mardi 12 décembre 2017

Conte du pays enchanté.


Conte de l'Avent
Comment trouver sa voie …



Mon cher Pitchoune, tu as la chance de parler aisément, de ne jamais buter sur les mots, de n’avoir aucun défaut de langue. Tu as des camarades qui zozotent, d’autres qui bégaient, certains qui ne peuvent même pas prononcer un mot. Parler devient douloureux alors que tu sais très bien combien s’est agréable de se faire comprendre des autres, de ceux qu’on aime et de ceux qu’on aimerait bien connaître. Écoute bien cette histoire écrite avec un garçon qui avait des cailloux plein la bouche.

Il était une fois un petit garçon qui n'arrivait pas à s'exprimer. Les mots se bousculaient tellement sur sa langue et dans sa tête, qu'il lui était impossible de les mettre en bouche. La vie était pour lui une souffrance, confronté qu'il était à ce blocage terrible qui le privait du plaisir de discuter avec ses camarades sans qu’ils se moquent de lui. Il se désolait, seul dans son coin, condamné à un silence qui le rendait malheureux.

Il désira briser cette prison imaginaire qui était son silence. Il choisit de refuser son destin. C'est ainsi qu’il prit un stylo-plume pour écrire les histoires qui tournaient dans sa tête et qu’il était incapable de raconter à ses amis. Il avait tant de belles aventures à inventer, des voyages magnifiques, des récits émouvants, des poèmes et mêmes des chansons d'amour …

Il voulait qu’on l’écoute, lui qui ne pouvait pas parler, il rêvait que ses mots soient entendus parce ceux qui jusqu'alors, se détournaient de lui. Il confia ses trésors à des troubadours, des chanteurs et des musiciens qui se firent un honneur de les lui mettre en musique. Bientôt, dans tout le pays, résonnaient ses agréables airs qui enchantaient le public.

Personne, pourtant ne savait qui était l'auteur de ces ballades émouvantes, de ces ritournelles qui ne cessaient de trotter dans les têtes, de tourner en boucle de manière entêtante. Il souriait d'entendre fredonner des mots qui se dérobaient à lui mais qui retrouvaient force et vigueur par la magie de douces mélodies. Il était particulièrement fier. Ses chansons lui réchauffaient le cœur.

Le petit garçon se surprit parfois à fredonner, lui aussi, les airs que lui avaient composées ses amis musiciens. Les mots s'échappaient alors, plus dociles qu'auparavant, se glissant derrière les notes pour enfin être apprivoisés, accessibles à sa bouche. C'est ainsi qu'il se découvrit la capacité de chanter ce qu'il était incapable de dire autrefois.

La chose peut paraître surprenante ; je devine ici ou là des gens susceptibles de mettre en doute ma parole. Qu'importe, ceux-là resteront toujours des porteurs de vilaines nouvelles, des êtres incrédules et tristes. Pour imiter celui qui enchantait ainsi leurs vies, les gens du pays firent tous comme lui. Chacun cessa de parler pour s'exprimer uniquement en chantant.

Vivre dans ce pays de comédie musicale devint un véritable enchantement. Tous les habitants étaient au diapason, reprenant en chœur le propos du voisin. Les querelles cessèrent, les chagrins se firent plus rares, les histoires d'amour prirent le pas sur les disputes et les querelles. Des musiciens sillonnaient les rues, pour accompagner ceux qui voulaient s'exprimer.

Le petit garçon, comme il se doit, devint le maître des chœurs, le grand ordonnateur des affaires du pays. Il fut porté au pouvoir par un vote unanime où chacun lui donna sa voix. Le parlement fut débaptisé, il devint, pour le plus grand bonheur de tous, la chorale nationale. Les discours se firent cantates, oratorios, opéras, épopées musicales, slams et chansonnettes.

L'armée fut renvoyée dans ses casernes. Les soldats déposèrent les armes pour prendre des instruments de musique. Après de multiples répétitions, ils apprirent à jouer de concert tout en cessant de marcher au pas. La mélodie plutôt que l’horreur de la guerre : voilà qui allait réjouir les mélomanes.

Le petit garçon grandit alors dans un monde enchanté, un monde d'opérettes et de contes de fées. Il avait trouvé sa destinée, elle serait parsemée de roses et de bonheur. Il fut le premier responsable public à ne plus prendre la parole mais à entonner un discours repris en chœur par l'assistance, la communion au lieu d'une écoute ennuyeuse et sans intérêt ; il y avait de quoi se réjouir.

Le petit garçon ignorait alors qu'il allait transformer le monde par ce simple changement. La parole se faisant chanson, les menteurs et les politiciens, les raseurs et les ennuyeux, les professeurs pénibles et les maîtres qui font dormir se virent confrontés à des dos tournés et aux oreilles bouchées. Les propos déplaisants ne supportaient pas d'être chantés. Seuls les mots sincères et joyeux se mariaient harmonieusement avec les notes et les airs. La vie devint une comédie musicale et plus jamais il n’y eut des enfants malheureux.

Enchantement sien.

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