dimanche 30 avril 2023

Drôle d'ambassadeur

Drôle d'ambassadeur




Pour transmettre un message

Bien avant la téléphonie

On mettait un oiseau en cage

Pour le libérer le jour dit


Le pigeon alors voyageur

Échappera à la cocotte

Pourvu que nul chasseur

Ne le tire comme à Gravelotte


Le petit pois ou bien les plombs

L'alternative est délicate

Le ramier préfère pour de bon

Sa mission ingrate


Hélas le pigeon sur la défensive

Il fallut changer d'animal

Pour porter cette missive

En pleine guerre tribale


Un cheval coursier

Fut mis en selle

Pour porter le courrier

Il n'y a rien de tel


Hélas depuis Troie

On se défit de la chose

Le tampon qui fait foi

Trouve porte close


Un bouc fut choisi

Remplaçant le postier

Il allait porter à l'ennemi

Un message d'amitié


L'émissaire fut saisi

Sans remplir sa mission

Servit de méchoui

La flamme pour oraison


La paix, lettre morte

Faute de courriel

La nouvelle supporte

D'être transmise du ciel


samedi 29 avril 2023

Donner sa langue au chat …

 

Alimentation et citoyenneté





Il se trouve des gens persuadés de pouvoir défendre la filière agroalimentaire française en bradant notre langue, organe indispensable au bon goût français. On ne peut leur en vouloir : ils font partie de ceux qui ont appris dans les écoles de commerce ou de communication que pour bien se faire comprendre des décideurs, il faut désormais abandonner sa langue maternelle au profit d'un globish indigeste.


Alors, pourquoi pas organiser une manifestation au doux nom « d'Open agrifood » pour satisfaire à l'air du temps, à la médiocrité générale et à la débâcle culturelle française ? C'est si joli, ça sonne si bien qu'on ne peut que s'extasier devant l'appellation si clairement compréhensible qu'elle en devient déjà un paradigme de référence dans ce domaine.


Bien sûr, il eût été question de défendre la gastronomie tricolore, les experts en communication eussent sans doute opté pour un terme plus franchouillard. Mais qui se soucie encore de notre cuisine nationale : ce fleuron que le monde entier nous envie alors que nos concitoyens fuient les restaurants de qualité au profit de gargotes infâmes, de pizzerias qui envahissent le territoire et d'officines interlopes où l'on préfère ingurgiter avec un lance-pierre plutôt que de se restaurer lentement ?


Alors l'industrie agroalimentaire, celle-là même qui s'est vendue au diable avec des produits toujours plus standardisés, insipides, douteux, sans saveur ni caractère, peut bien s'afficher avec un tel générique pour sa grande foire qui se tiendra à Orléans les 18 et 19 novembre 2015. Il y a d'ailleurs des rendez-vous qui ne trompent pas sur l'abandon sans rémission de notre langue chez ces formidables vendeurs comme le déjeuner thématique dont le nom me donne des brûlures d'estomac : «  Conciliate climat, pleasure and food ».


J'en reste bouche bée d'autant plus que la seconde édition de ce grand raout est placée sous le thème de l'alimentation et la citoyenneté. La première exigence pour satisfaire à ce merveilleux thème serait, il me semble, de respecter la loi Toubon sur la langue française. Mais dans ce monde résolument moderne qui concerne toute la filière des semenciers jusqu'aux consommateurs, on se moque bien des règles contraignantes. Ici, on répand aussi facilement les pesticides que les expressions anglophones.


Comment affirmer une identité nationale, comment revendiquer une qualité spécifique à notre pays, comment gagner la confiance des autres nations quand on brade sa propre langue, quand on se prosterne devant le langage qui porte en lui les valeurs de la mondialisation et de la médiocrité alimentaire ? Ces gens raisonnent de bien curieuse manière, égarés qu'ils sont par des théories qui conduisent tout droit dans le mur en niant ce label de qualité qui devrait faire la force de la France.


Les produits faits en France s'honoreraient de se présenter en version originale. C'est ce qui est attendu à l'étranger quand il est question du bien manger, de la qualité française, de notre gastronomie reconnue comme participant au patrimoine de l'humanité. Une exigence qui ne touche en aucune façon ces pauvres pantins distingués qui n'ont que des anglicismes dans la bouche, des courbes de croissance, des critères de rendement et jamais de qualité.


Je sais que mes protestations ne toucheront pas ces distingués représentants de la classe dominante, celle qui brade notre héritage culturel, qui défend l'industrie et ses dérives au détriment d'une agriculture ancrée sur le territoire, qui se vend au plus offrant et ne se soucie plus de défendre le patrimoine national. Ce sont les mêmes qui tiennent les rênes du grand syndicat agricole, chantre de l'industrie phytosanitaire. Ainsi la manifestation sera patronnée par un sieur dont je me refuse à évoquer le nom ici tant il personnalise la dérive de l'agriculture prétendument moderne.


Et la cerise sur le gâteau est telle que je m'étrangle d'indignation en découvrant qu'un concours de cuisine sera organisé à l'initiative de l'association régionale des industries alimentaires du Centre-Val de Loire. C'est naturellement un « Open chef », pourquoi user d'un vocable francophone ? Pire que tout encore, ce concours de cuisine se fera à partir de produits surgelés ou conditionnés sous vide, transformés par les industriels de la région. On mesure la conception de la qualité chez ces pauvres traîtres à la nation. Du fait maison, comme il se doit dans un monde parfait !


Il n'est plus rien à espérer d'un pays qui s'abandonne ainsi à tous les travers de la mondialisation. Je pensais que la gastronomie demeurait un bastion et je découvre, affligé, que le pire n'est jamais impossible. Plus rien ne tient dans une nation où la langue est ainsi galvaudée. Demandez le programme de cette foire si le cœur vous en dit, ne comptez pas sur moi pour vous le communiquer. Je tire au cœur et j'ai la langue bien trop chagrine.



vendredi 28 avril 2023

À couteau moucheté.

 

Une pointe de beurre …





Je n'ai jamais été une fine lame ce qui explique sans nul doute mon étonnement lorsqu'un camarade exigea de ne disposer, pour son petit déjeuner, que de couteaux à bouts ronds. Ayant une profonde méfiance vis à vis de cet ustensile que je qualifie volontiers d'ostentatoire obsolète, je me suis interrogé longuement sur cette curieuse réclamation.


Ne voulant pas rester dans l'ignorance, je poussais un peu plus loin l'investigation, mettant mon quémandeur sur le grill afin qu'il m'explique sa requête. Il ne fallait cependant pas tarder car, le sus-dit personnage avait placé devant lui depuis un petit moment une plaquette de beurre qui ne demandait qu'à fondre.


Je devinais son impatience à voir satisfaire sa demande coutelière. Il m'avoua sur un ton véhément qu'il avait l'intention de mettre une pointe de beurre sur une tartine qui justement venait de se manifester au sortir d'un grille-pain. Mon hôte ne saurait plus attendre, un objet qui devait servir son dessein.



Je le fis cependant patienter en lui montrant toute ma ménagère, constituée uniquement de magnifiques couteaux de Laguioles, estampillés comme il se doit d'une abeille. L'autre de rétorquer, que pour le miel, une petite cuillère suffirait mais que tel n'était pas pour l'instant son désir de gourmand. Seul le beurre devait servir de sous-couche à la confiture qu'il entendait appliquer par la suite.


À bout de patience devant pareille obstination, je lui fis remarquer que pour une pointe de beurre, une véritable lame effilée ferait bien mieux l'affaire que cet ustensile qui permet parfois de suppléer à l'absence de tournevis pour des usages non alimentaires. Nous n'étions manifestement pas sur la même longueur d'onde.


Il était désormais à bout de nerf, sa tartine avait perdu de sa tiédeur et son désir beurrier allait s'en trouver compliqué. Il consentit alors à m'expliquer par le menu les avantages du bout rond pour l'étalement harmonieux d'une fine couche de ce produit laitier passé par la baratte. Pendant ce temps, le café qu'il entendait servir dans un bol, commençait à exhaler des effluves désagréables.



Je ne voulais pas avouer ma défaite et usait d'une mauvaise fois qui m'est coutumière pour lui asséner un argument que je pensais décisif. Je lui mis alors la plaquette de beurre sous le nez afin de lui montrer combien l'usage d'outils inadaptés se remarquait par des manières fort diverses de couper la pauvre plaquette. Celle-ci avait subi des attaques en règles sur toutes ses faces dans un désordre qui ne permettait plus de reconnaître le merveilleux parallélépipède rectangle qu'elle eut été à son premier déballage.


Les adeptes de la pointe ronde sont notamment les principaux responsables du grattage superficiel, celui qui m'exaspère en plus haut point. Cependant, en lui montrant ces sillons crénelés sur le dessus de la motte, je venais de me trahir. Manifestement, il y avait dans cette maison un couteau à dents fines qui correspondait à son attente.


De guère lasse, je dus avouer ma défaite et lui sortit d'un tiroir dérobé, ce fameux couteau à bout rond qui lui fit retrouver sa bonne humeur légendaire. Il n'eut du reste aucun mal à étaler sa science de l'art « tartinier » tandis que fort mauvais joueur, de mon côté, je devais me satisfaire d'une soupe à la grimace.


Ce petit déjeuner allait me rester sur l'estomac tandis que la plaquette de la discorde finit par prendre des allures de sculpture contemporaines. Nous avions croisé le fer à fleuret moucheté tandis que pendant cette querelle, un moustique sournois vint terrasser mon adversaire, affirmant sans ambage, la supériorité du dard pointu.


À contre-bout.


 

jeudi 27 avril 2023

Le russe et son samovar

 

Le russe et son samovar




Un préfet loin d'apprécier les chants

Envoya sa curieuse brigade

Fouiller au corps tous les gentils passants

Qui venaient là mener algarade


Dans un souci d'ordre républicain

Chacun devait laisser en consigne

Tout ce qui, ça n'est vraiment pas malin

De la sédition était le signe


Lorsque le quidam à l'accent slave

Atteint le cordon de sécurité

Porteur d'un curieux autoclave

Subit la fouille de la maréchaussée


Demandant l'objet du désagrément

Vit surgir un gradé tel Pégase

Prenant l'objet du délit dans l'instant :

Devait y avoir de l'eau dans le gaz


L'honorable sujet de Poutine

Répliqua en diplomate sage

Devant mesure aussi crétine

Coupa le gazoduc de rage


Les casseroles à ce que je sache

Ne peuvent être enrôlées dans le conflit

Mon beau samovar y ferait tache

Sans effrayer le moindre ennemi


Son tourmenteur tout à fait ignorant

Des affaires de ce vaste monde

Fit preuve d'autorité c'est navrant

En s'accaparant l'engin immonde


Le russe blanc s'indigna qu'on pût

Sans vergogne user d'un éponyme

Même si personne ne le crût

Prétendant que c'était là un crime …


De son propos parfaitement abscons

L'homme tendit son précieux samovar

Sous l'injonction d’un belliqueux dragon

Écartant ce qui fait tintamarre


Représentant de l'ordre monarchique

L’affreux pandore lui fit grise mine

Menaçant de lui couper la chique

D'un étrange rouleau de cuisine

 


 

mercredi 26 avril 2023

Faribole du lapin

 

Un lapin





Un lapin faisait le pied de grue

Sur le devant de son terrier

Il attendait ainsi la venue

De son vieux compère gabarier


Qu'il se noue des liens d'amitié

Entre un matelot et un rongeur

Ferait la joie des échotiers

Et nous laisserait tous fort songeurs


Si le coquin brave un interdit

Sortant de son calot un lapin

Il n'en demeure pas moins averti :

Son ami ne sera pas marin


L'animal n'est pas le bienvenu

Chez tous ceux qui naviguent sur l'eau

Un souvenir de déconvenues

Dans le lointain sillage des bateaux


Aujourd'hui l'homme n'est pas à l'heure

Le lapin inquiet ronge son frein

Il redoute qu'un affreux malheur

Ne soit advenu à son copain


Pourvu de quatre porte-bonheurs

Repousse ainsi les superstitions

Naturellement se doit d'avoir l'heur

Selon l'adage et l'expression


Cependant il ignorait sans doute

Qu’une autre lui collait à la peau

Le marin resté dans la soute

Se devait de le prendre au mot


Du rendez-vous, le laissa en plan

Même si ce n'était un collet

Il n'en resta pas moins sur le flanc

Un lapin lui posa sous le nez


Humaine et étrange perversion

Que d'attribuer tous nos travers

À tous ceux de la création

Qui ne font jamais rien à l'envers

•••

Supplément



mardi 25 avril 2023

Parce que c'est' OIE

 

 

Une idée fixe en somme

 

Eugène Cartier
 

Le conte initial



                                La suite du programme

 




                                          Et aussi

à lire : https://blogs.mediapart.fr/c-est-nabum/blog/070321/muriel-la-gardienne-des-oies

 





lundi 24 avril 2023

Déchanter comme une casserole

 

Pépin le bref




Un mélomane frivole

Qui fredonnait du soir au matin

Reçut un coup dans les guiboles

Asséné par un aigrefin


Pour cet innocent persiffleur

Y' avait de quoi déchanter

D'autant plus que son agresseur

Était de la maréchaussée


Il s'enquit du motif de l'attaque

Désirant comprendre la raison

De l'usage d'une matraque

Pour une misérable chanson


Le pandore de lui rétorquer

Qu'il dérogeait au silence

Qu'exigeait monsieur le préfet

Pour plaire à la présidence


Ne peut-on plus vocaliser

Dans le doux pays de France ?

Répliqua le verbalisé

Dans une colère intense

 


La note lui resta sur le chœur

D'autant qu'ils étaient très nombreux

À se transformer en chanteurs

Au passage d'un petit morveux


L'autre de lui clouer le bec

Le doigt sur la jugulaire

Sous l'influence de ce mec

L'état devient autoritaire


Une nation et un seul chef

Sans se mettre Martel en tête

À l’instar de Pépin le Bref

Au palais limitant la fête


En quête désormais de voix

Que personne ici ne rigole

Le Prince condamne à chaque fois

Qui chante comme une casserole


Encore une fausse notes

Dans cette constitution !

Sanctionner comme à Gravelotte

Précède la révolution

•••



dimanche 23 avril 2023

Martin le pêcheur

 

Le martin bêcheur





Oiseau chatoyant

Martin le pêcheur

S'étonne tout le temps

D'être dans le viseur


Lui qui sans cesse

Sans le moindre égard

De par sa vitesse

Fuit tous les regards


Pourtant si joli

Il pourrait poser

Comme d'autres ici

Qui aiment les clichés


Il se fait discret

Rapide et fugace

Sans faire le coquet

Il brise la glace


Loin de ses roquets

Tous ces vaniteux

Qui sur notre quai

Posent à qui mieux mieux


Ces gens étranges

Se photographient

Ça les démange

Quelle douce folie !


Lui le beau voilier

Évite l'objectif

Aime se défiler

Loin du négatif


Observe ces déments

Sans aucun attrait

Qui a tout instant

Se font le portrait


On le dit pêcheur

Sans qu'on puisse le voir

Il n'est pas bêcheur

Mais prince de Loire !

•••


 

samedi 22 avril 2023

Mauvaise Graine et pain dur

 

Mauvaise graine





Un canard et une oie

Coulaient des jours heureux

Sur la rivière, ma foi

Ils faisaient des envieux


Sans être intimidés

Par un mitron sur un banc

Les deux anatidés

Dévoraient du pain blanc


Pour casser la graine

Ces deux charmants oisons

Mon dieu quelle déveine

De la farce sont dindons


Dans le bec un vilain

Leur coupe l'herbe sous le pied

Ce n'est pas bien malin

De troubler leur goûter


L'oie est végétarienne

Omnivore le canard

C'est mauvaise béchamel

Que manger du bâtard


Respectez leur nature

Ce n'est pas leur fonction

D'avaler votre pain dur

Pour votre distraction


Comment vous persuader

Que vous faites fausse route 

Quand sur notre levée

Vous leur jetez vos doutes ?


Les enfants sont malins

Comprendront mieux sans doute

Que ce n'est pas le pain

Sur l'eau qui s'encroûte


En dépit des panneaux

Des avertissements

Beaucoup trop de badauds

Transgressent le règlement


Vous qui passez le temps

À jeter vos surplus

Sans vous casser les dents

Faites du pain perdu !


 

vendredi 21 avril 2023

En traversant la rue.

 

En marche vers l’inconnu





Il fut un jour pas comme les autres durant lequel une horde d’oisifs, des êtres se contentant de vivre de la générosité publique, ce que d’aucuns appellent habituellement l’assistance ou bien encore les allocations chômage, se mirent en quête de la dignité élémentaire que constitue un emploi. Ils avaient ouï, de la part d’un personnage haut placé, une nouvelle incroyable, une prophétie à moins que ce ne fut une galéjade cynique : « Il suffit de traverser la rue ! »


Le premier à se lancer de l’autre côté de ce vaste espace incertain, fut ce qu’on nomme aujourd’hui un martyre de la crédulité. Il avait été jardinier, un humble travailleur de la terre. Il aimait ce métier qu’il avait choisi, il y avait été formé. Il avait besoin de se sentir en contact avec la nature et voilà qu’un guide, un gourou des temps modernes, un être supérieur sans doute, issu d’une caste d’élus, lui demandait d’affronter le bitume et l’asphalte, d’oser franchir cette zone incertaine sur laquelle roulaient des véhicules devenus fous.


Le brave jardinier ignorait alors que loin de l’humus, du terreau, il allait perdre ses racines, se mettre en péril et surtout affronter un monde sans règle ni pitié. Ses premiers pas sur ce territoire inconnu furent facilités par le chef suprême. Sa parole l’avait galvanisé, il avait foi en ce jeune personnage à la détermination extrême. Il avait mis un pied sur la chaussée, puis un second, poussé par sa confiance aveugle en celui qui devait changer le monde …


À son tour, le jardinier était en marche, il découvrait que c’était possible, qu’il suffisait d’un peu de conviction pour franchir l’obstacle. Des caméras étaient braquées sur lui, les télévisions de tout le pays relayaient l'événement. Dans la nation toute entière, chacun retenait son souffle. Ses semblables, ceux qui depuis si longtemps avaient été laissés sur le bord du chemin, cette route réservée aux seuls privilégiés, bien à l’abri dans leurs limousines aux verres teintés, le suivaient des yeux, espérant eux-aussi, jouir de cette folle espérance.


Chacun était gagné par l’émotion. Le suspens était grand. L’homme allait-il parvenir à vaincre cette course d’obstacles ? Pourrait-il se faufiler dans le flot des nantis, des électeurs du grand marcheur ? Sortirait-il entier de ce trafic endiablé ? Il était là, au milieu de la circulation tel un toréador dans l'arène. Un frisson parcourait spectateurs comme téléspectateurs tandis que son guide avait depuis longtemps tourné le dos.


L’homme conseilleur en effet avait d’autres chats à fouetter. Les finances de sa petite entreprise étant dans un état déplorable, il était contraint de profiter de cette journée Portes ouvertes pour jouer les colporteurs, les marchands de colifichets. Il devait vendre des babioles, toutes fabriquées par des sous-hommes dans des nations lointaines et défavorisées, pour un salaire de misère. L’important personnage n’avait cure de cette sordide réalité, l’essentiel pour lui était de réaliser des bénéfices substantiels pour refaire à la fois la façade de son palais et celle de son épouse.


Pendant ce temps, le jardinier était planté au milieu de la route. Ayant échappé plusieurs fois au pire, il était pétrifié, incapable d’aller plus loin. Des bolides passaient de chaque côté, tous klaxons hurlants. Il avait trouvé refuge, si ce terme avait encore un sens dans sa situation, sur un clou, ultime vestige d’une époque lointaine où les piétons traversaient en sécurité, simplement pour aller de l’autre côté de la rue.


Le jardinier aurait aimé se sentir pousser des ailes. Il aurait pu ainsi se sortir du mauvais pas dans lequel l’avait placé ce beau parleur. Maintenant, il n’avait plus le choix. Ne plus bouger et il risquait de rentrer dans la catégorie des chômeurs de longue durée, non indemnisés. Avancer encore et il allait être broyé par cette société dans laquelle il n’avait jamais trouvé sa place. Sur le trottoir, les cris d’encouragement semblaient le pousser à oser ce saut dans l’inconnu, cette multitude active et en mouvement qu’il avait regardée jusqu’alors de trop loin.


Il écouta la foule, il fit un pas de plus, un pas de trop. Il fut écrasé par un transport de fonds. Son corps passa sous les roues, il fut laminé. Il n’était plus que de la charpie, happé, broyé, éviscéré par tous les autres véhicules, indifférents, qui passaient, négligemment sur ses restes. Face à cette horreur, les autres, ceux qui auraient pu suivre ses pas se retournèrent contre celui qui l’avait poussé dans cette équipée sauvage …


L’homme important, tout en comptant et retenant les bénéfices de son opération de promotion patrimoniale, se retourna alors vers la terrible scène qu’il avait indirectement provoquée. Surpris qu’on puisse s’indigner de ce qui venait de se passer, il déclara : « Que me reprochez-vous ? En lui proposant de faire de la cuisine plutôt que du jardinage, je ne me suis pas trompé. Voyez le résultat, il est au-delà de mes promesses. L’homme courageux qui m’a écouté a réalisé son projet. Il ne pouvait espérer au mieux qu’une jardinière de légumes et son projet est consommé, un potage vaut mieux qu’un potager ! »


Cette fois, Freluquet, puisqu’il s’agissait de lui, était allé trop loin. Il venait de montrer son véritable visage tout autant que le profond mépris qu’il avait pour cette plèbe dont il prétendait faire le bonheur sans jamais croire à cette affirmation. Ceux qui avaient avalé sa promesse d’emploi de l’autre côté de la rue, le poussèrent dans le flot de la circulation. Il fut à son tour écrasé, non pas par le flot des véhicules mais par la colère des laissés pour compte.


 



jeudi 20 avril 2023

Joyeuses Pâques.

 

Joyeuses Pâques.




Des personnages s'agitent dans la prairie

Semant à tout venant derrière eux

De drôles de petites confiseries

Ressemblant à s'y méprendre à des œufs


Un corbeau, en témoin oculaire

S'étonna que ce fut sur une prairie

Que tous ces gens manquassent ainsi d'air

Pour ne point les déposer dans un nid

Habitué à leur turpitudes

Le volatile attendit son heure

Pour se laisser toute latitude

D'agir en malicieux barboteur

En sournois parfaitement résolu

Une fois la pelouse désertée

Le charognard jeta son dévolu

Sur un très chamarré coco abandonné

Il se glissa dans le bec son trophée

Hélas, sans perforer sa coquille

Il prit de la hauteur pour l'éclaffer

En l'explosant telle une torpille

Exécuta sans tarder son idée

Salivant par avance de ce met

Dont il espérait bien se délecter

Lui qui passe pour un délicat gourmet

Le projectile chut devant un passant

Sans que ce dernier le trouva louche

Celui-ci en éternel gourmand

Dans l'instant se l'engloutit en bouche

Qu'un œuf en chocolat arrive des cieux

Ne posa nulle question à notre impie

Qui se convainquit, ce facétieux

D'une fantaisie de la liturgie

Le corbeau en perdant fort rancunier

Largua des fientes sur son voleur

Une vengeance de chicanier

Qui se retourna contre son auteur

Tout ce qui tombe du ciel est béni

Un lundi de Pâques en sorte

Par la grâce d'une chocolaterie

Ses excréments devinrent des crottes

• • •

 



 

 


mardi 18 avril 2023

Le Capitaine et la sirène !

 

Le Capitaine et la sirène !




Un fort étrange capitaine

Ne cesse d'aller et venir

Faut-il qu'il ait l'âme en peine

Pour ainsi, ne jamais sourire ?

L'œil collé à sa longue vue

Il porte le regard ailleurs

Ses passagers sont de la revue

Pour ce curieux navigateur



Il cherche au loin une sirène

Un signe aimable du destin

Qui fera d'elle sa reine

Lui accordera sa main

Sa goélette fend les vagues

Il se rêve en Poséidon

N'est-ce donc pas un mauvais gag

Pour qui est bien pire que démon ?

 



Dans son bateau les délaissés

Espèrent un peu plus d'égards

Qu'il cesse enfin de les ignorer

En les conduisant au hasard

Le vieux loup de rivière

Reste sourd aux plaintes du bord

Il entend l'appel de la mer

Sûr et certain, mille sabords


 

Tournant jusqu'au bout de la nuit

Sans nul souci de ses clients

Il espère un signe fortuit

De la princesse à son galant

La sirène hélas ne viendra pas

A d'autres chats à fouetter

Le Capitaine en grand tracas

Devra encore s'en passer


 

A l'aube enfin ; toute transie

La troupe s'en revient au port

Les pauvres gens sont bien punis

De s'être embarqués à son bord

Un très étrange capitaine

Ne cesse de venir et d'aller

Faut-il qu'il ait l'âme en peine

Pour ainsi, ne jamais convoler


•••

lundi 17 avril 2023

Dans cette plaine de Beauce

 

La farandole dans les champs




Dans cette plaine de Beauce

Rien n'arrête le regard

Soudain quatre bras se haussent

Pour nous conduire à l'œillard


Là-bas notre vieux moulin

Ce phare pour les moissons

Nous guide vers le chemin

De l'épeautre ou bien du son


Ses ailes se donnent au vent

En un gourmand festin

Pour la farandole des champs

Pour qui vient moudre son grain


Promesse de richesse bien née

Que la meule nous accorde

Afin que tout notre blé

Se fasse miséricorde


Par ce pain du quotidien

Fruit d'un pénible labeur

Nous désirons votre bien

Offrande des agriculteurs


Qu'importe ce dur métier

Nous avons la joie au cœur

Chaque fois que le meunier

Du moulin nous fait l'honneur


Nous montons à son échelle

Pour assister au spectacle

D'une plaine irréelle

Et ses meules au pinacle


Gloire au vent qui apporte

Grande puissance céans

Immense joie qui transporte

Notre fierté de l'instant


Quand survient enfin la nuit

Le moulin mis au repos

Ses ailes figées sans un bruit

Invitent à d'autres envies


Dans cette plaine de Beauce

Rien n'arrête le regard

Soudain quatre bras se haussent

Pour nous conduire à l'œillard

•••



dimanche 16 avril 2023

Pistolet

 

Un drôle de pistolet





Une femme tout de blanc vêtue

Voulant répondre à ma requête

Me tendit une étrange cornue

Afin d'y glisser ma bistouquette


Perdant soudain toute contenance

Je m'enquis de la bonne manière

Qui s'imposait à ma délivrance

En interrogeant l'infirmière


Les lois de la gravité ici bas

Ne facilitent pas l'écoulement

Pour celui que l'ordre condamna

À ne pas se lever présentement


Qui prend sa vessie pour une lanterne

Se retrouve fort dans l'embarras

Quand le pistolet devient citerne

Sans qu'il faille en mouiller les draps


Ne disposant pas d'un braquemart

Pour ce duel à armes inégales

Le pauvre patient broyait du noir

Dans sa modeste chambre d'hôpital


Dans une confusion extrême

Se braqua l'engin sur la tempe

Après cette journée de carême

Ne se voyait pas passer la rampe


Sans tarder on vint à son secours

Pour rétablir le bon ordre des choses

Des soignantes apportèrent leur concours

Dans le pistolet y glissèrent ses choses


L'opération de la sainte vessie

Ainsi, se déroula sans encombre

Comme dans la crèche du messie

Un bel âne était du nombre


Devant tant d'ignorance sans calcul

L'innocent sauva les apparences

Sans nul recours à une canule

Il soulagea ses impatiences


De cette dérive de l'incontinent

Il n'est qu'une morale à retenir

Face à des homonymes bien souvent

Il est prudent de se contenir

•••

Un écureuil s'éprit d'une taupe

  Amours énantiotropes Un écureuil s'éprit d'une taupe Comble d'un amour énantiotrope Lui perché sur son gra...