jeudi 30 juin 2022

Vogue vogue petit bateau

 

Gigue du petit bateau





J’ai glissé quelques mots

Sur un petit bateau

Pliage de papier

Quêtant sa destinée

Magnifique bannière

Sur ma belle rivière

Portée par le courant

Pour se rendre au couchant


Vogue vogue petit bateau

File file sur le courant

Porte porte ce doux fardeau

Vole vole par tous les temps


J’y ai glissé mon cœur

Mes espoirs en couleur

C’est un petit message

Pour un si long voyage

Espérant en retour

Une marque d’amour

Un signe du destin

Un tout autre demain


Vogue vogue petit bateau

File file sur le courant

Porte porte ce doux fardeau

Vole vole par tous les temps


Ce n’est qu’une maquette

Partie en goguette

Une bouteille à la mer

Une pensée en l’air

Et mes rêves déçus

Sont encore revenus

Le papier a coulé

À la première ondée


Vogue vogue petit bateau

File file sur le courant

Porte porte ce doux fardeau

Vole vole par tous les temps


 

mercredi 29 juin 2022

Des chênes au pied des prisons

 

Les arbres en questions

 

 






Comment glisser une pièce dans le tronc d’un arbre ?

Les feuilles tombent-elles quand les arbres se font des soucis ?

Les vieilles branches sont-elles respectées par les jeunes pousses ?

Un arbre qui prend racine garde-t-il les pieds sur terre ?

Le nœud est-il un pense-bête arboricole ?


Peut-on savoir de quel bois se chauffe un arbre en colère ?

Les oiseaux doivent-ils verser une taxe d’habitation à l’arbre qui abrite leur nid ?

En ville, les potelets sont-ils destinés à remplacer tous nos arbres ?

Un agent peut-il donner une prune à un platane planté sur un trottoir ?

Les chiens contribuent-ils à l’irrigation de nos arbres ?


Peut-on mettre des chênes au pied d’une prison ?

Doit-on planter des bouleaux près des agences de pôle emploi ?

Ne devrait-on pas trouver que des arbres à aiguilles dans l’Eure ?

Faudrait-il planter des sapins odoriférants près des agences de pompes funèbres ?

Le papier pour faire les journaux doit-il obligatoirement provenir de marronniers ?


Les alignements d’arbres supposent-ils qu’aucun faîte ne dépasse ?

Faut-il qu’un arbre dispose d’une écorce dure pour vivre si longtemps ?

Peut-on couper la langue à un arbre à palabres ?

Quelle essence choisir pour mettre en bière un arbre mort ?

L’arbre à pain a-t-il beaucoup d’amis ?


Le bûcheron est-il un adepte de l'abattage ?

Faut-il scier la branche sur laquelle l’humanité est assise ?

La déforestation peut-il être considérée comme un crime contre la planète ?

Lors de la Révolution on plantait des arbres de la Liberté. Comment nommer ceux d’aujourd’hui ?

Pourquoi les arbres de Noël ont-ils les boules ?


Puisqu’on limite la vitesse sur les routes départementales, va-t-on y replanter des platanes ?

Pourquoi plantent-ils des arbres exotiques dans leurs villes si peu ouvertes aux différences ?

La chute des feuilles suppose-t-elle l’emploi d’engins aussi bruyants pour les retirer ?

Devra-t-on couper les ressources à ceux qui abattent des arbres sans raison ?

Pourquoi un arbre fait-il plus de bruit quand on l'abat que lorsqu’il pousse ?


Pour les arbres, doit-on couper les mâles à la racine ?

Certaines villes font-elles toujours de l’ombre aux arbres ?

Peut-on mettre à l’ombre celui qui abat des arbres sans raison ?

Si l’arbre porte des fruits, qui supportera celui qui le coupe ?

Celui qui coupe un arbre risque-t-il de prendre une bûche ?


Le bouleau se porte-il comme un charme ?

Doit-on expliquer que pour voir la feuille à l’envers, il suffit d’aimer les arbres et la vie ?

Faut-il avoir les idées claires pour pratiquer des coupes sombres ?

Si l’arbre est de vie comment qualifier celui qui les détruit par plaisir ?

Doit-on se stère devant le massacre des arbres de nos villes et de nos forêts ?


Faut-il être une mauvaise graine pour abattre un arbre ?

Peut-on mettre en balance la longévité d’un arbre et la vanité d’un homme ?

Faire la planche peut-il être considéré comme l’ambition d’un arbre en bord de Loire ?

Si le singe est descendu de l’arbre où montera l’homme qui lui tourne le dos ?

Peut-on prendre la plume de l’oiseau pour écrire un message d’amour sur la feuille de son arbre ?


Arboricolement sien.


 

mardi 28 juin 2022

Quand Perlin Pinpin se fâche

 


Vacances de birettes

 

 

 



L’histoire a, jusque aujourd’hui, tenu secrète l’union de Merlin et Morgane. Pourtant un petit incident récent a mis sur le devant de la scène ce couple illégitime et quelque peu tonitruant. Morgane, profitant des vacances et fuyant les touristes qui envahissent sa chère Bretagne et la forêt de Brocéliande a décidé de partir avec Perlin, le rejeton qu’elle a eu du gars Merlin, pour une virée en Berry.


Le Perlin est un sacré diable, toujours prompt à commettre mille facéties et à jouer de ses pouvoirs pour ennuyer les braves gens. Il faut admettre que la séparation de ses parents a quelque peu perturbé son équilibre psychique. Morgane espère que celui qu’elle a surnommé affectueusement Pinpin puisse profiter de la quiétude du Berry pour enfin trouver la paix intérieure.


Morgane, pour l’édification et la formation de l’enfant a décidé de s’installer en bord de Sauldre, cette merveilleuse petite rivière qui va grossir le Cher avant que celui-ci s’offre à la Loire. Elle avait entendu parler du musée de la Sorcellerie, celui-là même que l’incurie des hommes risque de fermer à la fin du mois d’août. C’était donc l’année ou jamais d’y conduire le petit dont elle n'a obtenu la garde qu’en juillet.


Perlin est particulièrement excité à cette idée. Il aime les mystères et les belles histoires, a un goût prononcé pour les sortilèges, art dans lequel il excelle pour le plus grand désespoir de ses proches et de ses camarades de classe. Il compte s’inspirer de cette visite éducative pour parfaire sa technique et trouver de nouvelles idées. Morgane tout au contraire, espère qu’il comprendra enfin que ses pouvoirs s’inscrivent dans une grande lignée et qu’il conviendrait d’en user qu’avec parcimonie et raison.


En attendant, Perlin et Morgane campent en bord de rivière : l’enfant découvre le plaisir de la baignade en eau douce, le bonheur de construire un petit barrage pour obtenir une fosse dans laquelle plonger. Il aime la pêche et apprécie la gastronomie berrichonne. La visite des manoirs l'a ravi, la cathédrale de Bourges l’a émerveillé. Perlin est d’humeur joyeuse et Morgane baisse la garde.


Morgane, loin de Merlin qui continue de régenter sa vie, profite de ses vacances pour boire, chaque soir, deux verres d’un petit rosé de Reuilly. Ce nectar délicieux lui colore les joues, elle aime son harmonie et sa belle robe légèrement grise. Le Pineau d’Aunis atteint ici toute sa quintessence. D’humeur espiègle, la dame se permet de réveiller les feux-follets après ses libations. Perlin rit sous cape ; il n’avait jamais vu sa mère aussi badine. Pour lui, c’est magique !


C’est dans ce cadre idyllique que le drame va se nouer et j’avoue, à ma grande honte, que j’en suis responsable. C’est au musée de la Sorcellerie de Blancafort que j’ai croisé ce duo si extravagant. Je compris qui ils étaient quand, devant la tour où la copie de cire de Merlin s’affaire à la confection d’un élixir, je vis Perlin faire grands commentaires ironiques au sujet de son géniteur. Morgane en rajoutait également, se moquant de la barbe dont on avait affublé le mannequin. La dame avait la dent dure vis à vis d’un homme qu’elle ne supportait plus.


Je m’approchai d’eux pour les saluer en leur faisant comprendre discrètement que je les avais reconnus. Perlin voulut savoir qui j’étais et comment je pouvais ainsi les démasquer. Je me présentai à mon tour et, pour amuser le petit, lui racontai ma version de l’histoire du balai de sorcière. La fable de «la Fée ménagère » enchanta le gamin et amusa beaucoup sa mère ; la glace était brisée …


La visite fut des plus agréables. J’avais des guides d’exception : deux sorciers de haute lignée qui pouvaient juger de la scénographie et de la documentation de ce charmant musée. Perlin agrémenta ses explications de deux ou trois tours à sa façon dont je tairai les conséquences. Il se dit qu’il a tiré les arpions des responsables locaux qui ne veulent pas sauver ce délicieux musée … Je ne pouvais lui donner tort !


Tout se gâta réellement quand, au sortir du musée, je voulus montrer ma reconnaissance et mon admiration à dame Morgane en lui offrant une bouteille. J’avais compris son goût immodéré pour le rosé. Malheureusement, dans ce musée, il n’y avait que du rosé-pamplemousse pour satisfaire une éventuelle pépie touristique. Je fis donc, à contrecœur, cet achat pour la dame et me fendis d' un délicieux Merlin en peluche pour son propre fils.

 


 


Nous nous séparâmes ainsi. J’étais heureux de cette rencontre, incapable de deviner les suites de mon achat inconsidéré. Je rentrai tranquillement chez moi et c’est le soir que j’allais découvrir les conséquences dramatiques de mon achat. Morgane et Perlin retournèrent à leur campement. La dame n’eut pas besoin d’un réfrigérateur pour obtenir un breuvage frais à plaisir. Deux ou trois incantations et le tour était joué.


Elle confia l’ouverture de la bouteille à son fils. Un bel exercice de déplacement à distance d’objet. Le gamin d’un clin d’œil fit sauter d’autant plus facilement l’obstacle qu’il était en matière synthétique ; on ne peut attendre mieux avec de telles boissons sans âme. La suite s’avéra plus désolante …


Morgane, habituée qu’elle était à notre excellent Reuilly rosé, trouva détestable cette boisson incertaine, sucrée et aigre. Elle cracha la première gorgée en jurant de si horrible manière que Perlin en perdit toute mesure. Il était persuadé que le conteur avait tenté d’empoisonner sa mère. Il se mit dans une colère folle, une rage terrible. C’est le ciel qu’il prit à témoin de son courroux. Perlin déclencha la foudre et le tonnerre résonna sur tout le Berry.


L’orage fut terrible et jamais de mémoire de Berrichons on ne vit nuées si noires et éclairs si éclatants. Perlin avait orienté sa colère sur les vignobles locaux susceptibles de produire une boisson aussi médiocre. Par bonheur, dans notre bon Berry, Reuilly et Quincy sont essentiellement les terroirs d' un merveilleux vin gris et personne ne songe à produire du vin pour le dégrader dans le pamplemousse. Une seule parcelle fut détruite, le viticulteur avait cédé à la mode ...


Morgane, pour calmer son fils, lui fit enfourcher son balai à sa suite. Ils vinrent jusqu’à moi ; j’avouai ma grande honte et me confondis en profonds regrets. Pour me faire pardonner, je débouchai deux ou trois bonnes bouteilles et Morgane retrouva ses couleurs. Depuis ce jour en Berry, on prétend qu’il convient de ne pas déclencher les foudres de Perlin Pinpin !


Hélas, mes amis berrichons ont une fâcheuse tendance à manger leurs mots. Leur accent est souvent mal compris des gens d’ailleurs et beaucoup de touristes entendirent poudre à la place de foudre. C’est ainsi que naissent les expressions douteuses. Cette poudre que certains viticulteurs désolants jettent dans le rosé pour vendre ce breuvage digne des pires brouets de nos sorcières.


Voilà la véritable histoire. Puissiez-vous ne jamais déclencher la colère des Dieux. Ne buvez que des vins naturels. Morgane et Perlin comptent sur vous, sacré tonnerre de dieu ! Quant à Merlin, laissons-le à son ascétisme déprimant. Il convient d’aimer les bonnes choses pour jouir pleinement de la vie. Les abstèmes ne savent pas ce qu’ils perdent. Buvons mais ne buvons que du bon ! 

 

Bacchanalement leur.


 

 

lundi 27 juin 2022

Le pain de tous nos quotidiens

 

La mie qui tient la croûte !

 




Avertissement : Que les vils tenants de la biscotte, les apatrides du pain de mie, les mutants des mollesses sous cellophane passent leur chemin où je leur fais une Cène !


Je me souviens du bonheur tous les matins recommencé de goûter le pain croustillant tout chaud sorti du four de notre boulanger de voisin. Ce plaisir à nul autre pareil, si simple alors et maintenant si compliqué. Un pain qui tenait la croûte et craquait sous la dent, une mie compacte qui ne laissait jamais la confiture se dérober par quelques trous fallacieux, un pain qui avait du goût, un pain qui vous menait par la baguette sur les chemins du délice …


Puis les artisans matutinaux se sont fait vendeurs et comédiens. Nos belles Talemeries (boulangeries) de jadis qui fleuraient bon le feu de bois et le pain chaud sont devenues des pièges à chalands n'aimant rien tant que ce pain blanc mou et fade. Les belles croûtes grises sont honnies comme la peste, la denture d'aujourd'hui se complaît dans la mollesse.


 


L'enfourneur à la chaîne est un éleveur de pâte congelée. Il se contente de manier grossièrement la lame, pressé qu'il est de tenir une cadence 'infournale'. Puis, plein de gloire factice, il vient dans sa boutique, déposer son forfait sur un tapis roulant qui enverra ces mauvais épeautres cuire en place publique. Quelques parfums artificiels viennent leurrer l'acheteur potentiel qui se précipite dans ces boutiques pour la bassesse de ses prix.


D'autres à rebours ont joué la carte de la tradition, de la complexification et forcément de l'augmentation. Leurs pains se paient au prix fort et, devant leurs établissements se traînent des files d'attente dignes de celles que connurent leurs prédécesseurs pendant l'occupation. La mode, le bouche à merveille font de ces boulangeries une manne miraculeuse pour le propriétaire du lieu.


Beaucoup ne cherchent pas à rivaliser avec ces artistes aux pains consacrés. Ils se contentent de produire eux-mêmes des baguettes aussi insipides que celles des industriels. On leur accorde une visite unique, se promettant de ne plus remettre les pieds chez ces mitrons désolants. Leurs baguettes ne tiennent ni le pavé ni la distance. Elles mollissent aussi vite quand le temps est humide, qu'elles durcissent à ne plus être mangeables quand on les oublie une journée.


 


Elles ont cependant la dignité de rester roides quand tout va bien et ne s'effondrent pas au premier coup de canif. Car d'autres ont été congelées après cuisson par des commerçant soucieux de ne pas gâcher, en oubliant simplement de préciser quelle médiocrité ils viennent de vous fourguer.


Quand au hasard d'une journée d'imprévoyance vous faites ce constat terrible : «  Ciel, il n'y a plus de pain ! », vous succombez à la déprime hexagonale de celui qui n'a plus rien à se mettre sous la dent. Pour parer à pareilles tragédies domestiques d'aucun congèlent une boule de secours, d'autres se munissent précautionneusement d'un pain tranché pour les jours de disette.



 


Dans un cas comme dans l'autre, seule l'apparence est préservée. Le plaisir est aux panetiers absents. L'un s'émiette et l'autre tient plus de l'hostie que de la tranche qui s'encroûte. Il faut vite oublier ce repas insipide qui ne sera sauvé que par des pâtes alimentaires. Puis la nuit sera longue comme une fournée sans pain, le petit déjeuner, privé de sa substance essentielle vous mettra au supplice, vous êtes dans le pétrin !


On peut tout aussi bien céder aux sirènes des croissants. Eux aussi ont subi de plein fouet la prolifération des malfaiseurs de pain. Ils n'ont ni goût ni caractère, fondent plus facilement dans la tasse que dans la bouche et sont aussi indigestes qu'une chronique panetière.


Le lecteur mécontent me mettra au pain sec, d'autres affirmeront qu'ils ne mangent pas de ce pain-là et passeront bien vite leur chemin.


Quignonnement vôtre.


 

dimanche 26 juin 2022

Gai comme un Pinson

 

Pinson




Moi qui jadis me réjouissais de mon bonheur

Il me faut désormais me montrer circonspect

Un adjectif dévoyé par quelques noceurs

Fait de moi un animal bien plus que suspect 

 



Jusqu'alors je chantais pour vous sur tous les tons

Montrant ma joie de vivre sans arrière pensée

Lorsque émergea alors d'insondables bas fonds

Une nouvelle acception à ma chère qualité

 



Un changement de lettre et plus encore de sens

Plaça ma destinée cul par dessus tête

Mon bec se retrouvant ainsi à contre sens

De celui qui fut mon tendre épithète 

 



Est-ce qu'il me faudra leur voler dans les plumes

Pour retrouver ce mot qui faisait ma gloire

Depuis, répété en frappant sur une enclume

Afin que l’anathème cesse de leur échoir 

 



Moi, le pinson je demeurerai toujours gai

Sans qu'il soit permis de douter de mon instinct

Ni d'une direction qui me ferait divaguer

Perdant ainsi ma douce femelle en chemin 

 



Je survole cette période confuse

Lorsque je me pose pour trouver du répit

Sur un hêtre ou bien un charme, je m'amuse

À ne jamais en déterminer la cuti

 



Les oiseaux feraient bien de se montrer sage

De conserver de par devers eux leurs secrets

Sans s'évertuer à prendre leur plumage

Pour un ostentatoire élément indiscret

 



Quand la parade nuptiale s'exprime en tous lieux

Il n'est pas fous que ceux qui sont en cage

De concert, se proclament gay à qui mieux mieux

Ce qui ne cesse de me mettre en rage

 



Parce qu'attribut d'un sujet aviaire

Personne ici ne devrait se l’approprier

Comprenez donc ma sincère colère

Pour ce «  i » grec qui m'a vraiment contrarié

 

 



 

samedi 25 juin 2022

Léonardo de la Vogalonga

 

Léonardo




Quand Léonardo devint scie

Il rêva de glorieux demains

Son regard tourné vers l’Italie

Sans ambages il sera marin


Ni en Espagne ni en Loire

Se bâtira un joli château

Pour réaliser ses rêves de gloire

Se grimera en un grand bateau

 



Sur le Cher et son merveilleux Val

Tentant de gagner la terre promise

Se mit un masque de Carnaval

Pour sa lagune de Venise


Qu’une allège se fasse frégate

Beaucoup se gaussèrent de sa folie

Léonardo et sa régate

Voilà bien un furieux défi !

 



En cadence et sans badinage

Pour cette formidable aventure

Se passeront de dame de nage

Où d’une voile dans la mature


Arcboutant les mains à la rame

Les dix compagnons bateliers

À bout de force et de larmes

Vaincront toutes les difficultés

 



Retournant vainqueurs au pays

Seront dignement célébrés

Mais qu'importe pour nos amis

Toutes ses marques d'intérêt


C'est l'amitié qui triompha

Quand cette belle compagnie

Le verre à la main déclara

Veni Vidi Vici Vinci

 






vendredi 24 juin 2022

En queue de Poisson à Bréhémont

 

Queue de poisson





Un animal rongeait son frein

De n'être pas considéré

À l'égal d'un gentil cousin

De tous les humains, admiré


Pourtant en tout point semblable

Pourquoi était-il repoussé ?

Élégant et fort aimable

Que pouvait-on lui reprocher ?


C'est alors que ce Ragondin

Pour singer le gentil Castor

Songea, ce n'est pas bien malin

À modifier son pauvre sort


Après moult observations

À bâbord tout comme à tribord

Arriva à cette conclusion

« Seule sa queue lui faisait tort »


Celle de l'autre, large et plate

Lui tenait lieu de gouvernail

La sienne : mais quelle ingrate

Lui donnait allure canaille


Accroître sa notoriété

Passait par l'élargissement

De cet appendice détesté

Pensa-t-il à bout d'arguments


Mettant à exécution

Sans plus attendre son idée

Offrit à la circulation

L'opération espérée




Une Aronde, sur la queue passa

Du Ragondin suicidaire.

Ce fut un maigre résultat

Une bouillie sanguinaire


Castor en témoin oculaire

Se gaussa de l'imitation

La farce du pauvre compère

Finissait en queue de poisson


À vouloir par trop imiter

Ceux que l'on pense supérieurs

On finit par le regretter

Tout en sacrifiant son honneur

 




jeudi 23 juin 2022

Le chevalet de Troie

 


La belle archère.

 





Il était une fois un arbre mystérieux venu mystérieusement de la lointaine Grèce et planté par une main inconnue quelque part en bord de Loire. C’étaient des voyageurs, marins du commerce de l’étain qui, venus de la Méditerranée avaient fait ce magnifique cadeau aux hommes qui les recevaient si bien à leur passage. C’était encore une époque où les différences ne devenaient pas source de méfiance et plus encore. L’arbre offert en guise de remerciement fut vénéré comme il se doit, il grandit, il prospéra au pied de la rivière.


Une vieille femme, Irène, un peu sorcière, guérisseuse et dotée de connaissances mystérieuses aimait à converser avec l’arbre. Chaque matin, elle venait tout près de lui, psalmodiait d’étranges chansons. On la laissait faire, on savait qu’elle puisait là son énergie et les secrets qui lui permettaient de guérir ses semblables. Cet arbre lointain avait la réputation de régénérer les êtres, son écorce ne se changeait-elle pas, elle aussi par grandes plaques ?


Les intrépides visiteurs revenaient parfois, offraient une amphore de vin et aimaient à venir discuter au pied de l’arbre. C’est ainsi que les gens du pays apprirent que l’arbre était un Platane, qu’il avait servi à la construction du cheval de Troie. Ils écoutaient subjugués cette formidable odyssée, cette histoire qu’ils suivaient ainsi de visite en visite des voyageurs du Levant.


 


Plus le temps passait plus l’arbre était honoré dans ce pays ligérien. Irène lui parlait, affirmait qu’il avait une âme, pleurait souvent en restant de longues minutes tout contre lui. Elle ne pouvait expliquer la chose, elle avait une intuition, elle sentait des vibrations magnifiques, elle était persuadée qu’un génie habitait dans les profondeurs de sa sève.


Tout sorcière qu’elle était, Irène était une bonne âme, un jour, elle recueillit Violine une jeune orpheline, une belle demoiselle que personne n’avait remarqué, tant la misère, la crasse, la faim et ses vieux oripeaux l’avaient dissimulée au regard des autres. Soignée, nourrie, réconfortée, habillée grâce aux bons soins d’Irène, la beauté de la jeune fille apparaissait à tous comme une évidence.


La Belle se souciait peu de la parade de tous les jeunes gens de l’endroit. Elle aussi vouait une passion au bel arbre, l’enlaçait comme une amante peut le faire de son amoureux. Les hommes en étaient jaloux puis petit à petit la prirent pour une folle et s’éloignèrent d’elle. Elle s’en moquait, elle passait des heures à chanter divinement bien au pied de son arbre. Tous les oiseaux du pays venaient de poser sur les branches du platane pour écouter la voie cristalline de la belle.

 



Un jour pourtant son monde bascula. Un vieux menuisier vint et observa attentivement le végétal. Il revint de nombreuses fois, toujours à tâter l’écorce, à frapper son tronc. L’homme avait une idée derrière la tête, cela ne faisait pas le moindre doute. La Belle s’en inquiéta, devinant que son ami l’arbre était en danger.


Violine promit de se donner au menuisier pour peu qu’il épargnât l’arbre. L’homme hésita longuement tant l’alternative qui se présentait à lui était de nature à troubler le séducteur qui sommeille en tout mâle. Il fit quelques approches, profita de la situation pour prendre quelques avances sur ce don qui se présentait à lui sans n’avoir encore fait la moindre promesse. Cependant les préliminaires donnèrent lieu à des manifestations étranges, l’arbre tremblait, les oiseaux criaient, les feuilles tombaient. Il y avait maléfice dans tout ça.


Le menuisier se retira, jurant de revenir abattre le platane lors de sa prochaine visite, laissant Violine effondrée et sans courage au pied de son arbre. Quelques jours plus tard, il revint, flanqué de bûcherons pour commettre l’irréparable. On n'abat pas un arbre, on l’assassine, Violine sentait confusément la chose. Elle tremblait de tout son être, incapable de supporter le crime qui allait être commis devant elle. Ses lamentations, ses cris, ses plaintes, rien n’y fit et le platane se retrouva au sol en un sinistre et lugubre grincement.



Irène avait assisté impuissante à ce drame qui se déroulait sous ses yeux. Il n’était pas en son pouvoir d’infléchir la volonté d’un homme. Elle ne put que jeter des potions sur l’arbre à terre, le plaçant ainsi sous la protection de puissances mystérieuses. Le menuisier se moquait bien de ce qu’il prenait pour simagrées et superstitions de vieille folle. Bien mal lui en prit car quand il voulut emporter le gisant, il fit venir des chevaux de trait. L’un deux se cabra, pris d’une frayeur irrépressible et tua l’homme sans coup férir.


Violine ne s’en consola pas pour autant. Son arbre était à terre, elle ne pouvait s’en remettre. Elle voulait tant qu’à faire que son sacrifice fut utile, qu’un objet naisse de son bois afin qu’elle en conserve éternellement un souvenir. C’est un luthier qui se présenta à elle, plus touché semble-t-il par la beauté de la demoiselle que par le sort du végétal. Il lui promit de débiter le platane, de le laisser sécher longtemps et d’en tirer un instrument de musique unique, rien que pour elle en gage de son amour.


Bien des années plus tard, le luthier se décida à créer ce qu’il avait promis à Violine. Il éprouvait ce désir fou de la conquérir et voyait dans ce projet la seule possibilité de parvenir à ses fins. Il fit tant et si bien que sous ses mains expertes, se façonna le plus bel instrument qu’on n'ait jamais vu. Influencé par l’anecdote du Cheval de Troie l’homme imagina que des crins de chevaux tendus sur un archet viendraient tendrement caresser les cordes de son instrument. C’était sans doute un message qu’il voulait envoyer à une Violine, toujours plus séduisante.

 



Il se mit à l’œuvre, multipliant les prodiges, réalisant sous les yeux ébahis de la demoiselle, le plus délicat, le plus fragile, le plus élégant des instruments à corde. Quand il eut achevé son chef d’œuvre, il le tendit à la belle en lui disant : « Tenez, ceci est mon cadeau, je vous l’offre pour que vous acceptiez de devenir mon épouse ! » Irène assistait à la scène, le sourire aux lèvres, elle avait bon espoir que Violine accepte afin de se marier. La vieille femme, tranquille, pourrait alors partir pour l’autre monde.


Violine, surprise tout autant qu’intriguée, demanda à prendre l’instrument inconnu. Elle attrapa l’archet et se mit en quête d’en comprendre le fonctionnement. Personne ne sut comment elle fit, mais il était évident qu’elle était portée par la grâce, par un souffle mystérieux lui permettant de maîtriser l’instrument et d’en faire naître la plus douce des mélodies.


C’était si beau que le luthier tomba à genoux à ses pieds, qu’Irène était en larmes, que les oiseaux de tout le voisinage vinrent s’assembler autour d’eux pour écouter la musique céleste. Violine elle-même semblait totalement dépassée par ce qu’elle produisait. Chose plus étonnante encore, plus elle jouait, plus c’était beau, et plus au bord de la Loire, des arbres semblables à celui dont avait été tiré le bel instrument sortaient de terre.



Un alignement de platanes était né au son du premier violon jamais conçu au monde. Le vent s’engouffra dans leurs branches, les oiseaux s’installèrent sur leurs cimes pour accompagner la douce musique qui naissait sous l’archer de Violine. La nature semblait se mettre au diapason. Tout en jouant, Violine se mit à chanter, comme elle le faisait autrefois au pied de son cher arbre. Elle déclara son amour au luthier qui avait su redonner vie à son cher platane de la plus belle des manières.


Ils se marièrent, firent de nombreux autres violons tandis que toujours, en cette bonne ville, on prit grand soin des platanes. L’histoire s’est perdue dans la nuit des temps, elle revient soudainement à la surface car un homme veut abattre les platanes. Qu’il se méfie, d’autres prodiges peuvent advenir, les sorciers ont plus d’une corde à leur archet, Irène est toujours présente dans l’âme des arbres de la ville.

 


 

Dessins de Nicolas Mecheriki.


 Photographie de Aude Magliano


mercredi 22 juin 2022

Le panier magique à Bréhémont

 


Les envieux ne sont pas toujours heureux.







Il était une fois au bord d'une rivière, une jeune fille qui, depuis la tragique disparition de ses parents, avait la charge de subvenir aux besoins de ses six frères et sœurs. Nous l'appellerons Cosette afin que chacun comprenne la pureté de ses intentions et son extrême dénuement. A cette époque lointaine nul service social ne venait au secours des pauvres gens ; plaise au ciel que ce ne soit pas un conte d'anticipation ! …


Cosette était au bord du désespoir. Elle avait arpenté les rives, cherché dans les taillis et les bosquets, tendu la main devant quelques personnes du voisinage et tout cela sans le moindre résultat. Elle allait devoir rentrer dans leur modeste demeure sans rien avoir à proposer à l'appétit toujours plus grand de sa fratrie. Qu'allait-il se passer ? Elle n'osait l'imaginer.


C'est lorsqu'on est au plus profond du désespoir que surgit parfois une petite clarté. Cette fois encore, le conte ne déroge pas à l'usage et c'est la bonne fée Morgane qui croisa le chemin de la pauvrette. Voyant les yeux rougis et le visage blême de la jeune fille, la fée alla vers elle pour lui demander ce qui la chagrinait ainsi. Cosette lui présenta la situation en toute franchise sans noircir plus encore le trait ; les faits étant bien assez dramatiques pour ne pas en rajouter.


Cette franchise plut à la fée Morgane dont chacun sait qu'elle est capable de tout : du meilleur comme du pire. Cette fois, la sincérité de la jeune fille fit ressortir les bons côtés de la dame qui adressa pourtant une étrange requête à celle qui avait charge de famille. Morgane, d'un air mystérieux, demanda à la jeune fille : « J'aimerais que tu traverses la rivière ; juste en face de là se trouve une île où il y a la plus belle oseraie de la région. Rapporte-moi une belle brassée d'osier et je te ferai un cadeau. »


Cosette ne fut pas surprise de la demande : elle savait désormais que les grandes personnes sont capables de toutes les fantaisies pour le paiement d'un service. Celui-ci lui semblait bien plus respectable que bien des propositions qui lui avaient été faites jusqu'alors. Cette fée ne profitait pas de la situation pour demander à la jeune fille des choses que la morale réprouve ; au moins, cette fois, Cosette n'aurait pas à rougir de cette requête.


Morgane pour finir de rassurer la demoiselle, lui octroya une miche d'un pain noir qui, s'il n'était sans doute pas suffisant pour calmer les appétits de tous, allait permettre aux enfants de passer la nuit sans être tiraillés par des maux d'estomac. Cosette la remercia d'un grand sourire et partit retrouver les siens.


Tôt le lendemain matin, elle se mit en demeure de remplir son office ; elle traversa la rivière par un gué connu d'elle seule pour atteindre cette grande île où poussent les tiges d'osier. Elle fit grande récolte et ne s'émut même pas de voir les jeunes pousses se transformer, par je ne sais quel prodige, en des brins disposés à être tressés le jour même. La fée ne devait pas être innocente en ce phénomène : il ne faut s'étonner de rien avec de telles personnes.


Sa mission accomplie, Cosette revint sur la berge là même où elle avait rencontré la fée. Celle-ci sortit du trou d'un arbre creux et se mit immédiatement en action, tressant un grand panier bien plus vite que ne l'aurait réalisé n'importe quel artisan, maître en cet art si ancien. Morgane tendit alors le panier à Cosette en lui disant : «  Voilà qui résoudra tous les problèmes des tiens. Chaque fois que tu voudras leur donner à manger, plonge la main dans le panier en pensant à ce que tu aimerais y trouver ! ».


Morgane disparut comme elle était venue, laissant Cosette à son panier et à de nombreuses interrogations. Quel pouvait bien être le sens des paroles de la mystérieuse dame ? Comment allait-il nourrir ses six frères et sœurs ? N'avait-elle pas été bercée d'illusions par une belle promesse ? Il n'était plus temps de s'interroger plus avant ; les siens devaient l'attendre, leurs ventres si vides qu'elle entendait leurs appels à travers la forêt.


Cosette rentra dans sa masure et demanda à sa plus jeune sœur ce qu'elle désirait manger. La petite, étonnée et incrédule lui répondit naïvement : « J'aimerais manger des haricots verts ! » Cosette plongea la main dans le panier et en sortit des haricots. Elle demanda à son petit frère à son tour d'exprimer son souhait. Celui-ci, instruit de ce qui venait de se passer, eut une demande plus roborative : « Je voudrais un gros poulet rôti ! ». Aussitôt dit, aussitôt sorti du panier.


Ainsi, chacun exprima une demande qui fut satisfaite par le panier de Morgane. Jamais dans la maisonnette, les enfants n'avaient fait un tel repas. Et il en fut de même chaque jour : Cosette désormais pouvait nourrir les siens sans avoir à se soucier de trouver sa pitance : le panier y pourvoyait amplement.


La vie aurait pu se dérouler ainsi, le spectre de la famine à jamais disparu, quand un soir, après le dîner, un ogre surgit dans la cabane où vivaient les sept enfants. Il était effrayant, parlait très fort et était si grand qu'il les terrorisa tous. Il voulait manger et s'était emparé du plus jeune, histoire de s'ouvrir l'appétit. Cosette, arrêtant son geste avant qu'il n'enfourne son plus jeune frère dans son gigantesque gosier lui demanda quel mets, plus succulent encore que ce petit garçon, il aimerait déguster.


L'Ogre pour vorace qu'il pût être, n'en était pas moins une fine fourchette. Il lui dit qu'un cuissot de sanglier serait, pour lui, un mets bien meilleur que cet enfant qui, mangé tout cru, ne satisferait guère sa gourmandise légendaire. Cosette sortit du panier un cuissot si gros que le méchant monstre lâcha l'enfant …


Toute la soirée, Cosette composa un repas gargantuesque pour ce visiteur intrus, jamais rassasié, toujours plus exigeant dans ses demandes, d'autant qu'elles étaient toujours satisfaites. Il découvrit bien vite que du panier pouvaient surgir toutes sortes de choses, pourvu qu'elles se mangeassent et surtout qu'elles se bussent.


L'ogre, en effet, tel un parfait soudard, demanda bien plus de vins de toutes les couleurs et de toutes nos régions que de mets raffinés. Bien vite, il eut la trogne rubiconde et l'estomac tendu comme une arbalète. C'est titubant et grognant qu'il quitta la demeure des enfants sans oublier de partir avec le panier sous le bras. Les enfants étaient tous si effrayés qu'aucun ne fit le moindre geste pour s'opposer à ce terrible larcin.


L'orge avait tellement bu qu'il n'alla pas loin. Il s'effondra, saoul comme un moine pendant le carême, juste à côté de la rivière, là même où la fée était apparue à Cosette. Cette dernière se doutait, elle aussi, qu'avec ce qu'avait ingurgité ce soudard, il n'irait pas bien loin. Elle l'avait suivi à distance et sitôt le monstre ronflant comme un sonneur, elle avait récupéré son panier précieux.


La suite ne manque pas de sel. Cette nuit-là la rivière sortit de son lit : elle faisait l'une de ses redoutables colères, comme il lui en prend l'envie parfois, emportant tout sur son passage, y compris un poivrot qui cuve son vin, fût-il un personnage gigantesque comme il ne s'en trouve que dans les contes de fées. Personne ne déplora la disparition de ce monstre ; il n'eut d'ailleurs pas à souffrir : il avait tant mangé qu'il mourut sur le coup d'hydrocution, bien puni de sa gourmandise.


La chose ne fut pas inutile du reste. Cosette avait assisté au trépas du bonhomme, tout comme ses six frères et sœurs qui étaient partis à sa suite. Chacun vit dans cette fin tragique la juste punition à la fois de la peur que l'ogre leur avait fait subir et celle du terrible péché de gourmandise que ne cessait d'évoquer monsieur le curé à ses brebis qui avaient toutes le ventre creux.


Les enfants en tirèrent une leçon pour eux profitable. Depuis ce jour, ils n'usèrent qu'avec parcimonie des bienfaits du panier magique, n'abusant jamais des victuailles qu'ils lui réclamaient, composant au plus juste un repas équilibré et raisonnable. C'est ainsi que jamais le pouvoir du panier de Morgane ne s'ébruita et qu'ils purent vivre heureux et tranquilles, mangeant juste à leur faim pour ne pas attirer de convoitises. La modération est bonne en toutes occasions et malheur à ceux qui oublient ce précepte : la rivière ainsi que la santé pourraient bien les rappeler à l'ordre !

 


 Avec Vent de Lune, un duo merveilleux



Il était une fois Combleux

  Combleux et Rosalie      Elle s'appelle Rosalie. Cette gamine est la seconde fille d'un couple de paysans. L'homm...