dimanche 31 mars 2019

Le Temps et rien d'autre ...

Attention à la marche ...



Qui décrochera le temps suspendu ?
Faut-il une minute de silence pour honorer un temps mort ?
Quand la nuit des temps a-t-elle vu le jour ?
Pourquoi gagner son temps à le perdre ?
Le temps partagé est-il un sujet de division ?

Peut-on broyer du noir le plus clair de son temps ?
Le temps qui court finira-t-il par se perdre ?
Connait-on le temps qui nous est imparti ?
Le temps qui s'écoule est-il recyclable ?

Comment vivre de l'air du temps sans argent ?
Peut-on être en vacances à plein temps ?
Quand le temps joue contre lui-même, finit-il par se perdre ?
Faut-il prendre des mesures pour obtenir une unité de temps ?

Le bon vieux temps vous a-t-il laissé de mauvais souvenirs ?
Le calendrier est-il comptable du temps qui passe ?
Quel délit commettre pour arrêter le temps ?
Un grain de sable suffit-il à détraquer le temps ?

Comment tuer le temps sans perdre une seconde ?
Quand le temps est venu, reviendra-t-il ?
À sa dernière heure, le temps aura-t-il conscience de sa fin ?
La course contre la montre est-elle compatible avec la marche du temps ?

Le temps béni accédera-t-il à l'éternité ?
Comment remonter un temps faible ?
Pour occuper son temps, faut-il le mettre au pas ?
A-t-on vraiment mesuré la portée du temps ?

Doit-on octroyer une minute de silence en hommage au temps mort ?
Quel prêtre est en mesure de consacrer le temps ?
L'échelle du temps nous mène-t-elle au ciel ?
Prend-on assez de précautions en gravissant la marche du temps ?
Peut-on prendre la mesure du temps ?

Dans la nuit des temps, que faisait-on du plus clair de son temps ?
Est-ce que tromper le temps est un motif de rupture avec lui ?
Peut-on se payer du bon temps à crédit ?
Pourquoi le temps présent n'est-il jamais un cadeau ?
Où va le temps qui passe ?

Un temps fixé vous donne-t-il accès à l'éternité ?
Aurons-nous le temps de terminer sur un dernier soupir ?
La mort vous accordera-t-elle un temps de repos ?
Pour défier le temps faut-il être un trompe-la-mort ?
Est-ce que la fin détend ?


Intemporellement vôtre


samedi 30 mars 2019

Bataille navale sur la Moselle.



La loi du plus fort.



La vie sur les canaux n'est pas toujours de tout repos. Cette histoire, pour instructive qu'elle soit, n'en révèle pas moins un regrettable aspect des ravages que fit la course au fret lors du déclin du transport fluvial. Les héros de cette triste aventure étant encore vivants, nous en cacherons les noms pour ne pas ajouter l'humiliation à la honte. C'est un éclusier, témoin de l'algarade et gazette de la rivière, qui voulut bien me la confier…

Nous sommes en 1979 ; la route est en train de porter un coup mortel aux bateliers. Sur l'eau, c'est à qui arrivera le premier pour emporter le prochain marché, se montrer le plus rapide pour gagner la confiance de commanditaires de plus en plus exigeants. C'est la fin de la batellerie familiale ; bien des mariniers sont acculés à la faillite et doivent, la mort dans l'âme faire déchirer leurs péniches (automoteurs).

Pouvez-vous imaginer le drame pour des familles qui sont nées , ont vécu sur ce lieu de vie et de travail, qui s'usaient plus de 18 heures par jour pour un labeur qui ne rapportait pas grand-chose ? La destruction d'une péniche, c'est la perte de l'identité, du passé et du travail, c'est le saut dans l'inconnu du monde des terriens, c'est l'effacement de toute une vie sur l'eau à travers l'Europe.

Alors, quand deux péniches se présentent ce jour-là devant l'écluse, il y a une compétition sans merci pour savoir qui passera le premier. À ma droite, un chaland canadien de 65 mètres piloté par un Belge et chargé de sable et de gravier. À ma gauche, une péniche Hollandaise de 85 mètres, pilotée par un Batave irascible. Le Belge a quelques mètres d'avance, ce qui déplaît forcément à son rival.

À bord du chaland, un jeune mousse. Le garçon a abandonné l'école en cinquième pour se consacrer à une vie d'errance et de rencontres. Plus tard, il réalisera son rêve de gosse en devenant artiste, chantre de la marine, barde des canaux et souffleur de vent. Il est ce jour-là, aux premières loges de la rixe, acteur obéissant et inconscient.

Le plus gros accélère à l'approche de l'écluse. Griller la politesse au bateau prioritaire, c'est gagner de précieuses minutes. La réalité économique transforme les hommes en loups. Tous les coups sont permis et le Hollandais l'entend bien ainsi. Il veut doubler son collègue et se lance pour cela dans une manœuvre hardie.

Le Belge qui ne l'entend pas de cette oreille, demande à son mousse de s'amarrer au navire pressé. Le garçon, avec l'inconscience de l'âge, attrape un énorme filin d'acier et accroche l'embarcation félonne par une bite d'amarrage. La stratégie est osée et le capitaine du chaland n'a pas pris en compte les masses qui vont agir sur le filin.

La tension est telle qu'en quelques secondes, le filin explose sur les tractions contradictoires. Le câble, pourtant gros comme mon bras, se sectionne. C'est un vrai coup de tonnerre qui claque. Le câble libéré passe à quelques centimètres de la tête du jeune garçon. Il a manqué de perdre la tête dans l'aventure.

Fou de colère et sans doute prenant conscience du risque qu'il a fait courir à son équipier, le capitaine belge prend un fusil à deux coups et tire sur l'arrière de la cabine hollandaise. Celle-ci explose sous l'effet des plombs qui fort heureusement ne touchent personne. Les deux bateaux s'arrêtent et le constat fort peu amiable va se dérouler à terre.

Devant l'éclusier médusé et le mousse qui reprend ses esprits, les deux capitaines sanguins en viennent immédiatement aux mains. Je dois à la vérité de dire que ce sont les poings qui entrent en action et qui touchent leurs cibles. L'éclusier vient faire barrage et reçoit sa dose de coups ! Il ne faut jamais se mêler des algarades navales à moins de sombrer dans le ridicule.

Les quatre fers en l'air, l'éclusier constate alors que le calme est revenu sur la berge. Le Hollandais est retourné à sa cabine et le Belge pareillement. Les deux gaillards cependant reviennent avec de nouvelles armes. Inévitablement l a querelle va tourner au carnage,car les capitaines ont les bras lourdement chargés. L'éclusier ferme les yeux, il ne veut pas assister à la mise à mort de l'un des belligérants.

Il a bien tort ! Nos deux lascars sont revenus avec des packs de bière. Fierté nationale mal placée ou défense de la tradition : ce sera un combat sans merci entre bières : la belge contre la hollandaise. Les deux capitaines, le mousse et l'éclusier finiront l'aventure avec la gueule de bois et le mal au crâne. Voilà comme s'achève cette lamentable histoire, il n'y a pas lieu d'en être fier !

Bataillenavalement vôtre.



vendredi 29 mars 2019

JE T'EMMÈNE



Matelots de la vie

C'Nabum / JJ. Vaugondy






1. Je t'emmène en bateau,
Je te conduis sur l'eau,
Je te laisse la barre,
Pour écrire ton histoire.
D'un fabuleux destin,
Aux amis aux copains,
D'aurevoirs émouvants,
Qu'emportera le vent.
Je t'emmène en chanson,
T'accordant des frissons,
Je te donne à aimer ,
Une mélodie en Ré.
Quelques notes en bagages,
Compagnes du voyage,
Aideront à hisser,
Ou chanter l'amitié. 

 

2. Je t'emmène en copain,
Je te prends par la main,
Je te donne à penser ,
Cette belle traversée.
C'est pour toi mon ami,
Sur qui le mal à dit,
Yeux rivés sur la toile,
La tête dans les étoiles.
Je t'emmène maintenant,
Nous irons de l'avant,
Allant toujours plus loin,
Dans les mêmes recoins.
Balayant la tristesse,
Oubliant tes détresses,
Pour des jours bien meilleurs ,
En des temps enchanteurs.





3. Je t'emmène en bateau,
Je te conduis sur l'eau,
Dans tes songes le soir,
Rêver ta belle histoire.
Tous ces lits d'hôpitaux,
Transformés en bateaux,
Les draps couvrants ton mal,
Tu les chang'ras en voiles.
Je t'emmène en folie,
Matelots de la vie,
Je te donnes à vouloir,
D'autres jours de gloire.
De merveilleux matins,
Quand nous serons marins,
De grandes aventures,
Perchés dans la mature.



4. Matelots de la vie,
Aux mécènes grands mercis,
Infirmières ,kinésis,
Médecins, parents, unis.
Tous équipiers vainqueurs,
Merci du fond du coeur,
Pour nos enfants meurtris,
Encore mille fois merci,
Matelots de la vie,
Aux mécènes grands mercis,
Infirmières ,kinésis,
Médecins ,parents, unis,
Tous équipiers vainqueurs,
Merci du fond du coeur,
« Malade ou guéri,
Ensemble pour soigner la vie »



Matelots de la vie : https://www.matelots-vie.com/ 



jeudi 28 mars 2019

Le puits qui parle de Trôo


« Tracum » à en perdre la voix


Trôo est une commune qui domine la magnifique vallée du Loir. Qui n’a jamais flâné le long de cette rivière dolente, ne peut savoir à quel point est magnifique cet écrin au nord du fleuve royal . Le village est connu pour ses maisons troglodytiques sur un coteau creusé de tous parts ; d’où son nom issu du latin populaire tracum de traugum : trou .

Si les Celtes qui ont toujours été des hommes de goût s’y établirent , élevant en ce lieu un oppidum à l'abri d'une motte et installant leurs demeures dans les grottes, trouvèrent l’endroit à leur convenance, il en fut autrement pour ceux qui leur succédèrent. Quand les envahisseur romains arrivèrent, ceux que l’on prétend fous -mais certainement pas « trou »- fuirent au plus vite ce territoire percé d’une multitude de souterrains.

C’est à Sougé que les Latins portèrent leurs pénates et édifièrent un camp retranché de plain-pied, laissant l’ancienne cité florissante devenir un trou durant leur domination. Ce furent les évêques chrétiens qui redonnèrent à Trôo vie et importance. On y éleva des murailles, un château et une collégiale dédiée à Saint Martin ou vivaient sept chanoines, ainsi qu’une église vouée à Saint Mandé.

Toujours est-il que le nombre des chanoines fut sans doute à l’origine d’une prédestination de la commune pour y abriter une légende merveilleuse. C’est à l’ombre du donjon que naquit la commère qui, bergère elle aussi, n’en fut pas célèbre par les voix qu’elle entendait mais bien par celle dont elle usait avec une inlassable faconde, sa manière de ne jamais cesser de parler. Dame Pipelette devant l’Éternel, elle jacassait du matin au soir et certaines mauvaises langues affirmaient qu’elle déblatérait encore durant son sommeil.

Pour son plus grand malheur, son mari n’était pas sourd. Cette infirmité eût évité bien des désagréments à ce pauvre homme qui devait subir, de manière ininterrompue, le flot des paroles de la bavarde impénitente. Le mari s’arrachait les cheveux, maudissait le jour de son mariage, tentait vainement de fuir la conversation de celle qui avait toujours quelque chose à dire. Bref, sa vie était devenue un enfer.

C’est donc tout naturellement, qu’un soir, il pria Satan de venir quérir celle qu'il ne pouvait plus supporter. Son amour d’antan s’était fracassé sur ce défaut qui était tare et devenait véritable calvaire pour ceux qui avaient à supporter le flot incessant de la commère. Le pauvre homme aspirait au silence ; il fit proposition malhonnête au diable, lui offrant sa femme sans aucune contrepartie.

Le Diable, voyant là l’occasion de se saisir d’une âme à peu de frais, se précipita sur-le-champ pour venir réclamer celle qu’on lui avait promis. Le mari, trop heureux de la voir ainsi piailler loin de chez lui, la vit partir sans le moindre regret. La mégère, pour autant, n'interrompit aucunement son verbiage. Que ce fût le Diable en personne qui lui prêtait une oreille ne faisait qu’accentuer sa furieuse faconde.

Le Diable toutefois, en bien moins de temps qu’il n’avait fallu au mari pour en venir à pareil expédient, comprit bien vite qu’il avait été l’objet d’un marché de dupes. Jamais en enfer, il n’avait croisé pareil moulin à paroles. Il n’imaginait pas pouvoir supporter le torrent verbal de la femme ad vitam aeternam. Tout Diable qu’il était, il avait parfois besoin de quiétude et qu’on lui fiche la paix !

Satan n’y alla pas par quatre chemins : il laissa tomber celle dont il venait d’hériter. Il se trouve, pour le malheur de la dame ou la postérité de la cité, qu’elle vivait à deux pas d’un puits, dit de Jacob, qui fournissait le château en une eau claire et saine. Le puits , creusé dans la roche, avait nécessité un conduit de 45 mètres et c’est précisément là que la femme chut après avoir été bannie par le Diable en personne.

La chute fut terrible. La pauvre femme, pourtant, ne perdit pas cette vie qui, l’instant d’avant, était vouée aux flammes de l’enfer. C’est, en effet, dans les eaux noires et froides de ce puits, qu’elle allait vivre désormais son éternité en solitaire. Le choc lui fit perdre, certes, l’usage de la parole mais il lui demeurait pourtant une étrange capacité. Si son bavardage incessant s'était tari, elle était restée cependant capable de répéter les sons parvenus jusqu’à elle par la cavité du puits.

Si vous vous penchez encore aujourd’hui, à la margelle de ce puits, s’il vous vient la curieuse idée de parler aux entrailles de la terre, votre voix vous reviendra, étrangement caverneuse, sous la forme d’un écho qui vous glacera les sangs. On prétend que c’est le puits qui parle ; on a oublié, au cours des siècles, que c’est la pauvre commère, punie par le Diable à cause de sa langue trop bien pendue .

Ayez donc une pensée émue pour celle qui se morfond au fond de son puits. Si, par hasard, vous venait l’envie de lui raconter cette histoire, je ne doute pas un seul instant que la dame finirait par retrouver la raison. Mais gardez-vous bien de lui tendre une main : la babillarde retrouverait dans l’instant ce défaut qui l’a conduite là. Sachez garder votre langue et ne tirez pas d’eau de ce puits. La commère bavarde pourrait en profiter pour vous tirer l’oreille ! 
 
Caquetantement sien 

Un village à visiter
https://troo.fr/
 
 

La Blanche Nef


À l'Amiral

 


Non n'est pas marin qui veut
La mer n'est pas un terrain de jeu
Embarquant dans le port de Barfleur
Ils allaient au-devant du malheur

Lorsque Guillaume le Conquérant
Fit en ce port un pas de Géant
Il traversa sans coup férir
Et l'Angleterre alla conquérir

Ce Roi sage et déterminé
Embarquait une petite armée
Pour vaincre la perfide Albion
Et la contraindre sous son giron

C'était en mille soixante-six
Il avait franchi les abysses
Pour poser un pied glorieux
Celui d'un soldat victorieux

C'est en l'an de grâce mille cent vingt
Que l'histoire a changé de destin
Oyez bonnes gens cette aventure
Qui tourna à la déconfiture !

La Blanche Nef était un vaisseau
Qui un jour alla défier les flots
Embarquant à son bord des seigneurs
Les fils du Roi quel honneur

Une troupe imposante et bruyante
Une noble jeunesse insouciante
Donnant à l'équipage du vin
Pour qu'il participe à son festin

Le roi Henry sur son navire
N'avait pas imaginé le pire
Il avait vite pris les devants
Sans attendre ses pauvres enfants

Le bateau ivre fit la course
Voulant lui montrer ses ressources
C'est avec ardeur que les marins
Défièrent la mer grisés par le vin

Coupant au plus court dans les rochers
Sur des écueils va se déchirer
Trois cents hommes périrent ainsi
En cette terrible tragédie

Il n'y eut qu'un seul survivant
Bérold à la vergue s'agrippant
Résista au froid et à la mer
Pour narrer son voyage en enfer


mardi 26 mars 2019

Quand souffle le grand Vent d'Ouest



Piliers de barre 



Quand le vent d'Ouest, qu'on dit Galarne ou bien galerne, suivant ses inclinaisons, se lève sur les rives de ma si belle fille Liger, qu'il apporte enfin cette eau qui manquait tant dans notre rivière, à l'heure où s'ouvrent presque dans le même temps la Coupe du Monde de Rugby et le Festival de Loire, il est possible de troquer à votre guise une casquette à visière d'entraîneur pour un grand chapeau de feutre neutre de notre marine fluviale.

Si, sur le terrain, le vent d'où qu'il souffle, rend fou les joueurs qui se prétendent déménageurs de piano et leur ballon qui n'est pas tout à fait rond, sur l'eau, il ravit les amoureux de la grande voile carrée, les gabiers indomptables, gaziers infréquentables. Chacun y perd la direction à suivre et le cap à tenir pour garder la tête hors de l'eau. Sur l'onde sauvage, il permet d'abandonner ces maudits moteurs, valets d'une modernité discutable.

Au rugby, celui qui l'a dans le dos sait qu'il va souquer ferme pour atteindre le port avec une bonne avance. L'ailier, poussé par la rafale, met les bouts pour aller pointer à dame mais le buteur y perd son latin pour maîtriser une trajectoire incertaine. Le vent devient tourbillonnant avec les tribunes tandis que sur nos rives, il reste à peu près docile pour remonter le courant.

Sur l'eau, il nous pousse sans effort, la grande voile carrée toute gonflée de son importance, permet de remonter ce fleuve qu'on prétend royal en se moquant d'un courant impétueux. Par le guirde, chacun admire le paysage en se concentrant sur la manœuvre. C'est un luxe que ne peuvent s'offrir les sportifs sur la pelouse : le voyage en ovalie est de plus en plus incertain, les chocs redoutables et les plaquages terrifiants.

A la mi-temps, celui qui l'avait dans le nez espère tenir sa revanche. Il faudra changer de stratégie, refaire le handicap et aller de l'avant après avoir baissé la tête sous les coups de boutoir d'un adversaire gonflé à bloc, tandis qu'au bout de la course, le marin d'eau douce devra affaler la voile et s'en remettre à l'onde pour retourner au port. Donner quelques coups de bourde, bloquée dans les arronçoirs, de peur de faire des bêtises et finir par s'ensabler. Garder la route et jouir du silence d'une descente poussée par la rivière, regarder les hérons cendrés et tout là-haut le balbuzard qui plane.

À la reprise, le vent pousse l'attaque mais la défense s'arc-boute sur sa ligne. Il faut franchir le barrage, ouvrir les vannes pour refaire ce retard. Chaque point compte et le vent fait parfois déjouer celui qui en abuse. La stratégie d'occupation est parfois désastreuse : il faut savoir porter le ballon tout autant que le danger dans le camp adverse. Les marins préfèrent naviguer en toute sécurité ; ils sont moins hardis que les chevaliers des crampons et à la nuit tombante, restent à quai, évitant ainsi les chandelles que le vent finit par éteindre.

Au retour au port, si le vent souffle toujours autant, l'envie d'une nouvelle virée prend les mariniers toujours entre deux bordées. La vitesse les grise toute comme cette petite rasade de notre bonne vieille poire d'Olivet, à moins qu'ils ne préfèrent faire sauter des bouchons., chers aussi à nos rugbymen. Les aigrettes garzettes leur font de douces œillades ! Ils rejoignent dans ce geste ancestral du coude qui se lève les sportifs et leur troisième mi-temps.

À la fin du match, le vent a choisi son vainqueur. Les perdants se font souffler dans les bronches par un capitaine, seul maître à bord après l'odieux entraîneur ! Les gagnants sont ceux qui ont maîtrisé les sautes d'humeur de ce capricieux zéphyr. Ils se griseront de bons coups à boire et rentreront chez eux avec un joli brin de vent dans les voiles à moins qu'ils ne bichent le cul de la bouteille d'Or.

Quand la voile est affalée, que les bouts sont roulés, que le mât est abaissé, le batelier jette l'ancre et s'en retourne à terre. C'est à regret qu'il abandonne le fleuve et son beau bateau de bois. Il rêve déjà à la prochaine sortie quand le grand vent d'ouest soufflera de nouveau sur le Val de Loire, là où la Loire est la plus belle.

Je ne saurai jamais ce qui est le plus grisant : une victoire dans ce beau jeu d'Ovalie ou une sortie, vent portant, avec les gars de marine fluviale. Partout, le long de la Loire, les fûtreaux, les chalands, les toues et les plates refont partie du décor ligérien. Il manque quelques mâts dressés avec de belles traverses, sur les prairies du bord de l'eau, pour que tous ces ports accueillent aussi des équipes de Rugby. Un batelier est un pilier potentiel, de barre ou de rugby si le grand vent d'ouest l'a rendu un peu fou et de bar à n'en point douter, foi de grosse bedaine !

Marinièrement vôtre.

lundi 25 mars 2019

Pour les beaux yeux d'Irène …


Comment la vie peut basculer.



Il était une fois une affreuse et repoussante vieille dame que tous les enfants de ce petit village craignaient comme la peste. Pour chacun d'eux, elle était sorcière effrayante, vieille folle qu'il fallait éviter; la croiser dans la rue était une épreuve. Les adultes qu'ils sont devenus évoquent encore ce souvenir lointain, avec des frissons dans le dos.

La fin de cette pauvre femme fut à l'image de cette réputation qui progressivement l'enferma dans un rôle qui n'était pas glorieux. Sorcière, était-elle devenue, c'est en sorcière qu'elle allait périr. Pourtant, sa destinée eût pu être tout autre. Il eût suffi d'un signe, d'un regard ou d'une passion qui n'eût pas été entravée.

Irène avait été jeune. Irène avait été belle en ce temps glorieux. Ses yeux surtout, d'un bleu si profond, n'étaient pas encore déparés par la froideur de ce qui fait peur. Bien au contraire, ils étaient pièges à garçons! C'est ainsi qu'un jeune homme du village s'y laissa prendre mais en retour toucha le cœur de la belle. Ces deux-là s'aimaient, c'est du moins ce qui se raconte encore mais le mariage n'était pas possible. Irène était d'une famille trop modeste pour que l'alliance se fît,

Il faut peu de chose pour basculer dans une forme de folie. Irène ne se remit jamais de cet amour contrarié. Enfermée dans sa modeste demeure, elle se coupa du monde, se négligea , cessa de se laver. Petit à petit, enchâssés dans sa laideur repoussante, ses yeux si beaux semblaient à présent , d'inquiétants diamants glacés ….

Irène était seule; elle le resterait toute sa longue vie. Ses contacts désormais se limitaient à ses chèvres, ses lapins et de rares clients qui surmontaient leur aversion pour acheter ses succulents fromages. Les enfants du bourg lui jetaient des pierres et lui lançaient des insultes. Elle puait! Cela justifiait hélas ce comportement si peu recommandable …

Irène vivait aussi dans une saleté sans nom, ce que ne révèle pas aujourd'hui sa maison , devenue la petite bibliothèque du village où l'on peut admirer un trésor: un magnifique pressoir à l'ancienne, pièce d'exception et de collection ! Du temps de la dame, cette merveille était dissimulée sous une couche de fumier qui occupait une grande partie de la masure!

Personne ne venait jamais dans l'unique pièce à vivre dont disposait Irène; l'odeur y était trop insupportable. C'est là qu'elle s'enferma dans sa rancune et son désespoir. On lui avait refusé l'homme de sa vie; il n'y en aurait aucun autre! Pire même, elle se coupa des siens. Quand sa sœur se maria, Irène , cloîtrée chez elle, assista cependant de la petite lucarne du grenier, à une célébration qu'elle s'était interdite.

La folie n'était pas loin, favorisée par la vieillesse et la solitude d'Irène . Elle devint désagréable et un peu grossière. Quand on lui demandait son nom, elle répondait toujours : «  Irène Fouqueau, avec un Q comme le mien qui ne combla jamais personne ! » Si la formule est détestable, elle révèle parfaitement toute la détresse éprouvée par cette malheureuse , au plus secret d'un cœur en souffrance.

Irène passait son temps à sillonner la campagne avec sa brouette. C'est ainsi qu'elle parcourait des distances considérables pour aller chercher de l'herbe afin de nourrir ses bêtes ou pour se rendre aux marchés du coin, vendre ses fromages de chèvre. C'est au retour de celui de Jargeau, ville située à sept kilomètres de son domicile, qu'elle tira, un jeudi soir, sa révérence à cette vallée de larmes.

A la nuit tombée , Irène poussait sa brouette le long de la route, marchant d'un bon pas en dépit de ses 88 ans. Le chauffeur d'une voiture qui allait trop vite, ne la vit pas et la percuta; le choc fut terrible! Irène mourut sur le coup. Il fallait pour cette pauvre femme, une fin à l'image de sa vie. Celle qui pour tous, était devenue une sorcière, fut décapitée. Ses yeux qui inspiraient si grande peur, avaient roulé avec sa face immonde dans un fossé. Ainsi finit une pauvre femme pour qui la vie n'avait pas été facile .

Sa maison est devenue un lieu culturel, et la photographie de la pauvre vieille trône en majesté près du pressoir ; il faut retenir l'ironie de cette histoire. Une réputation, pour monstrueuse qu'elle puisse être, peut un jour se transformer par la grâce du temps qui passe. La maison d'Irène est un lieu charmant. Fasse en sorte qu'elle redore une image qui était tombée bien bas. Si vous passez par Mardié, demandez à visiter ce lieu et n'oubliez pas d'avoir une pensée émue pour la pauvre Irène, la vieille aux si beaux yeux !

Hommagement sien

Depuis Irène est présente à chacune de mes prestations. Elle se glisse toujours dans un conte devant tour à tour la birette, la vieille, la pauvre femme avant que d'avoir un destin plus agréable. Merci à elle ...

 

dimanche 24 mars 2019

À contre-courant, la remontée de la Loire d'Anthony


À contre-courant



Anthony à contre-courant
Tout en remontant le temps
Il remonte les flots à l'envers
Offrant ses modestes vers
Simplement par amitié
Pour vos fêtes et bordées

Rejoignez sans hésiter
Son intrépide voilier
Oubliez vos préjugés
Laissez-le vous raconter
Des histoires peu croyables
Sur notre Loire si aimable

Il avance à contre-courant
Tout en remontant le temps

En route avec des gueux
Mais n'attendez pas d'eux
Les musiques habituelles
Qui deviennent ritournelles
Ses chansons sont des ballades
Des complaintes et des aubades

Il avance à contre-courant
Tout en remontant le temps

Quand la voile est si gonflée
Sur notre Loire bien aimée
Les amis viennent à bord
Partager ces quelques accords
Un verre de vin, des chansons
Pour du bonheur à foison

Il avance à contre-courant
Tout en remontant le temps

Des musiciens vous entraînent
Hors d'habituelles fredaines
Loin des modes et des vagues
Le marionnettiste divague
Se fait chanteur original
Et vous invite à son bal

Il avance à contre-courant
Tout en remontant le temps

C'est à rebours du courant
Qu'il raconte à contre-temps
Lorsqu'il parle à l'endroit
C'est qu'il est maladroit
Quand il parle à l'envers
C'est que tout va de travers

Anthony à contre-courant
Tout en remontant le temps
Il chante le trouvère
Partageant des petits verres
Simplement par amitié
Sur une Loire en majesté


Faire un trou dans la rivière


Fable

 

Il n’y avait pas plus belle fille à marier
Que Marina, la gentille lavandière
Mais elle posait une condition : pour l’épouser
Il fallait faire un trou dans la rivière

De tout le pays, des prétendants accourent
Pour relever le défi de la demoiselle
Beaucoup perdirent leur honneur dans l’aventure
Ils ne percèrent pas le secret de la belle

Quand un plus malin que les autres la convia
À venir le rejoindre en haut du pont Royal
Gentiment lui demanda de se pencher là
Un tourbillon creusait l’eau en son chenal

Ce n’est pas cette anneau que me fera céder
Tu n’es pas responsable de sa formation
J’attends de celui qui voudra m’enlever
De faire preuve d’un peu plus d’imagination

Un autre se présenta muni d’une pioche
S’attaqua sans tarder à percer la levée
Bientôt la rivière laissa place à la roche
Face à ce carnage, la fille était désolée

Tu penses ainsi parvenir à me séduire
En arrivant avec de vilaines manières
Tu ne risqueras jamais de me conquérir
En faisant un désert de ma chère rivière

La fille ne trouvait pas chaussure à son pied
Les mois passaient et elle restait célibataire
Quand l'embâcle figea les flots en janvier
Dans tous le pays il faisait un froid polaire

Muni d’un bâton un galant vint lui faire face
Lui offrit sa demande en propos gracieux
Puis se mit en demeure de briser la glace
Il gagna son cœur par ce trou astucieux

Il n’y avait pas plus belle fille à marier
Que Marina, la gentille lavandière
C’est le charmant Saturnin qui l’a épousée
Pour elle, il creusa un trou dans la rivière


vendredi 22 mars 2019

Ma vie au fil de l'eau

À Rohan et au Suave


Je suis né sur une péniche
Il y a bien longtemps de cela
Nous n'étions pas bien riches
Sur tous les canaux d'ici-bas
Nous vivions dans une cabine
Qui n'avait rien d'un palace
Ma chambre était la cuisine
Tout à bord avait sa place



C'est ma vie au fil de l'eau
Qui coule dans mes veines
Ma maison est un bateau
Tous les jours de la semaine



Quand j'ai appris à marcher
Ce fut sur un pont étroit
J'ai continué de naviguer
Ma vie suivait la voie
Mon école était le canal
La maitresse ma tendre mère
L'écluse sonnait le bal
De la porte marinière

 

Les années ont vite passées
Le choix je n'avais guère
J'ai continué le métier
Celui de mon pauvre père
Lui qui était mort à la tâche
Trimant du matin au soir
Sans la moindre relâche
Pour un si maigre avoir



J'ai trouvé ma belle batelière
Dans le joli port de Strasbourg
Une fille née sur la rivière
Que j'ai épousé par amour
Nous avons connu la misère
La fin de nos belles années
Pour travailler quelle galère
Le transport fluvial qui coulait


Je ne trouvais plus de travail
Je dus alors débarquer
Le fret de la route et du rail
Finit par nous condamner
Ma péniche eut ses funérailles
C'était mon passé déchiré
Ma vie n'était que ferraille
Je finis par en pleurer ...

Photographies Sylvert Revert
Merci à elle

À ROHAN


Des mots qui chantent

  Un livret qui chante … Si vous tendez l'oreille En parcourant ses pages Il n'aura pas son pareil Pour sortir ...