Les
Girouettes de Paulette.
Une
passion dans le vent
Le
Girouet grince dans le vent
Indiquant
d'où viennent les tourments
La
tempête souffle depuis longtemps
Déchirant
les souvenirs d'antan
Est-ce parce
qu’elle avait toujours un peu la tête dans les nuages que Paulette
Rhode a pu se pencher sur un trésor oublié de notre patrimoine ?
Nul ne saura jamais, la vieille dame dans le vent nous a quittés,
laissant son œuvre inachevée. Si elle a su mener à son terme son
recensement des croix des chemins dans notre département, son
travail sur les girouettes et les girouets n’en finit pas de
tourner dans le vide. Il nous appartient, nous ses amis du Liger Club
de l’orléanais de redonner vie à l'infatigable curieuse en
exposant son travail.
En juin 1993,
Paulette se désolait : « La blanchisseuse a disparu.
Endommagée par les intempéries, la girouette enseigne des dernières
lavandières, ne surveillera plus les allées et venues du jardin des
plantes de sa cité. Qui prend encore le temps de remarquer,
d’observer ces silhouettes de tôles ou de zinc placées au faîte
des toits pour indiquer l’orientation du vent ? Les unes simples ou
naïves, d’autres aux dessins très élaborés ; savamment
découpées, elles offrent en même temps une grande diversité de
sujets »
C’est ainsi
que notre curieuse se pencha sur cette forme d’expression
artistique, ce langage en images qui exprime le quotidien d’un
passé révolu. Elle partit donc l’appareil photographique en
bandoulière pour saisir ces vestiges qui rouillaient dans
l’indifférence générale avant qu’elles ne disparaissent à
tout jamais.
C’est le nez
en l’air qu’elle a sillonné tous les toits de la région,
cherchant cet étrange oiseau aussi rare qu’immobile. À pied, à
bicyclette ou en voiture, villages, villes, châteaux, fermes,
chaumières eurent droit à son passage. En bord de Loire, en Sologne
ou bien en Beauce, dans la plaine comme dans les bois, elle n’eut
de cesse que de traquer les dernières survivantes de cet art de
l’héraldique sans lettre de noblesse à la portée de tous.
Passons sous
silence les difficultés techniques pour saisir le bel ouvrage d’un
artisan qui fut créé en une époque où ni les antennes, ni les
fils de toutes natures ne venaient perturber l’admirable travail de
celui qui l’avait fixé là pour qu’il tourne au vent, zéphyr
fripon ne manquant jamais de se réveiller pour empêcher la prise de
vue. L’essentiel est ce témoignage indirect que la dame a voulu
nous léguer afin que nous n’oubliions jamais ce qui fut jadis un
privilège de noblesse
Si les
girouettes coiffant de rares maisons passent souvent inaperçues, il
n’est en pas de même de ce fier volatile qui trône sur nos
clochers. Naturellement la question du coq sur les églises mérite
d’être posées avec quelques hypothèses pour tenter d’apporter
la lumière :
Le coq est
intimement lié dans les évangiles à l’heure de la résurrection.
C’est à son chant que le messie revint du royaume des morts.
L’animal a
souligné le reniement de Saint-Pierre, il peut nous rappeler à
notre modeste condition humaine
Les
premières assemblées chrétiennes, dans la clandestinité d’une
religion alors persécutée se tenaient à l’heure du chant du
coq. Quoi de plus naturel que sa présence pour ces assemblées
revenues en plein jour.
Le coq est
un symbole de vigilance. En étant le premier à annoncer le jour,
il sonne le réveil pour mettre en fuite les monstres des ténèbres.
Il est l’espérance qui pourchasse les démons de nos terreurs.
Le coq fut
emblématique chez les celtes. Les moines voulant imposer la
nouvelle foi, se saisirent de lui comme de bien des divinités
gauloises pour imposer l’image de la croix et du christ.
L’animal à
plume enfin avec sa queue en panache, offrait non seulement une
silhouette simple à dessiner et surtout une bonne prise au vent.
Arguments simplistes pour satisfaire les agnostiques de tous poils
Pour rendre plus
stable notre coq perché sur son clocher, il fallut alourdir sa tête
par l’injonction de plomb. L’expression « Avoir du plomb
dans la tête » serait donc née à une hauteur qui décourage
les chasseurs. Quant aux voleurs, pour leur rendre la tâche plus
délicate, des reliques saintes, des pièces de monnaies ou des
parchemins auraient été cachés dans les coqs de nos églises.
Les premiers
coqs de l’histoire des girouettes furent en métal doré. Dès le
Xe
siècle, il se perche fièrement au somment de la cathédrale de
Winchester. Plus tard, sur la tapisserie de Bayeux, il se présente
en majesté, les ailes déployées. Certains coqs eurent droit à un
petit coup de pinceau, lui donnant des couleurs vives. Ceux qui
paraissent verts sont souvent en cuivre
tandis que les plus modestes sont en bronze.
Au XIIIe
siècle, des anges de bronze ou des statues de saints remplacèrent
le coq pour faire des girouettes d’un nouveau genre. Une sainte
vierge de plomb, devenue figurine tournante, put ainsi bénir toute
une ville au fur et à mesure de ses rotations éoliennes. Lors de la
révolution, les églises vécurent une période délicate. Certaines
se firent « Temples de la raison » et le coq perdit ainsi
sa place, remplacé par un bonnet phrygien transpercé d’une lance
qui assurait le rôle du pivot. L’église d’Escrennes a conservé
ce souvenir.
Les belles
demeures se parèrent quant à elles d’élégantes girouettes,
mises en évidence avec des épis de faîtage. Le tout formait
parfois de véritables bouquets de fleurs. Les châteaux de Loire se
hérissèrent de ces enluminures ferronnières, raffinements
indissociables de la grandeur des hôtes de ces lieux.
L’histoire
relève que la plus ancienne girouette connue se trouvait sur la
« Tour des vents « à Athènes. C’est un triton
d’airain. Au Moyen-âge, la girouette est un privilège de la
noblesse pour afficher les armoiries de la maison. Découpée en
bannière pour les chevaliers bannerets, elle se contente d’être
taillée en pennon pour les simples chevaliers. Ce n’est qu’au
XVIIe
siècle que le parlement de Grenoble autorise le vassal gentilhomme à
« porter » girouette comme le seigneur. Les gueux en
étant privés, ils se firent un malin plaisir à descendre et
souvent à détruire les girouettes de leurs nobles toitures lors de
la révolution. Le vent avait tourné, et il était mauvais.
Des girouettes
énormes portant des personnages grandeur nature furent un temps à
l’honneur à la fin du Moyen-Âge. Paulette Rhode, en voyage en
Andalousie eut le plaisir de pouvoir en observer quelques-unes dont
la célèbre « Giralda » de Séville.
C’est
essentiellement au XIXe
siècle que la mode des girouettes ornant les toits se généralisèrent
dans toutes les catégories sociales, une revanche surtout pour les
gens simples alors que la République s’installait enfin
durablement. Conservant leur fonction originelle, elles se firent
enseignes pour définir la profession de leur propriétaire à moins
qu’elles n’indiquent son loisir préféré ou un pan de son
histoire personnelle. Pour d’autres, ce sont des animaux familiers
qui grimpent sur le toit ; le cheval monta ainsi sur ses grands
chenaux, représenté au travail, à la chasse ou au combat.
Les belles
demeures bourgeoises se démarquèrent de ces représentations trop
communes. Elles purent ainsi se couvrir d’oriflammes découpées
des initiales du maître de maison à moins que ce ne fut des figures
allégoriques : tête de loup ou chimères tandis que le dragon les
garantissait sans doute des feux de cheminée. Dans les campagnes,
des girouettes sont encore installées. Elles représentent des
engins modernes : tracteur, moissonneuse, voiture et parfois des
bateaux comme à Vitry aux Brosses, pourtant assez loin du canal.
Paulette,
une femme dans le vent.
Éole
dans tous ses états
Quand
on a que le vent
Pour
aller de l'avant
L'espace
d'un instant
Ou
encore plus longtemps
Quand
on n’a que la voile
Pour
suivre une étoile
Un
rêve qu'on dévoile
Au
milieu de la toile
Éole,
dieu du vent montre l’importance de cette force motrice jadis avant
que les éoliennes d’aujourd’hui ne viennent rappeler son bon
souvenir aux humains en mal d’électricité. Le vent avant que de
faire tourner d’immenses pâles, permettait aux moulins de tourner,
aux bateaux de voguer. Quant aux éoliennes d’antan, elles
permettaient de faire monter l’eau des nappes phréatiques.
Rappelons à ce titre la magnifique création des frères Bolet, les
célèbres fondeurs de cloches abraysiens.
Les
girouettes se contentaient si on ose dire ainsi de montrer la
direction du vent pour la simple et bonne raison qu’elles
informaient du temps à venir. Le bulletin météorologique
n’existait pas tandis que les humains, proches de la nature,
avaient grand besoin d’établir des prévisions fiables sans le
sourire d’une jeune femme qui n’a sans doute jamais enfilé des
bottes en caoutchouc. C’était un temps où le ciel ne faisait pas
des caprices ; en examinant le ciel et en connaissant la
direction du vent, les anciens pouvaient prédire le temps de manière
fiable. Notre territoire était donc couvert de girouettes et
celles-ci se trouvaient placées sur un hangar de manière à être
visible de la ferme.
« La
girouette de ma maison, c’est surtout mon voisin qui en profite.
Moi, il faut que je sorte pour la voir ! »
Certains moulins disposaient d’un système astucieux : un témoin
fixé sur une tige, rendait compte à l’intérieur de l’habitacle,
des déplacements de la girouette sur le faîtage.
Le
vent était tout particulier l’allier des mariniers de Loire. Le
vent de soularne ; celui qui venait d’Est leur assurait une
avalaison tranquille quand ils se dirigeaient vers l’Océan. À
contrario, pour la remonte, les vents favorables étaient le Galarne
ou le Surois. Les vents venant de l’ouest permettaient enfin de
revenir au foyer tandis que les femmes des mariniers allaient prier
Notre Dame de Recouvrance pour que le vent leur ramène sans encombre
leurs époux. La girouette montrait si leurs prières avaient été
exhaussées.
Le
marin découpait lui-même sa girouette représentant son propre
bateau. Le musée de la Marine de Loire de Châteauneuf sur Loire
possède une magnifique série de ces petits chefs d’œuvre. La
plus remarquable sans doute est ce grand Girouet * sculpté dans le
bois représentant un chaland surmonté de l’aigle impérial. Hissé
en haut du mât les jours de fête, ce girouet était garni de
banderoles de couleur qui flottaient au vent.
* Les
mariniers avaient besoin de girouettes sur leurs embarcations. Pour
détourner l'interdiction de la girouette pour les manants, ils
avaient transformé le mot et le prononçaient « guirouet »
pour montrer leur indépendance d’esprit. Les girouets étaient
également destinés à conjurer le sort avec par exemple ce monstre
marin représenté sur l’une d’elles afin d’intimider les dieux
maléfiques responsables des naufrages.
Quand
les mariniers allaient jusqu’à Nantes, ils voyaient de superbes
goélettes en partance pour des destinations lointaines. Influencés
par ces bateaux, désireux eux aussi de faire de grands voyages,
nombreux sont ceux qui établirent sur leur demeure des girouettes
représentant des navires hauturiers. Une manière d’influencer
leur destin peut-être …
Histoire
de Girouettes.
Une
passion dans le vent
Ma petite
girouette
Rien qu'un brin de vent
Te fait tourner la tête.
Ma petite girouette
N'as-tu dans la tête
Que du vent ?
Georges
Chelon
Placées
sur leur perchoir, elles ont été témoins de tant de scènes qu’il
est bon de venir interroger nos belles girouettes sur le comportement
de ces êtres si versatiles que sont les humains.
Une
femme, isolée dans son exploitation nous raconte : « J’ai
été si heureuse dans la ferme où travaillaient mes parents quand
j’étais petite que j’ai voulu la même girouette placée sur le
toit de mon enfance dans ma ferme afin qu’elle m’apporte autant
de bonheur ! » C’était une jolie gerbière tirée par deux
chevaux. Les deux fois où Paulette s’est rendue sur place, la
girouette était entourée de colombes …
Certaines
girouettes sont si naïves que l’on les croirait dessinées par des
enfants ! Les détails sont certes scrupuleusement respectés mais
avec un tel manque de proportion qu’on en vient à s’interroger.
Ainsi une très ancienne girouette vendéenne représente un paysan
chouan qui mène une charrue. L’homme est imposant, le bœuf tout
petit et que dire de la fillette apportant son repas ? L’imagination
des artisans traduit en ce domaine désir et poésie tout aussi que
leur rancœur vis-à-vis du pouvoir, de la situation, des contraintes
du métier.
Dans
ce registre, la girouette de ce fils dont les parents ont refusé
l’héritage suite à un remariage qui leur a fortement déplu. Le
bafoué a découpé dans la tôle les effigies de sa famille et
couvrant ces personnages, il a découpé le texte suivant : « Au
déshérité ». Ainsi tout le monde savait le mauvais tour
qu’on lui avait joué, il suffisait de lever la tête. L’expression
: « On l’a crié sur les toits ! » trouve dans pareil
cas sa plus parfaite illustration. Le vent se voit confier
ressentiment et colère par le truchement d’une expression qui
remplace bien des médications. Le Nivôse supplée à la névrose !
Un
maréchal ferrant équipa son toit d’une girouette quelque peu
suggestive représentant des fers et un cheval en pleine forme.
Nommée « Au cheval gaillard » cette enseigne à tous les
vents indiquait à qui voulait bien le comprendre que l’artisan non
seulement ferrait les chevaux mais que de surcroit il pouvait aussi
les castrer. La période contemporaine n’échappe pas à ces
pratiques. Ainsi un employé EDF de Saint Laurent des Eaux a coiffé
sa demeure d’une girouette représentant les tours de
refroidissement de la centrale. Un ferronnier bien connu dans
l’Orléanais a représenté sur son toit toute sa petite famille
par des silhouettes découpées à contre-jour. Un artiste peintre
quant à lui, se représente près de son chevalet, admirant la Loire
sous les différents angles que lui offre le sens du vent. Bel
hommage au grand fleuve.
Au
cours d’une promenade au bord du Lien (un affluent de la Charente)
notre chercheuse à découvert la girouette : « La Belle
carriole ». Elle représente une voiture avec cheval et chien
évoquant directement la toile du Douanier Rousseau. Dessiné et
découpé par son propriétaire, cet équipage a procuré maintes
promenades agréables si bien que la photo de la girouette figure
dans l’album de famille entourée d’un cœur. L’œuvre de
ferronnerie se trouve sur le toit d’une belle maison du XVIIe
siècle.
Histoire
de Girouettes.
Elles
vous font tourner la tête.
Le
petit vent
Le
petit vent qui nous pousse dans le dos
Nous caresse tout
doucement
Car c’est son affaire, au petit vent
De
temps en temps
De
temps en temps il nous souffle dans le nez
Car il veut nous
plaire, le petit vent.
En France on
aime à boire, c’est bien connu ! Les girouettes, du haut des
toits, président souvent aux rites de la vigne. Elles représentent
alors des vendangeurs, des fouleurs de raisin, des transporteurs de
barriques. La mythologie paie sa tournée avec un Bacchus en joyeux
drille, honorant avec coupe et flacon la pampre de la vigne
enfant ant un délicieux nectar.
Des propriétaires
récoltants ont choisi de signaler leur négoce en enlaçant leurs
initiales autour d’une treille et de trompette de la renommée
telles les armoiries de la noblesse d’antan. La coupe est pleine et
la girouette fait tourner les têtes y compris en l’absence de vent
?
Les femmes sont
rarement représentées sur les girouettes. Si le dicton prétend
qu’il n’est que femme qui varie, le vent ne souffle guère en
faveur de sa représentation. Elle se trouve dans des tâches simples
: fileuses – bergères – blanchisseuses. Le dur labeur de la
lavandière, bien loin du folklore la montre brossant ou battant le
linge sur sa selle avant que d’aller rincer le linge au fil de la
Loire. La girouette tournait à qui mieux mieux pour essorer le
linge.
Quand la femme
apparaît à côté de son mari pour l’aider dans sa tâche, qu’il
soit maréchal-ferrant ou charron, elle porte gaillardement un
chapeau de feutre qui lui ne s’envole pas au vent et un long
tablier qui atteste de sa féminité.
Les girouettes
sont autant de livres d’images sur lesquels les vieux métiers,
aujourd’hui disparus, continuent de se raconter par l’intermédiaire
de représentations plus ou moins naïves ou richement ouvragées.
Ainsi les trépigneurs, aujourd’hui oubliés : un cheval en
trépignant sur ses antérieurs, faisait tourner des cylindres de
métal. Des courroies transmettaient le mouvement pour actionner des
blutoirs qui coupaient les betteraves. Le grand-père de Paulette,
fier d’avoir conservé cette machine, l’avait reproduite afin
qu’elle orne son toit même si la roue avait tourné, faisant
passer l’énergie animale au rang des souvenirs révolus.
Il y aurait tant
à dire encore sur les girouettes comme celle du capitaine des
pompiers représenté avec son état-major près de la fameuse pompe
à bras de sa commune ou bien celle du cheminot perché sur son petit
train. Le châtelain du coin n’est pas en reste lui dont les points
cardinaux deviennent les initiales de sa devise ou bien encore le
beau drapeau de la « Folie Baton » retraçant la vie es
ancêtres du nouveau propriétaire.
Les girouettes
peuvent encore servir à autre chose qu’à indiquer le sens d’un
vent que le père Jules n’avait pas forcément dans le nez. Quand
il rentrait, lui qui aimait bien boire le coup, ayant chaussé ses
souliers à bascule, il avait grand besoin de sa girouette. Elle lui
montrait le chemin, lui qui n’y voyait plus très clair. L’âne a
aussi joué ce rôle autrefois de guide des buveurs égarés.
Histoire
de Girouettes.
Le
vent de l’amitié
Un p’tit vent
Bon p’tit
vent
Parle de la vie des gens
Et fait son chemin de bouche à
oreille
Paulette
Rhode se plaint de la qualité de ses photographies. En dépit des
précautions prises, elles sont trop souvent floues ou trop petites
pour être agrandies. Si la girouette est intéressante, elle n’en
demeure pas moins sur un toit qui n’est parfois pas facile
d’approcher. C’est forte de ce constat qu’elle choisit une
autre technique de reproduction. Un agrandissement par le truchement
d’un dessin sur un bristol épais, découpé ensuite au cutter. La
première de ces maquettes lui donna satisfaction, elle persévéra
obtenant ainsi une jolie collection d’ombres chinoises qu’elle
aimait à exposer
« L’homme
au fléau », « les joyeux buveurs de Saint Août »
retrouvèrent une seconde jeunesse loin de leurs toitures d’origine.
Les buveurs sont en fait un garde champêtre caricatural trinquant
avec le bûcheron tandis que l’officier de carrière est équipé
d’un fourreau de baïonnette qui assure l’axe de rotation. Du
grand art !
La
silhouette racée des deux chevaux tirant une charrue menée par un
paysan en costume traditionnel a pu grâce à cette technique être
exposée et même embellie d’un coucher de soleil réalisé par
Daniel, l’artiste agrandisseur qui sait donner une dimension
poétique à ces anciens témoins de l’art premier pour la
satisfaction des visiteurs des différentes expositions
Paulette
se réjouit alors que le vent de l’amitié a soufflé sur ses
girouettes. Connaissances et amis se sont mis en quête de ce que les
archives ne pouvaient préciser. Les ferronneries d’art ne figurent
que très exceptionnellement dans les documents écrits comme si la
culture ne se reconnaissait pas dans cette merveilleuse
représentation du quotidien.
Les
randonneurs levèrent le nez en cadence. Des chercheurs indiquèrent
eux aussi à Paulette l’emplacement de ces trésors dont elle était
en quête. Elle n’avait plus qu’à se rendre sur place pour
photographier la chose. Elle bénéficia aussi d’aides matérielles
: matériel d'agrandissement, bois, métal, carton pour permettre la
réalisation de maquettes tandis que d’autres fournirent des
documents sur le sujet.
La
dame se souvient alors d’un souvenir tout particulier qui lui a
laissé une forte impression. C’était au mois d’août, elle
avait obtenu de se retrouver seule sur les toits du château de
Chambord. Dans ce décor extraordinaire, muni d’un sésame
officiel, elle pouvait jouir du spectacle fabuleux de l’extravagante
toiture royale. Des girouettes portaient des grandes lettres de
bronze représentaient les initiales de nobles personnages. Elles
couronnaient les cinq clochetons. Le conservateur satisfit alors à
sa curiosité pour lui apprendre que le F évoquait François 1er
que le H représentait Henry V, le R honorait Robert de Parme tandis
que les C et B entrelacés rendaient hommage à Caroline du Berry
alors que le comte de Chambord était présent lui aussi avec le D de
Dieudonné, son prénom.
Histoire
de Girouettes.
L’art
et la manière
La
girafe et la girouette
La
girafe et la girouette,
Vent du sud et vent de l’est,
Tendent
leur cou vers l’alouette,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Toutes
deux vivent près du ciel,
Vent du sud et vent de l’est,
À
la hauteur des hirondelles,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Et
l’hirondelle pirouette,
Vent du sud et vent de l’est,
En
été sur les girouettes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
L’hirondelle,
fait, des paraphes,
Vent du sud et vent de l’est,
Tout
l’hiver autour des girafes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Robert
DESNOS
Recueil : "Chantefables"
Autrefois, la tôle de fer permettait de
réaliser ces ouvrages. La pièce était découpée le plus souvent
d’une seule pièce quand parfois d’autres étaient constituées
de plusieurs parties assemblées ensuite grâce à des rivets à une
époque où la soudure était inconnue.
L’arrivée du zinc, un matériau qui
résiste mieux aux intempéries sonna l’abandon du fer. C’est lui
qui eut la primauté même si des girouettes en bois tournent aussi
sur les toits. Certains petits moulins sont de véritables automates.
Les ailes en tournant, actionnent par un système de tiges et de
cames, des petits personnages qui lèvent un verre au rythme du vent
!
La rotation de la girouette intrigue ceux
qui ne sont pas des adeptes de la mécanique. Un des côtés de la
girouette, enroulé sur lui-même forme
un fourreau fermé à son extrémité
supérieure. Ce fourreau prend position sur un axe fixé au toit, une
bille d’agate venant s’interposer entre les deux pour faciliter
la rotation.
Il est recommandé de prévoir un balancier
formant contre-poids pour offrir un meilleur équilibre à la
girouette tout en limitant son usure à l’instar de leurs frères
humains qui eux aussi ont besoin pour tourner rond de compenser les
rigidités de l’existence par une petite dose de rêve et de
fantaisie.
Malgré ces précautions, on entend parfois
tourner les girouettes.
Elles chantent proclament les poètes.
Elles se plaignent, affirment les sensibles. Elles grincent
prétendent les grincheux.
La girouette
Cri
noir, désenchanté,
Elle dit aux nuages les demains
rouillés.
Loin d’elle, le sol qu’elle a quitté,
Pour des
idées d’azur, de jours ensoleillés.
Elle ne chante
plus…a-t-elle jamais chanté?
Elle grince les pleurs de rêves
oubliés.
Elle voit les horizons, les campagnes habitées,
Les
fumées du village, d’hiver ensommeillé.
Mais parfois, le
vent vient la visiter,
Après sa dure journée, dans le ciel
brouillé,
Au vieux coq, sur une patte montée,
Discrètement,
il pose une bise mouillée.
Daniel
Courtois
Plusieurs coqs
ont été confiés à Paulette Rhode dont certains en bronze, très
racés. D’autres ressemblant bien plus à une grosse poule paysanne
se contentaient de zinc. L’un de ces coqs offerts a intrigué la
curieuse. Il portait sur le dos et sous le ventre un œilleton de
verre muni d’une petite glace par laquelle devait se réfléchir un
rayon de soleil. Ce devait être destiné à éclairer un objet
mystère un certain jour de l’année par un certain vent. Une
girouette digne de Hergé …
Un seul coq de
clocher a trouvé grâce aux yeux de la collectionneuse. Elle l’a
choisi parce que ses pattes semblaient nous faire comprendre qu’il
courait et c’est justement sur le clocher de Cour-sur-Loire qu’il
trônait majestueusement. Un artisan malicieux avait sans doute
souhaité jouer avec la toponymie du lieu sans que les autochtones ne
le remarquent.
La mise en place
sur le clocher d’un coq girouette était accompagnée par une
coutume qu’il convient de raconter ici. Avant de monter sur son
très haut perchoir, les couvreurs prenaient l’animal dans les bras
afin de lui faire parcourir toutes les rues de son futur domaine.
Naturellement ce tour de village s’accompagnait d’un petit
versement en liquide dans une sébile tendue par les aventureux
artisans. Le coq était enrubanné tandis que les filles à marier se
devaient de couper un morceau du ruban afin de conjurer le sort et
trouver dans l’année un jeune coq à mettre dans son lit.
De leur côté,
certains joyeux drilles sans doute pour faire les coqs, des soirs
trop arrosés, se lançaient dans l’aventure de décrocher la
girouette sur le clocher de l’église. Ils devaient reproduire
cette prouesse le lendemain pour le remettre en place non sans
l’avoir affublé de quelques oripeaux drolatiques.
Histoire
de Girouettes.
Hier
et aujourd’hui
Ô
fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses
saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur
et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans
cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les
longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps
du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Charles
Baudelaire
Les recherches
de Paulette Rhode l’ont souvent entraînée sur les chemins du
passé. Elle se demanda alors s’il y avait place de nos jours pour
ce beau témoin du vent qui souffle et si des artisans d’aujourd’hui
reprenaient le flambeau et peut-être le poste à souder.
Le hasard lui
fit un signe par l’intermédiaire d’un reportage dans le journal
local. Elle apprit l’existence d’un groupe de « Compagnons
Couvreurs » à Cepoy. Pour les joindre, il lui fallut contacter
« Gatinais, la gaîté » un formidable sobriquet pour
aiguillonner la curiosité d’une dame insatiable en ce domaine.
Après des
démarches auprès de la mairie, elle eut le plaisir de visiter leurs
ateliers puis de se rendre à Paris au siège des compagnons, afin
d’admirer l’exposition de leurs chefs-d’œuvre. Elle était
comblée car dans ces maquettes de toiture, certaines étaient
coiffées d’une girouette ouvragée.
Paulette se mit
à imaginer un langage des girouettes. Elle pensa qu’elles devaient
communiquer entre elles par l’intermédiaire du vent qui avait
tourné la tête à notre vieille amie. Elle eut des mirages ; elle
vit sur un toit un gentil petit couvreur conter fleurette à une
charmante bergère qui lui souffla un baiser. Elle crut apercevoir le
gentilhomme châtelain régler ses comptes avec l’incorrigible
braconnier …
La réalité
vint apporter elle aussi sa dose d’humour. Toujours le nez en
l’air, Paulette se rendit compte que le Tribunal Administratif
d’Orléans était couvert de parapluies qui devaient lui servir de
talismans pour se parer des pépins que constituent les erreurs
judiciaires.
Pour sa
recherche Paulette a parcouru Val de Loire, Sologne, Berry, Gâtinais
à la recherche de ses chères girouettes. Elle a ressenti un
pincement au cœur dans une Beauce presque déserte où seuls les
engins agricoles se meuvent dans la grande plaine. Elle y a pourtant
été accueillie avec une grande gentillesse tant sa démarche
provoquait sympathie et curiosité.
Au terme de ce
collectage magnifique auquel le Liger Club de l’Orléanais
redonnera vie depuis que Paulette a pris la poudre d’escampette
pour se rendre sur l’autre rive, voir si le vent souffle aussi de
ce côté-là, tout comme elle nous ne comprenons pas pourquoi on
traite de girouette les personnes qui se laissent aller à changer
d’avis.
Paulette
écrivait à ce propos : « Soyons modestes, nous sommes tous un
peu girouette …
Reste à savoir
si c’est à bon escient … et si notre individualisme ne nous
empêche pas de percevoir le petit souffle envoyé par le cœur des
autres ! »
Girouettes de
fêtes, de prestige, de souvenir, de tendresse ou de rancœur, ombres
chinoises sur fond d’azur, « autant en caresse le vent ». Le
vent qui avec le temps fait se déliter les girouettes, se décolorer
les souvenirs.
Paulette s’est
donné la belle tâche de conserver la mémoire de ces majestueuses
silhouettes. Elle a redonné vie aux girouettes, à leur histoire, à
leur univers authentique. Puissions-nous ne plus nous moquer de ceux
qui marchent le nez en l’air !
Girouette,
tu peux crier sur les ardoises,
Grincer comme une dent sur
d’acides framboises !
Hiver, tu peux lancer aux vitres tes
grêlons
Qui bourdonnent comme une averse de frelons,
Qu’importe !
Hiver, brandis tes trompettes de cuivre
Et déchaîne tes chiens
sur la route de givre
Et les chevaux des ouragans ! Je m’en
bats l’œil !
Je m’en bats l’œil ! Je lis des
vers dans mon fauteuil !
Beauté des jours ! Beauté des
livres et des lèvres !
À mon coupé, j’attellerai cent
douze lièvres.
Sous l’azur plus vibrant qu’une aile de
perdrix,
Et j’irai vers les bois que mon rêve a fleuris !
Tristan
Derème
Paulette aimait
par dessus tout frapper à la porte d’une maison portant girouette,
s’enquérir de son histoire, discuter avec les habitants. Souvent,
elle remarquait qu’après son passage, la girouette avait été
réparée ou entretenue, preuve que sa curiosité avait de belles
conséquences. Sa fille Claire se rappelle combien sa mère était
heureuse de redonner vie à ce patrimoine si discret qu’il faut
lever la tête pour l’apercevoir. Ses conférences étaient
toujours l’occasion de belles rencontres et d’un formidable
souffle de vent pour les girouettes si chères à son cœur.
Puisse la
reprise de son œuvre vous donner à tous l’envie de couvrir votre
demeure de ce magnifique témoignage du passé.
Hommage
à Paulette
Girouettes
Privilège
de la noblesse
Elles
indiquaient le mauvais vent
Celui
de notre détresse
Nous
les manants du temps d'avant
Mais
que souffle la tempête
Elles
s'emballent à tout venant
Faisant
tourner bien des têtes
Pour
les odieux ci-devant
Quand
elles tombèrent de leur faitage
Le
pays en perdit le Nord
Une
colère qui prend le large
Et
même quelques mises à mort
Le
vent rend fou disent les sages
D'une
terrible rotation
Les
girouettes selon l'adage
Débutèrent
leur révolution
Quand
le pauvre gueux s'anoblit
Pour
oublier la privation
Devint
seigneur en son pays
Par
cette belle distinction
Soudain
c'est alors par milliers
Qu'elles
fleurirent sur tous les toits
Illustrant
ainsi le métier
D'un
plus courageux que le roi
Oubliées
au fil des années
Paulette
en fit l'inventaire
Parcourant
le grenier à blé
Le
nez et le regard en l'air
Pour
qu'aujourd'hui on expose
Ces
témoins de notre passé
Pour
que, vous aussi, je suppose
Ayez
envie d'en fabriquer
C''Nabum