En chamboulant le temps
En bousculant l'histoire
En martyrisant la chronologie
En travestissant la vérité
En défiant la logique
Et en grimant les personnages
Le bonimenteur vous invite à le suivre
Lorsqu'il vous déclare avec gravité :
« Il advint une bonne fois pour toute !
Qu'il vous faudra bien accroire »
Il
y a parfois des confusions qui se jouent des hommes pourvu qu’ils
soient simples d’esprit ce qui est le cas de notre ami Archimède.
Il allait le long du canal d’Orléans, quémandant sa pitance
contre quelques menus travaux quand il fut intrigué par l’état de
désolation d’une vieille ferme en bord de canal.
Le
gentil vagabond, toujours prompt à rendre service quand on lui offre
à boire, à manger et parfois de quoi dormir se dit qu’il devait y
avoir de l’ouvrage dans pareil endroit. Tout malhabile qu’il
était, il ne disposait pas moins d’un courage à toute épreuve
qui lui valait belle réputation dans la région.
Il
s’approcha de l’endroit, vit là une vieille femme éplorée. Sa
maisonnette était envahie par une troupe de rats. Les rongeurs
avaient fait tel carnage qu’il ne lui était plus possible d’entrer
chez elle. Pire encore, alors qu’ils n’avaient plus guère à se
mettre sous la dent, les monstres refusaient de sortir, parvenaient à
mettre en déroute chats, chiens ratiers, belettes et même un renard
qu’on avait fait venir pour l’occasion.
Archimède
se souvint d’un conte que sa grand-mère lui racontait dans son
enfance. Elle avait été la seule à le comprendre, à lui apporter
de l’intérêt et de l’affection. Elle avait surtout peuplé son
enfance d’histoires et de légendes qui, aux dires des gens
raisonnables, avaient perturbé son cerveau. Lui savait qu’il n’en
était rien. Il était différent, voilà tout.
Alors
le gentil diable se mit en demeure de trouver un sureau, de choisir
une belle branche bien épaisse puis après l’avoir coupée, il en
fit une merveilleuse flûte. Tout simplet qu’il était, il savait
fabriquer et surtout jouer d’un instrument de musique. Il
s’approcha du repère des rats, leur joua un air berrichon, une
valse lente qui envoûta véritablement les rongeurs. Ils le
suivirent alors qu’il se dirigeait vers une cuve.
Les
animaux, un par un tombèrent dans le piège qui fut hermétiquement
fermé, laissant à un sort peu enviable ces bêtes à la réputation
délétère. La vieille femme se réjouit de cette délivrance avant
bien vite de se désoler de l’état de sa demeure. Archimède se
mit à l’ouvrage et en quelques jours, il rendit apparence
acceptable à l’intérieur de la fermette.
L’exploit
fit grand bruit dans le pays. Ainsi le gentil idiot était capable de
chasser les rats. Nous étions justement à la grande période de
transport du grain. Les péniches sur le canal étaient chargées les
unes de blé, les autres d’orge ou de seigle afin d’alimenter la
Capitale. Un chargement de céréales est délicat, il menace
toujours de s’échauffer, danger d’autant plus redoutable quand
les bateaux sont en bois. Il faut remuer fréquemment les grains,
prendre des précautions et encore éviter les attaques de rongeurs.
« Que
Archimède vienne donc jouer de la flûte près de nos péniches,
nous serions débarrassés d’un gros souci ! » s’écria un
batelier plus malin que les autres. « Nous n’aurons qu’à
lui donner un peu de goutte et du pain. Il sera bien assez content
avec ça ! » L’idée fit le tour du port de Grignon, on salua
la proposition par un hourra et sur le fait on envoya quérir le
bredin.
Le
joueur de flûte fit son ouvrage mélodieusement. Une fois encore, le
charme opéra. Les rats, à la queue leu-leu quittaient les navires,
descendaient prudemment par la planche de rive avant que d’aller se
jeter, dans la cuve maudite. À chaque péniche débarrassée de
cette vermine, des hourras ponctuaient les notes du flûtiste. Quand
au soir, il n’y eut plus un seul rongeur parmi les grains, les
bateliers levèrent leurs verres à la santé de l’imbécile qu’ils
oublièrent de récompenser.
Archimède,
pour niaiseux qu’il donnait l’impression d’être, se dit que
ces gredins méritaient bien une bonne leçon. Pour qu’elle serve,
il convenait qu’elle soit exemplaire tout autant que symbolique. Il
avait plus d’un tour de fifrelin dans sa musette, lui qui était
passé maître dans l’art de la lutherie. On l’avait pris pour
une bonne poire, il allait leur montrer que le son qui sort de ce
bois-là, n’est pas de nature à complaire aux minotiers.
Il
se mit en action, cherchant cette fois une branche de poirier afin de
fabriquer une nouvelle flûte. Celle-là ne serait pas berrichonne
pas plus qu’elle ne jouerait une valse. Il avait dans la tête une
polka endiablée. Il lui fallait bel instrument pour la proposer aux
bateaux restés à quai tandis que les équipages buvaient à sa
santé.
La
flûte achevée, il souffla dedans. Elle avait un son mélodieux,
entêtant. La mélodie monta dans la forêt et attira dans l’instant
tous les pics verts du secteur. Archimède soufflait, soufflait. La
polka donnait le rythme et les oiseaux battaient la mesure de leurs
becs. Ils se mirent en demeure de percer les bordées des péniches,
juste à la bonne hauteur pour que le grain ainsi libéré puisse
s’en échapper afin d’aller nourrir les poissons.
Il
se dit que cette nuit-là, tandis que les bateliers chantaient des
chansons à bien trop boire dans la taverne de Grignon, à Vieilles
Maisons, les carpes et toutes les brèmes de ce bief firent le plus
beau des festins. Elles mangèrent ce que les rats n’avaient pas eu
le temps de se mettre sous la dent. Ni plus ni moins, car ainsi la
leçon serait profitable sans mettre à mal l’équilibre fragile
des gueules noires, les mariniers du canal.
Les
flûtes qui jouent de la musique disposent de trous pour faire
entendre leur douce sonorité. Les flûtes berrichonnes qui ce
jour-là transportaient des grains se trouvèrent elles aussi
transpercées de part en part. Les oiseaux y étaient allés avec
mesure, les hommes purent ainsi mesurer la portée de leur
ingratitude.
Il
est parfois nécessaire d’enfoncer certaines leçons dans des
crânes indélicats. Ce fut ainsi que la chose se passa cette nuit-là
sur les bords du canal. Au petit matin, les bateliers retournèrent à
leurs flûtes. Ils avaient le sentiment d’avoir chacun un pic vert
qui leur martelait le crâne, c’était peut-être d’avoir trop
bu, c’était aussi de n’avoir pas tenu parole.
Chacun
comprendra comme il l’entend la morale de cette fable. Archimède,
chantonnant gaiement sur le chemin de halage, n’était plus là
pour voir la mine déconfite des marins d’eau douce. Ses pas
l’avaient porté ailleurs afin de proposer ses services. Puis le
travail justement récompensé, il sortit de belles mélodies d’un
instrument de sa fabrication pour faire le monde danser. Si la
musique adoucit les mœurs, elle peut parfois les redresser un peu.
Quand notre Loire, en habit de Lumière Revit au rythme de son glorieux passé Des amoureux aux mœurs marinières En Orléans aiment à se retrouver
Tous ces mariniers au grands chapeaux Se pressent sur le quai pour célébrer La belle rivière au fil de l'eau Pour le Festival de l’amitié Pour les visiteurs, leurs vieux bateaux Parés de leurs habits de fête Invitent la foule des badauds À tenter de faire leur conquête
Ici tous les marins sont d'eau douce Ils ont des voyages plein les yeux Capitaine, matelot ou bien mousse Dans cette foule, ils font des envieux Ils accueillent sans trop de manières Tous les curieux sur leurs gréements Offrant des récits peu ordinaires Qui abolissent à jamais le temps
Des chansons entraînent les curieux Sur des refrains tous à la gloire De ces seigneurs qui étaient les gueux De notre glorieuse marine de Loire Si nos bons vins se laissent boire Tous les coteaux de nos régions Libèrent des récits qu’il faudra croire Lors de soirées sans modération
S’ils se donnent ainsi en spectacle C’est pour que vous ayez le tournis Car sur la Loire, maudit tabernacle On n’a pas à subir le roulis Les amoureux de notre Loire Sur la rivière vont se réunir Pour que bien loin de nos déboires Chacun puisse à son tour la chérir
Quand notre Loire en habit de Lumière Revit au rythme de son glorieux passé Des amoureux aux mœurs marinières En Orléans aiment à se retrouver
Un curieux personnage, barde de son état, se déplaçant à grand fracas de notes et de percussions, flanqué d’un colosse et sa cornemuse, s’arrêta à mes côtés pour me glisser cette curieuse phrase : « Tu es un souffleur de vent ! Ta parole portera toujours au-delà du brouhaha ambiant ! » En quelques mots, Rohan, cette belle âme m’avait indiqué le chemin à suivre, la tête dans les étoiles, loin des contingences du moment.
Le barde de poursuivre : « Dans la multitude indifférente, il y a toujours quelques belles rencontres qui offrent des moments de grâce. C’est à celles-là qu’il convient de s’attacher, sans chercher à toucher une foule qui depuis trop longtemps s’est habituée à suivre, les yeux fermés, les prescripteurs de la culture formatée. » Il est vrai qu’il y avait dans sa voix tant de conviction que je ne pouvais que le croire.
Seul mon orgueil démesuré m'avait poussé à me persuader qu'il était possible de toucher la multitude par quelques belles histoires de Loire. Mégalomanie délirante qui persuade celui qui en est victime, que les mots ont encore une importance dans ce monde de l’image et des apparences. Le diseur est un être à part, un décalé de la modernité, un égaré des temps anciens, un échantillon d’une espèce en voie de disparition.
Rohan alors de poursuivre sa leçon. En parfait saltimbanque, il avait tant à m’enseigner : « Le Souffleur de vent doit suivre son propre chemin sans se soucier du succès ou de la sécurité du lendemain. Il va, en homme libre, là où le vent le pousse. Il s’impose dans la foule indifférente pour y trouver quelques auditeurs attentifs. Les autres passeront leur chemin, haussant les épaules, devant l’artiste, cette fonction devenue totalement déplacée dans un monde de marchands. Les consommateurs ne savent plus entendre, comment veux-tu qu’ils écoutent ! » Le diable avait un drôle de sourire aux lèvres. Je ne pouvais que me laisser envoûter par ses propos.
Il était intarissable sur le sujet. Il reprit la parole non sans avoir ameuté les foules avec son compère Vincent à grand fracas musical : « Tu ne dois pas perdre de vue un point sensible mais déterminant dans l'acte du souffle des vents contraires à la marche de la nef des fous. Tu mènes un acte subversif qui est une des caractéristiques de l'artiste qui joue et jongle avec les mots. Tu es exactement dans ton rôle et n'a point à en rougir. Le conteur n'arrange pas, il dérange, il déroge et s'arroge un droit élémentaire et premier : celui de la parole, celle qui vole, s'envole et survole les contingences du temps, des modes et des usages conventionnels. » J’étais émerveillé par ce qu’il venait de me dire. Le Barde se faisait Merlin et me montrait le chemin.
Après avoir réagi à la remarque d’un quidam par une réplique philosophique au milieu de la foule : « Descartes et Leibniz ont prouvé l'existence de l'intelligence préexistante et succédant à la matière ainsi que l'infini de l'univers, donc la réalité d'une force causale. Il n'y a pas d'effet sans cause et la grandeur de l'effet renvoie à la grandeur de la cause. La vie, l'univers et tout ce qui y est contenu ainsi comme lois et comme principes n'est pas l'œuvre de l'homme, c'est donc celle d'une puissance créatrice qui lui est infiniment supérieure », ce sage se retourna vers moi pour me convaincre encore d’oser suivre la voie qu’il m’a toujours indiquée : « Rien ne t'empêche d'être libre de te trouver sur la voie publique et faire ce que tu dois. A toi de conjurer le sort que t'a réservé le "programme", d'ailleurs je ne pense pas que l'on puisse programmer totalement un électron libre. » C’est ainsi qu’un impromptu naquit au milieu de la foule, les agités du Bouzin sonnèrent le rassemblement pour que le conteur dispose d’un auditoire. La ruse avait fonctionné.
Il était temps pour nous de séparer nos chemins. Le Barde et le sonneur allaient sur scène, le Conteur partait en quête d’oreilles attentives. Rohan me glissa encore une recommandation ou plus exactement un encouragement : « Seule la quête des perles rares qui se présentent en chemin, doit préoccuper le souffleur de vent, cet orpailleur des lisières et des marges. Une seule rencontre, à la marge du flot, suffit à éclairer la journée. Un passant qui prend la peine de retenir une tirade, de comprendre une histoire, d’apprécier une chute sera ta plus belle récompense ! »
Pour parfaire cette merveilleuse leçon de vie, une main gigantesque se posa sur mon épaule. Vincent qui jusque-là, avait écouté son ami, voulut me regonfler le moral. Rien de mieux qu’un joueur de cornemuse pour remplir une outre, fut-elle vide. Avec sa malice habituelle il me dit : « Quand le vent souffle, rien ne l’arrête, pas même les décibels artificiels dont se parent les tenants de l’uniformité. Personne n’entrave la liberté d’une parole qui vagabonde sans se soucier des règles et des convenances, des obstacles ou des interdictions. Le zéphyr est indomptable, fut-il réduit parfois à un simple courant d’air allant à l’envers de la mode ! Le vent n’a ni tribu, ni clan, ni attaché de communication ni impresario. Il souffle jusqu’à décoiffer ceux qui se dressent sur son passage, bousculer les forteresses de la suffisance, abattre les idées reçues : paravent de l’absence de curiosité. »
Les deux lascars reprirent leur rôle. Invités d’honneur de l’endroit, ils faisaient grand bruit dans la foule. La grosse caisse et la cornemuse sont de nature à regrouper le troupeau. Pourtant, ces deux bergers de la fête, avaient laissé sur la rive un curieux mouton noir. Ce n’était pas un oubli, ils savaient désormais que les conseils qu’ils lui avaient distillés lui redonnerait force et courage.
Lui,
c’est… Chut… je tais son nom car c’est le spectacle fantôme du festival
de Loire. Il ne fait pas partie du programme ni des annonces
officielles. Il conte et raconte des histoires où vérité, imaginaire,
temps anciens et événements actuels se côtoient et nous enchantent. Avec
lui un guitariste pour quelques intermèdes musicaux.
C’est à ne pas manquer, quelque part sur les quais du festival de Loire.
Un curieux duo que voilà
qui vous mène par le bout de l'aqueux.
Jacques Duval, lorrain
d'origine, chanteur, musicien, sculpteur, aquarelliste, luthier :
touche à tout sublime fut à l'origine de la conception puis de la
construction de nombre des bateaux qui naviguent désormais sur la
Loire. Son travail fut mis en lumière par la célèbre émission :
« La Course au Trésor ». Il participa à la belle
aventure du groupe La Bouline qui symbolisa le renouveau de la Marine
de Loire dans notre région.
Il chante en s'accompagnant
à la guitare des chants traditionnels de Loire. Il peut reprendre à
l'occasion des chansons connues de tous. Il a surtout à son
répertoire des créations sur ses propres textes ou ceux de son
partenaire, un gars qui a mal tourné et qui ne fait que Bonimenter.
Bernard Ringuet, natif de
Sully, alias C''Nabum, doit à son enfance sur le Boulevard du Champ
de Foire son attirance pour les bonimenteurs, la tradition et la
langue vernaculaire. Il écrit ses histoires qui ne sont pas vraiment
des contes mais plus des nouvelles, des paraboles, des farces sur nos
travers et nos légendes.
Il raconte la Loire, les
animaux, les arbres, les simples gens. Nombreux sont les récits qui
évoquent le Sullias, son pays d'En-France comme il aime à le dire
et à l'écrire. C'est le diable qui sort de son chapeau ; avec
lui tout est possible.
Vendredi 24 septembre
Rendez-vous
17 h pour le seul spectacle du duo fantôme
Du Val et Démon sur la scène du
canal ...
Ne cherchez pas sur le programme
Du Festival de Loire
et
ne comptez pas sur
l'animateur pour vous l'annoncer !
Vous qui sur les bords de ce quai en fête, regardez passer les bateaux de bois, écoutez donc les histoires vraies ou enluminées d'une passion Loire. Les mariniers d'aujourd'hui, rois du Festival, princes des tavernes aux allures étranges ont revêtu les habits des mauvais gars d'antan, ceux-là même qui étaient condamnés à tirer la corde le long de la berge, à pousser la bourde ou à lever la voile quand le vent était favorable. Ils leur rendent hommage parce que leurs glorieux devanciers ont été durant des siècles l'honneur de cette rivière
Ne voyez pas dans leurs manières une nostalgie déplacée, un retour en arrière pour refuser d'aller vers la proue. Hommes ou femmes, ils voguent sur l'onde par amour de la belle dame brume, ce flot tumultueux et étrange qui les aimante. Acceptez de les suivre et d'ouvrir les yeux et les écoutilles ; en vous tournant en cette belle occasion vers ce courant imprévisible et indomptable qui s'ensauve vers le ponant.
Tout a commencé, il y a bien loin de là, du côté des Cévennes. Quelques sources éparses se disputent la paternité de ce long ruban qui au bout de sa course, ira noyer son vague à l'âme dans les parages de Saint Nazaire. Mince filet d'eau, elle prit vite allure et force en descendant de ses collines. Elle ne pouvait naître que d'un ancien volcan, c'est ainsi que dès cet instant elle mit le feu aux poudres et aux passions. L'orgueil la poussa à préférer l'Atlantique alors que la Méditerranée toute proche, lui faisait de l'œil. Mais elle avait déjà caractère bien trempé : on ne peut attendre moins d'une rivière.
Elle roulait alors des épaules, charriait tout ce qui lui tombait sous la main, se faisait torrent impétueux. La belle roulait gros cailloux pour les réduire à sa merci et en faire petits grains de folie. Usante à souhait, elle faisait son lit à la force de son courant, creusant son passage dans des gorges de plus en plus profondes. Par cette érosion folle, elle avançait, filant vers le Nord dans une course échevelée. Là, point n'était question de se glisser sur son dos. La dame n'était encore que bien frêle jeune fille sauvageonne !
Petit à petit, elle se fit adolescente, ne sachant plus trop où donner de la boussole. Elle virait, tournoyait, se faisant méandre pour vous tourner la tête. Elle creusait toujours, mais ce sont des berges plates qui subissaient ses assauts. Quand une rive se faisait tranquille, l'autre savait qu'il fallait subir ses attaques perfides, ses morsures profondes. C'est l'art complexe des boucles de la demoiselle.
Mais de toutes ces voleries, il fallait bien se délester. Elle proposa aux gens du voisinage banc et iles pour couler des soirées heureuses. Fantaisie et rouerie ne l'abandonnèrent pourtant pas. Ces cadeaux, déposés de ci de là, ne cessaient de changer de place et de proposer jolis pièges à qui ne les connaissaient pas. C'est de là qu'elle se fit mauvaise réputation et que beaucoup d'entre vous lui tournèrent le dos.
Plus loin dans sa course désespérée vers un océan qui la dévorerait tout entière, elle accepta de se prêter à la fantaisie des mariniers. Elle toléra leur fréquentation, se gardant bien de rendre leur projet aisé. Elle leur fit bien des misères, mettant en danger leur vie et leurs embarcations. Ce n'est que bien plus loin à l'ouest qu'elle consentit à se faire navigable même si jamais elle ne renonça à leur jouer de mauvais tours.
En son sein, ses pensionnaires coulaient des jours heureux. Poissons de toutes eaux, elle n'était pas regardante. Le saumon, l'alose, le mulet, la lamproie, l'anguille et l'esturgeon venaient de la mer, le brochet, le goujon, l'ablette et les gardons des bords de terre. Ils remuaient de la queue pour affronter les flots, allaient de l'avant ou rebroussaient chemin jusqu'à ce que les hommes décident, navrants et tout puissants, de barrer sa route de quelques vilains murs de béton.
Mais de tout cela, vous n'avez cure. Vous, vous voulez de l'authentique, du véridique, des coups de tabac et des coups de cœur, des raconteries et des rengaines. Alors, n'attendez pas des mariniers qu'ils vous livrent leurs secrets. Prenez plutôt la peine de vous lever au petit matin, d'admirer la brume qui recouvre la belle, d'écouter la faune qui s'éveille et de vous laisser bercer par le doux murmure d'une rivière qui sort de sa torpeur nocturne.
Éloignez-vous des villes, aventurez-vous sur les sentiers qui la bordent. Observez cette vie qui s'agite, ses mouvements d'eau et de sable, ses oiseaux qui peuplent les îles. Ils sont si nombreux que les nommer ici serait trop long. Venez avec jumelles et appareils photos et jamais plus vous ne la regarderez de la même manière. Prenez-bien garde de ne pas la souiller de vos papiers gras et autres immondices que trop de malotrus abandonnent en ses rives. Prenez donc la peine de les ramasser.
Si vous n'êtes pas encore convaincus, c'est au soir, quand un soleil rougeoyant embrase le Ponant que la dame vous tirera par le cœur. Jamais plus belle lumière vous ne verrez. Les feux du ciel se mêleront à l'eau, le bonheur des yeux, l'émotion et la passion Loire qui pour toujours, alors, seront vôtre aussi. Vous pourriez tout aussi bien profiter de l'aubaine pour écouter les contes et les légendes de la belle, même s'il semble que le Festival ne se prête guère à ce désir insensé de s'adresser à votre cœur.
Festivalement sien.
Photographies de Christian Beaudin
Texte écrit par un individu qui ne mérite pas de figurer au programme du Festival