donné le feu vert pour importuner les braves gens. Puissent ceux-là au moins monter sur le bûcher afin de refroidir toutes les querelles de l’heure. Le feu serait alors rédempteur. Il serait grand temps de faire la part du feu.

    Anthropocentriquement leur.




dimanche 29 novembre 2020

Le silence des fourbes

 Le réflexe mémoriel

 




    Un professeur tué, une agression aussi sordide qu'épouvantable qui réveille le réflexe de nos dirigeants : l'exploitation à tout prix ! Le malaise social, les problèmes culturels, la difficulté à accepter l'autre, la perte des repères et de la tolérance, tout peut donner sens à ce drame. Pourtant, la priorité ministérielle demeure l'utilisation du fait divers au service du pouvoir.

    Une communauté scolaire souffre et rien ne remplacera celui qui est parti. La douleur sera leur lot quotidien, il faudra, un temps, y ajouter le feu des projecteurs. Rien n'épargne les pauvres gens quand l'intérêt supérieur de l'état est en jeu.

    Lors de ses allocutions à la nation, notre merveilleux président a réactivé le mot « Fraternité ». Parent pauvre de notre réalité républicaine dans sa cinquième version, ce mot, si éloigné des valeurs libérales, devait être réactivé par la classe dirigeante. Les charognards se précipitent sur le cadavre encore chaud pour placer ce pion qui enchantera notre bon Monarque.

    Le ministre de l'éducation Nationale ; porte parole du gouvernement, confond ses fonctions et s'empresse de réclamer une minute de silence pour honorer le nouveau martyre. Il ajoute, avec une opportunité digne des plus grands courtisans :  « Je suggère  aux enseignants d'organiser également des temps de parole pour réfléchir collectivement sur la fraternité, le respect de l'autre et la dignité de la personne humaine."

   La minute de silence est désormais le passage obligé dans bien des enceintes. Tout est prétexte à commémoration, célébration, affliction officielle. Le culte mémoriel, la frénésie de la minute de silence, ce rendez-vous avec soi-même qui supplée à la dissolution de la prière, sont devenus des armes de communication. L'indécence n'a plus de limites.

    Célébrer, Commémorer, Honorer sont devenus les actes essentiels de la bien pensance. Rien de plus légitime si nous nous inscrivions dans une logique tournée vers l'avenir. Hélas, le passé n'est ici qu'anesthésiant du présent, un outil au service d'un dessein archaïque..

    Analyser, Proposer, Construire seraient des verbes plus utiles dans nos lycées et nos collèges. Le mal y est profond, la haine : de l'autre, du différent, de l'adulte, du flic, du professeur, de la société, progresse un peu plus chaque jour. Et cette minute de silence n'y changera rien !

    Le pouvoir n'a nullement l'intention de changer la société. Faire des courbettes et des grimaces en public, respecter un plan communication établi dans un cabinet secret, voilà le secret de la componction officielle. Les professeurs, une fois de plus se trouvent confrontés à une injonction à la réflexion, à la mémoire, à l'émotion. Une minute de silence assourdissante, une réflexion imposée et simultanée, le devoir plus que la mémoire, le silence plus que la colère, l'obéissance plus que l'intelligence.

    Ce n'est bien sûr pas le moment de ressortir les revendications habituelles : les moyens, le personnel d'encadrement, la sécurité. Ce drame échappe à ces problématiques tout comme il est étranger aux intentions de nos décideurs. Pourtant le mal est fait. Au malheur d'une famille, au traumatisme des camarades et des proches, au désarroi de ceux qui œuvrent dans ce lycée,  nous allons ajouter la publicité, l'impudeur, l'exposition médiatique. Abominable !

    Puisque notre Ministre suggère de réfléchir à la dignité de la personne humaine, je lui propose de mesurer à l'aulne de cette valeur incontournable, ce qu'il vient de mettre en œuvre. J'espère qu'en conscience, il pourra déclarer devant les Hommes que nulle pensée indigne n'a inspiré sa réaction. J'attends …

    Fraternitédignement vôtre.




samedi 28 novembre 2020

Le Maître des eaux et Forêts

 

La Fable de la fable





Il était une fois, en 1664, un homme de plume qui se mit à faire le paon auprès d’une belle et noble dame : la Duchesse d’Orléans. Onze ans auparavant, Jean de la Fontaine, fort d’un tel patronyme, devint maître des Eaux et Forêts, charge dont il n’aura plus que faire en 1672. C’est naturellement qu’il se tourna tout spécialement vers la nature pour écrire ses fables, jouant de ce fameux anthropomorphisme qui le rendit célèbre.


Pour se moquer de la vanité humaine, il se mit à écrire des fables, à l’imitation d’Ésope, un modèle antique en une époque où il convenait de puiser dans le passé si l’on voulait être respecté. Jean ne s’en priva pas, lui qui aimait à profiter de la protection des grands pour vivre aux crochets de ceux-ci. Mais laissons ce travers pour ne nous préoccuper que de ce récit.


En 1668, notre bon fabuliste se paie une belle célébrité en écrivant Le Lièvre et la Tortue. La fable fait le tour du pays, venant aux oreilles de tous les animaux ligériens. En bord de Loire, il n’en va pas autrement d’autant que la Cistude y vit tranquillement. Notre petite tortue d’eau douce se réjouissait de la farce que le grand homme lui avait attribuée. Il faut bien admettre que les lièvres, quant à eux, gouttaient fort peu la plaisanterie. Il en va toujours ainsi entre l’arroseur et l’arrosé.


Sur les rives de Loire, les animaux s’amusaient de ce récit qui s’était propagé comme une traînée de poudre. C’est ainsi qu’un chien de chasse à courre, réputé pour sa vitesse, alors qu’il était à la poursuite d’un cerf dans la forêt de Chambord, parvint jusqu’au port de Saint Dyé. Le dix cors à bout de force se jeta dans les flots et porté par un courant violent échappa à la meute.


Dans les taillis, un lièvre se gaussa de la défaillance des chasseurs, perdant ainsi une proie qui lui était promise. Le chien prit d’autant plus mal l’ironie cuniculaire qu’il venait d’apprendre la fable qu’il récita dans l’instant à celui qui dressait les oreilles. Sur la rive, les éclats de rire fusèrent de partout, y compris du fond de l’eau. Une écrevisse en effet avait écouté le moqueur et se dit qu’il serait bon de lui jouer un vilain tour.


Le crustacé d’eau douce avait l’ironie facile. L’écrevisse réputée à tort d’être une Pince sans rire, aimait à jouer des farces. Elle apostropha le Chien coureur, lui tenant à peu près ce discours. « Mon brave ami, je perçois votre ironie. Vous vous moquez d’autant plus aisément de ce pauvre lièvre que c’est un homme de lettre qui vous a mis dans la bouche cette fable. Vous croyez-vous donc à l’abri de pareille entourloupe ? »


Le chien piqué au vif, lui qui appartenait à une meute royale, se dressa de toute sa grandeur et mit au défit l’écrevisse de tenir avec lui un pari. Il se sentait en tous points supérieurs à cette maladroite, incapable, ne fut-ce, que de marcher droit. Rira bien qui rira le dernier se promettait ce vieux cabot, plus orgueilleux que malin.


Pour pousser à bout son interlocuteur, l’écrevisse qui avait des lettres lui évoqua son congénère le renard, bien plus rusé selon elle que ce pauvre roquet. Le coup avait porté au-delà de ses espérances, le chien en perdit toute contenance et tomba dans l’instant dans le piège tendu. Il consentit, lui l’animal pourtant si réputé pour son flair, aux conditions que fixerait son adversaire en ce duel singulier.


L’écrevisse, animal vicieux s’il en est, proposa au chien courant une course, lui sur le chemin de halage, elle dans le fond de la rivière. La victoire reviendrait au premier qui arrivera à la cale du port au lie- dit le Cavereau, situé non loin de Saint Dyé. Les témoins de la course devant être tout naturellement le lièvre et la cistude. Le seul souci avec la tortue étant de lui laisser le temps de se rendre sur place.


Le lièvre riait sous cape. Il devinait que l’écrevisse, forte de l’expérience de la fable précédente avait sans doute manigancé quelque stratagème pour leurrer l’aboyeur, fort en gueule et peu malin. Rendez-vous fut donc pris, une semaine plus tard pour permettre à la tortue de se rendre sur place.


C’est donc ce délai passé que le chien, le lièvre et l’écrevisse se donnèrent rendez-vous à Saint Dyé. L’écrevisse avait encore la main pour déterminer les modalités de la course. L’animal roublard évoqua en termes pompeux la nécessaire équité de l’épreuve, l’obligation de mettre tous les concurrents à la même enseigne tout comme l’exigence absolue de partir au même signal.


C’est ainsi qu’elle expliqua qu’étant dans l’eau, les sons y circulant d’une manière différente, il convenait de se mettre d’accord sur un signal de départ non équivoque. Laissant par pure forme la possibilité au chien de proposer une modalité à sa convenance et faute d’une proposition de celui-ci, l’écrevisse suggéra au chien de tremper sa queue dans la rivière afin que d’un coup de pince, elle déclenche le signal de la course. Le chien enthousiaste se plia aisément à cette suggestion.


C’est ainsi que le chien laissa traîner sa queue au fond de la Loire. L’écrevisse se fit un devoir de la pincer de plus fort qu’elle put. Aussitôt et malgré la douleur de cette sournoise agression, le chien se carapata à quatre pattes, négligeant toutes les sollicitions extérieures qui avaient joué mauvais tour au lièvre.


Il courra allant jusqu’au bout de ses forces, bien décidé à ridiculiser cette prétentieuse écrevisse. Il avait avalé la distance le séparant du Cavereau quand, à l’instant de franchir la ligne d’arrivée, il vit surgir le lièvre qui lui fit signe de s’arrêter. Le chien obtempéra tout naturellement, on aime à obéir dans la race canine.


Le lièvre, en sourire aux lèvres, les oreilles dressées, le pria de se retourner pour mieux profiter de sa victoire. « Regarde l’ami, d’aussi loin que portent des yeux, tu ne verras pas la queue de l’imprudente. Tu l’as battue à plat de couture, même à la nage, l’écrevisse restera sur sa faim ! ». Le chien s’assit pour mieux jouir de son triomphe. Oui, il allait emporter la plus éclatante victoire qui soit !


C’est alors que l’écrevisse qui s’était offerte une course folle, accrochée qu’elle était à la queue de son adversaire en profita pour se libérer et franchir de sa démarche de guingois la ligne d’arrivée. Elle fit quelques pas et s’installa là, le triomphe modeste. Quand le chien se retourna pour faire le dernier pas, sa défaite était consommée.


La cistude qui avait assisté à la scène se précipita vers l’écrevisse. Entre dames portant carapaces sur le dos, elles devaient se congratuler. L’une contre l’autre avaient triomphé de la légèreté et de la vélocité de leurs adversaires. Il ne suffit pas d’être mieux doté par la nature pour empocher la mise, il faut encore faire bon usage de ses capacités sans en omettre une seule. La sagacité n’est certes pas ce qui permet de faire preuve de célérité, mais en dépit des apparences, cette qualité peut s’avérer bien plus utile.


À deux pas de là, Jean de La Fontaine buvait du petit lait. Non seulement sa fable avait eu grand succès mais elle faisait des émules. Que son apologue puisse ainsi être repris en ricochet en bord de Loire n’était pas pour lui déplaire. Il en était si fier qu’il voulut célébrer ce grand moment en retournant le soir même au Château de Chambord. Il grava dans le tuffeau sa signature pour qu’une trace à jamais célèbre le triomphe de sa prose.


Voilà, vous savez tout de cette anecdote qui laissa des années durant les archéologues dans l’expectative. Je me suis permis de vous en dévoiler les arcanes car comme chacun sait qu’ici-bas c’est double plaisir que de tromper le trompeur, parole de bonimenteur.


Fabuleusement sien.


 

vendredi 27 novembre 2020

Les sept marches de pierre …

 L'épervière de mon île.

 




    Il y a bien longtemps de cela, dans la région du bec l'Allier, vivait sur une île, alors totalement inaccessible,  un jeune homme que le caprice de l'existence et une destinée étrange avait laissé là, seul au milieu de nulle part. Fort heureusement pour lui, sa prison était assez grande pour receler de quoi pourvoir à sa survie, d'autant qu'il était devenu expert dans l'art de trouver dans la rivière de quoi compléter le quotidien.

    Bien plus tard, quand son histoire commença à être connue, il hérita du prénom de Robinson. Les naufragés ne peuvent échapper à ce patronyme, les hommes manquent souvent d'imagination. Le garçon avait sans doute passé quelques années sans jamais trouver l'occasion de s'enfuir de ce piège auquel d'autres, pour de mystérieuses raisons, l'avaient condamné. Il était parfaitement impossible en cet endroit de regagner une rive. Le courant y était fort, l'eau profonde et Robinson ne savait pas nager.



    Quand notre garçon atteignit l'âge de compter fleurette, il se morfondait sans trop savoir pourquoi sur son petit bout de terre au milieu de l'eau. Il ignorait tout de l'existence de la femme ce qui n'empêchait nullement que ses nuits étaient agitées de rêves aux pulsions énigmatiques. Il lui fallait fuir au plus vite, courir le monde à la quête de ce qu'il ne connaissait pas mais dont il pressentait l'existence au plus profond de son être.

    Robinson (appelons-le ainsi par facilité ou mimétisme) décida qu'il mettrait toute son énergie au franchissement de ce bras d'eau qui le séparait de l'autre monde. Il y avait un goulet plus étroit qui selon lui,  pouvait se traverser en effectuant sept appuis sur des pierres aux sommets plats pourvu qu'elles soient assez épaisses.



    Il partit à la recherche de ces gros rochers qui lui serviraient de planche de salut. Il en trouva six, conformes à ses désirs. Les mener jusqu'à la rive, les pousser dans l'eau pour les aligner parfaitement et les maintenir en bonne position ne fut pas une mince affaire. Robinson pour isolé qu'il était , n'était pourtant pas dépourvu d'intuition. À l'image d'Archimède, dont il ne pouvait avoir connu la science, il utilisa des bras de leviers et des points d'appuis pour réussir ce prodige.

    Hélas, il lui manquait une septième pierre. Il eut beau faire le tour de son domaine, fouiller dans tous les recoins, pas d'autres rochers de calcaire à se mettre sous la dent. Il avait fait tout cela pour rien, c'était vraiment trop injuste. Il en était là de ses ruminations, le cœur encore plus mal qu'avant sa vaste entreprise quand une nuit de pleine lune, un rayon plus brillant que tous les autres, sembla  pointer un endroit précis sur le sable.



    Celui qui vit en symbiose avec la nature accorde plus que tout autre une grande importance aux signes ou aux présages. Robinson avait cette sagesse de croire et vit dans ce rayon étincelant, le signe d'un espoir fou. Il creusa comme le fou qu'il n'allait pas tarder à devenir, il y mit l'énergie de son désespoir. Bientôt, ses ongles ripèrent sur une surface dure, le septième rocher était à portée de main. Son énergie décupla, il fit tant et si bien qu'au petit matin, la pierre était entièrement libérée de sa gaine de sable, posée au fond d'un immense trou.

    La fatigue, la nuit passée à creuser à la seule force de ses doigts l'avaient mis dans un état d'épuisement absolu. Dans un dernier sursaut de réflexion, avant de sombrer dans un lourd sommeil, il se rendit compte que jamais, jamais au grand jamais, il ne parviendrait à sortir ce monstre de pierre du trou dans lequel il l'avait découvert. Il s'endormit en pleurant toutes les larmes de son corps …



    Combien de temps il pleura ainsi, nul ne le saura jamais. Il se peut que des jours et des nuits se succédèrent au rythme lancinant de son sanglot inextinguible. Il coula tant de larmes de ce corps sans espoir qu'à son réveil, une trouée s'était creusée qui rejoignait la rivière. La pierre avait roulé, elle était là au bord de la Loire, prête à trouver sa place au bout de cette chaussée de géant.

    Son réveil fut plein d'enthousiasme. Il se pensait au bout de ses peines. Il se voyait déjà courant la campagne à la recherche de ce mystère qui mettait son sang en ébullition. Il lui fallait faire vite, il voulait s'enfuir de là. Bien vite, sa fougue retomba. Malgré toutes les stratégies qu'il avait élaborées pour survivre depuis si longtemps, aucune ne lui permettait de porter ce rocher au delà des six autres affleurements qu'il avait installés.



    Cette fois, plus de larmes mais un abattement terrible. L'envie d'en finir lui avait traversé l'esprit. Il ne voulait plus rester en cet endroit qu'il maudissait désormais. Quand on est ainsi dans l'impasse, que le précipice est tout proche mais qu'on a le cœur pur et l'esprit naïf, on se met parfois dans les conditions idéales pour que s'accomplisse un miracle.

    Les forces mystérieuses viennent toujours au secours du conteur placé devant un défi insurmontable. Au pied du rocher, préservée par miracle de l'écrasement du colosse de pierre, une petite fleur jaune attira son attention. Que se passa-t-il dans son esprit bouleversé ? Nul ne le saura jamais. Il coupa délicatement la petite fleur et l'embrassa, dernier geste sans doute avant d'accomplir l'irréparable.



    Comme chacun sait mais feint de ne pas le croire, il y a toujours une bonne fée dissimulée quelque part dans des endroits et en des apparences insoupçonnables. La facilité de l'auteur les place souvent en de bien vilaines postures : crapauds ou bien vipères, monstres ou vieilles sorcières, dragons ou oiseaux de malheur. Qu'elle soit ici sous les traits d'une petite fleur va encore accentuer les doutes des incrédules ! Qu'importe puisque c'est la seule vérité qui soit, Robinson embrassa la fleur et une jeune fille blonde et gracile surgit de ce baiser.

    Elle ne prit pas la peine de lui demander ce qu'il désirait le plus au monde. Quand on a des pouvoirs magiques, on se targue aussi de lire dans l'esprit de ceux qu'on veut exaucer . Immédiatement le rocher trouva sa place, la septième, permettant ainsi de franchir le bras et de quitter l'île en quelques pas acrobatiques.



    Robinson refusa ce qu'il désirait jusqu'à peu le plus au monde. Il prit la jeune fille dans ses bras et la serra si fort qu'il comprit dans l'instant la nature de tous ses tourments. La douce fée après avoir passé tant d'années loin du commerce des hommes , fut sensible à la fougue empressée du jeune garçon et s'offrit à lui sans autre forme de préliminaire.

    Tous deux, alternativement découvrirent la feuille à l'envers, dans le même temps s'extasièrent de la plus puissante des fulgurances. L'amour était né là où jamais il ne semblait vouloir s'épanouir. Sur l'île entre Loire et Allier, Robinson et Épervière connurent des jours merveilleux. Leurs ébats firent tant de tapage que bientôt des berges voisines, des curieux vinrent s'enquérir de la raison de tout ce bruit. Bientôt c'est la simple curiosité ou bien des projets moins avouables qui les poussèrent tous en ce lieu, désormais accessible grâce aux sept marches de pierres.

  


 

    Robinson et Épervière repoussèrent aimablement les premiers. Bientôt ce manège fut incessant. Si la jeune fille faisait toujours bon visage et repoussait d'un sourire indulgent les vilains curieux, Robinson sentait poindre en lui les stigmates de la jalousie, de la colère et de pulsions plus violentes encore. Il était tellement excédé qu'il souhaita si fort que la septième marche n'eût  jamais été placée au milieu de l'eau …

    Hélas pour lui, sa bonne fée n'avait jusque là exaucé que deux de ses vœux. La répétition pour le second semble ne pas avoir été prise en compte. Les fées aussi s'accordent quelques souplesses dans le protocole de leur mission. Nous ne lui en tiendrons pas rigueur. Mais cette fois, elle était bel et bien confrontée à une nouvelle exigence qu'elle exécuta promptement.



   La septième pierre disparut aussitôt et l'île de Robinson était à nouveau inaccessible. Sa mission accomplie (chacun sait qu'une fée ne satisfait jamais plus de trois vœux), elle disparut aussi mystérieusement qu'elle était venue. À sa place et en souvenir d'elle, sur l'île, des petites fleurs jaunes surgirent sur le sable et les graviers..


    Robinson venait de perdre à jamais celle qui avait enchanté les plus beaux de ses jours. À vouloir préserver ce don du ciel, il avait repoussé ce qui était à l'origine de son bonheur. Ne coupez jamais la branche sur laquelle vous êtes assis, même si c'est pour éloigner les jaloux et les médisants, les fâcheux et les curieux. À oublier ce précepte élémentaire, Robinson sombra dans la folie et disparut peu de temps après. Mais il nous a laissé sur quelques bancs de sable, de petites et fragiles fleurs jaunes qu'on nomme Épervière de Loire. Ne vous aventurez jamais à les couper, il n'est plus temps de croire aux fées. Préservez cette merveille, ce sera la seule leçon qu'il faut retenir de cette histoire.

    Floralement vôtre.




jeudi 26 novembre 2020

Quand Loire entre en cène

Prenez et buvez !

 




    Soucieux de rétablir la vérité, désireux de remonter aux sources de toutes choses, je me dois de vous révéler la vérité vraie sur un événement qui a changé la face du monde. Tout commença, il y a fort longtemps, sur les bords de la Loire, comment pourrait-il en être autrement ? Nous sommes dans les années cinquante avant celui qui se fit pasticheur, bien malgré lui. Les Romains viennent de mettre le pied et le glaive le long de notre rivière ….

    Mais avant d'aller plus loin, il me faut dévoiler ce que furent mes archives. J'ai découvert, dans une « boire » de Loire : un bras mort, depuis bien longtemps vide d'eau, des manuscrits abandonnés dans un vieux coffre marinier. Depuis, ces textes sont connus sous le nom de manuscrit de la  « boire » morte. C'est d'eux que je tire cet épisode d'une histoire volontairement laissée dans l'oubli pour des raisons que vous comprendrez facilement. Je vous en laisse juges !

    Depuis de longues années, chaque solstice d'été, les représentants des mariniers de Loire se réunissaient en un lieu tenu secret, pour un grand banquet au cours duquel ils édictaient des règles de bonne navigation, des principes de solidarité et d'entraide pour tous les bateliers de la rivière. Ils venaient de l'amont et de l'aval, de Condevincum (Nantes) à Rodumna (Roanne) en passant par Nevirnum (Nevers) et Cenabum naturellement.


   

    Chaque année ils désignaient celui qui parlerait en leur nom devant tous les chefs des peuples vivant en bord de Loire. Leur confrérie réunissait des pêcheurs (déjà) et des mariniers en nombre égal. Ils étaient traditionnellement douze, regroupés en un grand chapitre autour de la table, afin d'édicter les règles de navigation, les obligations d'entraide, le code d'honneur de tous ceux qui circulaient et travaillaient alors sur la Loire. Ils se faisaient fort d'imposer leur volonté tout du long de la rivière et de ses affluents.

    Cette année-là, pourtant, rien se se passa comme à l'accoutumée. Les Romains avaient envahi les différentes tribus celtes. Le pouvoir avait imposé, par la ruse et le mensonge, la présence d'un treizième homme : un certain Lucas, homme à la botte du pouvoir, venu de Lugdunum, une ville qui n'a rien à voir avec notre Loire.

    Le nonce Nilate, chef romain couard et calculateur, l'avait mandaté secrètement pour briser la force de cette confrérie dangereuse qui divulguait des idées de solidarité et de charité qui débordaient bien vite le cadre de la rivière. Il fallait mettre un terme à cette philosophie du partage et de la compassion qui pouvait s'avérer néfaste au pouvoir en place : brutal et égoïste.



    Comment Lucas parvint-il à se faire admettre dans cette assemblée secrète ? Les manuscrits ne le disent pas. Toujours est-il qu'en ce repas sacré, ils étaient treize à table et qu'une étrange ambiance régnait parmi les convives. Quand il fallut désigner le maître de cérémonie, c'est un certain « Marius », fils d'un charpentier de marine qui avait proposé tant d'innovations aux bateaux d'alors, qui fut élu en souvenir de son glorieux père.


    Marius était le plus doux des hommes. Il aurait donné sa chemise à plus malheureux que lui et aurait partagé son manteau en deux s'il avait croisé un mendiant grelottant de froid. Il était pêcheur, d'une rare adresse et avec lui, on avait le sentiment qu'il était capable de multiplier les prises. Jamais son filet ne revenait à vide et il y avait toujours une part pour les pauvres et les malades.

    Un jour, il avait réalisé un prodige. Un marinier s'était noyé et, par un étrange baiser, il l'avait ramené à la vie. Son nom était désormais connu tout du long de la Loire. Il était vénéré des humbles et craint des puissants. Nilate voyait en lui un dangereux subversif, un homme capable de reprendre le flambeau que venait d'abandonner, bien malgré lui, un certain Vercingétorix. Il était plus redoutable encore, car il prônait la paix et la concorde entre les hommes.




    En ce repas annuel, un étrange sentiment animait les convives. Quand Marius partagea la miche de pain noir et offrit à chacun une coupe de ce fameux breuvage qui leur  venait de Rome (seul bienfait de l'envahisseur) , il leur tint un discours d'une rare puissance.

    « Mes amis, mes frères de la rivière. Nous vivons une époque trouble où des forces étrangères veulent imposer leurs conceptions cupides. Sachez rester soudés et solidaires. Que rien ni personne ne vienne jamais entraver l'amitié qui unit le peuple ligérien. Notre Confrérie des gens de Loire doit perdurer au-delà de ces temps obscurs. Elle fédérera les hommes de bonne volonté. Chaque fois que vous vous retrouverez, vous ferez un grand et beau repas en mémoire de moi et en souvenir de cette promesse éternelle ! »

    C'est le moment que choisit le traître Lucas, l'affreux vendu à l'envahisseur, qui, pour quelques pièces en or, dénonça « Marius » et sa troupe marinière. Une cohorte instruite par l'infâme, arriva et s'empara du meneur qui fut conduit à Nilate qui faisait ses ablutions. Il avait horreur d'être dérangé en ce doux moment et excédé, le nonce envoya notre pêcheur de Loire se faire pendre ailleurs.

      Lucas fut accroché en haut d'une vergue, les bras en croix. Il y souffrit un long martyre sans un soupir.  Voilà la triste fin du premier grand personnage de la Loire qui voulut fédérer les énergies et développer un idéal de fraternité pour tous les gens de Loire, leurs femmes et leurs enfants. La confrérie des marchands serait, bien plus tard ,l'expression de la résurrection des valeurs de ce glorieux aîné.

    Pourtant ce message étrange fit son chemin. En empruntant la route de l'étain, il arriva bien vite jusqu'en Palestine. Quelques années plus tard, un autre fils de charpentier reprit une grande partie de ce discours et s'adressa, lui aussi, à des pêcheurs ou  des moutons égarés. On sait ce que devinrent ces belles idées qui étaient nées, quelques années plus tôt, sur le bord de la Loire... mais vous n'êtes pas obligés de me croire ….

    Évangéliquement vôtre.




mercredi 25 novembre 2020

La calomnie.


La langue des oiseaux.



 


    Il était une fois un pays prospère au bord de sa rivière, coincé entre l'eau qui l'abreuvait de richesses et la forêt qui lui donnait tout ce que l'appétit peut espérer. Les gens auraient dû y vivre heureux : ils avaient tout à portée de main en cette ville bénie du dieu Lugus. Mais c'était sans compter avec la médisance, la jalousie, leur capacité à propager de vilaines rumeurs …
    
    Plutôt que de profiter à pleines dents des bienfaits de cette contrée merveilleuse, c'est de la langue qu'ils déversaient leur venin. Ils rechignaient à se saluer les uns les autres, repoussaient d'un mot qui blesse l'inconnu de passage, tournaient le dos à ceux qui ne vivaient pas comme eux et, avec les autres, passaient du temps à dire du mal de celui qui n'était pas présent pour l'entendre.

    Chacun y allait de son extravagance dès qu'il s'agissait d'habiller son voisin, et pas seulement pour l'hiver. Dans cette ville si riche, les bourgeois n'avaient rien d'autre à faire que de  surveiller les laborieux qui travaillaient rudement à les enrichir, tout en aimant à médire de tout et de chacun. L'ennui est un venin mesquin qui ronge les cœurs et brûle les langues ….

    À l'écart de la ville, sur les berges sauvages de notre Loire, un berger solitaire gardait ses moutons. Jamais il ne venait se mêler à ses semblables. Il vivait en ermite, se contentait de sculpter des bois noueux qu'il donnait aux enfants qui couraient dans les parages. Il était adoré des petits et haï par les plus grands qui n'avaient de cesse d'en dire pis que pendre.

    Tous les bruits les plus farfelus circulaient sur son compte. Il avait fait de la prison, venait du bagne de Bou, disposait de pouvoirs étranges, parlait à la rivière, attirait les enfants pour on ne sait quelles inavouables pratiques. Naturellement les parents étaient les plus virulents et déversaient des torrents de propos haineux.

    Un beau jour, dans une conversation fielleuse dont elle avait le secret, une grande dame dont le mari était échevin, prétendit qu'elle savait pourquoi ce vilain berger se tenait ainsi à l'écart de ses frères les hommes. « Il a la lèpre, c'est ce qui explique qu'il s'isole ainsi. Il souhaite cacher à tous sa terrible maladie ! », affirma sans fondement cette mauvaise femme pour le seul plaisir de salir et de faire son intéressante.

    La nouvelle fit le tour de la cité comme une traînée de poudre, d'autant plus facilement d'ailleurs que celle qui avait affirmé la chose était connue de tous et respectée pour son rang. Le pauvre berger se demanda bien pourquoi les enfants soudainement ne venaient plus à lui et que même, chose incroyable pour cet homme simple et bon, ils  jetaient des cailloux à sa vue.

    Il ne se formalisa pas pour autant. Il s'éloigna davantage de la ville, poussa ses moutons vers d'autres pâturages. Seuls les mariniers qui passaient sur la Loire continuaient à le saluer quand ils arrivaient à sa hauteur. Entre gens de mauvaise réputation, on se serre les coudes. C'est du moins ce qu'il y a de mieux à faire …

    Un jour, un chaland, pour une raison quelconque, avait dû mouiller l'ancre à proximité du berger et de son troupeau. Un vieux marin, en mal de confidences ou simplement d'oisive compagnie, vint vers notre berger, tandis que le reste de l'équipage s'affairait sans doute à réparer une avarie.

    « Ami, depuis que je passe sur la rivière, je te vois toujours plus seul et plus loin des hommes. Sais-tu pourquoi en cette ville hautaine on te traite si mal que même les enfants désormais ont peur de toi ? » Le berger avoua au vieux marin n'en savoir rien et avoir pris son parti de ne pas chercher à comprendre.
    
    « On dit de partout que tu es porteur de la lèpre, ce mal sournois qui fait tant peur par ici. À voir ta mine resplendissante, je me doute qu'il n'en est rien et que bien sots sont ces gens qui parlent sans savoir. » « Mais comment puis-je faire pour rompre ce cercle vicieux de la médisance ? » interrogea le berger qui avait fort mal pris la nouvelle.

    « Je pense qu'il ne sert à rien de parler aux oreilles des hommes de ce pays. Ce n'est pas pour rien que de partout sur la rivière on dit d'eux que ce ne sont que des chiens ! Leur cœur est en pierre ; la langue des hommes ne les amadouera pas. Je connais la science des bergers pour la langue des oiseaux. Je te donne ce pipeau et chaque fois qu'un vilain s'approchera, tu lui siffleras une douce mélodie ! »

    Le berger prit l'instrument et fit comme le  lui conseillait ce vieux marinier, marqué par le poids des ans et porteur d'une immense sagesse. Bientôt les pierres cessèrent de voler près de sa tête. Dans la ville, le bruit circula bien vite que le berger n'était pas malade, qu'il ne l'avait jamais été et que c'était cette affreuse dame, femme d'un échevin, qui avait propagé la perfide rumeur.

    Dans nos villes, on est bien vite chargé de tous les fardeaux, pourvu que l'on vive différemment. Pour échapper à ce fléau du qu'en-dira-t-on, il faut être paré des oripeaux de la célébrité. Les artistes échappent à la malédiction des marginaux, pourvu que le bourgeois puisse s'accoquiner à son contact.

    De cette histoire ne cherchez nullement à tirer une morale. Tout ce que vous pourriez en dire, ne serait, de l'avis même de notre berger, que du pipeau. Jouons un petit air de flûte et écoutons chanter les oiseaux, cela nous évitera de nous prendre de bec.
    
    Simplement vôtre.


mardi 24 novembre 2020

La Loire : poème de Jean-Pierre Simon

 


LA LOIRE




La Loire est un pays

Qu'habiteraient les bancs de sable

La Loire est un grand puits

Qu'on déplierait sur une table

Tu sais, quand le fleuve s'attarde

Sous des étés toujours trop chauds

Le sable creuse des lézardes

Et la Loire se fait ruisseau.

 



La Loire est un soleil

Où le jour vibre au gré du vent

La Loire se réveille

Les ponts gémissent de son chant

Tu sais quand le fleuve se gonfle

les hommes ont la grand peur de l'eau

C'est l'hiver que les glaçons ronflent

Et la Loire fait le gros dos.

 



La Loire est un grand livre

Aux pages en forme de château

La Loire a su bien vivre

En des temps qu'on disait royaux

Tu sais quand le fleuve est l'histoire

Qu'il nous parle de ses bateaux

Les plus belles villes sont en Loire

la Loire c'est comme un berceau.

 



La Loire ne craint personne

Elle sait lire dans nos maux

Gravés aux piles des ponts qui tonnent

Sous les débâcles et sous le flot.

Le jour où nous ne serons plus

La Loire gardera nos bateaux

Si rien de l'homme n'était plus

Resteraient la Loire et son eau.

Tableaux de Félix Vallotton
 



lundi 23 novembre 2020

Les Aquadiaux

 


Les Aquadiaux




Suivez donc Les Aquadiaux

Qui vagabondent sur les grèves

À la recherche d’un bateau

Pour vous conduire dans leurs rêves

Au petit matin en douceur

Ils vous croiseront en chemin

Laissez-vous guider par le cœur

Dans l’univers des baladins


Embarquez avec eux

Pour un curieux voyage

Ce ne sont que des gueux

Partis sans un bagage

Ils vous enchanteront

Le temps d'une ballade

De contes et de chansons

Dits à la cantonade


Suivez donc Les Aquadiaux

Qui vagabondent sur les grèves

À la recherche d’un bateau

Pour vous conduire dans leurs rêves

Comme dans ses aquarelles

C’est sous un beau ciel étoilé

Que Jacques deviendra ménestrel

Pour ses compagnons mariniers



Quand un souffle de vent

Venu de l'Armorique

Lui offre dans l'instant

Des notes de musique

Un doux parfum de sel

Mêlé de gentiane

En deux battements d'aile

Le conduit en Bretagne.



Suivez donc Les Aquadiaux

Qui vagabondent sur les grèves

À la recherche d’un bateau

Pour vous conduire dans leurs rêves

Au son de son accordéon

Benoit sera leur capitaine

Pour accompagner les chansons

De ses mélodies qu’il égraine


Avec un grain de sable

Va surgir une étoile

Pour que Merlin, affable

Pourchasse le diable

Une fée infortune

Sur une île de Loire

Redevient une femme

Au dernier croissant de Lune


Suivez donc Les Aquadiaux

Qui vagabondent sur les grèves

À la recherche d’un bateau

Pour vous conduire dans leurs rêves

Sans même qu’on le lui demande

Nabum se perd dans le lointain

À la poursuite des légendes

Du grand pays ligérien

 






dimanche 22 novembre 2020

Je vois la vie en prose.

 

Envers et contre tous !



Écrire à tout propos, écrire sur tout et surtout sur presque rien, pour un oui et essentiellement pour un non, écrire à n'en plus pouvoir et croire que par les mots couchés sur le papier, par la volonté de tourner la phrase, de faire du beau avec de l'ordinaire, je peux ouvrir des lucarnes vers un ailleurs différent.


D'une sortie sur la Loire, d'un match de rugby, d'un incident scolaire, d'un désaccord politique, je tire parti pour écrire à n'en plus finir quelques phrases bien senties, curieusement dirigées parfois contre des gens que j'ai dans le nez ! L'expression vacharde me va comme un gant de boxe, l'adjectif sarcastique, le substantif agressif, la tournure assassine me font le plus grand bien. Je doute néanmoins que tous les missiles atteignent leur but, ce n'est pas là l'essentiel !


J'ai le billet amer, j'ai la bile tout autant et je vomis souvent des torrents de griefs. Je n'en suis pas fier, c'est ainsi, il n'est guère aisé de maîtriser sa plume et un penchant naturel contre la vilénie. Je me cache alors derrière quelques termes obsolètes ou simplement désuets que***dont) j'use non par maniérisme, par un goût profond pour la survie de l'espèce ; celle des entrées francophones dans le petit Robert, la seule référence qui trouve grâce à mes yeux.


Je vois la vie en prose et lorsque je m'aventure sur les chemins escarpés du vers, je vois double, je sue sang et eau pour résultats si médiocres, qu'il faut bien vite oublier l'envie inaccessible de chatouiller la muse. Je me contente alors du verre et du vers. Joyeux homonymes qui se satisfont d'écrire comme l'on parle sans savoir qu'il est possible de mettre des pieds à sa langue.


Alors j'avance d'un pas libre, débarrassé de toute contrainte formelle, je laisse aller les doigts sur le clavier sans me faire le plus petit croc en langue. Quoique la chose n'est pas tout à fait exacte, la faute guette le manant au tournant d'un accord ou d'une faute d'usage. Je n'ai jamais su accorder mon violon d'Ingre aux exigences ubuesques de dame orthographe, et d'usage je n'en ai guère, ceux qui me supportent encore vous le diront bien volontiers.


Cette vie en prose exige que l'on veille à rectifier errements lexicaux ou grammaticaux. Il faut dame patiente pour relire la production incessante et grande disponibilité pour satisfaire le redressement quotidien de billets de travers. Ce sont les petits secrets de l'envers du décor, côté jardin, ça va encore mais comment faut-il écrire cet autre côté qui se plait à satisfaire à tant d'homonymes ?


Le plus étrange c'est que je fais profession d'enseigner le français moi qui ne domine nullement sa pratique quand il s'agit de le coucher dans la rectitude d'un code établi justement pour séparer le bon à rien du lettré. Je ne suis qu'un être de façade, mes mots ne sont sortables que par le charmant truchement d'une « redresseuse » de fautes sans que j'exprime la plus petite envie de battre ma coulpe.


Si je vois la vie en prose, combien d'entrevous voient rouge à la lecture de ces billets indociles, de mes commentaires irrespectueux, de mes portraits alambiqués et de tout ce tintouin dont je vous abreuve chaque jour ? Je leur en demande pardon !


Quant à ces quelques-uns qui prennent un curieux plaisir à venir souvent consulter cette prose, je vous sied gré de votre patience, j'admire votre indulgence et je loue votre mansuétude. Vous avez une fois encore supporté le verbiage sans queue ni tête de votre serviteur. Faut-il pour autant vous en féliciter ?


Je ne doute pas une seconde que vous ayez aussi face cachée pour expliquer votre perversion étrange, cette assuétude à la lecture qui encourage l'incroyable prétention que peuvent avoir tant d'autres à écrire sur la toile !



Prosaïquement vôtre.


 

vendredi 20 novembre 2020

Châtaignes dans les bois …


Le patrimoine disparu.


    L’automne apporte son lot de petites réminiscences de l’enfance. La sortie aux champignons, la chute des feuilles dont quelques beaux spécimens finissaient dans le cartable pour une activité quelconque : peinture ou bien sciences naturelles comme on disait alors, la grillée de châtaignes autour d’une boisson chaude et de quelques histoires. À chaque fois, revient en mémoire cette belle comptine d’alors :



Colchiques dans les prés


Colchiques dans les prés 
Fleurissent, fleurissent 


Colchiques dans les prés 
C'est la fin de l'été

 
La feuille d'automne 
Emportée par le vent

 
En rondes monotones 
Tombe en tourbillonnant 



Nuage dans le ciel 
S'étire, s'étire 


Nuage dans le ciel 
S'étire comme une aile 


La feuille d'automne 
Emportée par le vent

 
En rondes monotones Tombe en tourbillonnant 



Châtaignes dans les bois 
Se fendent, se fendent 


Châtaignes dans les bois 
Se fendent sous nos pas 


La feuille d'automne 
Emportée par le vent 


En rondes monotones 
Tombe en tourbillonnant 



Et ce chant dans mon cœur 
Murmure, murmure 


Et ce chant dans mon cœur 
Murmure le bonheur 


La feuille d'automne 
Emportée par le vent 


En rondes monotones Tombe en tourbillonnant

 
La feuille d'automne 
Emportée par le vent

 
En rondes monotones 
Tombe en tourbillonnant


    Chantant ces paroles en fin de soirée lors d’un spectacle, je me rendis compte, abasourdi que rares étaient ceux qui parmi les adultes présents se souvenaient des paroles dans leur entièreté. Aurions-nous à ce point effacé notre patrimoine culturel pour faire place dans nos mémoires si peu actives, à des informations éphémères et sans importance ? Poussant la chansonnette plus loin, j’entamai un trois jeunes tambours qui sonna creux dans l’assistance. La fille du roi avait sans doute perdu la tête lors de la Révolution numérique.



Trois jeunes tambours


Trois jeunes tambours s'en revenaient de guerre (bis)
Et ri et ran, ran pa ta plan.
S'en revenaient de guerre !

Le plus jeune a - dans sa bouche une rose (bis)
Et ri et ran, ran pa ta plan.
Dans sa bouche une rose !
La fille du roi était à sa fenêtre (bis)
® + Était à sa fenêtre !
Joli tambour, donne-moi donc ta rose (bis)
® + Donne-moi donc ta rose !
Fille du roi, donne-moi donc ton cœur (bis)
® + Donne-moi donc ton cœur !
Joli tambour, demande-le à mon père (bis)
® + Demande-le à mon père !
Sire le roi, donnez-moi votre fille (bis)
® + Donnez-moi votre fille !
Joli tambour, tu n'es pas assez riche (bis)
® + Tu n'es pas assez riche !
J'ai trois vaisseaux dessus la mer jolie (bis)
® + Dessus la mer jolie !
L'un chargé d'or, l'autre de pierreries (bis)
® + L'autre de pierreries !
Et le troisième pour promener ma mie (bis)
® + Pour promener ma mie !
Joli tambour, dis-moi quel est ton père (bis)
® + Dis-moi quel est ton père !
Sire le roi, c'est le roi d'Angleterre (bis)
® + C'est le roi d'Angleterre !
Et ma mère est la reine de Hongrie (bis)
® + La reine de Hongrie !
Joli tambour, tu auras donc ma fille (bis)
® + Tu auras donc ma fille !
Sire le roi, je vous en remercie (bis)
® + Je vous en remercie !
Dans mon pays y en a de plus jolies (bis)
® + Y en a de plus jolies !


    Inutile de vous dire que les quelques enfants présents ignoraient tout des paroles qui pourtant étaient connues de tous dans un passé pas si lointain quand la population faisait nation en disposant d’un patrimoine commun. Il y a bien des chansonnettes qui faisaient alors lien social, réunissant le temps de quelques notes, ceux qui avaient encore quelque chose à partager. Qui se souvient maintenant de Jeannette qui pleure son amoureux pendu ou de la belle fille qui aime le petit cordonnier ?



Aux Marches Du Palais

 

Aux Marches Du Palais
Aux Marches Du Palais


Y a une tant belle fille lon la 
 Y a une tant belle fille

Elle a tant d'amoureux (bis)
Qu'elle ne sait lequel prendre lon la (bis)

C'est un petit cordonnier (bis)
Qu'a eu la préférence lon la (bis)

Un jour la lui chaussant (bis)
Il lui fit sa demande lon la (bis)

La belle si tu voulais (bis)
Nous dormirions ensemble lon la (bis)

Dans un grand lit carré (bis)
Couvert de toile blanche lon la (bis)

Aux quatre coins du lit (bis)
Un bouquet de pervenches lon la (bis)

Dans le mitan du lit (bis)
La rivière est profonde lon la (bis)

Tous les chevaux du roi (bis)
Pourraient y boire ensemble lon la(bis)

Et nous y dormirions (bis)
Jusqu'à la fin du monde lon la (bis)


    On peut, si on ne veut pas faire chou-blanc, chanter la ritournelle de Zorro qui trouvera bien quelques personnes se souvenant de la chanson qui accompagnait le générique. Pour le reste, chaque génération dispose de son petit lot de chansonnettes qui signalait des séries ou des dessins animés de l’époque. La fragmentation de la mémoire a fait son œuvre pour diviser toujours plus un peuple malléable à merci.


    Cette  volonté de redonner à la mémoire commune, un repertoire de comptines que l’on pensait éternelles sera perçue pour le mieux avec ironie et plus sûrement avec un total désintérêt par les tenants de la mondialisation abrutissante et aliénante. C’est si vrai que dans nos stades d’inculture générale, quand la foule encourage l’équipe nationale, elle n’a d’autre ressource que de beugler une Marseillaise si déplacée dans une telle enceinte.


    Nos amis anglais nous donne la leçon en entonnant des grands chansons traditionnelles tandis qu’il me revient en mémoire la réflexion que souvent des amis québecois me firent en écoutant mes contes et mes chansonnettes : « Toi, t’es un cousin. Pas étonnant qu’ici, ils ne puissent pas te comprendre. Les Français ont bradé leur langue et leur culture ! »


    Voilà pourtant une manière simple de redonner corps à cette nation en partageant une petite dizaine de comptines que nous serions tous capables d’entonner en chœur. En chœur ! Quel plus beau mot pour signifier le partage, la solidarité, la communion, la fraternité. Des notions il est vrai, totalement incompatibles avec l’idéologie que nos dirigeants nous imposent pour le seul profit d’un système qui nous conduit vers le néant.

    Enchantement vôtre.



Ne pleure pas, Jeannette


Ne pleure pas, Jeannette,
Tra la la la la la la la la la la la la,
Ne pleure pas, Jeannette,
Nous te marierons
Nous te marierons
 
Avec le fils d'un prince, ® (bis)
Ou celui d'un baron (bis)

Je ne veux pas d'un prince ® (bis)
Je ne veux pas d'un prince  (bis)

Je veux mon ami Pierre ® (bis)
Celui qu'est en prison  (bis)

Tu n'auras pas ton Pierre ® (bis)
Nous le pendouillerons  (bis)

Si vous pendouillez Pierre ® (bis)
Pendouillez avec  (bis)

Et l'on pendouilla Pierre ® (bis)
Et sa Jeannette avec  (bis)

Sur la plus haute branche ® (bis)
Un rossignol chantait (bis)

Il chantait les louanges ® (bis)
De Pierre et de Jeannette  (bis)



jeudi 19 novembre 2020

Mon école communale.

 

La nostalgie n'est plus ce qu'elle était.

 


 


Je me souviens de mon école communale du temps jadis, quand le jeudi était notre milieu de semaine et que nous travaillions tout le samedi. C'était avant les soubresauts de 1968, les transformations radicales de la vieille France de l'après guerre n'avaient pas encore eu lieu !


Nous étions entre garçons, les filles avaient leur école, espace mystérieux dont nous ignorions tout. Une route nous séparait, bien plus d'ailleurs qu'un simple ruban de bitume mais un monde si différent que nous ne songions même pas à y regarder. Notre cour était bruissante de nos jeux de ballons, de nos parties de billes, des parties échevelées de gendarmes et de voleurs. Ce qui se passait en face, avec des cerceaux, des élastiques et des marelles était si loin …


La dernière année, celle de CM2, nous avions droit, privilège exceptionnel, de quitter la communale, pour aller vivre bien plus loin encore, à l'écart de tout. Un préfabriqué accueillait deux classes, la nôtre et celle des grands du certificat d'études. De grands gaillards qui n'étaient pas passés au collège, le CEG d'alors. Ils avaient échoué là et beaucoup d'entre-eux attendaient d'avoir l'âge pour entrer dans l'école des usines Simca, institution de mon village d'antan.


Nos deux maîtres étaient de récents rapatriés d'une terre lointaine. Derrière eux, nos parents les qualifiaient de « Pieds noirs », nous en ignorions les raisons. Ce que nous savions c'est qu'ils avaient le pied tout aussi chaud que la main droite. Les coups pleuvaient, bien loin des méthodes de leurs collègues des classes en dessous, de merveilleux adeptes de la méthode Freinet auxquels je dois ma vocation d'enseignant.


Le matin, il fallait remplir le poêle à fuel. L'odeur était prégnante, le froid assez vif les nombreux matins glacés. La chaleur finissait par nous envelopper juste à temps avant d'aller nous aérer pour des récréations pù le temps ne nous était pas compté.(Le directeur était si loin !) Les parties de balle au prisonnier avaient remplacé tous les autres jeux de la petite école. Le combat était rude, les fins d'études avaient deux ou trois ans de plus que nous !


Ils en faisaient des tours pendables ces garçons qui avaient bien du mal avec l'école. Des cigarettes plein les poches, des magazines « Lui » dissimulés dans leurs sacs, des pétards et autres mystères dont nous ne comprenions pas tout. Ils nous intriguaient plus qu'ils ne nous faisaient peur. Ils sentaient d'eux-mêmes que nous ne serions pas du même monde et que leur vie se ferait (du moins le croyaient-ils alors) derrière les forges de nos usines automobiles.


Que cette année loin de tout fut une belle année de bêtises et d'aventures folles ! Les douves du château étaient toutes proches, l'hiver fut si rude cette année là que la glace nous servit de terrain de jeu et que les batailles de boules de neige furent notre guerre des boutons, impitoyable et interminable.


Nos deux maîtres n'étaient pas très regardants, ni à la sécurité, ni à la morale. Ils avaient sans doute compte à régler avec le pays qui les avaient abandonnés. Nous connûmes d'étranges défis de jeunes mâles qui se découvrent, se mesurent et se comparent. Ils faisaient semblant de ne rien voir, je doute qu'il en fût vraiment ainsi.


Quand ils reprenaient la main, les claques et les coups de pied au derrière avaient leurs cibles préférées. Les pauvres garçons durent vivre une année de plomb. Mais bons princes, pour assurer notre silence, les deux lascars n'oubliaient jamais de servir tout le monde en tenant sans doute comptabilité de leur généreuse distribution.


Je me souviens encore des cahiers de composition, de ce temps suspendu où nos folies et nos bagarres étaient mises en suspens tout comme la pluie des coups. C'était alors le moment sérieux que personne ne venait contester, pour restituer à nos maîtres ce qu'ils avaient, malgré tout, réussi à nous apprendre.


Je me souviens encore que beaucoup durent passer un examen pour obtenir leur droit d'entrée en sixième. Nous n'étions que quelques-uns à échapper à cette redoutable épreuve. Ceux qui échouèrent partirent vers d'autres voies. La sentence était sans appel et leur destin se scellait bien tôt. Je n'en revis que bien peu de ces garçons poussés vers la sortie avant même qu'ils n'aient l'âge d'aller à l'usine. Cette école n'était pas si merveilleuse que ça !


Communalement leur.


 

Versons une petit lame

  Pauvres couteaux Versons une petit lame Pour tous que nous avons perdus À chaque fois ce fut un drame Ô pauvres comp...