mercredi 13 décembre 2017

Ali Gros Bras ...


Conte de l'Avent

Ali Gros Bras ... Et les quarante haleurs.




Victor, il est parfois amusant de puiser dans la tradition pour trouver une nouvelle source d’inspiration, on appelle ça un pastiche. J’ai repris le célèbre conte Arabe : Ali Baba et les quarante voleurs, qui contrairement à ce qu’on affirme souvent ne fait pas partie des contes des mille et une nuit pour évoquer un aspect de la marine de Loire du temps où les hommes tiraient les bateaux de la berge pour remonter le courant.

Il était une fois, une troupe de gaillards qui faisait métier de haleurs. Ils tiraient des trains de bateaux lourdement chargés quand le vent venait à manquer. C’était un travail difficile, pénible et bien mal payé. Ils marchaient avec un harnais autour du buste auquel était attaché une corde en chanvre, ils remplaçaient les chevaux qui ne pouvaient être utiliser sur une rive trop irrégulière. C’étaient eux les bêtes de somme ( animaux utilisés par les humains pour porter des charges lourdes)

Ali est le chef d’une belle bande de gredins (bandits), connue sur toute la rivière. Ali est très fort, il a de gros muscles et tout le monde sur la Loire le surnomme Ali Gros Bras ! Sa méchante troupe est composée de quarante costauds, des hommes disposé à tous les mauvais coups avec leur chef.

Ali déplore que les haleurs soient mal considérés. Ils ont intérêt à se regrouper pour être respectés. Ali négocie seul le prix de la course avec les marchands pour tous ses camarades. Il est dur en affaires. Des dix huit livres, le prix habituel donné aux haleurs, la bande obtint rapidement vingt livres et beaucoup plus pour le voyage et bien des avantages lors des escales (les arrêts prolongés durant le trajet).

Ali et sa bande terrorise les braves gens. Ils dissuadent les mariniers des sapines : ces bateaux qui font le voyage uniquement dans le sens du courant avant d’être déchirés à Nantes (détruites pour faire du bois de charpente et de chauffage) de se louer à la bricole (halage) pour leur retour à pied. Sur le chemin de halage on croise ainsi des gens ayant une grosse bosse sur la tête ou bien un œil au beurre noir.

Ali et sa bande veulent profiter de leur avantage pour augmenter les bénéficies. Ils montent un stratagème (un plan) pour se faire plus d’argent encore. Qu’importe s’ils deviennent ainsi des brigands de grand chemin, l’argent justifie souvent les procédés les plus discutables.

Ali Gros-Bras et ses quarante haleurs organisent un commerce plus lucratif (qui rapporte plus) . Comme il ne fallait qu’une trentaine d’hommes pour remonter un train de bateaux (convoi de plusieurs bateaux accrochés les uns aux autres à la queue leu-leu) . Le chef ingénieux occupe les bras inutiles à une besogne parfaite pour s'enrichir.

Quand le train de bateaux que la bande tire transporte de quoi attiser les convoitises (donner envie), la troupe s'arrange pour être là au bon moment. Elle emporte le contrat faute de rivaux et prépare son larcin (vol) . Les haleurs inoccupés prenent les devants pour planter dans la Loire des « rotrous » ; ces bâtons de marine ou bourdes, cassés en « bournayant » (manœuvre qui consiste à planter un baton dans l’eau pour modifier la trajectoire du bateau) fichés solidement dans le sable. Bien sûr, ils cassaient eux-même de jolis bâtons bien solides et les plantaient au milieu du chenal (partie navigable) . Ils dépassaient à peine, étaient assez aiguisés pour faire grands dégâts dans une coque de navire

À proximité de la zone piégée par leurs collègues, les haleurs accélèrent le pas pour donner vitesse et force au convoi. Quand tout se déroule suivant leur plan, le bateau de tête vient se déchirer sur le piège tendu. Le naufrage est inévitable. Les haleurs se font sauveteurs, assomment maladroitement l'équipage et emportent tout ce qui peut se revendre même après un bref passage dans l'eau.

La bande organise tout un réseau de charriots pour transporter son butin dans une grotte creusée à même le tuffeau de Touraine (pierre friable facile à travailler) . Ils conservent les objets volés quelque temps à l'abri avant que d'en faire commerce discrètement. Il y a en cet endroit un vrai trésor.

Hélas pour Ali Gros-Bras et les siens, il y avait en ce temps-là une marchandise qui demandait une surveillance très sévère. S'ils mirent la main sur des cargaisons de sel, ce fut dans le même temps ce qui les enrichit et les perdit. On ne touche pas impunément à ce qui profite au roi ! Ils en feraient amèrement l'expérience. Tous les gabelous (soldat du sel) de la rivière poursuivirent la bande. Ils ne tardèrent pas à découvrir leur cachette

Lors d'un guet-apens organisé conjointement par les gabelous et les dragons du roi, Ali Gros-Bras et sa troupe tombèrent dans une souricière. La faute était trop grande et la colère des mariniers tout comme celle de la justice était si forte, que la vilaine bande ne devait en réchapper. C'est au bout d'une corde de chanvre qu'ils achevèrent leur ultime voyage ; ils furent pendus comme cela se faisait à l’époque.

Ali Gros et ses quarante haleurs avaient terrorisé durant une brève époque les bords de Loire. La paix put revenir sur cette belle rivière. De cette triste histoire, mon brave Victor, on doit se souvenir que désormais par superstition, marins et mariniers cessèrent de faire des nœuds de pendus sur leurs bateaux et passèrent maîtres dans l’art de faire des nœuds marins.

Pastichement vôtre.

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