mardi 31 janvier 2023

Résistance

 

Résistance




Un peuple méprisé s'est mis en marche

Contre celui qui se moque de sa démarche

Refusant cette fois de tendre l'autre joue

Face à monarque Prince des sapajous


Ils sont vingt et mille, la tête haute

Lasser d'enrichir les Argonautes

Banquiers et prévaricateurs

Actionnaires et profiteurs.


La foule entre en résistance

Réclamant droit à l'existence

Sa dignité trop souvent outragée

Le méprisant doit dégager


De par tous le pays ils défilent

En d'interminables files

La sérénité se lie sur les visages

Reprenant des slogans sans ambages


La coupe est désormais pleine

On devine des relents de haine

Pour celui qui n'a eu de cesse

Que de renforcer leur détresse


Ils entendent sauver leur âme

Quitte à devoir verser des larmes

Ils savent que l'odieux tyran

Ira jusqu'à faire tirer dans les rangs


Ils avancent inexorablement

Conscients que dorénavant

Ce sera eux ou bien leurs ennemis :

Les tenants d'un pouvoir honni


La guerre des classes est déclarée

La réforme contrecarrée

La traite et la servitude

Ou la retraite en toute quiétude


La fierté retrouvée dans l'union

Jusqu'à sans doute la sédition

Contre une caste sans humanité

Qu'il convient de court-circuiter


Ils sont mille et beaucoup d'avantage

Ne réclamant nul avantage

Simplement ce qui leur revient

Sacré non d'un chien !

 



lundi 30 janvier 2023

La vache nous confie son dépit

 

Vache

 



Ce n'est pas sa vengeance qu'elle rumine ainsi

Contre tous ces gens qui lui montrent les cornes

La dame reste placide dans sa prairie

Même si les humains outrepassent les bornes


Elle qui se veut tirée à quatre mamelles

N'en fera cependant pas tout un fromage

Refusant simplement de faire la faisselle

Dans son étable ou bien au pâturage


Déplorant alors que tout aille à vau l'eau

C'est encore par dépit qu'elle se plie aux quotas

Acceptant de sacrifier son petit veau

Afin que son don complète tous vos repas


Pour tout remerciement vous jurez très souvent

Oubliant dans l'instant ce que vous lui devez

« Oh la vache » sans le moindre ménagement

Pour celle qui vous a donné son précieux lait


Puis, en ajoutant encore dans l'infamie

Lorsque vous souffrez d'une mauvaise farce

Vous dénoncez cette odieuse vacherie

Sans que la brave bête ne vous agace


 


Encore à votre tour, jouant les bravaches

Sans nulle vergogne, le propos acerbe

Vous beuglez sans distinction « Mort aux vaches ! »

Contre qui, sous le pied, vous coupe l'herbe


Poussant parfois l'horreur à lui faire la peau

La pauvre laitière finira en tapis

Ou bien plus prosaïquement en manteau

À moins que ce ne soit une descente de lit


Gardant sa triste fin pour la bonne bouche

Vous la débiterez en nombreux quartiers

Elle qui pâtissait des affreuses mouches

Se retrouve en boucherie sous forme d'araignée


Le propos n'est pas celui d'une tête de lard

Ceci n'a rien à voir avec sa trombine

Vous pouvez qualifier son auteur vachard

Sous prétexte qu'il défend la race bovine


Regardez la au travers d'un œil de bœuf

C'est le miroir déformant d'une société

Où : qui dérobe une limousine vole un œuf

Sans pour autant en faire une vache 

••• 



dimanche 29 janvier 2023

Le petit Prince sans rire.

 

Rapport disciplinaire

 

 





Je suis au regret de porter à votre connaissance le déplorable comportement du sieur Victor, Petit Prince déchu, brigand des cours de récréation et taquin patenté. Chaque fois que je viens à sa rencontre pour notre séance hebdomadaire d'écriture, le sinistre personnage se dissimule dans la foule de ses camarades en récréation, cherchant à se dérober à ma vue par les plus misérables stratagèmes.


J'en veux pour preuve ce qu'il fit ce jour, mettant un couvre-chef pour se fondre sous le masque hypocrite de l'anonymat encapuchonné, cher à nos délinquants ordinaires. Non seulement, ce mauvais garçon s'est dérobé à ma vue mais en prime, il a souligné sa fuite par un geste déplaisant qui accentue sa faute et son forfait.


Il a fallu le recours du microphone et l'intervention de la cadre éducative pour ramener à moi cette brebis égarée. Le jour du Jeudi Saint, pareil agissement est de nature à courroucer notre seigneur mis en croix le lendemain. C'est d'ailleurs ce chenapan qui eût mérité le sort de notre pauvre martyr pascal !


Le vilain garçon a répondu cependant à l'appel du mégaphone : toutes les voix du Seigneur ne sont pas impénétrables ni inaudibles. Il a non seulement affirmé ne m'avoir pas vu, mais de plus, a refusé de reconnaître ses torts devant sa responsable. Il ajoute ainsi le mensonge, que dis-je, le parjure à l'irrespect. Que Dieu, dans son infinie bonté puisse lui pardonner ce crime !


Je pensais enfin l'avoir à ma disposition quand, une fois de plus, l'oiseau s'est envolé, profitant de la foule pour courir avec son allure chaloupée si reconnaissable. Sachant les mille et une fourberies de l'artiste, je ne fus pas étonné de trouver la salle où nous travaillons ouverte et le plaisantin caché sous le bureau.


Quand je lui fis part de mon exaspération ainsi que de mon désir de coucher sur le papier ses agissements pour établir un rapport circonstancié et affligeant, le petit Prince sans rire prétendit faire la même chose de son côté à mon encontre. N'étant pas sujet à repousser les gageures ou à mépriser les menaces, je le mis au défi de se lancer lui aussi dans sa vengeresse rédaction.


Voilà où en sont arrivées nos relations de travail. D'épistolaire notre travail d'écriture vire désormais à la délation pure et simple : une régression déplorable qui me navre et me consterne. J'espère qu'au moins en son écrit, ce garçon qui mérite une sanction exemplaire, aura assez de talent pour justifier un comportement que je n'hésite pas à juger d'inqualifiable.


J'espère que les portes de l'enfer littéraire lui seront grandement ouvertes afin qu'il aille expier ses fautes, ses fourberies et ses esquives permanentes. Je réclame la plus grande fermeté à l'encontre de cet individu qui, non seulement m'a déçu, mais qui plus est, me traîne dans l'opprobre et le ridicule.


Naturellement je laisse place à la défense et vous autorise à prendre en compte sa version, qui, immanquablement, ne sera qu'un tissu de mensonges et d'inepties. Je vous laisse juge de ces propos, écrits d'une parfaite mauvaise foi quand votre serviteur, use de son légitime droit de délation professorale.


À contre-feu



                               Droit de réponse :

 

Je suis au regret de dénoncer au service qui m'apporte une aide, la violence verbale fictive et les menaces virtuelles qui accompagnent les agissements du soi-disant enseignant spécialisé qui est censé m'apporter son aide.


Même si ses propos sont symboliques, j'en ai vraiment assez de l'entendre revendiquer les vieilles méthodes qui firent jadis leur preuve. Le coup de règle sur le bout des doigts est, à ce titre, son phantasme le plus éculé. Je déplore qu'il ne mette jamais en application ses propos. J'aurais ainsi l'opportunité de le conduire devant des juges afin qu'il cesse enfin de porter le fer dans ce monde si serein quand il n'est pas là.


D'ailleurs, quand je le vois arriver, je suis contraint de me dérober à sa vue. Je tremble à l'idée de ce qu'il va encore me dire, des travaux écrits démentiels qu'il va m'imposer. L'école, comme chacun sait, n'est plus un lieu de labeur ; seul ce personnage semble encore exiger de ses élèves des efforts passés de saison.


J'estime qu'il est impératif de me retirer au plus vite cette rééducation d'un autre temps. J'en ai assez de devoir écrire sous la contrainte avec ce personnage douteux. J'en appelle à votre compréhension pour me retirer cette épine du pied : cette séance désastreuse qui voudrait faire de moi un écrivain.


Je réclame mon droit à la médiocrité et au silence. Ce personnage démoniaque est un danger pour moi et pour les autres élèves dont il a la charge. Nous n'avons que faire désormais de savoir écrire et de nous exprimer convenablement. Il n'a pas compris qu'en agissant ainsi, il nous mettait au ban de nos camarades, il nous contraignait à l'excellence dans un univers qui n'aspire plus, au contraire, qu'à la vulgarité et l'inculture.


À contre-sens


 

samedi 28 janvier 2023

La dame surgie de l'onde

 

La fée aux yeux de lumière






Moi je sais qu’il existe

Quelque part dans ce Val

Une image qui persiste

D’une vision magistrale

Surgie soudain de l’onde

La dame m’ouvrit par magie

Sans que je n’en fus surpris

Les portes d’un nouveau Monde


D’un regard étincelant

Au milieu de la rivière

La fée aux yeux de lumière

M’ensorcela dans l’instant

Sa folle chevelure fauve

Illumina le couchant

M’enlevant jusqu’au ponant

Non loin du port de Mauves


Sortant des flots capricieux

Dans les rayons solaires

Telle une vision éphémère

La belle brillait de mille feux

Elle chevauchait la Loire

Princesse en majesté

Sirène pour l’éternité

D’un récit tout à sa gloire


Elle m’invita à la suivre

Plongeant dans les profondeurs

Elle me prit tout en douceur

De son bonheur, j’étais ivre

Je me trouvai en apnée

Au creux du batillage

Qu’elle m’offrit pour message

Ma si douce et tendre fée


Je retrouvai mes esprits

Triste épave sur l’estuaire

Je n’étais qu’un pauvre erre

À la recherche de celle-ci

Ne fut qu’une apparition

Un mirage sans lendemain

Qui restera c’est certain

Ma merveilleuse illusion


Mais je sais qu’il existe

Quelque part dans ce Val

Une image qui persiste

D’une passion magistrale

Surgit soudain de l’onde

La dame m’ouvrit par magie

Sans que je n’en fus surpris

Les portes d’un autre Monde



vendredi 27 janvier 2023

La vérité enfin révélée.

Le vinaigre d'Orléans.





On ne prête qu'aux riches, l'usage vaut pour les hommes comme pour les rivières. La Loire, notre grand et dernier fleuve sauvage n'échappe pas à cette terrible loi. Il se voit décerner bien des défauts et attribuer bon nombre de forfaits qui ne sont pas de son fait. Oyez donc la mesquinerie des hommes, toujours prompts à se défausser pour ne pas rendre compte de leurs propres turpitudes.


Il en va ainsi pour notre bon et célèbre vinaigre d'Orléans. Les livres d'histoire, l'office du tourisme, la rumeur et même les notables du pays aiment à raconter une belle sornette pour plaire aux voyageurs, aux rêveurs et aux discoureurs. La fable est si parfaite qu'elle passe pour véridique. Je devine bien aux nez pincés et aux regards tords de ceux qui connaissent la légende que je n'ai nul espoir de vous en faire changer d'avis.


Pourtant je ne serais pas vrai marinier si je venais ici vous tenir grosse menterie. Si nous naviguons sur des bateaux à fond plat, c'est que nous avons la profondeur au fond du cœur. Jamais, je n'accepterai que l'on puisse montrer du doigt notre Loire. L'histoire a beau être belle, elle est pure invention de vilains traines lattes, arcandiers notoires, marins restés à quais, fripons et gredins de trop basses lignées.


Je devine à votre étonnement que je vous embrouille avec mes propos liminaires, que je n'avance pas assez vite en besogne et que vous allez bientôt perdre patience. Il est grand temps de vous rafraîchir la souvenance pour peu qu'il se trouve ici encore pauvre diable à ne pas savoir le mensonge qu'on nous sert trompeusement pour vrai.


Le vinaigre d'Orléans serait, voudrait-on vous faire croire, un don du soleil et des caprices de la Loire. Pour le soleil, je veux bien qu'on lui accorde un petit rôle ! Quant à la Loire, elle n'est certes pas capricieuse, tenez-le vous pour dit une bonne fois pour toute, mais encore, elle n'a en jamais, au grand jamais trempé dans cette lamentable affaire.


Des esprits peu avisés prétendent donc, nous finissons par y arriver, que le grand commerce de vin qui avait lieu sur le fleuve, avait pour plaque tournante la place d'Orléans. D'amont ou bien d'aval, nos chaland débordaient de barriques qui s'en allaient trouver gosiers à leur convenance. De Bourgogne ou d'Anjou, des vins de Cléry ou bien du Forez, des côtes Roannaises et des vins du Berry se donnaient le mot ou bien le pot pour venir parler métier sur les quais d'ici.


Là, il faut admettre que la chose est vraie et que jamais on ne vit plus belle collection de barriques ou de muids, se serrer les foudres en si bonne compagnie. Mais, nos menteurs à touristes affirment que parfois, la joyeuse troupe avinée perdait toute contenance quand les eaux de la Loire venaient à manquer. Pour peu que le soleil se mit de la partie , alors les vins de tous les coins de France tournaient d'œil en notre bon pays.


De qui se moque-t-on à nos servir cette fable ? Les marchands de vin sont gens avisés bien plus qu'avinés. Ils connaissaient le métier et ne se seraient jamais hasardés à livrer leur précieux breuvage en période de basses eaux. Nous étions en une époque où le commerce n'allait pas à flux tendu, les commerçants et les clients savaient encore prendre leurs précautions, ne se laissaient jamais surprendre par une rupture de stock.


Personne dans tout le pays n'aurait eu la folie de livrer du vin au moment ou menaçait l'étiage. Même les buveurs de Bacou avaient encore assez de tête pour ne pas commettre pareil hérésie. Si quelque chose devait tourner, ce n'était certainement pas le vin en barrique ! Le grand exode des fûts ne se faisait pas en été, la chose est avérée et pourtant la fable continue de tailler sa route sur cette stupidité …


Laissons-là ce triste mensonge. Nous savons, nous la pitoyable vérité. Nous vous la livrerons si vous nous baillez quelques verres à boire avant que le vin ne réclame sa mère.


Le secret que depuis des lustres, les gens d'Orléans cherchent à ne pas dévoiler, explique qu'ils avaient quelques forfaits sur la conscience et pratique inavouable qu'il fallait garder dans les brouillards de la Loire. Je ne sais, maintenant que vous m'avez payé à boire, si je dois, briser le pacte de silence que depuis toujours, les orléanais ont scellé.


Je me suis trop avancé, le vin est tiré, il me faudra le boire. Ne m'en gardez pas rigueur, la vérité est moins belle que la légende. C'est souvent le cas, il ne faut pas s'en étonner ! Il y avait en ce temps là sur le quai du Châtelet, du Poids du Roy et du Fort Alleume une troupe de malandrins qui imposait sa loi par de vilains expédients.


S'inspirant des pratiques qui ont toujours porté leurs fruits, ils imposaient une dime à tout le trafic qui passait dans leur zone d'influence. Personne n'échappait au racket de ces vilains. Chaque tonneau se voyait prélevé d'un seau, une taxe au vin affrété, la célèbre TVA qui, plus tard, donna bien des idées à d'autres bandits de la même espèce.


L'affaire était rondement menée. Les fûts décalottés, les seaux plongeaient bien vite dans les barriques et s'en allaient plus promptement encore se réfugier dans quelques caves secrètes de la basse ville. Les lascars n'étaient pas très avisés en matière d'œnologie. Ils ne se préoccupaient pas de provenance des fûts ponctionnés. Il y avait dans leur caverne un joli mélange de crus et de qualités, de vins de garde ou de soif, de piquettes comme de breuvages de fort bonne tenue.


Ils n'en avaient cure, ils avaient une gourmandise telle que beaucoup de seaux n'arrivaient pas pleins dans leur repère. Ils mettaient ce qui restait, en vrac, dans de grandes cuves qu'ils n'arrivaient pas à vider. Quand les convoyages venaient à cesser à l'approche de l'été, ils avaient toujours immense réserve pour passer la soif des grandes chaleurs..


Et c'est là que le soleil fit son effet un été plus chaud que les autres affirment les uns, quand d'autres prétendent qu'un des chalands brigandé était un transport de vinaigre de Dijon. Toujours est-il que dans les immenses foudres, se fit une jolie alchimie. Tout le vin tourna et devint tellement vinaigre que même ces bandits ne pouvaient plus y tremper les lèvres.


Un homme avisé trouva alors l'occasion de se lancer dans un nouveau négoce. Il acheta le stock pour un poignée de cerises et de là est né le célèbre vinaigre Des Seaux ! Le quartier s'en fit même une spécialité et le sieur adopta cet étrange patronyme pour continuer un commerce qui semblait profitable.


Voilà, vous savez tout. Orléans doit sa réputation à une bande de brigands. Des maraudeurs des quais qui ne valaient pas tripette. La fable éclipsa la peu glorieuse réalité. Si vous préférez oublier ce que vous venez d'entendre, je ne vous en tiendrai nullement rigueur. Buvons un verre et taisons ce qui ne doit pas être répété.


À contre-aigre.



jeudi 26 janvier 2023

À la Loire

 

À la Loire

 

 



Quand ici, de doctes personnages

Sans jamais connaître tes rivages

Font curieux tapage à ton propos

Tu dois perdre le sens de tes eaux

 



Prétendant faire de toi une entité

Une lubie plus qu'une nécessité

Ils se réunissent en conclave

Dans un curieux navire sans étrave 

 



Aucun d'eux n'a le pied marinier

Voilà posture qu'ils entendent nier

Ils sont savants ce qui leur confère

Droit sur les gens de la rivière

 



Ne sachant rien du courant et du vent

Se gargarisent de leurs mots savants

Ignorant de ta faune et ta flore

Voila des sujets qu'ils ne déflorent



Juristes pour le meilleur et le rire

Sont de tes amis parmi les pires

Verbe haut et pensée évasive

Tes intérêts sont à la dérive

 



Ne leur confie jamais ta défense

Nécessaire mesure de prudence

Laisse-les filer au gré du courant

Leur intérêt pour toi n'aura qu'un temps

 



Seuls les véritables ligériens

Savent combien puissant est notre lien

Notre belle et tendre fille Liger

Notre merveilleuse passagère

 



Nous qui sommes ton peuple de Loire

Savons que tout au long de l'histoire

Nous unîmes nos vies à tes caprices

Terme prisé par tous les novices

 



Tes humeurs enfantèrent nos vallées

Choisirent l'emplacement des cités

Permirent la richesse des cultures

La luxuriance de ta nature

 



Tu ne trouveras meilleurs défenseurs

Que tous tes plus fidèles serviteurs

Enfants grandis tout au long de ton cours

Nourris par tes innombrables discours 

 

Tableaux de Maxime Maufra 

mercredi 25 janvier 2023

Poète berlingotier

Ça va rouasser !





Dans l'ciel lourd s'traînont des grous nuages

Des nuag' qu'ont un sale goût d'orage

Qui risquont d'brament tout casser

Aussi d'vant c'te nuée noir qui m'nace

L'Gervais pense, en s'resserant ses f'nasses

Ça va rouasser !


La Grand' Rouse a un biau p'tit drôle

Mais toute la journée faut qu'i trôle

Les r 'montrantes .. ça l'fait rigoler !

Tant et si bien qu'la Rouse en colère

Elle s'écrie … Mais sans jamais l'fére

Ça va rouasser !


« Trein'-Canon » et pis « Suc'Cannelles »

Ont pris les bistrots coumm' chapelle …

Mais quanqu'ieux femmes v'nont les chorcher

L'murmuront, r'bossant d'l'échine

Tout en recommandant … eun' chopine

Ça va rouasser !


On voit dans nout' mond' qui s'terboule

Du mond' qu'est en train d'pard la boule …

Des jaun's, des noirs, des maillassés …

Qu'on nourre anque eun' drôl' de pâtée !

Tant qu'on pense d'vant c'te curée :

« Ça va rouasser ! ... »


Ça va rouasser ! … quanqu' nos minisses

Risquanr d'nous foutre eun' vraie jaunisse

Anqu' les impôts qu'j'ons à payer …

Et on dit, ravalant sa crache :

«  De c'coup … i' vont trop fort … les vaches

« Ça va rouasser ! ... »


Eh ! Ben, oui … v'la c'que n'on raconte …

On sent la colèr' qui nous monte …

Mais … qu'ça sey' la Rouse ou l'Gervais

L'mal content … ou ben l'contribuabe,

Tout l'mond' dit ça ! … Mais, cin' cents diabes !

Ça rouasse jamais ! ...



Camille Delamour



 

mardi 24 janvier 2023

La Blanche Nef

 

La Blanche Nef

 

 



Pour qui doit affronter l'océan

Nul titre fera de lui un marin

Prince chevalier ou bien manant

La mer seule choisira son destin


Lorsque Guillaume le Conquérant

Fit en ce port un pas de Géant

Il traversa sans coup férir

Et l'Angleterre alla conquérir


Ce Roi sage et déterminé

Embarquait une petite armée

Pour vaincre la perfide Albion

Et la contraindre sous son giron


C'était en mille soixante-six

Il avait franchi les abysses

Pour poser un pied glorieux

Celui d'un soldat victorieux


Puis, en l'an de grâce mille cent vingt

Les bonnes cartes changèrent de mains

Oyez bonnes gens cette aventure

Qui tourna à la déconfiture !


La Blanche Nef un fier vaisseau

Un jour alla affronter les flots

Embarquant à son bord des seigneurs

Les fils du Roi, quel honneur


Une troupe imposante et bruyante

Une noble jeunesse insouciante

Donnant à l'équipage du vin

Pour qu'il participe à son festin


Le roi Henry sur son navire

N'avait pas imaginé le pire

Il avait vite pris les devants

Sans attendre ses pauvres enfants


Le bateau ivre fit la course

Voulant lui montrer ses ressources

C'est avec ardeur que les marins

Défièrent la mer, grisés par le vin


Coupant au plus court dans les rochers

Sur des écueils allèrent déchirer

Trois cents hommes périrent ainsi

En cette terrible tragédie


Il n'y eut qu'un seul survivant

Bérold à la vergue s'agrippant

Résista au froid et à la mer

Pour narrer ce voyage en enfer

•••

 



 

lundi 23 janvier 2023

Ma vieille mère est en couture

 

En couture





Ma vieille mère est en couture

L’aiguille court autour du métier

Pour une magnifique parure

Elle confectionne un couvre-pied


C'est au milieu de sa boutique

Que sans le savoir, elle tient salon

Elle coud, elle coupe et elle pique

Tandis que des dames sont en rond

Autour d'elle se sont rassemblées

Les commères de mon petit village

Elles sont venues ici discuter

Quand la couturière est en ouvrage


Toujours concentrée à sa tâche

Ma mère refait une aiguillée

Elle coud ainsi sans relâche

Tout en se plaisant à écouter

Les langues vont au fil de l'aiguille

Quelques-unes se font si lestes

Qu'un méchant venin se distille

Au milieu de ces charmantes pestes


Refrain


Soudain dans la boutique s'envole

D'une oie vive le fin duvet

C'est une bavarde qui s'affole

Elle finira par éternuer

Les autres éclatent de rire

Elles s'amusent de sa réaction

Ma mère esquisse un p'tit sourire

Elle qui reste toujours en action


Refrain


Quand les dames ont mieux à faire

Elles quittent la salle de conférence

Ma mère poursuit sans manière

Son ouvrage qui toujours avance

Puis des clients entrent à leur tour

C'est mon père qui viendra vers eux

À son travail elle met tant d'amour

Qu'elle ne le quitte jamais des yeux


Ma vieille mère est en couture

L’aiguille court autour du métier

Pour une magnifique parure

Elle confectionne un couvre-pied

•••

 




dimanche 22 janvier 2023

Traverser la rue.

En marche ...

Retour vers sa nature.




Il fut un jour pas comme les autres durant lequel une horde d’oisifs, des êtres se contentant de vivre de la générosité publique, ce que d’aucuns appellent habituellement l’assistance ou bien encore les allocations chômage, se mirent en quête de la dignité élémentaire que constitue un emploi. Ils avaient ouï, de la part d’un personnage haut placé, une nouvelle incroyable, une prophétie à moins que ce ne fut une galéjade cynique : « Il suffit de traverser la rue ! »

Le premier à se lancer de l’autre côté de ce vaste espace incertain, fut ce qu’on nomme aujourd’hui un martyre de la crédulité. Il avait été jardinier, un humble travailleur de la terre. Il aimait ce métier qu’il avait choisi, il y avait été formé. Il avait besoin de se sentir en contact avec la nature et voilà qu’un guide, un gourou des temps modernes, un être supérieur sans doute, issu d’une caste d’élus, lui demandait d’affronter le bitume et l’asphalte, d’oser franchir cette zone incertaine sur laquelle roulaient des véhicules devenus fous.

Le brave jardinier ignorait alors que loin de l’humus, du terreau, il allait perdre ses racines, se mettre en péril et surtout affronter un monde sans règle ni pitié. Ses premiers pas sur ce territoire inconnu furent facilités par le chef suprême. Sa parole l’avait galvanisé, il avait foi en ce jeune personnage à la détermination extrême. Il avait mis un pied sur la chaussée, puis un second, poussé par sa confiance aveugle en celui qui devait changer le monde …

À son tour, le jardinier était en marche, il découvrait que c’était possible, qu’il suffisait d’un peu de conviction pour franchir l’obstacle. Des caméras étaient braquées sur lui, les télévisions de tout le pays relayaient l'événement. Dans la nation toute entière, chacun retenait son souffle. Ses semblables, ceux qui depuis si longtemps avaient été laissés sur le bord du chemin, cette route réservée aux seuls privilégiés, bien à l’abri dans leurs limousines aux verres teintés, le suivaient des yeux, espérant eux-aussi, jouir de cette folle espérance.

Chacun était gagné par l’émotion. Le suspens était grand. L’homme allait-il parvenir à vaincre cette course d’obstacles ? Pourrait-il se faufiler dans le flot des nantis, des électeurs du grand marcheur ? Sortirait-il entier de ce trafic endiablé ? Il était là, au milieu de la circulation tel un toréador dans l'arène. Un frisson parcourait spectateurs comme téléspectateurs tandis que son guide avait depuis longtemps tourné le dos.

L’homme conseilleur en effet avait d’autres chats à fouetter. Les finances de sa petite entreprise étant dans un état déplorable, il était contraint de profiter de cette journée Portes ouvertes pour jouer les colporteurs, les marchands de colifichets. Il devait vendre des babioles, toutes fabriquées par des sous-hommes dans des nations lointaines et défavorisées, pour un salaire de misère. L’important personnage n’avait cure de cette sordide réalité, l’essentiel pour lui était de réaliser des bénéfices substantiels pour refaire à la fois la façade de son palais et celle de son épouse.

Pendant ce temps, le jardinier était planté au milieu de la route. Ayant échappé plusieurs fois au pire, il était pétrifié, incapable d’aller plus loin. Des bolides passaient de chaque côté, tous klaxons hurlants. Il avait trouvé refuge, si ce terme avait encore un sens dans sa situation, sur un clou, ultime vestige d’une époque lointaine où les piétons traversaient en sécurité, simplement pour aller de l’autre côté de la rue.

Le jardinier aurait aimé se sentir pousser des ailes. Il aurait pu ainsi se sortir du mauvais pas dans lequel l’avait placé ce beau parleur. Maintenant, il n’avait plus le choix. Ne plus bouger et il risquait de rentrer dans la catégorie des chômeurs de longue durée, non indemnisés. Avancer encore et il allait être broyé par cette société dans laquelle il n’avait jamais trouvé sa place. Sur le trottoir, les cris d’encouragement semblaient le pousser à oser ce saut dans l’inconnu, cette multitude active et en mouvement qu’il avait regardée jusqu’alors de trop loin.

Il écouta la foule, il fit un pas de plus, un pas de trop. Il fut écrasé par un transport de fonds. Son corps passa sous les roues, il fut laminé. Il n’était plus que de la charpie, happé, broyé, éviscéré par tous les autres véhicules, indifférents, qui passaient, négligemment sur ses restes. Face à cette horreur, les autres, ceux qui auraient pu suivre ses pas se retournèrent contre celui qui l’avait poussé dans cette équipée sauvage …

L’homme important, tout en comptant et retenant les bénéfices de son opération de promotion patrimoniale, se retourna alors vers la terrible scène qu’il avait indirectement provoquée. Surpris qu’on puisse s’indigner de ce qui venait de se passer, il déclara : « Que me reprochez-vous ? En lui proposant de faire de la cuisine plutôt que du jardinage, je ne me suis pas trompé. Voyez le résultat, il est au-delà de mes promesses. L’homme courageux qui m’a écouté a réalisé son projet. Il ne pouvait espérer au mieux qu’une jardinière de légumes et son projet est consommé, un potage vaut mieux qu’un potager ! »

Cette fois, Freluquet, puisqu’il s’agissait de lui, était allé trop loin. Il venait de montrer son véritable visage tout autant que le profond mépris qu’il avait pour cette plèbe dont il prétendait faire le bonheur sans jamais croire à cette affirmation. Ceux qui avaient avalé sa promesse d’emploi de l’autre côté de la rue, le poussèrent dans le flot de la circulation. Il fut à son tour écrasé, non pas par le flot des véhicules mais par la colère des laissés pour compte.

À  contre-sens.


 


 

samedi 21 janvier 2023

Il croisa un précipice

 

Les paradis factices




Il croisa un précipice

Dans des paradis factices

Il y perdit sa musique

Dans le fond des barriques


Sa guitare devint dérisoire

Oubliant les jours de gloire

Il s'était perdu en chemin

Pour finir pas n'être plus rien


Égaré dans tous ses délires

De démons en vilains vampires

Il nous interdisait alors

De goûter à tous ses accords


Des visions maléfiques

Une plongée diabolique

Hantaient tous ses cauchemars

Dans l'enfer des soiffards


Quant au fond de ses ténèbres

Une mélodie qu'il célèbre

Le libéra de sa torpeur

Pour qu'il redevienne chanteur


Il a accordé sa guitare

Qui l'attendait loin des bars

Il a sifflé de beaux refrains

En retrouvant tout son entrain


Son passé enfin avalé

Par de simples rimes enchantées

Se retrouva sur la piste

Qui fit de lui un artiste


Ressortant la tête de l'eau

Il s'abreuva de vos bravos

Désirant mettre en musique

Son naufrage alcoolique


S'il fait de nouveau des tournées

Elles ne détruisent plus sa santé

Retrouvant toute sa vigueur

Il est redevenu chanteur


Sans plus de notes à payer

Mais à glisser sur la portée

A retrouvé sa prestance

Sur la voie de l'abstinence

 

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J'aime le vin d'ici : notre bon petit gris ...

  Que bois-tu Chalandier ? Que bois-tu Chalandier ? Ton verre est tout vidé Quel est ce doux délice Qui te met en supp...