jeudi 7 décembre 2017

Le bonhomme à la pelisse


Conte de l'Avent
Fable des temps d'indécence ...





Il était une fois un vieux bonhomme portant pelisse qui avait bien 
étrange caprice. Pour assouvir son vice, aux enfants il offrait des
 délices. Il allait le long de la rivière, offrir à tous ceux qu'il
 croisait, des cadeaux qu'il transportait sur son bateau. Nous étions
en une époque lointaine où pour obtenir un sourire, il suffisait d’un 
cerceau ou bien d'une simple bobine de fil.
 


Le vieil homme qu'on reconnaissait partout sur les bords de Loire à 
sa grande barbe blanche avait fait fortune en affrétant des bateaux.
 Devenu riche marchand, ayant amassé un bas de laine considérable sur
 le dos des mariniers qu'il employait alors pour une bouchée de pain et
 une cruche de vin, sur ses vieux jours, il avait eu des remords, voulant rendre aux enfants ce qu'il avait soutiré à leurs parents.
 
 

Il allait ainsi de ville en ville, de village en village et était 
connu comme le loup blanc. Quand il accostait sur les quais, toute la
 marmaille du coin venait réclamer son bien. Chacun s'en rentrait chez 
lui, heureux d'un présent innocent, d'une petite amulette qui 
illuminait alors le regard de ces enfants raisonnables.


C'est en fréquentant la fête de la Saint-Nicolas, le patron de tous 
les gens qui vont sur l'eau, que notre repentant eu cette merveilleuse
idée. Petit à petit, il peaufina son manège, se fit une tête de saint
 homme et prit des habits étranges pour qu'on le repère de loi. La
 Loire, pendant les hautes eaux de décembre, est souvent couverte de
 brume, il se vêtit tout de rouge pour être vu de loin.
 


La générosité de ce vieux bonhomme qui s'appelait Noël fit bientôt le
 tour du pays. Il y eut bien des déformations pour narrer son histoire. 
La légende prit bien vite des proportions mystérieuses. On prétendait, 
la chose est à peine croyable, qu'il arrivait du ciel et faisait sa
 livraison en pleine nuit. Plus incroyable encore,
 considérant son prénom, certains affirmaient que tout se passait à
 minuit le soir de la Sainte Adèle ….
 


L'histoire traversa l'Atlantique. La Loire conduit naturellement vers
 cette lointaine direction. Une marque de soda s'empara de la fable et
 fit de notre père Noël une image de légende. Pourtant le véritable 
personnage avait bien des défauts qu'on attribue aux mariniers. Il 
avait la colère aussi facile que la chopine et chantait des chansons
 qui ne doivent surtout pas tomber dans les oreilles des enfants.


C'est souvent ainsi que la réalité est travestie. Mais laissons la 
farce du moment pour revenir à l'histoire réelle de notre bonhomme.
Voilà qu'en ce mois de décembre, la Loire se mit à gronder et à
 gonfler. Elle étendit son cours sur tout le val. Les gens du pays,
prisonniers de leurs masures prises par les eaux n'avaient d'autres
 recours que de se réfugier sur les toits

Noël et son bateau de cadeaux ne trouvait pas bien sérieux de distribuer
 des babioles quand tant de gens étaient dans la peine et le malheur.
Il décida de laisser sa cargaison bien futile et chargea à la place 
des vêtements chauds et de la nourriture. Voilà ce qui est nécessaire 
quand on est véritablement dans la peine.
 


Plusieurs jours durant, il alla porter réconfort à ceux qui étaient à
 bout de force. On pense d'ailleurs que la fable de la cheminée date de 
ces journées où notre bonhomme portait parfois des victuailles à des
 gens perchés sur cette protubérance de leur maison. Il retint la leçon 
et les années qui lui restèrent à vivre, il continua ainsi à porter ce
qui est indispensable à ceux qui manquent de tout.
 


Il est bien dommage que l'on ait retenu que la partie futile de cette
 belle histoire. Cette année encore à Noël, les cadeaux vont parfois dégouliner 
dans bien des maisons pour des enfants à peine reconnaissants quand,
 partout autour de nous, des gens sont à la rue, des enfants n'ont
 presque rien et qu'ailleurs dans le monde, la misère et la famine sont
 encore au menu de cette période de bombance.
 


Il est grand temps que nous revenions à plus de raison. S'il fallut
 une grande crue pour que notre bonhomme ouvre les yeux sur ce qui est
 vraiment indispensable, n'attendons pas à notre tour d'être pris par
les eaux de la misère pour ouvrir notre cœur au lieu de jeter tant et 
tant par la fenêtre. C'est la seule morale de cette menterie de Loire.
 Si vous ne voulez la croire, j'espère que vous n'aurez jamais à vous 
en mordre les doigts. La destinée n'est pas toujours favorable, nul
 n'est à l'abri du revers de fortune.
 


Que cette fable arrive aux oreilles d'un vilain personnage à gros nez
 qui a préféré s'enfuir en Belgique plutôt que de partager ce que la 
providence lui a généreusement offert, sera pour ma part, le seul
 cadeau que j'espère en cette fête délirante !

Nativement sien.


Photographies du Pirate de Loire




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