lundi 31 janvier 2022

Spoliation

 Le cloporte et la punaise


 



Mais quel mal ont-ils fait au bon dieu

Pour mériter pareilles avanies ?

Car nombre d'humains ; c'est odieux !

Les placent tous deux au banc d'infamie 

 



Cloporte sans passer votre porte

Hérite de tous les plus vilains maux

Alors que punaise supporte

Les pires outrages sur son dos

 



Point de guerre des genres pour eux

Le premier est bien masculin

Quand sa compagne c'est malheureux

Décline ainsi au féminin 

 



Alphonse piqua du bout de son dard

Le cloporte qui ne savait pas lire

D'une métamorphose traquenard

Suscitant son immense ire

 



En Russe, c'est ballot, elle se dit Knon

Punaise eut droit à une pièce

Vladimir Maïakovski, pardon

Ne lui causa nulle liesse

 



Solidaires dans la tourmente

Ne peuvent pas se donner la main

Ni même demander une rente

À ces deux curieux écrivains

 



C'est en perdant ainsi leur honneur

Sans obtenir de réparation

Qu'ils vinrent troubler vos demeures

Pour sauver leur réputation

Pourquoi les blâmer de cette erreur

L'un et l'autre ne sachant pas lire

Ne purent, pour leur plus grand malheur

Que, chez vous, toujours plus s’avilir




En leur rendant enfin justice

Nous rétablirons leur honneur

Repoussant un grand préjudice

De la faute de ces deux auteurs




 

dimanche 30 janvier 2022

Opprobre

 Rat

 


 




Seuls ceux de l'opéra trouvent grâce à vos yeux

Curieuse idée que de distinguer ainsi

Les animaux à la couleur de leur robe


Vous n'en croyez certainement pas vos yeux

Quand d'autres se trémoussent dans votre gourbi

Sur votre tête, c'est le ciel qui se dérobe

 



Notre pelage brun n'est certes pas gracieux

Par sa faute nous ne serons jamais vos amis

Vous nous redoutez comme vecteurs de microbes

 




Quand vous nous prétendez à votre goût : hideux

Nous nous révoltons contre cette infamie

Qui sur notre société jette l’opprobre

 



Dans vos égouts, nous supportons un air odieux

Parmi tous les immondices et la chimie

De votre civilisation si peu sobre

 



Nos compères des champs ne vivent guère mieux

Malheureuses bêtes baignant dans les produits

D'une agriculture moderne loin d'être probe 

 



Savez-vous que le peuple des rats victorieux

Survivra à l'inéluctable agonie

De ce monde des humains qui nous abhorrent 

 



Vous remplacer suppose de se conduire mieux

Donnant la primauté au respect de la vie

Sur la planète que nos semblables honorent





samedi 29 janvier 2022

Une maille à l’endroit

 

Et l’autre dans la rivière.







Il advint qu'une étrange dame se prit d'un curieux désir en cette époque lointaine où le genre déterminait le champ des possibles. Elle avait en tête, le désir inconcevable pour beaucoup de piloter son bateau. Si aujourd’hui, la chose peut paraître normale, il lui fallut cependant, en cette société révolue abattre bien des réticences hautes comme des montagnes, repousser plus encore obstacles et crocs en jambe pour devenir comme elle en rêvait Capitaine et seule maîtresse à son bord. Pour faire de son incroyable dessein un destin que nul ne parviendra à entraver, elle dut faire preuve d'une détermination sans faille et d'un courage à toute épreuve. Plus encore, il lui fallut imaginer elle-même son navire car les tenants d'un conservatisme forcené n’entendaient pas lui tendre la main. C'est ainsi qu'en faisant des pieds et des mains, elle parvint à aplanir toutes les difficultés qui se dressèrent sur sa route.


Même si la marine de Loire a montré l’exemple en matière de place accordée à la gente féminine, il n’en reste pas moins que la femme à la barre, a encore souvent, bien du mal à être acceptée. L’égalité entre les hommes et les femmes demeure une vue de l’esprit qui se fracasse aux mesquineries et au machisme, quelles que soient les époques et les castes. L'aventure de Marie-Madeleine, quoique relevant d'un passé incertain, n'en demeure pas moins d'une désolante actualité.


Revenons sur la Loire pour satisfaire au grand rêve de Marie-Madeleine. Femme opiniâtre, elle parvenait à faire chavirer ses innombrables détracteurs en les noyant dans la profondeur incomparable de ses yeux diaboliques. Elle usa de cette énigmatique magie pour parvenir à ses fins, envoûtant ou charmant les moins retords, vampirisant l'âme des plus obtus jusqu'à anéantir toutes leurs réserves. Ce que femme veut, elle finit toujours par le concrétiser pour peu qu’elle dispose de solides atouts dans son jeu d’alouette.


C'est son grand-père maternel qui lui avait enseigné toutes les ficelles et les roueries de ce jeu de cartes ancestral. Forte de ce savoir, elle maîtrisait l’art de la menterie, de la dissimulation ou bien du bluff. Elle pouvait tout autant prendre la main et jeter aux chiens les arguments fallacieux qui prétendent la femme inférieure à ceux qui placent leur honneur dans leur entre-jambe. Autant de compétences nécessaires quand on veut mener sa barque sur un long fleuve in-tranquille.


Ayant rabattu les mauvaises langues, rebattu les cartes de la destinée, battu les idées reçues, elle rafla la mise. Un beau jour, le rêve devint réalité, elle baptisa son bateau :

« Damona » du nom de la déesse celte des sources et des rivières, déesse guérisseuse qui avait la particularité d'accompagner dans l'eau le malade qu'elle voulait apaiser. Ayant pour emblème un épi de blé et un serpent, Marie-Madeleine décora ainsi la proue de son magnifique bateau. Quand elle était aux commandes, tenant solidement son macaron, elle avait le sentiment de vivre un rêve éveillé qui la comblait d’aise.


Tout Capitaine qu’elle puisse être, elle n’en était pas moins femme avec ses innombrables qualités pour mener à bien son entreprise flottante mais aussi ses petits travers qui font tout le charme et la magie de cette autre moitié de l'humanité. Chez elle, il y avait une nécessité impérieuse, une curieuse exigence, un caprice diraient ceux qui ne la connaissent pas bien ; la dame pilotait son magnifique coursier de Loire, non pas pieds nus comme ses collègues portant braguette, mais en chaussettes. Les uns prétendaient que c'était là fantaisie, d'autres recherche d'élégance, certains plus prosaïques la prétendaient frileuse tandis qu'elle affirmait sans détour que ce détail vestimentaire lui évitait de glisser sur le pont.


Ne riez pas, certains s’affublent d’une longue cape satanique ou bien d’un grand chapeau de feutre, d’autres se travestissent en pirates ou en improbables flibustiers. Il se murmure même que certains se couvrent d’un béret pour raconter des sornettes. Elle n’avait besoin que de se sentir à l’aise sur le pont dans des petites chaussettes blanches qu’elle comptait bien tricoter elle-même. Quoi de plus naturel quand on se prénomme Marie-Madeleine ?


Mais voilà que diablerie s’était glissée dans ce désir. La dame toute marinière qu’elle était n’en était pas moins diablesse, fée ou bien intrigante. Elle en avait envoûté plus d’un et tous ceux qui pourraient accréditer cette particularité, ne sont jamais sortis de ses rets. Elle voulait une laine spéciale, un fil plus inaccessible encore que celui d’Ariane. Elle qui avait les yeux couleur de rivière, c’est vers le ciel qu’elle portait ses regards.


L’enchanteresse s’était mis en tête que s’il y avait des moutons dans le ciel de cette magnifique Vallée de la Loire, c’est qu’il devait bien y avoir dans la nue quelques bergères pour filer sur un rouet, la laine de ses vœux. Je ne sais par quel prodige elle obtint sa laine magique mais toujours est-il qu’un joli soir de pleine Lune, la dame pouvait enfiler ses chaussettes venues des nuées et filer sur l’onde céleste de notre magnifique rivière.


La suite est délectable pour peu que vous donniez foi aux légendes et aux mystères sacrés. Lors d'un voyage que j’eus le bonheur de partager à son bord, la Capitaine Marie-Madeleine se prit les pieds dans la chaîne d’une ancre qui traînait négligemment sur le pont avant. Elle trébucha, perdit l’équilibre et tomba dans les flots obscurs d’une Loire, ce jour-là dans l'une des furies dont elle a le secret.


Ceux qui assistèrent à ce drame pensèrent ne jamais la revoir. Pourtant lors de sa chute, les chaussettes célestes s’accrochèrent à un maillon de chaîne et se défirent tout au long de la lente et inexorable chute de leur propriétaire. Ces deux fils fragiles allaient-ils pouvoir la retenir à la vie et permettre qu’on la sortît de ce très mauvais pas ? Beaucoup en doutaient quand un raconteur d’histoires se présenta avec deux aiguilles d’or ; un curieux personnage, héritier d'une tribu de tisserand.


L’homme se mit en demeure de tricoter sans relâche les deux fils de laine. Il fit, à la surprise de tous les témoins, non pas des chaussettes mais une sorte de grand sac de laine. Plus ses aiguilles tricotaient plus le mystère pesait sur ce navire ou la stupéfaction avait remplacé l’angoisse. Chacun voyait bien qu’il se passait là quelque chose qui échappait au naturel, à la norme et aux raisons de la logique humaine.


Quand son sac eut pris forme, qu’il était à quelques mailles d’être enfin achevé, une forme sortit des eaux accrochée par les deux autres extrémités de ce que le tisserand tricotait. Marie-Madeleine ressortit des flots, ou du moins celle que nous pensions être encore la gentille Capitaine. Cependant, elle n’était pas tout à fait celle qu'elle avait été avant que de choir dans les profondeurs. La dame était couverte d’écailles tandis qu'à la place de ses deux jambes, une magnifique queue de poisson n'avait plus besoin de chaussettes.


Marie-Madeleine, le temps de sa longue immersion s'était faite sirène pour épargner sa vie. Elle cacha sa queue de poisson sous le curieux sac de laine qui l’avait ramené à la surface et depuis elle pilote son bateau, faisant croire à ses passagers qu'elle a besoin de dissimuler ses petits petons pour conduire une si belle embarcation. Les moutons ne sont plus au ciel, ils font désormais cortège à la dame en hérissant la rivière de délicats clapots.


Si vous avez perdu le fil de mon histoire, n’en soyez pas contrarié. Il vous suffit de chercher quelque part sur la Loire, la capitaine aux yeux de lumière et au sac de laine. Embarquez avec elle, quand la Lune éclairera les flots vous découvrirez l’étrange et sublime métamorphose de Marie-Madeleine, sirène de la rivière et déesse Damona pour peu que vous ayez encore une âme d'enfant.


Laineusement sien.

vendredi 28 janvier 2022

Subterfuge

 

Subterfuge





Il est permis de s'interroger

Tant la toile est leur refuge

Pas une page sans un cliché

Est-ce pour eux un subterfuge ?

 



Quoiqu'ils soient réputés fort matois

Ne doutons pas qu'on les a leurrés

Tout en proclamant sur tous les toits

« Les souris viennent y demeurer ! »

 



La petite proie était trop belle

Les chasseurs arrivèrent en nombre

Car c'est au bout d'une ficelle

Qu'elle subissait des heures sombres




Ils se pourléchèrent les babines

Fondant sur l'innocente souris

Les chats firent alors la trombine

Ô quelle honteuse filouterie !

 



La petite bête mécanique

Ne succomba pas sous leurs griffes

Soudain, devenant hystériques

Se travestirent en escogriffes 

 



Trompés, ils firent les zigotos

Leurs mimiques réjouirent tant de gens

Qu'aussitôt des milliers de photos

Inondèrent tous les continents

 



Les chats devinrent les vedettes

Au travers des réseaux sociaux

Dès l'instant que nulle fadette

Ne grévait le budget des gogos

 



Alors qu'ils s'étaient tous fourvoyés

Y trouvèrent leur avantage

Rusés, nos amis les greffiers

Occupèrent tous les clavardages

 




Pour que la fortune vous sourit

Cet espace adore les illusions

Jouer au chat et à la souris

Autorise bien des occasions

 


 

jeudi 27 janvier 2022

Un lapin et un marin

Un lapin

 


 


Un lapin faisait le pied de grue

Sur le devant de son terrier

Il attendait ainsi la venue

De son vieux compère gabarier 

 



Qu'il se noue des liens d'amitié

Entre un matelot et un rongeur

Ferait la joie des échotiers

Et nous laisserait tous fort songeurs

 



Si le coquin brave un interdit

Sortant de son calot un lapin

Il n'en demeure pas moins averti :

Son ami ne sera pas marin

 



L'animal n'est pas le bienvenu

Chez tous ceux qui naviguent sur l'eau

Un souvenir de déconvenues

Dans le lointain sillage des bateaux

 



Aujourd'hui l'homme n'est pas à l'heure

Le lapin inquiet ronge son frein

Il redoute qu'un affreux malheur

Ne soit advenu à son copain

 



Pourvu de quatre porte-bonheurs

Repousse ainsi les superstitions

Naturellement se doit d'avoir l'heur

Selon l'adage et l'expression

 



Cependant il ignorait sans doute

Qu’une autre lui collait à la peau

Le marin resté dans la soute

Se devait de le prendre au mot

 



Du rendez-vous, le laissa en plan

Même si ce n'était un collet

Il n'en resta pas moins sur le flanc

Un lapin lui posa sous le nez

 



Humaine et étrange perversion

Que d'attribuer tous nos travers

À tous ceux de la création

Qui ne font jamais rien à l'envers

 


 

mercredi 26 janvier 2022

La Gazette de l'Aigrette


La gazette de l’aigrette






Sur la Loire c’était calme plat

Les oiseaux n’en revenaient pas

Quand une adorable aigrette

Décida de tenir gazette

 



La chose émut fort un canard

Enchaîné dans une mare

Il se voyait dépossédé

D’un titre qu’il eut mérité

 



Une oie s’arracha une plume

Elle en attrapa un gros rhume

Elle voulait qu’ainsi on écrive

Sa gloire et toutes ses dérives

 



Un bateau passa sur les flots

Le marin bouta son chapeau

Avec cinq colombes sur sa hune

Il entrevoyait la fortune

 



Le balbuzard se prit de bec

Avec la rédactrice pète sec

Il voulait la première page

Pour la beauté du ramage

 



Le martin pêcheur sur la brèche

Demanda à la revêche

Qu’un modeste entre-filet

Évoque les horaires des marées

 



Quand soudain la rédaction

Tout à sa précipitation

Accepta de jeter l’ancre

De ce journal pour les cancres

 



L’aigrette tira sa révérence

À ceux de la conférence

Qui avaient dénigré celle

Qui s’envolait à tire d’ailes

 



Quand le journal tomba à l’eau

La garzette leur tourna le dos

Elle avait du plomb dans la tête

Sans avouer sa défaite

 


 



mardi 25 janvier 2022

La colère d'une mouette

 

Mouette







La mouette survole les difficultés de l'heure

Poursuivant son petit bonhomme de chemin

Elle passe toutes ses journées au bord de l'eau

Indifférente à l'agitation des humains

 



C'est vers la rivière que vont tous ses regards

Source de toutes choses pour la demoiselle

Bien que ces maudits bipèdes sans nul égard

Font de son domaine une infâme poubelle

 



Prenant de la hauteur, elle observe la chose

Détritus et immondices s'accumulent

Une curieuse forme d'apothéose

Pour cette civilisation qui fait tant d'émules

 



La mouette se désole en son fort intérieur

Elle adorerait leur donner des coups de bec

Hélas, ceux-là la jugent leur inférieure

Bien loin encore de ces pauvres ouzbeks

 



Ne pourrait-elle pas leur voler dans les plumes ?

Montrer ainsi sa légitime indignation

Frapper sur leur tête du bec et de l'enclume

Que de leurs crimes ils fassent expiation




Hélas rien de tout ça ne lui est possible

Le bel oiseau n'a pas accès à la parole

Sa colère est parfaitement indicible

Même proclamer sur une banderole 

 



Notre oiselle cessa à jamais de rire

Désormais jamais elle ne sera heureuse

Les larmes effacèrent son joli sourire

Et devint pour toujours Mouette Pleureuse

 


 

Le mystère de Menetou.

  Le virage, pour l’éternité. Il est des régions où rien ne se passe comme ailleurs. Il semble que le pays soit voué aux...