mercredi 29 mars 2023

Une canette vide, abandonnée sur le quai

 

La canette, le canard & le bambochard.





Une canette vide, abandonnée sur le quai

Mourait d'envie de disparaître en Loire

Un charmant canard, ses deux ailes lui tendait !

Un peu d'amour quand on n'a plus rien à boire …


Elle avait été posée là, sans un regret

Par un fêtard indélicat, un malotrus

Laissant aux pavés les reliefs de sa soirée

Diabolique bambochard ayant trop bu


Gisant-là devant tant d'indifférents passants

Amère, cette bouteille quoique volage

Voulut voler dans les plumes de ce méchant

Qui refoulait du bec au cœur d'son naufrage


L'immonde poivrot cuvait à deux pas de là

Quand un coup de vent se glissa dans le goulot

Une triste plainte sur la rive résonna

Celle de la canette voulant mourir dans l'eau


Son vœu fut exaucé d'un coup de pied grognon

L'impavide canette en rejoignant son canard

Se brisa sur l'anguleux rebord en béton

Pour la malheureuse, il était déjà trop tard


Le canard n'apprécia guère cette offrande

Celui qui ne demandait rien à personne

S'étonnait de cette livraison sans commande :

D'une bouteille de bière anglo-saxonne


Le canard interloqué bien plus que choqué

Pensa que les anglais faisaient nouveau siège

D'une cité où la bergère finit au bûcher

Il fallait éviter ce triste piège


L'oiseau se prenant pour un sauveur céleste

Sonna le rappel de tous ses congénères

Pour bombarder de fientes ceux dont l'alcootest

Prouvait qu'ils avaient de mauvaises manières


Un gentil quidam recolla la canette

L'amoureuse, éperdue de reconnaissance

S'unit à son canard devant la guinguette

Responsable de nombre de ces nuisances


Depuis lors en ce curieux estaminet

Vous appartiendra de déguster au goulot

Cul sec dans le bec, sans faux col pour les minets

La bouteille qui se sera pas jetée à l'eau

•••





mardi 28 mars 2023

Comme chat et chien

 

Comme chat et chien




Un jeune chiot découvrant le monde

Pénètre dans le domaine d'un chat

Pour lui, tout ici est une ronde

Occasion rêver de faire le Pacha


Le greffier ne voit pas d'un très bon œil

L'intrusion soudaine de ce gredin

Aboyant en guise de bon accueil

Voilà bien des manières de vaurien


Le matou, faisant alors le gros dos,

Crache à la gueule de son visiteur

Qui devant l'outrage, se fait tout penaud

Y perdant dans l'instant sa bonne humeur


Désirant alors sauver son honneur

Le chiot poursuit cet hôte malotrus

Le félin échappe à son agresseur

En grimpant dans les branches d'un feuillu


Le cabot découvre à ses dépens

La terrible loi de la gravité

Quoique muni d'une pomme d’Adam

Il en ignorait la finalité


Le petit chien aboya tout son saoul

Se donnant des allures de méchant

Des rodomontades pour le matou

Qui n'a pas besoin de montrer les dents


Le félin se montra des plus hautains

Il dédaigna ce malheureux toutou

En prenant de la hauteur c'est certain

Il n'avait rien à redouter du loup


C'est ainsi que le chien à ses dépens

Retient une leçon à sa portée

Dans le règne animal, mon enfant

Il ne faut pas jouer à chat perché


Qu'il soit botté ou bien encore masqué

Le chat tire la couverture à lui

Pour lui les dès ne sont jamais jetés

De par la grâce de ses sept vies


Le chien n'a pas toutes les cartes en main

Pour monter en maître sur son rival

Il y a de quoi devenir chafouin

Pour ce très lointain cousin du chacal 

••• 

lundi 27 mars 2023

La fille de Loire


La fille de Loire

Roman 1947


Auteur

Jean Vignaud


Extrait sonore


 à découvrir 

Bibliothèque du Liger Club de l'orléanais

dimanche 26 mars 2023

Entrechat félin

 

Entre chats





Terrible félin ou gentil minet

Chat de salon ou bien de jardin

Vieux matou ou fier greffier

Sous le minou se cache le malin


Un chat Pitre se prit d'inimitié

Pour un chat Teigne fort peu fréquentable

Une relation à couteaux tirés

Rendait leurs existences invivables


Si l'un d'eux donnait un coup de griffe

L'autre répliquait d'un vilain crachat

Sans interruption nos deux escogriffes

Se querellaient comme le font chien et chat


Sournois félin ou rusé minet

Chat d'intérieur ou d'extérieur

Gros matou ou petit greffier

Sous le minou se cache un farceur


Si d'aventure ils échangeaient des mots

La discussion tournait à l'esclandre

L'un accusant l'autre de tous les maux

L'autre lui répliquant pique pendre


Teigne à Pitre voulait lui faire la peau

L'agonir d'horions et de marrons

Avant de le jeter au fond de l'eau

Pour venir y engraisser les poissons


Agile félin ou espiègle minet

Chat de maison ou bien de gouttière

Matois matou ou furieux greffier

Sous le minou se cache une panthère


Pitre, plus aimable, tout au contraire

De rire désirait faire mourir

Celui qui se disait son adversaire

Manière plus agréable d'en finir


Un combat sans pitié se profilait

L'algarade de fil en aiguilles

Mettrait aux prises ceux qui se détestaient

Quand par le chas passa une anguille


Silencieux félin ou joyeux minet

Chat des champs ou de fiction

Malin matou ou stupide greffier

Sous le minou se cache un poison


Les deux protagonistes se figèrent

Teigne s'adoucit et Pitre sourit

Nos deux chats, beauté divine s'aimèrent

D'une passion que le passé nourrit


À sept lieues à la ronde on raconta

La belle histoire de ces deux mistigris

Les petits rats en firent des entre-chats

Car la nuit tous leurs semblables sont gris


Furieux félin ou rouet minet

Chat de BD ou bien de fable

Pauvre matou ou élégant greffier

Le minou n'est pas toujours affable

•••

Morale

Seul le chat qui charrie varie



samedi 25 mars 2023

Faire un tonneau !

 

Sens dessus-dessous …





Il était une fois un brave et ingénieux tonnelier, Édouard, capable de réaliser des prodiges avec ses mains. Il savait l’art délicat de cintrer les douelles en les chauffant délicatement avant de les fixer avec des cercles parfaitement ajustés. Il avait la réputation de faire les plus belles barriques, parfaitement étanches et qui plus est, capables de tromper bien des gabelous.


Pour ses amis mariniers, tous plus au moins faux-sauniers pour améliorer l’ordinaire, il avait pensé des muids qui contrairement à ceux de ses confrères de Loire ne contenaient pas 289 litres de vin mais seulement 250 litres pour la simple et malicieuse raison qu’ils avaient un double fond afin d’y dissimuler du sel de contre-bande. Édouard risquait tout autant que ses camarades si l’un d’eux était surpris. Ses tonneaux étaient marqués de son estampille, le poinçon réglementaire, il en assumait le risque comme les mangeux de Lune, ces gars intrépides qui naviguaient de nuit.


Édouard avait toujours désiré participer à pareille aventure. Il savait le risque qu’il encourait à se faire ainsi complice des contrebandiers, autant profiter de l’exaltation de la course. C’est ainsi que lors de la nouvelle Lune, il embarqua avec des marins audacieux, transportant de vieilles barriques vides prétendument pour la vinaigrerie de Meung-sur-Loire, la plus importante de la région.


Naturellement les doubles fonds étaient pleins de faux sel tandis que pour tromper la curiosité des gabelous, le bois utilisé : du pin, était plus léger que le chêne habituel (Le pin a une densité inférieure à 0,5 tandis que le chêne vert atteint 0,95). Édouard avait mis au point un savant vernis laissant croire à la supercherie afin de donner le change. Il se pensait ainsi à l’abri des mauvaises surprises.


Le « Vardiaux », ce beau fûtreau taillé pour cette course nocturne, long et léger, capable de transporter bien des barriques tout en allant parfaitement au vent ou à la bourde, était le voilier idéal pour pareille aventure d’autant que son équipage était passé maître de cette navigation nocturne qui en aurait découragé plus d’un. Cette nuit-là, le bateau allait bon train, l’équipage se taisait tandis que la voile noire, gonflée d’un vent de Galerne idéal, laissait entrevoir un voyage aisé.


Soudain, une voile blanche déchira l’obscurité. C’était la Patache. L’embarcation des soldats de la gabelle filait bien plus vite qu’eux. Les soldats avaient eu vent de leur passage – pour quelques deniers, la trahison a toujours été monnaie courante - ils savaient la marchandise du Vardiaux et avaient mis assez de toile pour contrer ces maudits gredins. La Patache gagnait du terrain d’autant plus aisément qu’elle n’était chargée que de quelques soldats et d’aucun fret.


Sur le Vardiaux dont l’avance fondait comme embâcle lors du dégel, il fallait agir au plus vite. La mort dans l’âme, les mariniers décidèrent de jeter par-dessus bord quelques muids qui les alourdissaient par trop dans cette poursuite. Mieux valait perdre le bénéfice de la course que de se retrouver pour certains aux galères ou pour les bizuts avec une vilaine flétrissure. Édouard était de ceux-là, jamais il n’avait eu maille à partie avec les gabelous, cette sale engeance ! Pour lui et son métier, il était préférable de ne pas commencer.


Le fûtreau quelque peu délesté perdait toujours sur la rapide Patache. Sur le Vardiaux l’inquiétude était grande. Il fallait prendre des mesures radicales. Tous les fûts allaient passer par-dessus bord, tant pis si la Loire était un peu salée. Il n’en restait plus qu’un lorsque le capitaine, un vieux marin expérimenté, regardant le tonnelier qui en la circonstance était devenu un voyageur inutile et encombrant, lui intima l’ordre d’enjamber la bordée afin de gagner la rive tout en allégeant un peu l’embarcation.


Édouard à sa grande honte dut avouer qu’il ne savait pas nager. La Loire était grosse, il n’allait pas survivre à pareille aventure d’autant plus qu’avec cette nuit noire, il ne risquait pas de s’accrocher à une quelconque épave. Il savait la réputation de ses barriques, avant qu’on jette la dernière dans la rivière, il demanda à s’y enfermer. Le temps de soulever l’Esselière, le tonnelier se glissa dans sa barrique que l’équipage jeta à l’eau.


Ainsi allégé, le Vardiaux ne perdit plus de terrain sur la Patache. L’équipage était sauf. Ce n’était plus qu’une question de patience et de savoir-faire pour semer définitivement les gabelous. Ces derniers, tout obnubilés par leur course poursuite ne songèrent pas à attraper les pièces à conviction qui flottaient à leur rencontre. La dernière tout comme toutes les autres leur passa devant le nez sans la moindre réaction.


Édouard, dans sa cachette flottante n’avait qu’à se féliciter de la qualité de son travail. Il flottait sans encombre bien qu’il fut quelque peu chahuté par les flots. Il se dit qu’il devrait prendre son mal en patience jusqu’à ce que son nouvel esquif vienne à se poser quelque part. D’une irréductible confiance en ses fûts, il s’endormit se laissant bercer par le tangage, une très ancienne réminiscence de son enfance.


Il se réveilla, conscient que son aventure n’avait pas encore trouvé son terme. Il devina plus qu’il ne le vit que le jour s’était levé. Il sentait également que le tumulte des eaux ne présageait rien de bon. La Loire avait dû grossir, la barrique filait grand train et gîtait en tous sens. Il en eut le mal de mer et finit, immanquablement par vomir tripes et boyaux.


Plus le temps passait plus sa posture devenait inconfortable tout autant que l’atmosphère dans son tombeau flottant se faisait lourde et nauséeuse. Le tonnelier s’inquiétait de plus en plus, se demandant combien de temps durerait l’aventure. Il savait que l’on peut guère survivre plus de trois jours sans boire. Quelques gouttes d’eau perlaient de ci de là des douelles si parfaitement jointes qu’il regrettait désormais d’y avoir mis tant de soin !


Il s’endormit, se réveilla, perdit la notion du temps. Il sentait sa fin proche, il était à bout de force quand il sentit qu’il se passait quelque chose. Sa prison venait de quitter l'élément liquide, il en était certain. Elle fut hissée à bord d’une frégate traversant l’Atlantique. C’est du moins ce qu’il apprit vite après avoir repris ses esprits. L’équipage avait été grandement déçu de trouver un fût vide mais apprécia bien vite la présence d’un charpentier de bord.


Il y eut en effet quelques grains à essuyer durant la traversée que Édouard paya amplement par un travail d’une rare qualité. Tout l’équipage se loua de ses services et se réjouit de ne l’avoir pas rejeté à la mer. L’homme se dit alors que son destin avait choisi pour lui, il se laissa porter là où le vent mena le navire. C’est ainsi qu’il débarqua à la Guadeloupe.


Rapidement il trouva usage de son métier. Si le vin n’était pas cultivé sous ces latitudes, la canne à sucre commençait à faire son apparition. Un premier raffinage grossier produisait un sirop fort épais et sucré du nom de mélasse. Édouard retrouva son métier de tonnelier afin de pouvoir transporter en Europe ce liquide visqueux pour un raffinage plus élaboré afin de produire du sucre. Il prit femme dans ce nouveau monde qu’il ne quitta plus jamais.


L’ironie de son histoire, je ne sais si le tonnelier n’en sut jamais rien ? Le sel que ses amis faux-sauniers dissimulaient alors avant qu’il ne le jette dans la Loire dans sa barrique était destiné à la région orléanaise. La Mélasse y arrivait en masse puisque dans cette ville on compta jusqu’à 42 raffineries à la glorieuse époque. Il était passé du sel au sucre, d’une vie austère à une existence acidulée. Il n’avait pas eu à se plaindre d’avoir fait ce joli tonneau qui lui avait mis l’existence sens dessus-dessous.



vendredi 24 mars 2023

Petite rengaine

 

Pour une petite rengaine





D'aussi loin qu'il m'en souvienne

Me revient cette rengaine

Deux ou trois notes entraînantes

D'une mélodie lancinante


Un souvenir de mon enfance

Une chanson en créance

Des images gravées en mémoire

Façonnèrent longtemps mon histoire


Sournoisement à la manœuvre

Le temps fit désormais son œuvre

Les paroles se perdant pour toujours

Dans les limbes des bienheureux jours


D'aussi loin qu'il m'en souvienne

Me revient cette rengaine

Deux ou trois notes entraînantes

D'une mélodie lancinante


Ne me reste que la musique

Pauvre vestige chimérique

Pour qui, quel pénible tourment

Ne sait pas jouer d'un instrument


Afin de pourvoir redonner vie

À ce bonheur qui s'évanouit

Je sifflote maladroitement

Cette ritournelle de l'enfant


D'aussi loin qu'il m'en souvienne

Me revient cette rengaine

Deux ou trois notes entraînantes

D'une mélodie lancinante


J'espère évoquer un souvenir

Pour qu'un comparse puisse m'offrir

Le plus merveilleux cadeau qui soit

Ma petite chanson à haute-voix


Un jour, je ne désespère pas

Une oreille enfin reconnaîtra

Dans mes pauvres trilles incertaines

Ma plus précieuse des rengaines


D'aussi loin qu'il m'en souvienne

Me revient cette rengaine

Deux ou trois notes entraînantes

D'une mélodie lancinante

•••



jeudi 23 mars 2023

Un destin grandiose

 

Alexandre le grand





Il rêvait d'un destin grandiose

Dépassant tous les clivages

Mais sans qu'on en sache la cause

Son règne vira au naufrage


Alexandre était un géant

Rien chez lui ne le grandit

Pas même, le cas échéant

Ses attitudes de bandit


Le mépris pour unique blason

Il récolta ce qui avait semé

La haine comme un poison

Se diffusa dans la société


Le corps social se déchira

D'abord d'une fièvre jaune

Dont tout le pays pâtira

En dépit de ses aumônes


Puis survint la pandémie

L'abolition de nos libertés

Il se fit beaucoup d'amis

Chez les princes de la pharmacopée


Pour conserver son trône

Il agita un repoussoir

Se présentant comme l’icône

D'une élection pour l'histoire


Il jura qu'il avait compris

Promettant monts et merveilles

Ne ne fûmes pas surpris

De recevoir maux et vermeille


Ce n'était qu'un gringalet

Un pantin d'opérette

Un petit freluquet

Bientôt à la retraite


Il partira sans gloire

Le peuple souverain

Après trop de déboires

Le priera de passer la main


S'accrochant à son poste

Mit le pays à feu et sang

La foule, ultime riposte

Destitua l'indécent


Emmanuel le petit

Dans les manuels d'histoire

Restera comme l'ennemi

Des amoureux du grand soir

•••

 Emmanuel le petit

 



mercredi 22 mars 2023

Notre légitime souveraineté

 

Légitime défense





Ainsi donc nous voilà tous privés, vilain coup

De notre légitime souveraineté

Et ceux, par un odieux Monarque voyez-vous

Qui foule aux pieds notre citoyenneté


Il n'est plus rien à dire pour notre défense

Puisque bâillonnés par la représentation

Laquelle à chaque décision nous offense

Sans que jamais nous obtenions satisfaction


Le parlement entérine les caprices du chef

Le débat n'étant que trompeuse apparence

Alors que le 49.3 derechef

Conduit à la motion de défiance


Vaines gesticulations de l'opposition

Qui s'exprime au nom du peuple aboli

Pas la plus petite considération

Pour ces piteux rebuts de la démocratie


Le souverain ignore cette piétaille

Repousse avec dédain d'un revers de sceptre

Toutes les récriminations de la racaille

N'écoutant que ce qui vient de sa main dextre


Alors c'est la rue qui réclame justice

Sans se douter qu'elle n'a plus droit à la parole

Pour asséner cette vérité, la police

À coups de matraque joue à carambole


Freluquet, perché sur son royal trône

De son souverain mépris prend de la hauteur

Afin d'envoyer sur la foule des drones

Leçon apprise à l'école des dictateurs


Les manifestants privés désormais de voix

Profitent de l'hospitalité d'une garde à vue

Réception fort sympathique pour un roi

Refusant que ses désirs soient de la revue


Après les gilets jaunes, le confinement

Suivis d'une opportune guerre en Ukraine,

N'ont pas suffit pour anéantir les gens

Le chaos ici naîtra de trop de haine


Ce dieu de l'Olympe et de la finance

Investi de sa légitime fonction

Ne cesse par ses incessantes manigances

De semer les graines de la Révolution

•••

mardi 21 mars 2023

Faribole pour un passeur

 

Le passeur





Il n'avait jamais beaucoup voyagé

Lui qui était attaché à son quai

Il disposait d'un solide bateau

Tout simplement pour franchir le flot


Certes, un bien modeste passage

Sans jamais connaître de naufrage

Une traversée essentielle

Pour nombre de besoins matériels

 



Le passeur répondait toujours présent

Qu'importe le temps ou bien le courant

Le vent ne le préoccupait guère

Pour traverser sa belle rivière


Se faisait devoir de prendre à son bord

Le passager en quête de réconfort

Le paysan se rendant au marché

La belle rejoignant son fiancé

 



Pour quelques sous dans son escarcelle

Ou le sourire de la jouvencelle

Une bonne bouteille fera l'affaire

À partager avec ses compères


Poussant très fort sur le bâton ferré

Posait sans encombre ses passagers

Par-delà ce terrible obstacle

Que les gens d'ici portaient au pinacle

 



Effaçant d'un bond toutes leurs frayeurs

Se voyait décerner bien des honneurs

Apprécié de tous les riverains

Par la grâce de son cœur sur la main


Mais un jour un pont fut ici jeté

Mettant un terme à son activité

C'est du moins ce que nous pensions tous

Même si lui ne mit jamais les pouces

 



Aucun passe-droit pour le péage

Un coupe-gorge autant qu'un pillage

Les pays se retournèrent vers celui

Qui n'avait pas fait l'école du génie


La grande barque reprit du service

Le passeur son précieux office

Pour le grand plaisir de tout à chacun

Le marinier nous sortit du pétrin

 



lundi 20 mars 2023

Les Pommes d'Amour

 

Les pommes d'amour





À l'automne nous attendons

Des pommes, la récolte

Pour la belle cargaison

Les femmes s'feront accortes

 



Nos épouses, toute l'année

Restent seules à la maison

Pour cette belle équipée

Elles seront nos compagnons

 



À la grande capitale

Nous allons par la rivière

De Montjean jusqu'au canal

Pour une aventure cavalière

 



À Orléans nous quittons

La belle dame Liger

Pour emprunter sans façon

La voie d'eau ordinaire

 



Faisons escale à Grignon

Merveilleux port du canal

Un écrin vraiment trognon

Pour escapade loin du Val

 



Par la forêt nous gagnons

Montargis puis le Loing

La Seine et ses ponts

Paris n'est pas si loin

 



Pour les dames ce voyage

Sans soucis du quotidien

Est belle fête volage

Qui leur fait grand bien

 



Elles oublient les privations

En faisant des emplettes

Dépensent à profusion

Tout l''argent des reinettes

 



Elles nous rendent ce bonheur

En sourires et baisers

Qu'elles nous font à toute heure

De la plaisante équipée

 



Le retour est si joyeux

Qu'il passe bien trop vite

Et nous sommes malheureux

Qu'au pays elles nous quittent

 

 



À l'automne, nous transportons

Un joli fruit défendu

À Paris nous célébrons

Le pêché et ses vertus

Tableaux de Valérie Lortie

 




dimanche 19 mars 2023

Trouver chaussure à son pied

 

Victor et Marguerite






Victor, le pauvre cordonnier

Ne trouvait pas chaussure à son pied

Toutes les jeunes filles du pays

Lui tournaient le dos avec mépris

Promettant des souliers tous neufs

D’un magnifique cuir de bœuf

À la belle qui voudra bien danser

Avec ce piètre cavalier


Tourne tourne brave cordonnier


Se présentaient devant le garçon

Dans l’offrande, glissaient leurs petons

Puis la danse achevée, les diablesses

Le fuyaient à toute vitesse

Il renonça à ce stratagème

Car aucune ne lui dit « je t’aime »

Pour son malheur sera vieux gars

Sans la moindre fille dans ses bras


Un jour, tu seras le plus comblé


Lors d’une nuit de festivité

À l’écart, il s’était retiré

Quand tout près du pauvre solitaire

Marguerite surgit de l’éther

Elle lui réclama quatre souliers

Lui promit son cœur en entier

Le cordonnier se mit à l’œuvre

Ne croyant pas à une manœuvre


Oublie ces demoiselles mal chaussées


L’homme au comble de l’émotion

La chaussa à la perfection

Marguerite resplendissante

Devint dans l’instant son amante

Le soleil pointa à l’horizon

Après que fut scellée leur union

Soudain blanche biche elle devint

Encore un vilain tour du destin



Celle-ci pourtant voulait t’aimer


Le cordonnier tout a son bonheur

Disparut aux premières lueurs

Il suivit la biche sur la Loire

Pour poursuivre leur belle histoire

Toutes les nuits brûle sa flamme

Pour sa délicieuse dame

Le jour venu tous deux s’enfoncent

Au secret des épaisses ronces


Tourne, tourne brave cordonnier

La nuit, tu seras vraiment comblé

De cet amour pour l’éternité

Avec ta blanche biche bien aimée

 

Le récit 








Bateau de papier

 

Bateau de papier





J’ai glissé quelques mots

Sur un petit bateau

Pliage de papier

Quêtant sa destinée

Magnifique bannière

Sur ma belle rivière

Poussée par son courant

Pour se rendre au couchant


Vogue petit bateau

Au gré de tes tourments

Porte ce doux fardeau

Par delà l'océan


J’y ai glissé mon cœur

Mes rêves en couleur

C’est un petit message

Pour un si long voyage

Espérant en retour

Une marque d’amour

Un signe du destin

Un tout autre demain


®


Ce n’est qu’une maquette

Partie en goguette

Une bouteille à la mer

Envoyée de la Terre

Hélas, mes rêves déçus

Ne sont jamais revenus

Le papier a coulé

À la première ondée


®


Qu'importe l'issue fatale

Pour ce qui fut mon fanal

Ces mots n'ont pas sombré

Avec ce pliage de papier

Leur écho court encore

Se transmet de port en port

Murmure d'un fol espoir

Confié à la Loire 

 



Vogue petit bateau

Bien loin de nos tourments

Efface tous nos fardeaux

En dépit du gros temps 

 




 

 

vendredi 17 mars 2023

Facétie assinienne

 

L’âne du curé d’Ingrannes







Il était un gentil curé apprécié de ses ouailles au cœur de la forêt d’Orléans. Le brave serviteur de Dieu n’aimait rien tant que partir à la rencontre de ses fidèles au hasard des chemins forestiers et des prairies. Il enfourchait son âne et se laissait guider par les fantaisies de l’animal. C'est ainsi que, lorsqu'il croisait des fidèles, qu’ils furent bûcherons, chasseurs, charbonniers ou bien paysans, le saint homme les bénissait du haut de la bête aux grandes oreilles tout en accordant à tous une petite prière pour les dédouaner des inévitables péchés du quotidien.


Que cette histoire se déroule non loin de la rivière Cens et non de la Loire n'a aucune importance. Cela prouve simplement que c'est le long des rivières que surgissent les plus belles aventures. Laissez-vous embarquer sur mon récit : il n'a d'autre ambition que de vous amuser et de vous distraire. Que Dieu me pardonne sa tournure impie !


Le représentant de Notre Seigneur des cieux sur terre était un brave homme, tout curé chevauchant un âne qu'il fut. Il avait quelques manies et de jolis défauts qui faisaient de lui un humain dont on apprécie la fréquentation. C'est ainsi qu'il enfourchait son fidèle âne en ayant toujours aux pieds des pantoufles trouées. Il voulait avoir le pied à l'aise quand il baguenaudait sur sa gentille monture d’autant que, dès qu’il le pouvait, il retroussait sa soutane, retirait ses chaussons et allait se tremper les pieds un peu dans le Cens.


Ce matin-là, c'était un de ces jours de septembre où l'air embaume la douceur d'un été finissant, il allait sur les chemins quand, sur le bas-côté, il aperçut un buisson couvert de fruits rouges et noirs. Il y avait là les plus belles mûres que le Créateur en personne avait offertes aux gourmands. Notre vicaire était de ceux-là. À Ingrannes la gourmandise n’a pas de limite, c’est d’ailleurs l’origine gauloise de ce toponyme.


D'un claquement de bouche, il demanda à son chère Enâ, l’anagramme d’âne, de bifurquer de sa route. L’animal savait le penchant du personnage pour tout ce qui se mange. Il descendit prudemment un petit fossé, évita une mare afin d'arriver auprès de ce trésor de la nature en bordure de la rivière. Le curé, habitué à monter en chaire, resta ainsi perché pour manger goulûment les plus délicieuses mûres qui comme chacun peut le constater, sont toujours les plus hautes. Jamais, foi de gourmet il n’en avait dégustées d’aussi bonnes.


Il en avait plein la bouche ; ses mains se tachèrent vite du suc de ces merveilles, sa soutane n'échappa pas à l'orgie qu'il faisait là. Le brave homme était incapable de se contrôler : il engloutissait plus que de raison des fruits gorgés de soleil et de jus. Heureusement pour sa réputation, nul ne le vit en cette fâcheuse pratique à moins que les hommes des bois ne ferment les yeux sur un travers qu’ils jugèrent bien innocent.


Tout ce qui était à hauteur de cavalier était désormais dans l'estomac du représentant de Dieu à Ingrannes. Mais pour son malheur, Satan, lui-même, avait placé les fruits les plus noirs qui soient tout au sommet d’un buisson fort haut. Le curé ne put résister à l'appel du Malin et se dressa sur le dos de son fidèle compagnon, qui jusque-là, comme il en avait l'habitude, n'avait pas bougé d'un sabot. Dressé ainsi, le gourmand était en mesure de prendre les fruits de la tentation quand il se prit à penser tout haut qu'il ne faudrait pas que quiconque passe par là et s'amuse à crier « Hue » en cet instant épineux. Pour son malheur, le brave ecclésiastique, habitué à prier à haute et intelligible voix, avait pensé de la même manière.



L’âne est un animal obéissant pourvu qu’il ne fasse pas la tête ! Il se mit dans l’instant en route au son coutumier de cet ordre bref, laissant choir le gourmand dans la rivière Cens qui courait au pied du buisson. Sa gourmandise ardente l’avait bien puni. L'animal, sans doute lassé d'une si grande attente, prit le chemin du village et de sa modeste écurie, laissant le gourmand dans le fond du ruisseau. L’âne lui aussi avait grand désir de déguster son picotin.


Notre vicaire de dieu avait fait belle et grande chute. Il était trempé de pied en cap. Dans sa chute, il avait heurté la tête contre une grosse pierre si bien qu’il perdit quelques minutes connaissance au milieu de l’eau. Il reposait benoîtement dans l’eau qui n’est jamais très haute dans le Cens quand précisément à ce moment là vint à passer une jeune diablesse à l'esprit espiègle comme le sont les filles de ce pays. Reconnaissant celui qui dormait ainsi, la soutane tachée, et les lèvres toutes maculées, elle ne put s'empêcher de lui faire mauvaise farce à la hauteur de sa faute.


La coquine tressa une belle couronne d'épines qu'elle posa sur le front du religieux, elle se barbouilla les lèvres de mûres et déposa un baiser maculé sur chaque joue de celui qui avait fait vœu de chasteté. Trouvant que la plaisanterie n'était pas allée assez loin, la drôlesse déchira la soutane du pauvre pape en un endroit qui pouvait laisser place à vilaines interprétations. Puis contente du mauvais tour qu'elle venait de jouer, elle partit avant que le gentil ecclésiastique ne revienne à lui.


Quelques minutes plus tard, le gourmand repu et trempé, retrouva ses esprits et se remit en chemin pour rentrer à pied jusqu'à son logis. Il devait sans doute être encore un peu étourdi par sa chute car il ne remarqua pas l'étrange accoutrement qui était sien. Les premiers habitants qui croisèrent sa route, se retinrent de rire au spectacle qu'il leur proposait. Ceux-là firent preuve de beaucoup plus de charité que les suivants qui rirent à gorge déployée à la vue du curé manifestement détroussé.


Ce fut un cortège bruyant et moqueur qui l’accompagna alors jusqu'au pied du presbytère. Tous se gaussaient de sa mine rubiconde, des deux traces de baiser et de sa soutane déchirée et toute humide. Mais en ce temps-là, le péché de chair n'était pas mis au ban de l'église. La couronne d'épines attestait que le curé avait fauté en connaissance de cause et chacun était disposé à lui pardonner cette incartade si humaine.


Non, ce qui amusait tant le petit peuple d’Ingrannes, c'était les curieux chaussons qui complétaient le tableau. Tous de se pousser du coude pour montrer l'incroyable équipage du plus important personnage du village. Depuis ce jour, les chaussons du curé furent par une incroyable confusion zoologique baptisés mules. Celui qui traîne les pieds en se refusant de croire cette histoire ne serait qu’un âne sans esprit.


S’il me fallait tirer une morale à cette histoire, j’aimerais penser que la gourmandise ne devrait pas être péché capital mais tout au contraire don de Dieu. Le plaisir charnel, lui aussi mériterait d’échapper à cette terrible sentence. Si les bons Pères de l'église traînent la patte sur ces deux aspects du droit canon, c’est qu’ils n’ont pas le sens commun. Quant à moi, pour retrouver un peu de force, je vais m'adonner de ce pas à l'un des deux péchés, si ce n'est aux deux, pour peu que je trouve mule à mon pied et âne pour m’y conduire !

 


Des mots qui chantent

  Un livret qui chante … Si vous tendez l'oreille En parcourant ses pages Il n'aura pas son pareil Pour sortir ...