mercredi 31 août 2022

Riche Con !

 

Grand, vieux et pauvre.



Grand, je vous le concède amplement

Vieux quoique pas encore barbon

Pauvre ce qui me sied comme un gant

Tous trois viennent orner ce plaisant Con


Ces adjectifs me collent à la peau

Accompagnant ce qui fait ma gloire

Un blason tout comme un oripeau

De qualités qui viennent m'échoir


Être Con, plus qu'un privilège

Vous octroie une part d'humanité

Si pour beaucoup c'est sortilège

Pour moi, j'assume cette fierté


Par contre, je maudis le petit

Quand le jeune m'est insupportable

Mais je reste sans aucune saillie

Pour le riche, y-a-t-il vocable ?


Préférons ceux qui ont leur pendant

Pour former de joyeux compères

Le grand et le petit c'est charmant

Le vieux et le jeune font la paire


Refrain


Si le sale ne se fait pas mousser

Ne souillera pas son contraire

Mais le riche, il fallait s'en douter

À nous tous, a déclaré la guerre !


Nous les cons des autres espèces

Préparons la lutte finale

Mettons tous les riches à l'index

D'un doigt entrant dans les annales


Refrain


Offrons petite place à nos gros

Qui n'enflent pas de la bourse

Puisqu'ils partagent tous nos maux

Participeront à la course


Chassons le riche con sans pitié

Ce fossoyeur de la planète

Nous n'en ferons nul quartier

Leur cœur est sec, la chair blette


Être Con, plus qu'un privilège

Vous octroie une part d'humanité

Si pour beaucoup c'est sortilège

Pour moi, j'assume cette fierté




mardi 30 août 2022

La Loire est en furie !

 Hommage à Maurice Genevoix





Ami prend garde à toi, la Loire est en furie

Sauve tout ce qui peut l'être et n'oublie pas ta vie

Les peurs anciennes ressurgissent cette nuit

Dans sa colère folle, la Loire sort de son lit

 


 


La Loire couleur de boue charriait des moutons d'écume

Le ciel, boueux comme elle, engluait la clarté

Le vent accourait de loin, par grandes risées

Et la pluie criblait de ses gouttes des trous d'éponge

Des remous se creusaient en spirales tourbillonnantes

La nappe des eaux tournait jusqu'à la rive lointaine.

C'était un bruit égal sans sursauts, sans accalmies.





Les habitants voyaient les eaux dévaler d'un seul bloc

Le fleuve glissait d'une effrayante vitesse

Ses eaux luisaient, sous le ciel blanchissant !

De rares bouchons d'écume les tachaient encore

Des branches emmêlées descendaient avec elles

Toutes ces choses passaient comme à travers un songe,

Entraînées dans le branle énorme du courant.





Ils ne voyaient plus rien que cette force allant son chemin,

Ce bélier qui fonçait sous l'étreinte des levées.

Les levées n'étaient plus que des barrières dérisoires

La Loire couvrait les champs d'une nappe loqueteuse

Elle glissait très vite autour des îlots émergés

Elle rongeait leurs bords avant de bientôt les dissoudre

Depuis longtemps, les rauches avaient disparu.



*


L'eau coulait à plein flot dans les grands bois d'amont.

La Loire avait monté encore, englouti les têtes des osiers

La lande avait toute disparu, cachée sous un linceul

Il ne pleuvait plus ; le vent était tombé soudain

La clameur de la Loire, maintenant, s'entendait seule

Non plus le bruit du flot poussant le flot, ni le choc du courant

Mais une clameur bestiale qui sortait d'une monstrueuse poitrine



*


Les eaux déployaient leur immensité blême

Des grandes épaves glissaient, ténébreuses,

Des troncs d'arbres vagues, des meules de paille

Des bêtes noyées aux formes molles et terribles.

Les hommes se penchaient au bord de la levée.

La Loire leur jetait au visage son interminable clameur,

Le monstrueux grondement de sa redoutable victoire.



 

Maurice Genevoix




 

lundi 29 août 2022

Un âne, las de se faire tirer les oreilles

 

Chapeau bât !

 




Un âne, las de se faire tirer les oreilles

Se convainquit de se revêtir d'un chapeau

Mais quel couvre-chef pour lui et ses pareils ?

La question ne se réglerait pas en un mot


Cet animal se gratta longtemps la tête

Cherchant l’élément qui lui siérait le mieux

Dissimulant ce qui lui donnait l'air bête

Dans l'esprit des gens qui ne valaient pas mieux


Se comparant depuis toujours à un lapin

Il songea à s'affubler d'un haut de forme

Pour la baguette magique ce n'est pas malin

Sa queue ne correspondait pas à la norme


Pourquoi ne pas transformer ces deux pavillons

Par la grâce d'une belle capirote

En un trompeur mais splendide papillon ?

Songea-t-il dans sa si féconde jugeote


Repoussant cette métamorphose saugrenue

Voulut les entortiller comme une corne

Réalisant alors le vieux rêve des élus

D'être confondu avec une licorne


Mais le malheureux n'est hélas pas un aigle

Les deux ailes feraient défaut à sa panoplie

Pour voler il fallait respecter la règle

Tout ceci n'était qu'une bien triste lubie


Il se résolut à se couvrir d'un bonnet

C'était à ses yeux la chose la plus aisée

Il ne pouvait pas se douter, pauvre mulet

Des effets de ce qu'il allait réaliser


Dans toutes les écoles, des pédagogues

Jugeant fort mal ce si futé animal

D'une détestable pensée analogue

En couvrirent la tête de ceux qui travaillaient mal


Ces déplorables enseignants se firent plus sots

Que leurs pauvres élèves ainsi mis au piquet

Pour tous les ânes, mon dieu quel honteux fardeau

D'être comparés à des petits freluquets


Point n'est besoin de trouver dans la nature

Tous les travers qui n'appartiennent qu'aux humains

Les animaux qu'on met ainsi en pâture

Se montrent bien supérieurs à ces crétins

 

 




dimanche 28 août 2022

Guêpes d'Orléans

 

Guêpes

 

 


En quittant notre essaim, un beau jour de juin

Nous vous sortîmes d'un détestable guêpier

Piquant de nos dards vengeurs ces monstrueux Huns

Les plus effroyables de tous les guerriers


Chaque grain de sable lancé par l'évêque

Devint par magie l'une de nos congénères

Pour arrêter l'assaut de ces maudits ouzbeks

Tous ces effroyables soldats sanguinaires


Votre cité libérée nous fûmes honorées

Longtemps les guêpes ornèrent votre blason

Tandis que Saint Aignan était commémoré

Durant fastueuse foire portant son nom


Quant une péronnelle à la taille fine

Vous délivra d'un prodige analogue

La gentille bergère, réaction indigne

Bouta notre Saint de votre catalogue


Nous venons ici exprimer notre dépit

Tout pour la Lorraine quand les guêpes sont oubliées

La mémoire est fort courte dans ce curieux pays

Qui finit par brûler ce qu'il a adoré


Pour notre salut, demeure ici des gens biens

Qui n'oublient jamais d'honorer ce miracle

Dussent-ils, à notre image, devenir guêpins

Afin de vous piquer en de cinglants oracles


Perçus alors comme d'odieux barbares

Ceux-là sont mis au ban de votre procession

Car dans le chenil de ces vertueux clébards

Seule Jehanne mérite la béatification


Le ventre jaune rayé de noir, nous reviendrons

Vous insuffler une piqûre de rappel

L'histoire ne se résume pas au seul bourdon

D'une cathédrale célébrant la Pucelle




à lire pour en savoir plus


https://blogs.mediapart.fr/c-est-nabum/blog/290822/guepin


samedi 27 août 2022

Une légende ligérienne.

Pourquoi y a-t-il des étoiles dans le ciel ?




Il est des mystères insondables qui engendrent les questions les plus compliquées qui soient quand un enfant vous la pose, les yeux pleins de l’espoir d’avoir une réponse. C’est durant une nuit douce et calme que je me promenais en bord de Loire avec Pitchoune, le pantin de Victor, que celui-ci me posa cette surprenante question : « Pourquoi y a-t-il des étoiles dans le ciel ? ». Je tombais de nues, j’ignorais jusque là que les pantins peuvent eux-aussi avoir des questions existentielles.


Il importe dans pareil cas de ne jamais être pris au dépourvu, d’avoir l’esprit vif et la réponse prompte au risque de perdre votre aura auprès de celui qui vous met en échec. Je ne souhaitais pas non plus lui mentir et comme bien souvent dans pareil cas, le conte permet de se sortir d’une situation embarrassante. Il se trouve que la Lune était pleine et qu’elle illuminait la rivière qui était couverte d’éclats d’argent. Je pris la parole devant un Pitchoune attentif.


Il était une fois un enfant qui aimait par dessus tout que le ciel fut bleu et limpide. Il s’extasiait sans cesse de ce spectacle quand il se produisait. Il appréciait cette vaste étendue unie, la promesse d’un temps clément et de belles journées. Il était souvent d’humeur maussade quand le gris ou bien les nuages noirs prenaient la place de son décor de rêve.


C’est un jour de ciel bas et annonciateur d’orage qu’il s’étonna que la nuit, le ciel restât uniformément noir, sans autre variation que les nuages les soirs comme celui-ci. C’est vrai que personne n’avait jusqu’alors songé à habiller la nuit de quelques lampions mystérieux. Les humains avaient la Lune et s’en contentaient.


L’enfant demanda à un mage qui était son parrain de faire quelque chose pour lui, d’habiller le ciel des nuits sans nuage. Merlin, puisque c’est de lui qu’il s’agit, savait commander aux animaux et aux plantes de cette terre. Pour le ciel, il manquait d’expérience, il avait tant à faire à rendre ce monde plus agréable encore.


Mais Merlin n’est pas un magicien sans ressource. Il a toujours une astuce au bout de sa baguette magique. Il promit à l’enfant de revenir avec lui en bord de Loire un soir de ciel dégagé et de pleine lune. Cela lui donna assez de temps pour mettre au point un stratagème susceptible de satisfaire le bel enfant.


Enfin survinrent les conditions idoines pour que la magie de Merlin puisse opérer. Il y avait une Lune brillante comme jamais, un ciel totalement dégagé et une Loire parfaitement calme. La Lune faisait des éclats d’argent sur l’eau, elle se reflétait en une myriade de scintillements magnifiques. Sur l’eau, le bal des mouettes avait commencé. Elle se laissaient porter par le courant avant de s’envoler pour revenir à leur point de départ et recommencer leur étrange danse.


Merlin appela les mouettes qui volèrent au dessus de lui. Il leur parla dans la langue des oiseaux, demandant s’il y avait des volontaires pour le plus grand le plus beau des voyages. Il se trouve toujours des êtres plus intrépides que les autres. Quelques mouettes levèrent l’aile gauche pour indiquer au mage qu’elles étaient partantes.


Merlin appela l’enfant et lui demanda de regarder attentivement ce qui allait se passer sous ses yeux. Les mouettes reprirent leur ballet, se laissant glisser au fil des flots. Au bout de la course, toutes, dans le même mouvement s’envolèrent pour reprendre leur ronde. Toutes ? Non ! Quelques unes avaient accroché un éclat de Lune à leur bec et montèrent, montèrent, montèrent si haut dans le ciel que bientôt on le les vit plus.


Bien plus tard, dans le ciel tout noir, apparurent les premières étoiles. Mouettes rieuses et éclats de Lune s’étaient transformées pour le plus grand bonheur de l’enfant d’abord, puis de tous les marins, les poètes et les rêveurs ensuite. Merlin trouva cette idée si jolie que souvent il revint pour augmenter sans cesse le nombre des étoiles dans le ciel.


Certaines finissent par disparaître quand leur mouette est devenue trop vieille pour continuer son vol sans fin. Il y a toujours plus d’oiseaux disposés à prendre la relève que de pauvres mouettes célestes au bout de leur existence. C’est pourquoi, le ciel, les nuits dégagées, est couvert d’une myriade d’étoiles pour le bonheur de tous ceux qui croient aux belles histoires.


Pitchoune m’avait écouté avec un grand sourire. « Celle-ci tu pourras la raconter à Victor, je suis certain qu’il appréciera ton explication. Lui qui comme le lui reproche souvent ses parents, n’a jamais les pieds sur terre, il va aimer ce récit merveilleux ». Avec Pitchoune nous rentrâmes bien après la fin de la nuit quand la brume se lève doucement sur la rivière. Le soleil au loin faisait un halo magnifique, il n’y avait plus d’étoiles dans le ciel, elles étaient toutes dans nos yeux émerveillés et fourbus de fatigue. Nous pouvions aller dormir un peu.


Stellairement vôtre.

 


 


Le troquet du Port



Le troquet du Port





Quand tu es triste, copain de bord

Que tu cherches une main tendue

Ne crois pas que tu es perdu

Rejoins-nous au troquet du port


Il y a des gars de passages

Des fidèles accrochés au bar

Des amis, des gens de hasard

Des marins au bord du naufrage


D’autres matafs arriveront

Gars du pays ou étrangers

Compagnons de mer en bordée

Du capitaine au moussaillon


La bière le rhum coule à flot

De tant de chopes on est saoulé

Des cœurs se lient en amitié.

Fraternité du matelot


« Oh tavernier on veut danser

Avec ces filles au blanc jupon

Joue donc un air d’accordéon

Ces dames nous feront rêver



Par tes chansons de tous pays

Nous naviguerons avec elles

Avec ces belles demoiselles

Nous échouerons au paradis


En quittant le troquet du Port

Aux premières lueurs du jour

Les yeux rougis de tant d'amour

On se sent triste et seul à bord


Dans chaque port est un endroit

Un lieu si chaud un peu blafard

Un repaire qui tient lieu de phare

A tous ces hommes qui ont froids


Quand souffle le vent du large

Une lanterne bouge encore

C'est celle du troquet du port

Qui t'accompagne dans ton voyage

 


 

jeudi 25 août 2022

Bufo, le crapaud

Bufo

 


 


Cessez donc de baver sans cesse sur mon cas

Me vouant à vos gémonies et à la boue

Originaire du beau pays des Incas

En quelques bonds je suis arrivé jusqu'à vous


Dès ma prime enfance, je crache mon venin

Par la suite, ma métamorphose achevée

Dans vos rivières, marres, marais et jardins

Je n'ai de cesse de me faire détester


Mes pustules dorsales vous donnent la nausée

Quand mes yeux globuleux ajoutent à ce tableau

Assez de griefs pour gagner vos préjugés

Moi que l'on traite de misérable Bufo


Que j'aimerais prendre par dessus la jambe

Toutes vos immondes et vilaines critiques

Quoique bien loin de me qualifier d'ingambe

Mes grosses cuisses ont des pouvoirs balistiques


Vos exactions fumeuses me torturent

Vous ne mégotez point dans l'abomination

M'offrant du tabac pour toute nourriture

Pour périr en une terrible déflagration


Buffle, commun, accoucheur ou encore masqué

Mes sobriquets ne sont guère élogieux

J'aimerais oublier ma réputation

Puisque je sais être un anoure merveilleux


Pour les chrétiens je symbolise la luxure

N'étant pas le bienvenu dans un bénitier

Ceci n'étant d'ailleurs pas dans ma nature

Avec tous les sorciers j'adore cohabiter


S'il vous survenait le désir de m'embrasser

Vous rompriez peut-être une malédiction

Vilaine facétie d'une méchante fée

Condamnant une princesse à la damnation


Recouvrant alors mes lettres de noblesse

Le charme rompu et la belle libérée

Du vil crapaud surgira une déesse

Pour que s'achève la fable en majesté


À la terrible loterie des apparences

Je figure dans les rangs des plus mal lotis

Me reste alors la ridicule espérance

De croire au pouvoir mirifique de la magie 

 


 

mercredi 24 août 2022

La Racine du mal

 

La racine du mal




La bouche d'égout se mit à grincer des dents

Lorsqu'une chute d'eau couronna son réseau

Elle ne disposait pas d'un collecteur ardant

Une sorte de cerise sur le fardeau

 



Une simple fuite qui prend la tangente

Et le compteur se retrouve le cul à sec

Pour ce robinet à l'humeur massacrante

La distribution se doit d'être intrinsèque

 



Faut-il une incision dans la tuyauterie ?

S'interroge alors le plombier sympathique

Si le cuivre et le plomb ne sont plus bons amis

Les matériaux composites ont la colique

 



Pour l'eau courante, à moins que je ne me trompe

Le travail à la chaîne n'est plus de rigueur

Quand le client marche à côté de ses pompes

Le collecteur lâche des vannes de blagueur

 



Le sourcier à la recherche la faille

Avec sa baguette interroge le sous-sol

Une langue d'eau aspirée à la paille

S'en est terminé des torrents qui rigolent

 



Nos palais victimes de la sécheresse

La canicule s'installe, les incendies gagnent

Sur les dents, les pompiers en détresse

Tentent de sauver ce qui reste de nos campagnes 

 



Dans cette triste histoire tout va à vau-l'eau

Si le récit ne coule nullement de source

Le château considère mes pauvres mots de haut

Pour une nation à bout de ressources 

 



De rage, la fontaine jette l'éponge

Et le puits se refuse à passer pour un sot

Les humains s'abreuvent de tristes mensonges

Alors que nos rivières ne sont plus à flot

 



Boire est vital, il nous faudra bien le croire

Tout en refusant la farce de l'énergie

À voir s'étioler ainsi notre pauvre Loire

Le temps est advenu de se faire des soucis

 


Les centrales sont bien plus que d'affreuses caries

Elles creusent sans cesse nos futurs sarcophages

Des imposteurs affirment qu'elles sont nos amies

En endossant le rôle des nécrophages 

 



mardi 23 août 2022

Naissance de la ville de Moulins

 

La belle meunière.





Il advint en ce temps lointain qu'une meunière tenait moulin au bord de la rivière Allier. Une meunière si belle que les paysans d'alentour venaient moudre leur grain chez son mari pour le seul plaisir des yeux. Nous étions à Yzeure, village dans lequel le comte d'Archambault régnait sur sa petite féodalité. En ce dixième siècle, les mœurs étaient plus courtoises quoiqu'il ne n'était pas de bon ton de plaisanter avec les liens sacrés du mariage.


Le brave meunier savait qu'il faisait beaucoup d'envieux. Il s'en amusait plus qu'il ne s'en inquiétait. Sa belle n'avait eu, jusque-là, d'yeux et de tendresse que pour lui. La plastique avantageuse de son épouse était pour lui un argument commercial : une manière bien commode d'attirer le client. Son moulin était prospère : c'était bien là l'essentiel. L'eau pouvait bien faire tourner la grande roue ; il dormait sur ses deux oreilles … Que demander de mieux quand on se prénomme Cornille ?


Le meunier n'aurait jamais été la risée du pays s'il n'était venu à l'idée du Comte de venir chasser dans les parages. C'est un jour de traque du cerf, qu'Archambault VIII vint dans la forêt de Molardier, à la suite de sa meute, poursuivant un vieux mâle bien corné. Pour des raisons qui échappent encore aux raconteurs d'histoire, le Comte s'égara, perdant de vue la bête traquée et toute la bruyante troupe de la chasse à courre. Il finit par se retrouver en bord de rivière et un passeur lui permit de franchir l'Allier.


Sur l'autre rive, c'est naturellement vers le moulin que les pas de son destrier le conduisirent. Que ce soit le hasard ou bien l'appel du cor dans le lointain, le noble personnage fit alors la plus troublante rencontre de sa vie. La belle meunière le remit dans le droit chemin d'un sourire à faire perdre la tête à un comte, à un prince tout comme à un manant. L'amour ne connaît pas les distinctions sociales ; une fois encore, les barrières avaient cédé. Le meunier, tout à son ouvrage, ignorait alors que son destin était scellé.


Le Comte décida dans l'instant de trouver prétexte pour venir le plus souvent possible dans les parages de cette dame, charmante à vous damner. Il avait de quoi s'offrir un petit nid pour ses amours et fit construire un relais de chasse à proximité du moulin. Sa passion de la venaison pouvait couvrir des intentions peu avouables, fussent-elles celles d'un seigneur sur son territoire.


La belle meunière ne fut pas insensible à ce stratagème. Elle avait remarqué, la diablesse, les regards enflammés que lui avait lancés ce cavalier et ne s'en était pas offusquée, loin s'en faut. Bien vite, elle se prit au jeu de la passion qui vous fait perdre la tête et commettre bien des folies. Pourtant, son mari était un obstacle qu'il fallait contourner avec précaution. Le meunier était chaud du bonnet et capable, tout Prince que fût son amant, de le rosser et tout particulièrement de le battre comme plâtre !

Une femme éprise n'est jamais à court d'imagination quand elle veut s'offrir quelques libertés. Celle-ci ne fit pas exception à la règle et trouva un stratagème digne de la passion qu'elle vouait à son gentil chasseur. Elle avait remarqué que son meunier de mari était sujet à crise de sinusite s'il lui venait à respirer de trop près la farine.


Quand son galant, par un messager discret annonçait sa visite en son relais de chasse, la belle perfide profitait du sommeil du brave meunier pour lui rouler le nez dans la farine. Au petit matin, l'homme, il n'y manquait jamais, était réveillé par des éternuements à vous rendre fou. Il savait qu'il n'avait dans ce cas précis qu'une manière de pouvoir supporter la crise. Il prenait son matériel de pêche et partait sur les bords de l'Allier, respirer le grand air toute la journée …


La belle pouvait dans l'instant s'éclipser à son tour et rejoindre son comte. Ce qui se passait alors dans le relais de chasse ne nous regarde pas. Curieusement, les trophées venaient à manquer depuis quelque temps pour Archambault et, bien vite, dans la région, il se murmura que le meunier portait d'aussi belles cornes que les cerfs qui n'étaient plus chassés ! Les gens sont mesquins.


Avec le temps, la belle meunière et le comte espacèrent leur rencontres. Le comte fit fortifier son relais de chasse, craignant sans doute qu'un jour, le meunier découvre la vérité et vienne lui chercher querelle. Les amants disparurent, les héritiers édifièrent plus tard un palais ducal à l'emplacement du nid des amoureux.


Une ville en ce lieu allait naître qui devint Moulins, en hommage à la meunière libertine qui avait pris dans ses filets un comte. Le pauvre meunier ne se douta jamais qu'il fut à l'origine de deux expressions de la langue française et d'une belle cité. Une rue à Moulins, longtemps s'appela rue du Moulin Bréchimbault, déformation habituelle en une époque où les patronymes fluctuaient au gré des transcripteurs.

 

Par la suite, le Moulin disparut de la plaque de rue mais, pour montrer que tout cela n'était qu'illusion et mensonge, le théâtre municipal fut érigé en cet emplacement. On ne saurait trouver meilleure origine pour accueillir vaudevilles et belles farces. Le rideau pouvait tomber sur les amours adultérines de la belle meunière et du comte.


Adultérinement leur.

Sous le charme d'un écrou

 

Écrevisse





Demoiselle tomba sous le charme d'un écrou

Qui lui fit soudainement tourner la tête

Certains affirment qu'elle en pinçait pour ce voyou

D'autres qu'elle ne voyait en lui qu'un bel esthète

 



Elle voulait cesser de marcher à reculons

Les gens moquant cette particularité

Ils prétendaient que ça ne tournait pas bien rond

Dans l'esprit de cette charmante écervelée

 



L'écrou lui permit de resserrer les boulons

De marcher devant, tirée à quatre pinces

Étonnante métamorphose pour de bon

Pour celle qui ne réside qu'en Province

 



La belle se servit ainsi à la nage

Même si elle ne pouvait montrer patte blanche

Le bon crustacé en dépit de l'adage

Aime à se balancer en faisant la planche

 



Qu'une cousine venue de Louisiane

Voulut se faire passer pour armoricaine

Prouve bien que même à la sauce castillane

Elle n'était pas native de la Vilaine

 



Que notre écrevisse désire chasser l'intruse

Apporte également de l'eau à notre moulin

Mettant son grain de sel à nos idées confuses

Elle reprend dans l'instant son destin dans ses mains

 



En un tour de clef pour fermer le robinet

La p'tite cousine du Homard plonge dans le bain

Se faisant une place dans un cabinet

Elle rugit de plaisir pour le mot de la faim

 


 

 

Le miracle de la Roche Percée

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