mercredi 31 mai 2023

Un bref moment d'éternité !

 

Une chanson





Une chanson, bref moment d'éternité

S'insinue toujours sans en avoir l'air

Laissant un souvenir sans l'effacer

Par la magie de précieux trouvères

 



Lancinante ou bien entraînante

Elle creuse son sillon dans votre esprit

Pour peu qu'une subtile mélodie

Lui accorde des notes envoûtantes



Quand le vieil âge vous tourmente

Que la mémoire se perd en quenouille

Elle demeure gardienne vigilante

D'un passé qui n'est plus en vadrouille



Reviennent aussi vivaces qu'autrefois

Toutes ces paroles qui vous enchantent

Et se rappellent à vous à chaque fois :

Don d'une rengaine qui vous hante



Merveilleuses traces de l'enfance

Des joyaux qui demeurent étincelants

Pépites de votre adolescence

Balises à jamais au firmament



Une anecdote ou un souvenir

Réveillent dans l'instant son évocation

Le refrain, dans un prodigieux soupir

Vous replace alors au cœur de l'action



Par bribes, reviennent les couplets

Soulignant des fragments de naguère

Surpris vous vous mettez à fredonner

Lors de ces retrouvailles grégaires



Ce discret témoin de l'existence

Jamais ne se perd dans les abysses

D'une mémoire en déliquescence

Qui vous plonge dans le précipice



Une ritournelle vous remettra à flot

Lorsque durant de merveilleux instants

Un musicien, ses accords, son tempo

Aboliront les outrages du temps



Même au plus profond de ce mal sournois

Vos anciens succès pour le meilleur

Raniment les plus innocents émois

Pour qui souffre, hélas, d’Alzheimer



Une chanson, bref moment d'éternité

S'insinue toujours sans en avoir l'air

Laissant un souvenir sans l'effacer

Par la magie de précieux trouvères 


 


mardi 30 mai 2023

Le silure nous mène la vie dure

 

Le silure nous mène la vie dure





Le silure nous mène la vie dure

Vorace à la si vilaine allure

Ouvre très grand son effroyable gueule

Faisant de la rivière un triste linceul


Par son carnage il entend se prévaloir

Du sceptre de souverain de Loire

Devenant le roi des poissons d'eau douce

Un monarque à la triste frimousse


Le silure nous mène la vie dure


Ne se contente pas de faire carrière

Trafiquant en eaux trouble sans bannière

Il s'accapare les vies de ses victimes

Qu'il condamne toutes au trajet ultime


Monstrueuse bête, animal prolifique

À l'instar de tous ceux de sa clique

Ce n'est qu'un prédateur insatiable

Un triste charognard impitoyable


Le silure nous mène la vie dure


Sournoisement il nage entre deux eaux

Pour que tombent sous ses dents, quel salaud

Le menu fretin, les migrateurs en vadrouille

Sans oublier de croquer pigeons et grenouilles


Pour nous tous il est le forban des lieux

L'affreux, le méchant et l'intrus odieux

Qui sème inlassablement sa terreur

Dans les flots, les conversations et les cœurs


Le silure nous mène la vie dure


Hélas, point n'est permis d'éradiquer

Cet effroyable fléau implanté

Grâce à l'action de navrants complices

Qui interdisent son sacrifice


Nombre de ces pêcheurs si vertueux

Pour leur unique plaisir font le vœu

De rejeter dans la rivière

Ce jouet, au bout de leur cuillère


Le silure nous mène la vie dure


Après une féroce bataille

Le triomphateur sous la mitraille

Fera risette pour la postérité

Petit cliché pour unique trophée


Puis il remettra en rivière

Celui qui l'a mis en lumière

Sans lui demander ; c'est vraiment fâcheux

Son courriel pour qu'il en profite un peu


Le silure nous mène la vie dure


 

lundi 29 mai 2023

Le roman de l'été …

 

Lire à la plage.





Lire sur la plage ce n'est pas tout à fait un acte ordinaire. Il faut se poser bien des questions, s'imposer plus encore des gesticulations pour trouver position adéquate. Il n'est pas facile de garder le fil de son histoire tant les sollicitations sont diverses, les perturbations nombreuses et les obstacles de toutes natures. Tout demande réflexion y compris le format du livre que l'on risque de trouver ensablé avant que de l'avoir vraiment parcouru.


La position du lecteur sur le silice est un supplice à nul autre pareil. Il doit se prémunir du vent qui est un adversaire redoutable dès que le livre se donne des allures de grand. Le soleil quant à lui, est un opposant d'une toute autre dimension. Il demande équipement ou adaptation. Le lecteur en position dorsale qui souhaite se parer de l'astre solaire avec son seul livre prend le risque d'une crampe aux bras et d'un mal au cou qui pourrait lui faire passer l'envie de la relecture.


Les mieux équipés fourmillent d'idées pour tenir le choc ; parasol cela va de soi mais aussi coussins pour surélever la tête, cette partie du lecteur qu'il convient de préserver pour que la lecture demeure utile. Chaises pliantes, basses, trous dans le sable, monticules ou toute autre installation qui donne confort et repos au dévoreur de lignes sont autant de réponses possibles qu'il vous appartiendra d'étudier.


Il faut choisir ensuite un livre pour l'usage que vous avez à en faire en ce lieu. Il y a le roman de façade, celui qui vous donne l'apparence de la sagesse à des fins pas toujours avouables. Derrière un gros bouquin à la couverture cartonnée, il est aisé de mater les voisines petitement vêtues et les lunettes ici s'expliquent par votre occupation supposée.


Il y a aussi des erreurs à ne pas commettre, des dissonances fatales comme celle de vouloir à tout prix lire un roman fleuve au bord de l'Océan. Le roman de gare vous laisse sans entrain quand la série noire suppose que vous ayez un bronzage à la hauteur. Le roman policé doit rester dans le sable les jours de grand vent et le roman rose aime par dessus tout les premiers jours de vacances.


Le livre n'est pas tout, il faut choisir son auteur. Il y a celui qui évoque immédiatement quelque chose aux curieux qui ne manqueront pas de savoir ce que vous lisez. Il faut adapter votre choix à la sociologie de votre environnement estival. Dans tous les cas, le » best-seller » est recommandé pour une conversation facile avec un inconnu de passage. Des choix plus osés risquent de vous couper de vos semblables, Céline, Kennedy Toole ou Salman Rusdie ne sont pas en haut de la vague médiatique.


Il faut aussi prendre la précaution de montrer que vous avancez dans votre ouvrage, que votre marque page progresse de jour en jour. Faire tout un été avec le même roman ne vous sert guère. Changer tous les jours n'est pas plus efficace. Vous devez simuler une lecture moyenne, avancer à petits pas et ne pas oublier de tourner régulièrement une page.


J'oubliais le conseil essentiel, celui qui vous évitera toute raillerie superflue. Prenez votre compagnon de papier dans le bon sens. Le conseil peut paraître trivial mais il arrive parfois que nos lecteurs horizontaux se trompent tout occupés qu'ils sont à bien autre chose que ce à quoi ils feignent de s'adonner.


Enfin, le journal n'est nullement indiqué dans les régions océaniques. L'exercice est rigoureusement impossible avec les grands formats. Même lire l'Équipe relève de l'exploit. Rabattez-vous sur les magazines et attendez si possible, le passage d'une caravane publicitaire qui vous fournira en ouvrages inutiles. Prenez garde néanmoins au nom de la revue, certaines vous classeront dans des catégories particulières bien avant que vous compreniez pourquoi l'on rit sous cape derrière vous.


Lire sur la plage, finalement ne s'improvise pas et si vous vous munissez d'un imprimé simplement pour avoir un peu de constance, il n'est pas rare que la stratégie se retourne contre vous. Ne cherchez pas l'extravagance ou bien l'incongruité, allez piocher du côté des meilleures ventes, vous ressemblerez ainsi à ceux que vous voulez imitez !


Quant au lecteur authentique, jamais il ne lui viendrait à l'esprit de mettre un grain de sable dans son précieux compagnon Il conservera son livre sur sa table de chevet ou près d'un bon fauteuil sans risquer de lui faire souffrir les outrages d'une météo à ne pas mettre un livre dehors cette année.

 

À contre-ligne






dimanche 28 mai 2023

La peur qui donne des ailes !

 Marcher sur des œufs.





Voilà une posture qui demande bien des qualités et pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. On marche sur des œufs comme d'autres sur des charbons ardents. C'est sans doute une question de génération ; le charbon a été renvoyé dans les oubliettes de l'histoire : il donnait mauvaise mine ! Les œufs ont supplanté le boulet, ils sont sortis de leur coquille, les poules de nos jours pondent au-delà du raisonnable …


Il est certain que le vocabulaire évolue au gré des progrès sociétaux. On peut envisager une étape nouvelle, le nid-de-poule ayant, paraît-il, disparu de notre univers routier. Affirmation bien sujette à caution : on ne circule plus de nos jours sans casser des œufs et épuiser nos amortisseurs. L'état et ses substituts locaux apparemment ne sont plus en capacité d'entretenir le réseau routier, c'est pourquoi sans doute, dans un avenir proche, nous reviendrons à la marche.


Il nous faudra alors marcher sur des œufs en ayant bien soin de séparer la ligne blanche à ne pas franchir, de la ligne jaune qui est passée de mode. La signalétique routière n'a d'autre objet que de transformer la chaussée en patinoire y compris avant que monte la neige au créneau. Le sel qu'on y déverse alors favorisant le travail du pâtissier qui, de Paris à Brest, cherche à obtenir une consistance idoine et une adhésion ad hoc.


Marcher sur des œufs c'est encore faire l'impasse sur la seule question qui vaille dans l'histoire de l'humanité : « Qui de l'œuf ou de la poule a commencé ? ». La réponse soulagerait les défenseurs des animaux qui n'osent imaginer que nous puissions piétiner des poules pour nous donner des ailes. Le foulage de l'œuf devenant alors un pis-aller, une manière de ménager la crémière.


Il est incroyable de penser qu'on peut se prendre de bec quand le simple examen d'une expression ordinaire donne du grain à moudre aux polémiques du moment. On marche sur des œufs, on ne respecte pas la poule et on laisse tranquille le coq qui fait le beau sur le clocher. Il faut admettre qu'en ce lieu, il est à l'abri de nos piétinements intempestifs à moins que les batailles de clocher de l'heure, ne mettent à bas ce perchoir si peu œcuménique !


Des esprits rationnels trouveront mon propos sans queue ni tête. C'est méconnaître la morphologie des gallinacés. C'est la crête rouge de colère que je leur réponds qu'ils feraient mieux de ne pas venir ici brouiller les œufs et ma nécessaire réflexion. S'ils veulent mettre les œufs dans le plat, qu'ils aillent se faire fouetter ailleurs ! Je leur fais d'ailleurs aimablement remarquer que je ne les ai nullement invités à aller se faire cuire un œuf ; la marche serait trop simple pour qui a le mollet souple.


Nous pourrions en venir aux mains. Je me vois leur pocher un œil ou bien le leur mettre au beurre noir. Ils pourraient se retrouver avec un œuf de pigeon sur la tête, toutes choses que je désapprouve. Revenons donc à plus de tranquillité et évitons de nous conduire comme une poule qui a trouvé un couteau. Ne tuons pas ce billet dans l'œuf, il mérite d'éclore au grand jour. Laissons- le se faire aussi gros que le bœuf que je n'ai nulle intention de voler ….


J'en arrive au terme de cette démonstration laborieuse. J'ai pondu un billet dont je n'ai pas à être fier. Inutile de mirer le résultat. Il ne laisse pas passer la lumière ; la fable n'est pas fraîche et l'ampleur de la tâche a étouffé mon ambition dans l'œuf. Je retourne, l'air penaud, à mon point de départ. Je récupère tous mes œufs, les range dans mon panier tout neuf et cesse de me torturer un crâne parfaitement dégarni.


Laissons en paix la poule aux œufs, elle dort en paix ! Fermons l'enclos, le renard pourrait venir nous mettre tous d'accord. Quittons le poulailler sur la pointe des pieds. C'est l'heure de revenir à de plus sages intentions. Chercher du poil aux œufs ne nous a conduits nulle part. Laissons la volaille couver, j'espère que vous n'avez pas gobé cette farce ! 

 

À contre-sens



samedi 27 mai 2023

Un bateau bien né

 

Le Raboliot





Il était une fois un bateau bien né, tellement d’ailleurs qu’il va sur la rivière, le nez au vent, protubérance élevée au dessus des flots, levée si haute que son capitaine va à l’aveugle, ne voyant goutte devant sa route. Qu’importe, c’est un géant qui pilote l’intrépide, les yeux fermés, en bon berrichon qu’il est, il a les oreilles dressées au-dessus de la tête. En guise de fers à ses sabots, il a choisi une coque métallique, craignant, en bonne bourrique de rencontrer de ci de là quelques cailloux semés sur sa route.


Parfois le fier animal doit se jeter à l’eau, tout Raboliot qu’il est, son joli bateau se retrouve pris au piège, collé sur un banc de sable ou bien un haut fond. Le chasseur devient ainsi la proie et le pêcheur se trouve dans l’instant pris dans les rets de la Dame Liger. En bon braconnier qui se respecte notre colosse remue alors le fond du lit, à coup de pelles, il contraint sa belle à lui laisser à nouveau le passage.


Le sillon tracé, il regarde émerveillé ce flot si pur, écarter ses doutes tout autant que libérer sa soute. Il n’est pas question pour lui de poser un lapin aux prochains pèlerins qui, à bord de son gros fûtreau, veulent simplement aller sur l’eau. L’embarcation libérée, il remonte à bord et sans jamais perdre le nord, s’ouvre une bouteille pour célébrer cette merveille, un bateau de Loire, je vous prie de me croire, qui avance gaillardement sur ses pieds, des verres naturellement, vous ne pouvez en douter, tous remplis d’un succulent Sancerre, le plus merveilleux sang de la terre.


L’homme buvait avec délectation ce nectar tout à son admiration de la vue qui s’offrait à lui, la colline de son beau pays. Son village était perché tout là-haut, il rêvait de le voir ceint comme jadis d’une muraille pour lui donner plus magnifique apparence. La cité cependant avait bien belle allure, même sans les remparts, qui lui avaient octroyé ses heures de gloire.



Le marinier sort de ses songes, il doit recevoir, pour animer sa sortie, un homme capable de tous les mensonges. La prochaine course sera contée, il peut s’en vanter, il a su attirer un public pour rire du Bonimenteur aux facéties comiques. C’est ainsi que le voyage se déroule hors du temps, avec ce curieux mage, les récits confondant jadis et maintenant, faisant d’autrefois un curieux jeu de l’oie.


À tous les deux, croix de fer, c’est par la case prison qu’ils iront en enfer. Avec leurs passagers, croix de bois, le diable gagnera pour une fois. Car nous sommes ici au pays des birettes, des sorcières qui n’en font rien qu’à leur tête, organisent grand Sabbat sous la lune, pour notre bonne fortune. Satan est en territoire conquis, c’est lui qui gagne lorsqu’il joue à chat perché, pourvu que celui-ci soit noir.


Pour les rejoindre dans l’instant, l’un enfourche un balai tandis que l’autre attire le diable dans l’aqueux. Pour ne pas conjurer le mauvais sort, Saint Roch fait le mort tandis que sur la rive, des jouteurs sont à la dérive. La raison part en déraison, le voyage se fait naufrage. Un meneur de loup vient à leur rescousse, monte à bord et joue le mousse.


Quand ils accostent au ponton, il est temps de faire sauter d’autres bouchons. On célèbre le retour de l’équipée sauvage, un voyage qui s’achève par un magnifique empennage. Raboliot a plus d’un tour dans son sac, sa musette en guise de havresac. Les passagers se frottent les yeux, l’équipage s’est joué d’eux. Puis découvrant la supercherie, ils apprécient la plaisanterie.


S’il était une fois, ils ne s’arrêteront pas là. À chaque occasion, ils se feront larrons, en foire ou bien à boire, sur la Loire, une complice pleine de malice. Les esprits chagrins resteront sur le chemin, les doux rêveurs seront des leurs. Puis, revenus au port, ils iront se restaurer, dans le plus proche estaminet, une charmante guinguette, qui leur fera la fête. Au Ligérien car tel est son nom, on aime ce qui est bon qu’on sert sans façon ! S’il vous vient l’envie d’en profiter, n’hésitez pas à les contacter.


 

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vendredi 26 mai 2023

Chapeau de paille

 

Chapeau de paille




Chapeau de paille

Vaille que vaille

Ou bien de son

Pour une chanson


Quand les mots s'unissent

Pour un accord majeur

Nos deux corps frémissent

D'une troublante torpeur


Soleil de plomb

Blond et tout rond

Au coin du feu

Nous sommes heureux


Quand les mots s'unissent

D'autres corps frémissent

Château de sable

Fable du diable

Mieux que la pierre

Fais ta prière


Quand les mots s'unissent

D'autres corps frémissent


Rêve de gosse

Touche ma bosse

Deviens un grand

C'est le printemps


Quand les mots s'unissent

D'autres corps frémissent


Tourne la page

et sois bien sage

Bientôt la fin

Du parchemin


Quand les mots s'unissent

D'autres corps frémissent


Chapeau de paille

Y'a plus de faille

Coupe le son

De ma chanson


Quand les mots frémissent

Sur un accord farceur

Des images surgissent

Des délires du chanteur

jeudi 25 mai 2023

Le gentil barde cognaçais

 

La Ganipote.





Il était une fois Gérard un musicien qui allait par les chemins. L’homme vivait à la limite de deux grandes provinces, deux traditions si bien qu’on le disait troubadour plus au sud et trouvère plus au nord, c’était selon où ses pas le menaient. Lui, qui vivait au cœur de sa chère Saintonge se sentait davantage barde, allant dans toutes les assemblées avec son psaltérion.


Il aimait tout particulièrement célébrer les huit grandes fêtes traditionnelles celtes pour lesquelles il ne manquait jamais d’honorer les cieux et les forces obscures. Tout d’abord les quatre grands rendez-vous célestes avec les deux équinoxes : Ostara et Mabon puis les deux solstices : Yule et Litha. Mais plus que tout ce sont les quatre fêtes : Samain au 31 octobre, Imbolc au 2 février, Beltaine le 30 avril et Lugnasadh au 1er août qui mobilisaient toute son énergie et son désir de faire le monde danser.


Si Samain est la fête des morts que tous connaissent désormais au travers d’Halloween, Imbolc célèbre la fécondité, Beltaine les lumières et Lugnasadh (celle de la fructification). Notre ami était demandé dans les villages de la région de Cognac pour animer ces belles soirées où chacun aimait à se retrouver pour raconter des histoires, chanter, danser et partager un plat de circonstance. Il aurait vécu ainsi heureux si sa réputation n’était pas arrivée jusqu’à Mélusine, qui voulut le recevoir dans son château de Lusignan.


Nous étions fin avril à quelques jours de la nuit de Walpurgis, celle où tous les chats se réunissent autour du château de la terrible fée afin de retrouver toutes les sorcières de la région et mener grand Sabbat. Gérard ignorait cette légende, il ne voyait dans cette invite que l’opportunité de rencontrer une dame fort belle d’après la rumeur et surtout côtoyer le gratin de la noblesse locale. Il avait accepté la proposition avec enthousiasme en dépit de quelques mises en garde amicales.


C’est le cœur en joie que notre musicien poète se présenta devant le château. Il faisait grand jour ce 30 avril, un soleil printanier ne présageait en rien la suite de l’aventure. Gérard fut introduit dans la grande salle de réception, des serviteurs zélés lui annonçant qu’il n’était pas possible de voir la châtelaine, dame Mélusine, avant la survenue de la nuit. Ils parlaient d’elle d’ailleurs avec un ton mystérieux qui pourtant n'incita pas notre homme à la méfiance.


C’est entre chien et loup que la grande et belle demeure se remplit progressivement d’hôtes étranges tout autant que silencieux. Ils avaient des tenues d’apparat, de belles toilettes pour les dames, des queues de pie pour les hommes. Ces personnages se taisaient. Pas un bruit dans la grande salle, le musicien commençait à se poser des questions. Où avait-il mis les pieds ?


C’était une nuit sans Lune, le parc du château était plongé dans l’obscurité quand d’un signal venu d’un domestique en livrée, tous les invités, sans bruit se dirigèrent vers la terrasses. Ils descendirent et se regroupèrent sur la pelouse à la lisière d' arbres vénérables. Il y eut un cri strident, Mélusine apparut sur le chemin de ronde et d’un bond magistral fondit sur ses hôtes.


À cet instant, celui qui était sans doute le majordome ordonna à Gérard de jouer. Le pauvre musicien demeura éberlué. Le spectacle qui se déroulait sous ses yeux l’avait littéralement pétrifié. Les convives se métamorphosèrent tous en chats, belettes, fouines, renards et autres mammifères fort peu appréciés des humains. Les animaux firent alors grande ronde autour d’une Mélusine, prise de transe, qui ne cessait d’ordonner au musicien de divertir le Sabbat.


Le malheureux Gérard en était incapable. Pire, même il voulut prendre la poudre d’escampette ce qui ne fut, vous devez vous en douter fort mal perçu par la maîtresse du bal. Elle pointa vers lui un doigt vengeur et tandis qu’il pensait avoir échappé à ce rendez-vous de tous les diables, il se trouva transformé en Ganipote.


Je pense que je vous dois une explication. Vous connaissez tous le loup-garou de sinistre mémoire. Créature malfaisante associée à l’univers des ténèbres et de la sorcellerie. La Ganipote quant à elle est une bête monstrueuse qui hante les bois sombres, parcourt la campagne les nuits sans lune. Volontiers facétieuse, elle aime à changer d’apparence pour tromper son monde. Parfois loup, mais aussi chien, mouton, chèvre, chat ou lièvre cornu, elle s'amuse à terroriser les passants en leur sautant violemment sur le dos, toutes griffes dehors. Elle s'y agrippe et pèse de tout son poids jusqu'à ce qu'ils périssent étouffés. Parfois, à l’inverse, elle se donne un air parfaitement inoffensif, invitant alors les enfants à la suivre afin de mieux les perdre.


Si jamais il vous arrivait de croiser la terrible Ganipote, n’oubliez jamais que c’est notre pauvre Gérard envoûté par la maléfique Mélusine. Avant que de succomber sous ses coups mortels, ayez la présence d’esprit de la rappeler à sa passion première. Chantez lui une aimable complainte ou mieux encore, jouez d’un instrument de musique.


La Ganipote retrouvera alors dans l’instant la forme du gentil troubadour avec lequel vous passerez alors une fort agréable soirée pour peu que vous l’invitiez autour d’une bonne table. Il a plus d’un tour dans sa musette et sera capable de vous enchanter en jouant d’une bonne douzaine d’instruments différents. Mais gare à ne pas le respecter, il pourrait reprendre du poil de la bête et vous sauter à nouveau sur le dos.


mercredi 24 mai 2023

Il n'y avait pas de quoi en faire une salade.

La mouche du coche





La réaction en chaîne !




Ce qu'il advint en cette période si troublée que les esprits s'échauffaient pour un oui et surtout pour un non, mérite de vous être rapporté. La bonne ville de Philippe Egalité ne savait plus où donner de la tête même si les dragons, la veille, sur le pont Royal avaient joué du plat de sabre sans aucune modération. L'époque était à la révolte et à la querelle pour n'importe quel prétexte. La Loire ne devait pas échapper à la folie d'une révolution qui débutait.



Sur un coche d'eau, assurant aussi un peu de fret, amarré quai de Recouvrance, un gros négociant, Monsieur Grillon, venait examiner l'ordonnancement de sa cargaison destinée à la capitale. L'homme était réputé pour ses manières rudes et son manque d'aménité vis-à vis-de ses matelots. Il était l'obligé de quelques nobliaux du pays qui bravaient l'interdiction de faire des affaires pour les gens de leur rang.Tout prête-nom qu'il était, l'homme n'en avait pas moins une haute idée de lui-même !



Ce jour-là, la tension dans l'air était perceptible. Les incidents de la veille étaient encore présents ; on devinait que la moindre étincelle pourrait déclencher une catastrophe. C'est pourtant dans ce contexte délétère que notre personnage détestable voulut vérifier le contenu d'un muid de vinaigre de la maison Rimbert, spécialité, comme chacun sait, de cette ville commerçante. Pourtant, le contexte n'était pas favorable au vinaigre, la pénurie d'huile poussant les consommateurs à se passer de vinaigrette et de salade.



Le matelot à qui le négociant demandait d'ouvrir le tonneau, avait bien assez à faire pour répondre à un caprice de bourgeois en mal de tracasseries. Mais l'homme était dépositaire du pouvoir et le marinier dut interrompre ses activités pour décalotter la barrique. L'autre, satisfait de sa victoire, allait exiger autre chose, pour le seul plaisir de mesurer la force de son pouvoir quand une mouche tomba dans un piège réputé fatale à ses semblables.



Le matelot d'un geste prompt, chassa la mouche, déjà saoule, d'un revers de la main. L'importune du coche finit sa course dans la rivière et fut, dans l'instant, gobée par un brochet qui passait par là. Ce fut le déclenchement d'une réaction en chaîne qui faillit faire d'Orléans le centre névralgique de la Révolution Française. Le sieur Grillon, il faut le préciser, était accompagné de son chien : un signe de puissance à l'époque.



Le lévrier afghan dudit négociant plongea -on ne sait quelle mouche l'avait piqué-dans l'espoir insensé d'attraper cet étrange animal qui était sorti de l'eau d'un bond magnifique. Courroucé, tout autant que surpris, le négociant avait souffleté le pauvre marinier qui n'avait rien demandé à personne. Dans un mouvement de recul pour amortir la brimade de ce triste personnage, le matelot renversa le tonneau sur les souliers vernis de l'Important et hautain personnage.



Le pauvre chien, à la poursuite du brochet, se débattait dans un courant bien trop fort pour lui tandis que le maître proclamait haut et fort à qui voulait bien l'entendre, que l'affront serait puni de manière exemplaire. Il y avait tant de tumulte sur le pont que les curieux et les oisifs qui traînaient sur le quai, vinrent profiter du spectacle. La foule se moquait naturellement du négociant dont les bas de soie avaient pris une étrange couleur …



Un pêcheur, sur la rive, en sortant promptement le chien du péril dans lequel il s'était mis et en le reposant sur la berge, est sans doute, lui aussi, à l'origine de la reprise des incidents. Le chien, courut sur le pierré, sauta sur le bateau et voulut montrer à son maître son affection et son bonheur d'être sauf. Hélas, dans son enthousiasme canin, il renversa notre homme qui chut les quatre fers en l'air dans une mare de vinaigre.



Le sieur Grillon, ami des ci-devants et tortionnaire des braves gens, avait fière allure en se relevant. Il provoqua l'hilarité générale d'une foule de plus en plus nombreuse et on frisait même l'émeute. Le négociant, humilié, était résolu à châtier tous ceux qui s'étaient gaussés de lui. Il fit appeler la maréchaussée par le truchement de l'un de ses valets tandis qu'un autre, sur ses ordres, était partir quérir le prévôt : un certain Lambert.



Quelques minutes plus tard, les soldats arrivèrent pour jeter de l'huile sur le feu tandis que des gardes nationaux voulaient s'opposer à l'usage d'une force disproportionnée eu égard à la faute commise. Bientôt, il y eut, en bord de Loire, une inextricable mêlée d'où coups de bâtons et insultes fusaient de toutes parts. Le prévôt se retrouva dans la rivière pour paiement d'une rancune personnelle qui trouvait ici l'occasion de se régler à bon compte.

La querelle prit des allures de révolte. Le peuple, soutenu par la garde nationale, s'opposait aux tenants de l'ancien régime et à une maréchaussée qui connaissait ses derniers jours d'existence. L'échevin d'Orléans, un dénommé Tristan, alerté par quelques bonnes âmes, vint tenter l'aventure de rétablir l'harmonie en bord de Loire.



L'homme était respecté et parvint, non sans mal, à faire cesser l'algarade. Mais on ne se moque pas impunément d'un notable et le terrible Grillon exigea que le matelot fût renvoyé sur le champ. Il aurait voulu le rosser et lui administrer une bastonnade publique avant que de l'expédier aux galères ; heureusement l'esprit révolutionnaire était passé par là et le pauvre homme échappa à cette humiliante réprimande tout autant qu'à l'infamante peine.



Mieux même, des voix s'élevèrent dans la foule pour qu'il retrouve immédiatement un embarquement et c'est sous la recommandation de Monsieur Tristan qu'il embarqua, le soir même, sous les ordres d'un voiturier de Tours qui était redevable auprès du maire d'Orléans.



Le lendemain, en découvrant les hématomes qui recouvraient bien des parties de leurs corps, beaucoup d'habitants de notre bonne ville eurent bien du mal à croire que tout cela était dû uniquement à une pauvre mouche tombée dans le vinaigre. De tous les acteurs de cette folle aventure, seul le brochet sortit, sans la moindre bosse, de ce coup de tabac.



Il survécut encore quelque temps à cet épisode peu glorieux de l'histoire locale jusqu'à ce qu'il morde à l'appât d'un pêcheur. Il termina dignement son existence, préparé au beurre blanc dans un taverne : le Cabinet Vert installée au pied de la falaise, réputée pour ses succulents plats de poissons de Loire. Un convive, désireux de donner un peu plus de saveur encore à ce mets délicat, versa sur le filet blanc une larme de vinaigre de vin.



Une mouche qui volait dans la taverne se posa alors sur la chair et, par une curieuse réaction en chaîne, bientôt l'estaminet fut le théâtre désolant d'une des plus belles rixes qu'on connût de mémoire d'aubergiste. Le client voulant chasser la mouche d'un large mouvement de la main, vint flatter la croupe de Fanchon, la serveuse ...

Hélas, celle-ci n'était pas uniquement servante mais également la femme du marmiton en personne, un personnage assez chaud du bonnet et d'humeur belliqueuse dès qu'il s'agit de l'honneur de sa compagne qui par malheur avait aperçu la scène. Les bancs et les écuelles volèrent, les poings achevèrent leur course sur le nez du voisin et quelques dents jonchèrent le sol à la fin du repas.



Depuis, en Orléans, quand on prétend qu'une affaire tourne au vinaigre, il est préférable de déguerpir et de ne surtout point s'en mêler. Gardez-vous de jouer la mouche du coche, il pourrait bien vous en coûter, surtout si vous n'accordez aucun crédit à cette histoire …


mardi 23 mai 2023

Histoire de Girouettes.

 

Une passion dans le vent





Le Girouet grince dans le vent

Indiquant d'où viennent les tourments

La tempête souffle depuis longtemps

Déchirant les souvenirs d'antan



Est-ce parce qu’elle avait toujours un peu la tête dans les nuages que Paulette Rhode a pu se pencher sur un trésor oublié de notre patrimoine ? Nul ne saura jamais, la vieille dame dans le vent nous a quittés, laissant son œuvre inachevée. Si elle a su mener à son terme son recensement des croix des chemins dans notre département, son travail sur les girouettes et les girouets n’en finit pas de tourner dans le vide. Il nous appartient, nous ses amis du Liger Club de l’orléanais de redonner vie à l'infatigable curieuse en exposant son travail.


En juin 1993, Paulette se désolait : « La blanchisseuse a disparu. Endommagée par les intempéries, la girouette enseigne des dernières lavandières, ne surveillera plus les allées et venues du jardin des plantes de sa cité. Qui prend encore le temps de remarquer, d’observer ces silhouettes de tôles ou de zinc placées au faîte des toits pour indiquer l’orientation du vent ? Les unes simples ou naïves, d’autres aux dessins très élaborés ; savamment découpées, elles offrent en même temps une grande diversité de sujets »


C’est ainsi que notre curieuse se pencha sur cette forme d’expression artistique, ce langage en images qui exprime le quotidien d’un passé révolu. Elle partit donc l’appareil photographique en bandoulière pour saisir ces vestiges qui rouillaient dans l’indifférence générale avant qu’elles ne disparaissent à tout jamais.


C’est le nez en l’air qu’elle a sillonné tous les toits de la région, cherchant cet étrange oiseau aussi rare qu’immobile. À pied, à bicyclette ou en voiture, villages, villes, châteaux, fermes, chaumières eurent droit à son passage. En bord de Loire, en Sologne ou bien en Beauce, dans la plaine comme dans les bois, elle n’eut de cesse que de traquer les dernières survivantes de cet art de l’héraldique sans lettre de noblesse à la portée de tous.


Passons sous silence les difficultés techniques pour saisir le bel ouvrage d’un artisan qui fut créé en une époque où ni les antennes, ni les fils de toutes natures ne venaient perturber l’admirable travail de celui qui l’avait fixé là pour qu’il tourne au vent, zéphyr fripon ne manquant jamais de se réveiller pour empêcher la prise de vue. L’essentiel est ce témoignage indirect que la dame a voulu nous léguer afin que nous n’oubliions jamais ce qui fut jadis un privilège de noblesse


Si les girouettes coiffant de rares maisons passent souvent inaperçues, il n’est en pas de même de ce fier volatile qui trône sur nos clochers. Naturellement la question du coq sur les églises mérite d’être posées avec quelques hypothèses pour tenter d’apporter la lumière :

  • Le coq est intimement lié dans les évangiles à l’heure de la résurrection. C’est à son chant que le messie revint du royaume des morts.

  • L’animal a souligné le reniement de Saint-Pierre, il peut nous rappeler à notre modeste condition humaine

  • Les premières assemblées chrétiennes, dans la clandestinité d’une religion alors persécutée se tenaient à l’heure du chant du coq. Quoi de plus naturel que sa présence pour ces assemblées revenues en plein jour.

  • Le coq est un symbole de vigilance. En étant le premier à annoncer le jour, il sonne le réveil pour mettre en fuite les monstres des ténèbres. Il est l’espérance qui pourchasse les démons de nos terreurs.

  • Le coq fut emblématique chez les celtes. Les moines voulant imposer la nouvelle foi, se saisirent de lui comme de bien des divinités gauloises pour imposer l’image de la croix et du christ.

  • L’animal à plume enfin avec sa queue en panache, offrait non seulement une silhouette simple à dessiner et surtout une bonne prise au vent. Arguments simplistes pour satisfaire les agnostiques de tous poils


Pour rendre plus stable notre coq perché sur son clocher, il fallut alourdir sa tête par l’injonction de plomb. L’expression « Avoir du plomb dans la tête » serait donc née à une hauteur qui décourage les chasseurs. Quant aux voleurs, pour leur rendre la tâche plus délicate, des reliques saintes, des pièces de monnaies ou des parchemins auraient été cachés dans les coqs de nos églises.


Les premiers coqs de l’histoire des girouettes furent en métal doré. Dès le Xe siècle, il se perche fièrement au somment de la cathédrale de Winchester. Plus tard, sur la tapisserie de Bayeux, il se présente en majesté, les ailes déployées. Certains coqs eurent droit à un petit coup de pinceau, lui donnant des couleurs vives. Ceux qui paraissent verts sont souvent en cuivre tandis que les plus modestes sont en bronze.


Au XIIIe siècle, des anges de bronze ou des statues de saints remplacèrent le coq pour faire des girouettes d’un nouveau genre. Une sainte vierge de plomb, devenue figurine tournante, put ainsi bénir toute une ville au fur et à mesure de ses rotations éoliennes. Lors de la révolution, les églises vécurent une période délicate. Certaines se firent « Temples de la raison » et le coq perdit ainsi sa place, remplacé par un bonnet phrygien transpercé d’une lance qui assurait le rôle du pivot. L’église d’Escrennes a conservé ce souvenir.


Les belles demeures se parèrent quant à elles d’élégantes girouettes, mises en évidence avec des épis de faîtage. Le tout formait parfois de véritables bouquets de fleurs. Les châteaux de Loire se hérissèrent de ces enluminures ferronnières, raffinements indissociables de la grandeur des hôtes de ces lieux.


L’histoire relève que la plus ancienne girouette connue se trouvait sur la « Tour des vents « à Athènes. C’est un triton d’airain. Au Moyen-âge, la girouette est un privilège de la noblesse pour afficher les armoiries de la maison. Découpée en bannière pour les chevaliers bannerets, elle se contente d’être taillée en pennon pour les simples chevaliers. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le parlement de Grenoble autorise le vassal gentilhomme à « porter » girouette comme le seigneur. Les gueux en étant privés, ils se firent un malin plaisir à descendre et souvent à détruire les girouettes de leurs nobles toitures lors de la révolution. Le vent avait tourné, et il était mauvais.


Des girouettes énormes portant des personnages grandeur nature furent un temps à l’honneur à la fin du Moyen-Âge. Paulette Rhode, en voyage en Andalousie eut le plaisir de pouvoir en observer quelques-unes dont la célèbre « Giralda » de Séville.


C’est essentiellement au XIXe siècle que la mode des girouettes ornant les toits se généralisèrent dans toutes les catégories sociales, une revanche surtout pour les gens simples alors que la République s’installait enfin durablement. Conservant leur fonction originelle, elles se firent enseignes pour définir la profession de leur propriétaire à moins qu’elles n’indiquent son loisir préféré ou un pan de son histoire personnelle. Pour d’autres, ce sont des animaux familiers qui grimpent sur le toit ; le cheval monta ainsi sur ses grands chenaux, représenté au travail, à la chasse ou au combat.


Les belles demeures bourgeoises se démarquèrent de ces représentations trop communes. Elles purent ainsi se couvrir d’oriflammes découpées des initiales du maître de maison à moins que ce ne fut des figures allégoriques : tête de loup ou chimères tandis que le dragon les garantissait sans doute des feux de cheminée. Dans les campagnes, des girouettes sont encore installées. Elles représentent des engins modernes : tracteur, moissonneuse, voiture et parfois des bateaux comme à Vitry aux Brosses, pourtant assez loin du canal.



Paulette, une femme dans le vent.

Éole dans tous ses états



Quand on a que le vent


Pour aller de l'avant

L'espace d'un instant

Ou encore plus longtemps


Quand on n’a que la voile

Pour suivre une étoile


Un rêve qu'on dévoile


Au milieu de la toile



Éole, dieu du vent montre l’importance de cette force motrice jadis avant que les éoliennes d’aujourd’hui ne viennent rappeler son bon souvenir aux humains en mal d’électricité. Le vent avant que de faire tourner d’immenses pâles, permettait aux moulins de tourner, aux bateaux de voguer. Quant aux éoliennes d’antan, elles permettaient de faire monter l’eau des nappes phréatiques. Rappelons à ce titre la magnifique création des frères Bolet, les célèbres fondeurs de cloches abraysiens.



Les girouettes se contentaient si on ose dire ainsi de montrer la direction du vent pour la simple et bonne raison qu’elles informaient du temps à venir. Le bulletin météorologique n’existait pas tandis que les humains, proches de la nature, avaient grand besoin d’établir des prévisions fiables sans le sourire d’une jeune femme qui n’a sans doute jamais enfilé des bottes en caoutchouc. C’était un temps où le ciel ne faisait pas des caprices ; en examinant le ciel et en connaissant la direction du vent, les anciens pouvaient prédire le temps de manière fiable. Notre territoire était donc couvert de girouettes et celles-ci se trouvaient placées sur un hangar de manière à être visible de la ferme.

« La girouette de ma maison, c’est surtout mon voisin qui en profite. Moi, il faut que je sorte pour la voir ! » Certains moulins disposaient d’un système astucieux : un témoin fixé sur une tige, rendait compte à l’intérieur de l’habitacle, des déplacements de la girouette sur le faîtage.

Le vent était tout particulier l’allier des mariniers de Loire. Le vent de soularne ; celui qui venait d’Est leur assurait une avalaison tranquille quand ils se dirigeaient vers l’Océan. À contrario, pour la remonte, les vents favorables étaient le Galarne ou le Surois. Les vents venant de l’ouest permettaient enfin de revenir au foyer tandis que les femmes des mariniers allaient prier Notre Dame de Recouvrance pour que le vent leur ramène sans encombre leurs époux. La girouette montrait si leurs prières avaient été exhaussées.

Le marin découpait lui-même sa girouette représentant son propre bateau. Le musée de la Marine de Loire de Châteauneuf sur Loire possède une magnifique série de ces petits chefs d’œuvre. La plus remarquable sans doute est ce grand Girouet * sculpté dans le bois représentant un chaland surmonté de l’aigle impérial. Hissé en haut du mât les jours de fête, ce girouet était garni de banderoles de couleur qui flottaient au vent.



* Les mariniers avaient besoin de girouettes sur leurs embarcations. Pour détourner l'interdiction de la girouette pour les manants, ils avaient transformé le mot et le prononçaient « guirouet » pour montrer leur indépendance d’esprit. Les girouets étaient également destinés à conjurer le sort avec par exemple ce monstre marin représenté sur l’une d’elles afin d’intimider les dieux maléfiques responsables des naufrages.



Quand les mariniers allaient jusqu’à Nantes, ils voyaient de superbes goélettes en partance pour des destinations lointaines. Influencés par ces bateaux, désireux eux aussi de faire de grands voyages, nombreux sont ceux qui établirent sur leur demeure des girouettes représentant des navires hauturiers. Une manière d’influencer leur destin peut-être …


Une passion dans le vent



Ma petite girouette
Rien qu'un brin de vent
Te fait tourner la tête.
Ma petite girouette
N'as-tu dans la tête
Que du vent ?



Georges Chelon



Placées sur leur perchoir, elles ont été témoins de tant de scènes qu’il est bon de venir interroger nos belles girouettes sur le comportement de ces êtres si versatiles que sont les humains.

Une femme, isolée dans son exploitation nous raconte : « J’ai été si heureuse dans la ferme où travaillaient mes parents quand j’étais petite que j’ai voulu la même girouette placée sur le toit de mon enfance dans ma ferme afin qu’elle m’apporte autant de bonheur ! » C’était une jolie gerbière tirée par deux chevaux. Les deux fois où Paulette s’est rendue sur place, la girouette était entourée de colombes …



Certaines girouettes sont si naïves que l’on les croirait dessinées par des enfants ! Les détails sont certes scrupuleusement respectés mais avec un tel manque de proportion qu’on en vient à s’interroger. Ainsi une très ancienne girouette vendéenne représente un paysan chouan qui mène une charrue. L’homme est imposant, le bœuf tout petit et que dire de la fillette apportant son repas ? L’imagination des artisans traduit en ce domaine désir et poésie tout aussi que leur rancœur vis-à-vis du pouvoir, de la situation, des contraintes du métier.

Dans ce registre, la girouette de ce fils dont les parents ont refusé l’héritage suite à un remariage qui leur a fortement déplu. Le bafoué a découpé dans la tôle les effigies de sa famille et couvrant ces personnages, il a découpé le texte suivant : « Au déshérité ». Ainsi tout le monde savait le mauvais tour qu’on lui avait joué, il suffisait de lever la tête. L’expression : « On l’a crié sur les toits ! » trouve dans pareil cas sa plus parfaite illustration. Le vent se voit confier ressentiment et colère par le truchement d’une expression qui remplace bien des médications. Le Nivôse supplée à la névrose !



Un maréchal ferrant équipa son toit d’une girouette quelque peu suggestive représentant des fers et un cheval en pleine forme. Nommée « Au cheval gaillard » cette enseigne à tous les vents indiquait à qui voulait bien le comprendre que l’artisan non seulement ferrait les chevaux mais que de surcroit il pouvait aussi les castrer. La période contemporaine n’échappe pas à ces pratiques. Ainsi un employé EDF de Saint Laurent des Eaux a coiffé sa demeure d’une girouette représentant les tours de refroidissement de la centrale. Un ferronnier bien connu dans l’Orléanais a représenté sur son toit toute sa petite famille par des silhouettes découpées à contre-jour. Un artiste peintre quant à lui, se représente près de son chevalet, admirant la Loire sous les différents angles que lui offre le sens du vent. Bel hommage au grand fleuve.



Au cours d’une promenade au bord du Lien (un affluent de la Charente) notre chercheuse à découvert la girouette : « La Belle carriole ». Elle représente une voiture avec cheval et chien évoquant directement la toile du Douanier Rousseau. Dessiné et découpé par son propriétaire, cet équipage a procuré maintes promenades agréables si bien que la photo de la girouette figure dans l’album de famille entourée d’un cœur. L’œuvre de ferronnerie se trouve sur le toit d’une belle maison du XVIIe siècle.


Elles vous font tourner la tête.



Le petit vent

Le petit vent qui nous pousse dans le dos
Nous caresse tout doucement
Car c’est son affaire, au petit vent

De temps en temps

De temps en temps il nous souffle dans le nez
Car il veut nous plaire, le petit vent.


En France on aime à boire, c’est bien connu ! Les girouettes, du haut des toits, président souvent aux rites de la vigne. Elles représentent alors des vendangeurs, des fouleurs de raisin, des transporteurs de barriques. La mythologie paie sa tournée avec un Bacchus en joyeux drille, honorant avec coupe et flacon la pampre de la vigne enfant ant un délicieux nectar.

Des propriétaires récoltants ont choisi de signaler leur négoce en enlaçant leurs initiales autour d’une treille et de trompette de la renommée telles les armoiries de la noblesse d’antan. La coupe est pleine et la girouette fait tourner les têtes y compris en l’absence de vent ?


Les femmes sont rarement représentées sur les girouettes. Si le dicton prétend qu’il n’est que femme qui varie, le vent ne souffle guère en faveur de sa représentation. Elle se trouve dans des tâches simples : fileuses – bergères – blanchisseuses. Le dur labeur de la lavandière, bien loin du folklore la montre brossant ou battant le linge sur sa selle avant que d’aller rincer le linge au fil de la Loire. La girouette tournait à qui mieux mieux pour essorer le linge.

Quand la femme apparaît à côté de son mari pour l’aider dans sa tâche, qu’il soit maréchal-ferrant ou charron, elle porte gaillardement un chapeau de feutre qui lui ne s’envole pas au vent et un long tablier qui atteste de sa féminité.


Les girouettes sont autant de livres d’images sur lesquels les vieux métiers, aujourd’hui disparus, continuent de se raconter par l’intermédiaire de représentations plus ou moins naïves ou richement ouvragées. Ainsi les trépigneurs, aujourd’hui oubliés : un cheval en trépignant sur ses antérieurs, faisait tourner des cylindres de métal. Des courroies transmettaient le mouvement pour actionner des blutoirs qui coupaient les betteraves. Le grand-père de Paulette, fier d’avoir conservé cette machine, l’avait reproduite afin qu’elle orne son toit même si la roue avait tourné, faisant passer l’énergie animale au rang des souvenirs révolus.


Il y aurait tant à dire encore sur les girouettes comme celle du capitaine des pompiers représenté avec son état-major près de la fameuse pompe à bras de sa commune ou bien celle du cheminot perché sur son petit train. Le châtelain du coin n’est pas en reste lui dont les points cardinaux deviennent les initiales de sa devise ou bien encore le beau drapeau de la « Folie Baton » retraçant la vie es ancêtres du nouveau propriétaire.


Les girouettes peuvent encore servir à autre chose qu’à indiquer le sens d’un vent que le père Jules n’avait pas forcément dans le nez. Quand il rentrait, lui qui aimait bien boire le coup, ayant chaussé ses souliers à bascule, il avait grand besoin de sa girouette. Elle lui montrait le chemin, lui qui n’y voyait plus très clair. L’âne a aussi joué ce rôle autrefois de guide des buveurs égarés.


Le vent de l’amitié


Un p’tit vent
Bon p’tit vent
Parle de la vie des gens
Et fait son chemin de bouche à oreille

Paulette Rhode se plaint de la qualité de ses photographies. En dépit des précautions prises, elles sont trop souvent floues ou trop petites pour être agrandies. Si la girouette est intéressante, elle n’en demeure pas moins sur un toit qui n’est parfois pas facile d’approcher. C’est forte de ce constat qu’elle choisit une autre technique de reproduction. Un agrandissement par le truchement d’un dessin sur un bristol épais, découpé ensuite au cutter. La première de ces maquettes lui donna satisfaction, elle persévéra obtenant ainsi une jolie collection d’ombres chinoises qu’elle aimait à exposer



« L’homme au fléau », « les joyeux buveurs de Saint Août » retrouvèrent une seconde jeunesse loin de leurs toitures d’origine. Les buveurs sont en fait un garde champêtre caricatural trinquant avec le bûcheron tandis que l’officier de carrière est équipé d’un fourreau de baïonnette qui assure l’axe de rotation. Du grand art !

La silhouette racée des deux chevaux tirant une charrue menée par un paysan en costume traditionnel a pu grâce à cette technique être exposée et même embellie d’un coucher de soleil réalisé par Daniel, l’artiste agrandisseur qui sait donner une dimension poétique à ces anciens témoins de l’art premier pour la satisfaction des visiteurs des différentes expositions.



Paulette se réjouit alors que le vent de l’amitié a soufflé sur ses girouettes. Connaissances et amis se sont mis en quête de ce que les archives ne pouvaient préciser. Les ferronneries d’art ne figurent que très exceptionnellement dans les documents écrits comme si la culture ne se reconnaissait pas dans cette merveilleuse représentation du quotidien.

Les randonneurs levèrent le nez en cadence. Des chercheurs indiquèrent eux aussi à Paulette l’emplacement de ces trésors dont elle était en quête. Elle n’avait plus qu’à se rendre sur place pour photographier la chose. Elle bénéficia aussi d’aides matérielles : matériel d'agrandissement, bois, métal, carton pour permettre la réalisation de maquettes tandis que d’autres fournirent des documents sur le sujet.



La dame se souvient alors d’un souvenir tout particulier qui lui a laissé une forte impression. C’était au mois d’août, elle avait obtenu de se retrouver seule sur les toits du château de Chambord. Dans ce décor extraordinaire, muni d’un sésame officiel, elle pouvait jouir du spectacle fabuleux de l’extravagante toiture royale. Des girouettes portaient des grandes lettres de bronze représentaient les initiales de nobles personnages. Elles couronnaient les cinq clochetons. Le conservateur satisfit alors à sa curiosité pour lui apprendre que le F évoquait François 1er que le H représentait Henry V, le R honorait Robert de Parme tandis que les C et B entrelacés rendaient hommage à Caroline du Berry alors que le comte de Chambord était présent lui aussi avec le D de Dieudonné, son prénom.




L’art et la manière



La girafe et la girouette


La girafe et la girouette,
Vent du sud et vent de l’est,
Tendent leur cou vers l’alouette,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Toutes deux vivent près du ciel,
Vent du sud et vent de l’est,
À la hauteur des hirondelles,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Et l’hirondelle pirouette,
Vent du sud et vent de l’est,
En été sur les girouettes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
L’hirondelle, fait, des paraphes,
Vent du sud et vent de l’est,
Tout l’hiver autour des girafes,
Vent du nord et vent de l’ouest.


Robert DESNOS

Recueil : "Chantefables"



Autrefois, la tôle de fer permettait de réaliser ces ouvrages. La pièce était découpée le plus souvent d’une seule pièce quand parfois d’autres étaient constituées de plusieurs parties assemblées ensuite grâce à des rivets à une époque où la soudure était inconnue.

L’arrivée du zinc, un matériau qui résiste mieux aux intempéries sonna l’abandon du fer. C’est lui qui eut la primauté même si des girouettes en bois tournent aussi sur les toits. Certains petits moulins sont de véritables automates. Les ailes en tournant, actionnent par un système de tiges et de cames, des petits personnages qui lèvent un verre au rythme du vent !



La rotation de la girouette intrigue ceux qui ne sont pas des adeptes de la mécanique. Un des côtés de la girouette, enroulé sur lui-même forme un fourreau fermé à son extrémité supérieure. Ce fourreau prend position sur un axe fixé au toit, une bille d’agate venant s’interposer entre les deux pour faciliter la rotation.

Il est recommandé de prévoir un balancier formant contre-poids pour offrir un meilleur équilibre à la girouette tout en limitant son usure à l’instar de leurs frères humains qui eux aussi ont besoin pour tourner rond de compenser les rigidités de l’existence par une petite dose de rêve et de fantaisie.

Malgré ces précautions, on entend parfois tourner les girouettes.

Elles chantent proclament les poètes. Elles se plaignent, affirment les sensibles. Elles grincent prétendent les grincheux.

La girouette

Cri noir, désenchanté,
Elle dit aux nuages les demains rouillés.
Loin d’elle, le sol qu’elle a quitté,
Pour des idées d’azur, de jours ensoleillés.

Elle ne chante plus…a-t-elle jamais chanté?
Elle grince les pleurs de rêves oubliés.
Elle voit les horizons, les campagnes habitées,
Les fumées du village, d’hiver ensommeillé.

Mais parfois, le vent vient la visiter,
Après sa dure journée, dans le ciel brouillé,
Au vieux coq, sur une patte montée,
Discrètement, il pose une bise mouillée.


Daniel Courtois



Plusieurs coqs ont été confiés à Paulette Rhode dont certains en bronze, très racés. D’autres ressemblant bien plus à une grosse poule paysanne se contentaient de zinc. L’un de ces coqs offerts a intrigué la curieuse. Il portait sur le dos et sous le ventre un œilleton de verre muni d’une petite glace par laquelle devait se réfléchir un rayon de soleil. Ce devait être destiné à éclairer un objet mystère un certain jour de l’année par un certain vent. Une girouette digne de Hergé …


Un seul coq de clocher a trouvé grâce aux yeux de la collectionneuse. Elle l’a choisi parce que ses pattes semblaient nous faire comprendre qu’il courait et c’est justement sur le clocher de Cour-sur-Loire qu’il trônait majestueusement. Un artisan malicieux avait sans doute souhaité jouer avec la toponymie du lieu sans que les autochtones ne le remarquent.


La mise en place sur le clocher d’un coq girouette était accompagnée par une coutume qu’il convient de raconter ici. Avant de monter sur son très haut perchoir, les couvreurs prenaient l’animal dans les bras afin de lui faire parcourir toutes les rues de son futur domaine. Naturellement ce tour de village s’accompagnait d’un petit versement en liquide dans une sébile tendue par les aventureux artisans. Le coq était enrubanné tandis que les filles à marier se devaient de couper un morceau du ruban afin de conjurer le sort et trouver dans l’année un jeune coq à mettre dans son lit.


De leur côté, certains joyeux drilles sans doute pour faire les coqs, des soirs trop arrosés, se lançaient dans l’aventure de décrocher la girouette sur le clocher de l’église. Ils devaient reproduire cette prouesse le lendemain pour le remettre en place non sans l’avoir affublé de quelques oripeaux drolatiques.

 


Hier et aujourd’hui





Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.


Charles Baudelaire



Les recherches de Paulette Rhode l’ont souvent entraînée sur les chemins du passé. Elle se demanda alors s’il y avait place de nos jours pour ce beau témoin du vent qui souffle et si des artisans d’aujourd’hui reprenaient le flambeau et peut-être le poste à souder.


Le hasard lui fit un signe par l’intermédiaire d’un reportage dans le journal local. Elle apprit l’existence d’un groupe de « Compagnons Couvreurs » à Cepoy. Pour les joindre, il lui fallut contacter « Gatinais, la gaîté » un formidable sobriquet pour aiguillonner la curiosité d’une dame insatiable en ce domaine.


Après des démarches auprès de la mairie, elle eut le plaisir de visiter leurs ateliers puis de se rendre à Paris au siège des compagnons, afin d’admirer l’exposition de leurs chefs-d’œuvre. Elle était comblée car dans ces maquettes de toiture, certaines étaient coiffées d’une girouette ouvragée.


Paulette se mit à imaginer un langage des girouettes. Elle pensa qu’elles devaient communiquer entre elles par l’intermédiaire du vent qui avait tourné la tête à notre vieille amie. Elle eut des mirages ; elle vit sur un toit un gentil petit couvreur conter fleurette à une charmante bergère qui lui souffla un baiser. Elle crut apercevoir le gentilhomme châtelain régler ses comptes avec l’incorrigible braconnier …


La réalité vint apporter elle aussi sa dose d’humour. Toujours le nez en l’air, Paulette se rendit compte que le Tribunal Administratif d’Orléans était couvert de parapluies qui devaient lui servir de talismans pour se parer des pépins que constituent les erreurs judiciaires.


Pour sa recherche Paulette a parcouru Val de Loire, Sologne, Berry, Gâtinais à la recherche de ses chères girouettes. Elle a ressenti un pincement au cœur dans une Beauce presque déserte où seuls les engins agricoles se meuvent dans la grande plaine. Elle y a pourtant été accueillie avec une grande gentillesse tant sa démarche provoquait sympathie et curiosité.


Au terme de ce collectage magnifique auquel le Liger Club de l’Orléanais redonnera vie depuis que Paulette a pris la poudre d’escampette pour se rendre sur l’autre rive, voir si le vent souffle aussi de ce côté-là, tout comme elle nous ne comprenons pas pourquoi on traite de girouette les personnes qui se laissent aller à changer d’avis.


Paulette écrivait à ce propos : « Soyons modestes, nous sommes tous un peu girouette …

Reste à savoir si c’est à bon escient … et si notre individualisme ne nous empêche pas de percevoir le petit souffle envoyé par le cœur des autres ! »


Girouettes de fêtes, de prestige, de souvenir, de tendresse ou de rancœur, ombres chinoises sur fond d’azur, « autant en caresse le vent ». Le vent qui avec le temps fait se déliter les girouettes, se décolorer les souvenirs.


Paulette s’est donné la belle tâche de conserver la mémoire de ces majestueuses silhouettes. Elle a redonné vie aux girouettes, à leur histoire, à leur univers authentique. Puissions-nous ne plus nous moquer de ceux qui marchent le nez en l’air !




Girouette, tu peux crier sur les ardoises,
Grincer comme une dent sur d’acides framboises !
Hiver, tu peux lancer aux vitres tes grêlons
Qui bourdonnent comme une averse de frelons,
Qu’importe ! Hiver, brandis tes trompettes de cuivre
Et déchaîne tes chiens sur la route de givre
Et les chevaux des ouragans ! Je m’en bats l’œil !
Je m’en bats l’œil ! Je lis des vers dans mon fauteuil !
Beauté des jours ! Beauté des livres et des lèvres !
À mon coupé, j’attellerai cent douze lièvres.
Sous l’azur plus vibrant qu’une aile de perdrix,
Et j’irai vers les bois que mon rêve a fleuris !


Tristan Derème


Paulette aimait par dessus tout frapper à la porte d’une maison portant girouette, s’enquérir de son histoire, discuter avec les habitants. Souvent, elle remarquait qu’après son passage, la girouette avait été réparée ou entretenue, preuve que sa curiosité avait de belles conséquences. Sa fille Claire se rappelle combien sa mère était heureuse de redonner vie à ce patrimoine si discret qu’il faut lever la tête pour l’apercevoir. Ses conférences étaient toujours l’occasion de belles rencontres et d’un formidable souffle de vent pour les girouettes si chères à son cœur.


Puisse la reprise de son œuvre vous donner à tous l’envie de couvrir votre demeure de ce magnifique témoignage du passé.








Un écureuil s'éprit d'une taupe

  Amours énantiotropes Un écureuil s'éprit d'une taupe Comble d'un amour énantiotrope Lui perché sur son gra...