vendredi 30 septembre 2022

Va dans la rivière pour remplir ta laitière

 

Barbote 

 

 


 


Mouve, mouve, mouve le fond

Pour attraper les goujons


Quand arrivaient les vacances

Nous étions tous en transe

Préparant un petit scion

Afin de prendre des poissons

Tout l’été à barboter

Jusqu’aux cuisses étions trempés

Les pieds mouvant le sable

Pour ces proies délectables


Va dans la rivière

Pour remplir ta laitière


Nous y passions nos journées

Sans jamais nous inquiéter

Cette rivière poissonneuse

Pour nous pas dangereuse

Nous savions ses secrets

Ses pièges et ses gués

Nous lui étions fidèles

Ayant grandi tout près d’elle


Va dans la rivière

Pour remplir ta laitière


C’est pour prendre le brochet

Qu’il fallait se méfier

Car dans les culs de grève

Se brisèrent bien des rêves

Le carnassier bénaise

Dans le trou avait ses aises

Gare à celui qui tombait

Certains hélas s’y noyaient


Va dans la rivière

Pour remplir ta laitière


Un petit grain de sable

Un souvenir qui accable

Une pensée à oublier

Pour retrouver la gaieté

D’une joie sans pareille

Pour ces tendres merveilles

Petits goujons en friture

Bien mieux que vos confitures


Mouve, mouve, mouve le fond

Pour attraper les goujons

jeudi 29 septembre 2022

Je t'emmène dans mon château de sable

 

Château de sable




Tandis que dans le Roman : "Pour quelques grains de folie", la chanson "je t’emmène" sert de fil rouge au récit romanesque, elle  fut choisie par un formidable groupe de chants marins : « Les Fous de Bassan du Pouliguen » afin de servir de générique à un spectacle caritatif pour les matelots de la vie. Depuis, elle est entrée dans leur répertoire.


Voici la version transformée elle aussi d’un texte parfaitement adapté à la transmission des beaux messages de vie. La réalité rattrapant ici la fiction pour notre plus grand plaisir. Puissiez vous, vous aussi apprécier cette nouvelle version. Bon vent à tous, sur la Loire ou bien sur l’Océan.





JE T'EMMÈNE


Matelots de la vie

C'Nabum / JJ. Vaugondy


1. Je t'emmène en bateau,

Je te conduis sur l'eau,

Je te laisse la barre,

Pour écrire ton histoire.

D'un fabuleux destin,

Aux amis aux copains,

D'aurevoirs émouvants,

Qu'emportera le vent.

Je t'emmène en chanson,

T'accordant des frissons,

Je te donne à aimer ,

Une mélodie en Ré.

Quelques notes en bagages,

Compagnes du voyage,

Aideront à hisser,

Ou chanter l'amitié.


2. Je t'emmène en copain,

Je te prends par la main,

Je te donne à penser ,

Cette belle traversée.

C'est pour toi mon ami,

Sur qui le mal à dit,

Yeux rivés sur la toile,

La tête dans les étoiles.

Je t'emmène maintenant,

Nous irons de l'avant,

Allant toujours plus loin,

Dans les mêmes recoins.

Balayant la tristesse,

Oubliant tes détresses,

Pour des jours bien meilleurs ,

En des temps enchanteurs.



3. Je t'emmène en bateau,

Je te conduis sur l'eau,

Dans tes songes le soir,

Rêver ta belle histoire.

Tous ces lits d'hôpitaux,

Transformés en bateaux,

Les draps couvrants ton mal,

Tu les chang'ras en voiles.

Je t'emmène en folie,

Matelots de la vie,

Je te donnes à vouloir,

D'autres jours de gloire.

De merveilleux matins,

Quand nous serons marins,

De grandes aventures,

Perchés dans la mature.


4. Matelots de la vie,

Aux mécènes grands mercis,

Infirmières, kinésis,

Médecins, parents, unis.

Tous équipiers vainqueurs,

Merci du fond du coeur,

Pour nos enfants meurtris,

Encore mille fois merci,

Matelots de la vie,

Aux mécènes grands mercis,

Infirmières ,kinésis,

Médecins ,parents, unis,

Tous équipiers vainqueurs,

Merci du fond du coeur,

« Malade ou guéri,

ensemble pour soigner la vie »

mercredi 28 septembre 2022

Les histoires d'amour finissent mal en général ….

 

Les amoureux de Péronville.





Il était une fois, en bord d'une rivière étrange à la destinée curieuse, un jeune homme : Edgard et une jeune fille : Isabelle, qui avaient tout pour vivre heureux et s'aimer tendrement. Mais tout comme le cours de la Conie, la destinée est capricieuse et doit se plier à la topographie de l'existence. Il est des barrières infranchissables que l'homme se plaît à dresser pour séparer les êtres.


La Conie du reste connaissait pareille subtilité de la géographie. Née à Patay de la célèbre nappe phréatique de Beauce, la rivière coulait à la fois vers la Loire et le Loir. C'est une curiosité bien étrange, comme si elle était incapable de choisir dans les bras de qui se jeter. Il en était tout à fait autrement pour Isabelle : mais n'allons pas trop vite en besogne …


Nous sommes aux environs de l'année 1530. Le baron de Péronville était d'humeur belliqueuse. La période était propice pour qui aimait croiser le fer, d'autant que d'affreuses querelles religieuses portaient la discorde au sein même du royaume. Le baron allait guerroyer pour son bon plaisir, tout en faisant le malheur d'Edgard dont le père mourut au service de son suzerain.


Le baron prit Edgard à son service. Il en fit son écuyer, ne se doutant pas qu'il plaçait ainsi le loup dans sa bergerie. Car le méchant homme avait une fille, Isabelle, belle comme le jour et parée de toutes les qualités qui faisaient défaut à son géniteur. La loterie de la génétique est tout aussi fantaisiste que celle des passions …


Quand ils eurent l'âge de sentir la force violente des hormones, Edgard et Isabelle se découvrirent un amour inextinguible. Leur condition respective rendait cette folie impossible : ils en souffraient d'autant plus que leur proximité avivait la force de la douleur et de la privation. Isabelle savait que jamais son père ne consentirait à pareille mésalliance tandis qu'Edgard était toujours à la quête d'un exploit fabuleux pour renverser cette inacceptable injustice d'une naissance trop modeste.


C'est en 1548 que les circonstances lui donnèrent l'occasion de déclarer sa flamme tout en démontrant sa valeur. En juin de cette année terrible, s'il en fut, dans la forêt d'Orléans, une horde de bêtes sauvages et féroces : des loups cerviers, vinrent d'on ne sait où, semer la désolation par tout le pays. Ils avaient attaqué et dévoré femmes et enfants, s'en prenant même parfois à des hommes.


Il fallut se résoudre à armer les paysans-la mauvaise habitude que voilà- et se lancer dans des battues pour extirper le mal de nos campagnes. Naturellement, le baron de Péronville y vit belle occasion de se divertir et de se faire valoir devant tous ces gueux et vilains à qui il allait en remontrer.


Il partit, flanqué de sa fille pour la sortir un peu et lui faire rencontrer de nobles jeunes gens, et de son écuyer dont il ne pouvait se passer. Amateur de vénerie, le baron allait toujours de l'avant. Sa fille, voulant briller aux yeux de son cher Edgard, refusait de rester en arrière. C'est alors que survint l'incident qui aurait dû les faire basculer dans le conte de fée.


Isabelle, sur son cheval, allait bon train, quand sa monture se cabra violemment et désarçonna la belle. Une énorme bête surgit dans l'instant des fourrés et se rua sur la pauvrette. Seul Edgard eut la présence d'esprit de se mettre en travers du monstre. Comme son cheval, en proie à la panique, devenait incontrôlable, le jeune homme, sans hésiter un seul instant , descendit de sa monture pour affronter à mains nues le terrible animal.


Il y eut un tumulte affreux, un corps à corps terrifiant entre un homme et un monstre écumant. Quand les seigneurs de Péronville, Pontault , Brandelon et d'autres encore, arrivèrent sur place, une grande clameur montait des gorges des manants, tous à pied. Edgard, armé de son seul long couteau de chasse, avait égorgé le fauve sous les hourras des rabatteurs et les œillades d'Isabelle qui venait d'être sauvée par son amoureux.



Edgard, se souciant bien peu de ses blessures, alla relever Isabelle pour la conduire à son père, lui déclarant qu'il serait toujours disposé à mettre en péril sa propre vie pour celle de la demoiselle. N'importe quel père eût compris la remarque ; le baron n'était pas homme à se laisser émouvoir. L'exploit de son écuyer n'était qu'un juste retour de sa générosité : l'affaire devait en rester là.


Hélas, Edgard emporté par les circonstances et l'exaltation générale déclara devant le baron, stupéfait, l'amour qu'il avait pour sa belle. C'en fut trop pour ce personnage hautain, d'autant plus qu'il y avait là le jeune sire de Boissay dont il voulait faire son gendre. Il se mit dans une colère mémorable : un courroux si violent que les arbres en tremblèrent.


Il allait frapper son écuyer du tranchant de son épée quand celui-ci s'ensauva, protégé par les paysans et les gens d'armes qui avaient admiré sa bravoure. Il prit la fuite à travers cette forêt qu'il connaissait si bien pour l'avoir arpentée toute son enfance. Le baron appela sa fille pour aller l'enfermer dans une tour de son château. La damoiselle avait, elle aussi, disparu.


Les deux fugueurs devinrent vite amants ! Ils s'étaient réfugiés en un endroit de la forêt où l'on aurait cru que les dieux s'étaient concertés pour y rassembler tous les bienfaits d'une nature préservée. Ils étaient en bord de la Conie et de son onde pure, parmi des fleurs grimpantes, des lichens, des églantiers en fleurs, un tapis de mousse et une petit roche isolée qui surplombait ce décor magnifique.


Soudain, le ciel se chargea d'électricité, le ciel s'assombrit, les animaux, effrayés, fuyaient les lieux. Un tumulte lointain, celui d'une troupe en marche, se fit de plus en plus proche ; le baron survenait avec ses hommes pour châtier celui qui avait sauvé sa fille. Mais, un malheur n'arrive jamais seul et, alors que le tonnerre grondait, que l'orage éclatait dans un vacarme digne des enfers, la plus effroyable des bêtes bondit du rocher où elle s'était tapie.


Elle fondit sur les deux amants encore enlacés dans une troublante fusion. Ils n'eurent pas le temps de se protéger ; ils étaient encore épuisés par les ébats qui les avaient laissés sans force, haletants et comblés. La bête se jeta sur Isabelle et, de sa formidable gueule, lui brisa la nuque ; dans l'instant suivant elle égorgea le pauvre Edgard.


La chronique décrit la bête comme un monstre hideux, un animal aux dimensions énormes, au poil fauve et hérissé sur l'encolure. Elle était, d'après certains témoignages, couverte d'écailles à moins que ce ne fût des taches plus sombres. Sa langue pendait de manière démesurée ; d'un rouge si vif qu'elle semblait venir des enfers. Des crocs dépassaient largement de sa gueule béante. Pour ajouter à l'effroi, ses yeux étaient étincelants. On aurait cru que des éclairs jaillissaient de leurs orbites.


Le ciel se déchaîna, la bête disparut dans un hurlement à vous glacer les sangs à l'instant même où le baron et les siens surgissaient dans la cachette. La Conie était teintée du sang des malheureuses victimes, des cataractes tombaient du ciel, le tonnerre assourdissait les rares témoins de la scène.


Le baron comprit le drame qui venait de se dérouler. Il tomba à genoux devant les corps enlacés et leva les mains au ciel, armé de son épée qu'il voulait vengeresse. Il prononça un juron effroyable, un cri déchirant de haine et de rage, un long hurlement qui ne différait guère de celui de la bête criminelle.


Surpris en cette posture par un éclair qui frappa son épée dressée, il fut littéralement enveloppé de flammes. Jamais on ne vit plus terrible châtiment divin : le corps du Baron disparut. Il n'était plus qu'un vilain tas de cendres et de vêtements carbonisés. Les hommes de son escorte se signèrent, voyant dans son trépas la marque du malin, et portèrent la légende à travers tous le pays.


L'âme du Baron de Péronville avait rejoint Satan : nul n'en doutait ici. Pour continuer de torturer le pauvre monde, deux fois par siècle, tous les cinquante ans, dans la région d'Orléans, surgissait une bête hideuse et féroce qui venait tourmenter les braves gens. Elle réclamait son lot de chair fraîche avant de disparaître mystérieusement. Elle prit le nom de la bête d'Orléans ; elle était sans doute l'âme damnée du maudit baron de Péronville.


 



Quand j'entre dans la danse

 

Quelques évidences

 


 


Quand j'entre dans la danse

Pour quelques évidences

Je décroche la Lune

Tout comme mon infortune

Quand l'univers s'ouvre à moi

Au cœur de tous mes émois

Surgit ma tendre bulle

Délicate libellule 

 



C’est un évidence

Elle me met en transe

C’est une certitude

En béatitude

 



Elle sera ma princesse

Ma si douce déesse

Une fleur épanouie

Un chœur qui enchante mes nuits

Le rêve se réalise

Elle sera ma promise

Le destin qui bascule

En lettres majuscules

 



C’est un évidence

Elle me met en transe

C’est une certitude

Quelle gratitude

 



Nous partageons sans cesse

De merveilleuses caresses

Nous nous embrassons sans fin

En nous tenant par la main

Je découvre ces plaisirs

Qui éclairent son sourire

Une vague de frissons

Nous unit à l'unisson

 



C’est un évidence

Elle me met en transe

C’est une certitude

En toute plénitude

 



Elle me montre le chemin

Celui des plus beaux câlins

Elle se fait libertine

Et tendrement mutine

Elle abat les obstacles

Me guide au pinacle

De toutes ces émotions

Qui nourrissent notre passion

 



C’est un évidence

Elle me met en transe

C’est une certitude

Ma folle assuétude




lundi 26 septembre 2022

Né sur une péniche , une belle coque de noix,

 

Ma vie au fil de l'eau


Version Rohan le Barde







Né sur une péniche , une belle coque de noix,

dans une famille pas bien riche, sur les canaux d'ici-bas.

Nous vivions dans la cabine, qui n'avait rien d'un palace,

ma chambre, c’était la cuisine, tout à bord avait sa place.


Ma vie au fil de l'eau, coule encore dans mes veines,

mon berceau, ce bateau, tous les jours de la semaine.


Puis j'ai appris à marcher, le long d'un pont très étroit

Sans y cesser d'avancer, ma vie poursuivait sa voie.

Mon école fut le canal, la maîtresse, ma tendre mère

l'écluse y sonnait le bal, de la porte marinière *


Ma vie au fil de l'eau, coule encore dans mes veines,

ma maison, ce bateau, tous les jours de la semaine.


Les années ont vite passées le choix je n'avais guère,

j'ai continué le métier, celui de mon pauvre père .

Lui, tout usé par la tâche, trimait du matin au soir

Et ce, sans la moindre relâche, pour un fort maigre avoir *


Ma vie au fil de l'eau, coule encore dans mes veines,

mon métier, ce bateau, tous les jours de la semaine.


Rencontra ma batelière, dans le grand port de Strasbourg

Fille née sur la rivière, l'ai épousée par amour.

Partagions notre misère, la fin des belles années ,

affréter quelle galère ! La fluviale s’échouait *


Ma vie au fil de l'eau, coule encore dans mes veines,

mon amour, ce bateau, tous les jours de la semaine.


Ne trouvai plus de travail, le dus alors débarquer.

Le fret de la route et du rail, finit par nous condamner

Mon Zag eut des funérailles, pour son passé déchiré,

ma vie : un tas de ferraille, notre existence sombrait.


Ma vie au fil de l'eau, coule encore dans mes veines,

mon tombeau, ce bateau, mes nuits à la lune pleine.

dimanche 25 septembre 2022

Quand tout à trac, surgit la claque

 

La claque





Quand tout à trac

Surgit la claque

Le monde en vrac

Félon patraque



Il est des joues

Qu'on met en joue

Pour un bisou

Du sapajou

C'est à genoux

Ce geste est fou

Qu'on frappe un coup

Dessus le cou



Quand tout à trac

Surgit la claque

Le monde en vrac

Félon patraque



Le monde se fout

De ce gourou

Vaut pas un sous

Ni même un clou

C'est un caillou

Pour un voyou

Pas un bijou

Pour ce filou.



Quand tout à trac

Surgit la claque

Le monde en vrac

Félon patraque

Une bonne leçon

Pour ce p'tit con

C'est sa rançon

Odieux démon







samedi 24 septembre 2022

Faire un pont d'or.

 Un Pont d'Or

 

 


 


Juste un petit tour de vis

Pour se remettre en selle

De jolis coups de vice

Sur une passerelle

.

Qui veut battre la pavé

Pour oublier ses soucis

Se refera la santé

En empruntant un duit

.

Un canal chasse l'autre

Pour qui franchit le pont

Lorsqu'un bon apôtre

Brûle ses vieux démons

.

S'éloigne ainsi du chat noir

Un malicieux cabot

A expurgé ses déboires

Sur son curieux bateau

.

Qui traverse la Loire

Esquissera son chemin

Réinventant l'histoire

Pour poursuivre son destin

.

Suspendus à ses paroles

Les spectateurs éblouis

Découvrent les fariboles

Du si gracieux ami

.

Seul le sénateur s'endort

Lors d'un émouvant discours

Pour célébrer le pont d'or

De l'amuseur de la cour

.

La fête sera belle

Pour que l’artificier

Illumine sa naucelle*

En toute fin de soirée

.

Les chevaux tournent en bourrique

En gravissant l'escargot

Le spectacle est unique

Pour les milliers de badauds

.

La belle voile déployée

Le capitaine au timon

Ce prince des mariniers

Demeure un joyeux larron

.

Lorsqu'il lève le torchon

De sa gloire célébrée

L'oubli vide le cruchon

De ses frasques du passé

.

Festival sur la Loire

D'une marque déposée

On célèbre l'illusoire

Du phénix de nos levées

...

 

vendredi 23 septembre 2022

« Prends garde à ne pas te brûler les ailes ! »

 

Le passeur Albatros

Le dernier passage






Il s’appelait Albatros, c’est du moins sous ce sobriquet que tout le monde le désignait. Il était de ces gens dont le nom véritable avait été gommé à jamais par un surnom qui colle si bien à la peau du personnage que plus rien d’autre ne compte. C’était un vieil homme, buriné par une vie au grand air, au regard profond et à la magnifique crinière blanche. Il était trapu, large d’épaules et quelque peu bedonnant. De taille moyenne, il avait des bras à la longueur disproportionnée par rapport à son corps d’où sans aucun doute, ce nom d’Albatros.


Il était le dernier passeur de Loire. L’âge de la retraite depuis longtemps dépassé, il continuait de temps à autre de faire traverser quelques nostalgiques ou bien des enfants comme moi qui redoutaient d’emprunter le redoutable pont suspendu, dont le trottoir s’arrêtait à chaque pile et contraignait les piétons à descendre sur la chaussée. Albatros était devenu mon ami, mon maître en matière de Loire.


Son métier n’était, personne n’en était dupe, qu'un prétexte pour naviguer en toute saison et à toute heure sur la rivière. Plus que passeur, il était surtout braconnier dans l’âme, une sorte de Raboliot de la rivière, un piégeur, pêcheur aux engins, tricheur, fraudeur de la pire espèce pour les gardes. Il était si malin qu’il ne se faisait jamais prendre sur le fait mais rien ne l’empêchait d’accompagner sa traversée d’un paquet embaumant fort le poisson. C’était sans doute la véritable raison qui expliquait qu’il eut encore des clients pour effectuer la traversée. C’était une vente sous le manteau en somme, de poissons de la rivière.


Il n’y avait pas meilleur pêcheur que le vieil Albatros. Il savait tout des habitudes des poissons de chez nous, connaissait les passages des migrateurs, les manières de les saisir par surprise, eux qui étaient tendus sur le seul but de leur voyage, en oubliant même de manger et donc de mordre à quelques leurres sournois. Il passait le plus clair de son temps à observer, à regarder les mouvements sur l’onde, à chercher à comprendre cette vie qui se dérobait à nos regards mais jamais aux siens.

 



Il naviguait en tout sens sur son bassin, coincé entre la fosse de Saint Thibault là où il prenait les gros carnassiers, jusqu’au virage de Bouteille, ce bassin profond et poissonneux. Une dizaine de kilomètres, son domaine, sa Loire privative que nul ne voulait lui contester. Albatros avait d’ailleurs rendu tant de services aux uns et aux autres, promeneurs, baigneurs imprudents, chasseurs en mal de récupérer un gibier tombé hors de portée, pêcheurs embarqués dans une malencontreuse manœuvre, … Pour tous, Albatros surgissait sur son bateau de manière opportune pour venir en aide, donner un coup de main ou bien un conseil.


Il était apprécié de tous et nul n’aurait songé à lui faire noise pour sa conception si particulière du règlement halieutique. Je pense même que les gardes fermaient les yeux sur ses pratiques, ayant eux aussi bénéficié de son savoir, de ses conseils et sans doute de quelques délations qu’il jugeait nécessaires quand la limite avait été outrepassée.


Ainsi en allait-il de son immunité ligérienne. Personne ne la remettait en cause. Le vieux personnalisait la Loire en Sullias, il faisait partie du décor. Il était inconcevable de passer sur la rive sans l’apercevoir sur le flot, baguenaudant, poussant sa bourde sans avoir l’air de faire le plus petit effort. Il faut bien admettre que ses bras, longs comme un jour sans pain, favorisaient grandement son dessein.


Un jour pourtant, le vieux passa de l’autre côté. Il était mort comme il avait vécu, sur sa rivière chérie. On avait retrouvé le bateau amarré tout près de la drague, du côté de Saint Père-sur-Loire. Il semblait dormir sur le plancher de son futreau. Il avait senti sa dernière heure arriver, il avait attaché sa grande barque et s’était endormi une ultime fois en admirant le château et sa Loire.


L’émotion fut grande parmi tous ceux qui avaient eu recours à ses services. Le dernier passeur n’était plus. Il fut convenu de lui octroyer un dernier voyage digne de ce qu’avait été sa vie. Albatros était si respecté que les autorités ne songèrent pas à interdire la curieuse cérémonie que concoctèrent ses amis. Elle reste gravée dans ma mémoire et jamais plus bel hommage ne fut rendu à un amoureux de la rivière.


L’homme était mécréant notoire, il n’avait jamais fréquenté l’office et personnage n’avait songé à lui offrir une cérémonie religieuse. C’est un véritable rite païen auquel eut droit Albatros. Son cercueil fut déposé sur son dernier bateau, deux hommes se mirent à la bourde pour lui faire regagner la rive de Saint Germain. De chaque côté, une foule silencieuse et respectueuse regardait ce dernier passage, chacun devinant que durant longtemps, plus aucun bateau ne naviguerait en ce lieu.


Arrivés sur la cale de Saint Germain, le bateau et son dernier passage, furent hissés sur le quai à l’aide de rondins. Le cimetière de Sully étant tout proche, le cercueil poursuivit sa route sur le même véhicule, toujours en roulant sur le bois. Les hommes qui se chargeaient de cet étrange cortège faisaient en sorte que le mouvement soit lent et le plus silencieux possible.

 



Quelle émotion ! Quel bel hommage. Albatros arriva ainsi devant le trou qui lui avait été préparé à bord de son bateau, son dernier et plus fidèle compagnon. On le mit en terre. Les amis se recueillirent une dernière fois. Ni fleurs ni couronnes sur la tombe mais simplement quelques trophées, des poissons naturalisés parmi les plus gros qu’il avait attrapés et un fer de bourde planté dans un bac de sable de Loire.


Puis, tout le monde revint sur le quai avec la barque désormais vide. Elle retourna à l’eau dans un silence impressionnant. Des hommes répandirent de l’essence sur l’embarcation, une allumette y fut lancée au moment même où elle était poussée dans le courant. Chacun versa une larme quand les flammes s’emparèrent du bateau du passeur qui filait vers le couchant. Dans un ultime clin d’œil du destin, un soleil flamboyant se couchait dans la rivière tandis la barque brûlait dans son prolongement.


Depuis, il n’y a plus eu de bateau de bois amarré dans ce village. Albatros avait été le dernier et le sera longtemps encore. Il reste dans ma mémoire cette image inoubliable d’une barque se consumant dans le coucher de soleil. La Loire avait célébré un de ses plus grands amoureux. La devise inscrite sur son bateau, résonnait alors dans tous les cœurs. Curieusement ce n’était pas un nom comme le font désormais tous les marins mais une phrase chère à notre ami Albatros : « Prends garde à ne pas te brûler les ailes ! » Que voulait-il nous faire comprendre avec cet étrange message ? La Loire a scellé à jamais ce mystère.


 



jeudi 22 septembre 2022

Le bateleur

 

Le bateleur

 


 


Marinier pas batelier

Bateleur pas marieur

Pour celles qu'il a accostées

Ce n'est qu'un vil enjôleur

 



Écoutez la triste épopée

De ce marinier bateleur

Qui de sa sournoise mélopée

Sans honte, dérobait tous des cœurs

 



Profitant des délices de la Loire

Le sournois séducteur sur son pont

Aux dernières lueurs du soir

Invitait la belle d'un air fripon

 



Lui suggérant de belles promesses

Dans l'écrin du soleil couchant

Le coquin envoûte la pauvresse

De son mielleux discours caressant

 



Subjuguée par ce beau spectacle

Troublée par ses déclarations

L'émotion portée au pinacle

Elle s'fait diablesse par passion

 



Il recevra sa défaillance

En accostant l'île du bon désir

La belle sans nulle méfiance

S'offrant à son unique plaisir

 



Il l'abandonne là sans égard

Pour regagner son port d'attache

La pauvre victime l'esprit hagard

Se sent souillée par cette tâche

 



Sa tendre fleur a jamais perdu

Le déshonneur pour la pauvr' enfant

Sur qui incombe, bien entendu

Toute la faute de l'égarement

 



Le lendemain à la même heure

Pour une demoiselle innocente

L'affreux manège du bateleur

Souillera une nouvelle amante

 



Marinier pas batelier

Bateleur pas marieur

Pour celles qu'il a accostées

Ce n'est qu'un vil enjôleur


 

Le mystère de Menetou.

  Le virage, pour l’éternité. Il est des régions où rien ne se passe comme ailleurs. Il semble que le pays soit voué aux...