mardi 31 août 2021

Une histoire prend forme sous vos yeux

 

Dans un livre





Quelques mots qui deviennent des phrases

Et une histoire prend forme sous vos yeux

Vous voilà marin sur la mer d’Iroise

ou bien beau chevalier aventureux

 



L’épopée devient votre compagne

Vous combattez de terribles dragons

Pour les vaincre vous battez la campagne

Avant de les noyer dans un lagon


Une bergère tombe sous votre charme

Vous l’avez sauvé des griffes du loup

La belle demoiselle essuie quelques larmes

Avant de se pendre à votre cou

 



Poursuivant votre périlleux chemin

Il vous faut franchir le grand Océan

Vous devenez un courageux marin

Pour affronter pirates et ouragans


Lorsque soudain au milieu des flots

Une sirène vous invite à la suivre

Hélas ce n’est qu’un vilain cachalot

Et non pas la merveilleuse Vouivre

 



Trompé par cette étrange confusion

Vous nagez vers ce mirage hors d’haleine

Quand emporté par un grand tourbillon

Vous êtes avalé par une baleine


Croyant votre dernière heure arrivée

Vous ne vous imaginez pas survivre

Mais au terme d’une folle soirée

Vous refermez cet étrange livre

 



Quelques mots qui deviennent des phrases

Une histoire se déroule sous vos yeux

Vous voilà marin sur la mer d’Iroise

ou bien beau chevalier aventureux

 


 

lundi 30 août 2021

Baissez la tête, mon souverain ...

 

Comment le roi passa-t-il la main ?

 





7 avril 1498 ; le printemps pointe le bout de son nez. Il n’est pas plus belle saison en bord de Loire surtout en cette Touraine où il fait si bon vivre. C’est du moins ce que se disait ce jour-là, un jeune roi de 28 ans, Charles le huitième qui a tout pour être heureux. Il vit dans une magnifique demeure, le Château d’Amboise, entouré des meilleurs vins qui soient et surtout marié avec la divine Anne de Bretagne.


Charles aime assister aux parties de jeu de Paume. Un terrain est justement installé dans les fossés du château. Il se fait un plaisir de convier son épouse à cette distraction. Il arrive parfois qu’on s’ennuie dans ces grandes demeures. Il est un peu plus de quatorze heures, tout s’annonce bien pour lui...


Le fils de Louis XI pourtant à des soucis en tête. Il a beau s’appliquer à l’ouvrage, il ne parvient pas à obtenir un héritier. Si la chose est cruelle pour un couple ordinaire, elle devient affaire d’état pour un roi. Par deux fois pourtant sa femme a enfanté. Par deux fois, le ciel a rappelé à lui le fruit du pêché originel. Le premier était un garçon, la seconde une fille. Anne porte en elle ces terribles deuils, la partie de jeu de paume ne changera pas son humeur morose.


La main de dieu est sans doute responsable du mauvais œil qui les poursuit. Charles et Anne ont cassé des mariages respectifs pour convoler. Lui était fiancé à Marguerite d’Autriche tandis que la belle Anne avait marié le père de Marguerite : Maximilien. C’est vous dire que les situations étaient imbriquées et qu’il en fallut des palabres pour obtenir gain de cause. Mais quand on est roi, on a le bras long, une répudiation et un mariage cassé plus tard, l’union pouvait se faire pour rapprocher le duché de Bretagne de la couronne de France.


Le roi hâte le pas. Il lui faut traverser un passage délicat : la galerie Hacquelebac qui faut-il vous l’avouer, est le lieu choisi par notre distinguée noblesse pour soulager des besoins naturels. Les odeurs des latrines dans ce souterrain sont véritablement insupportables. Il convient de ne pas s’y attarder. Quoique de petite taille notre malheureux souverain trouve le moyen de violemment heurter son caput contre un linteau plus solide que le crâne royal.


Le roi tombe à la renverse, souillant certainement son pourpoint. Point n’est besoin de lui administrer les sels, il a ce qu’il faut sur place pour retrouver ses esprits. Il se relève et s’en va, avec de forts maux de tête et une vilain odeur. L’air des fossés lui redonne un temps un peu de vigueur. Il se passionne pour la partie, discute avec son entourage avant que de bredouiller un message énigmatique tout autant que prémonitoire : «J’espère bien ne commettre aucun pêché soit mortel, soit véniel ». Le roi s’écroule.


Il est conduit sur un tapis de paille une fois encore au pied de cette maudite galerie. Jusqu’à 23 heures, sa majesté sera dans un état souvent inconscient. Il trouvera encore la force d’évoquer la vierge Marie et Saint Claude avant que de rendre son dernier souffle. Il passait ainsi la main sans héritier pour avoir voulu se rendre à une partie de jeu de paume en passant par les pissotières des loges...

 



Il est tout à fait probable que le souverain ait succombé à une hémorragie cérébrale. Il sera regretté par son épouse qui pour lui va inaugurer une mode qui fera fureur dans le Royaume. Anne sera en effet la première à se mettre en noir pour porter le deuil. Elle romp ainsi avec la tradition des Reines Blanches, les veuves des défunts rois.


La reine douairière se consolera plus tard dans les bras de Louis XII, son second mari, le duc d’Orléans, frère cadet du roi Charles VII. Il semble que la dame avait un faible pour la couronne et ceux qui la portent. Chacun a ses petits vices. Elle ne laissera pas d’héritier mâle mais deux filles dont l’une Claude épouse le futur François I. Anne mourra à 36 ans à Blois.


La vie de château n’est pas toujours aisée même en bord de Loire.

 


 


dimanche 29 août 2021

Le port de Cavereau

 

Un port de Loire oublié





Situé sur la rive gauche, le port du Cavereau est équipé de trois cales abreuvoirs simples. Il mesure environ 400 mètres de long et dispose d'escaliers et de plusieurs organeaux.

La décision de construire le port fut prise vers 1820, époque glorieuse encore pour le transport fluvial. L’étape suivante fut l’attribution des droits de location de place pour les marchandises déposées sur le port. Situé juste avant Beaugency, cet endroit voyait passer de nombreux chalands, acheminant les marchandises jusqu'à Orléans.

" La grande Jeanne " est le nom donné par les mariniers au grand coude dessiné par la Loire ici. Faute d'un vent très favorable, la remonte s’avérait impossible. A contrario, à la descente, par les hautes eaux et le courant devenu fort, on dénombrait de nombreux naufrages. Les bateaux à réparer se réfugiaient l'hiver près de l'embouchure de l'Ardoux au Port Pichard. Le port fut abandonné vers 1930.

Au Cavereau, on peut encore aujourd'hui imaginer ce qu'était le port à l'époque où la Loire était marchande. Les petites maisons de pêcheurs et de mariniers, les boucles d'amarrage existent toujours. Restaurée en 2000, une rampe de canoë a été aménagée pour autre forme de découverte de la rivière



 

Historique

Le lieu dit est conu depuis longtemps pour une ressource naturelle : le Blanc d’Espagne dit Blanc de Caverau

Il me dit que ces sortes de pierres se tiroient d’un endroit qu’on nomme le Cavereau, petit hameau de la paroisse de Nouan, situé sur la rive gauche de la Loire, à neuf lieues au dessous d’Orléans. Essais sur les dendrites des environs d’Orléans : Imprimerie royale, 1755.

Les carrières du Cavereau occupent, sur le bord de la Loire, un quart de lieue d’étendue ; elles présentent un front de quarante à cinquante pieds d’élévation. C’est là que les habitants du Cavereau creusent tous les ans des fosses de douze à quinze pieds de profondeur, non-seulement pour en extraire les pierres de formes bizarres & celles qui contiennent des dendrites dont nous venons de parler, & avec lesquelles ils bâtissent leurs maisons , mais surtout pour y fouiller la matière qu’ils emploient à faire le blanc de craie qu’on nomme vulgairement blanc d’Espagne. Encyclopédie méthodique: Géographie-physique (par M. Desmarest), H. Agasse, 1809.

 


 

En 1818, un ingénieur des ponts et chaussées analyse la structure de la Loire qui fait un coude au hameau du Cavereau. Il découvre que la rive composée de marne, de sable et de quelques blocs de pierre, est continuellement dégradée par les crues. Les riverains d’ailleur sont considérablement à pâtir de cette exposition. Leurs maisons sont emportées par les hautes-eaux tandis que des bancs de sable se forment sur la rive opposée.

La construction d’un perré devient une nécessité pour protéger la rive sur 425 mètres de long. Du point de vue économique, des bois de marine et autres marchandises sont dirigés vers le Cavereau pour y être embarqués. La création d’un port à cet endroit alors qu’il n'y a pas de port entre les villes de Saint-Dyé et Beaugency distantes de 26 kilomètres serait opportune. Son projet : construire un petit port d'embarquement équipé de trois cales.

En 1822, il convient de diminuer la dépense : le nombre de rampe est réduit à deux (une à chaque extrémité du port). Les perrés de 45° d'inclinaison seront pourvus de quatre escaliers et de 30 pilots d'amarre. Outre les dispositions permettant l'embarquement des marchandises, le port a un rôle important de défense des berges. Il est ainsi élevé à 6,20 m au-dessus de l'étiage. 


 

Les travaux sont exécutés jusqu’en 1825. L’année suivante, des terrains sont encore indemnisés par l'Etat.Un arrêté préfectoral relatif aux droits de dépôt sur le port du Cavereau est signé en 1835. Il instaure un tarif pour les dépôts de marchandises : gratuit la première journée puis 0,15 F par m² de terrain occupé.

Le port du Cavereau est affermé par la ville de 1836 à 1895. Un règlement de police du port du Cavereau est projeté en 1905. Le texte précise que la commune est autorisée à percevoir des redevances pour le dépôt et le stationnement des marchandises sur le port. L'espace est divisé en deux : une bande de 6 mètres de large le long du fleuve est réservée au halage et à la circulation, Une deuxième bande, parallèle à la première, est destinée au dépôt des marchandises. En 1860, le port mesure 415 m de long sur 18 m de large et est établi à 6,20 m au-dessus de l'étiage. Sa surface est de 36 ares en 1903.

Ces informations sont précieuses. Elles précisent l’organisation administrative du transport fluviale et sa volonté de persister au delà de l’arrivée du chemin de fer. En cela ce jeune port dans l’histoire de Loire est révélateur.

Le port est restauré en 2002. Il mérite le détour.

Le Port de Cavereau est mis en lumière dans le roman

Pour quelques grains de folie

Un épisode décisif s'y déroule ...


 

 




samedi 28 août 2021

Prendre des libertés avec la liberté


 

La liberté en question

 

 

 




Si la liberté est provisoire, en quoi se transforme-t-elle ensuite ?

Puisque la liberté n'a pas de prix, comment peut-on lui fixer une caution ?

Dieu est-il, lui aussi, favorable à la liberté religieuse ?

Peut-on lui donner sa liberté sans reprendre la vôtre ?

Doit-on prendre des libertés avec celle-ci ?


Peut-on faire commerce de la liberté ?

Tout dire relève-t-il aussi de la liberté d'expression ?

Peut-on se priver volontairement de liberté ?

La perte de liberté est-elle une chaîne ou une entrave ?

Comment réagit une liberté menacée ?


Un libertin a-t-il une conception trop laxiste des libertés publiques ?

Votre conscience s'octroie-t-elle certaines libertés ?

La liberté des échanges relève-t-elle du libertinage ?

Existe-t-il des domaines d'exclusion de nos libertés ?

Faut-il manquer d'air pour vouloir étrangler nos libertés ?


Si les poulets sont élevés en liberté, ont-il le choix de leur trépas ?

Comment le défenseur des libertés marque-t-il les attaquants de l'équipe d'en face ?

Après avoir goûté la liberté, faut-il la recracher ?

La mise en liberté est-elle un pari sur l'avenir ?

Un demi-solde dispose-t-il de son entière liberté ?


La liberté conditionnelle met-elle encore toutes les formes ?

Confond-on trop souvent croissance et extension de nos libertés ?

Peut-on s'accorder des libertés quand les instruments du pouvoir jouent faux ?

Pour savourer sa liberté faut-il en avoir été privé ?

Faut-il agir par égoïsme pour conserver ses libertés ?


Les combattants de la liberté peuvent-ils asservir leurs adversaires ?

Sa liberté de ton lui donne-t-elle tous les droits ?

Quels sont les devoirs que nous imposent nos libertés ?

L'égalité n'est-elle pas en contradiction fondamentale avec la liberté ?

L'atteinte à la liberté de penser a-t-elle un sens alors que si peu de gens pensent encore ?


Peut-on agir en toute liberté quand on est prisonnier d'une dépendance ?

Peut-on prendre la liberté de la lui prendre ?

Quel est l'organisme de sauvegarde de nos libertés ?

Ceux qui marchent au pas ont-il tendance à empiéter sur nos libertés ?

L'arbre de la liberté donnera-t-il encore des fruits ?


Quel marché de dupes celui qui a payé cher sa liberté a-t-il conclu ?

La liberté des chances est-elle un jeu de hasard ?

Curieusement, sur un chantier, pourquoi le manœuvre bénéficie-t-il d'aussi peu de liberté ?

La liberté d'expression est-il sur la bonne voix ? (e)

Les libertés fondamentales ont-elles des fondements naturels ?


La télévision a-t-elle enchaîné nos libertés ?

Faut-il faire un culte de la liberté ou bien assurer la liberté des cultes ?

Le chômage relève-t-il de la liberté de travail ?

La brigade mondaine s'opposait-elle à la liberté des mœurs ?

La liberté d'enseignement suppose-t-elle de prendre des libertés avec la vérité ?


Liberticidement leur.


 

vendredi 27 août 2021

Camille Delamour

Le berlingotier de Briare




Ça va rouasser !



… Dans l'ciel lourd s'traînont des grous nuages

Des nuag' qu'ont un sale goût d'orage

Qui risquont d'brament tout casser

… Aussi d'vant c'te nuée noir qui m'nace

L'Gervais pense, en s'resserant ses f'nasses

Ça va rouasser !


… La Grand' Rouse a un biau p'tit drôle

Mais toute la journée faut qu'i trôle

… Les r 'montrantes .. ça l'fait rigoler !

Tant et si bien qu'la Rouse en colère

Elle s'écrie … Mais sans jamais l'fére

Ça va rouasser !


… « Trein'-Canon » et pis « Suc'Cannelles »

Ont pris les bistrots coumm' chapelle …

… Mais qunqu'ieux femmes v'nont les chorcher

L'murmuront, r'bossant d'l'échine

… Tout en recommandant … eun' chopine

Ça va rouasser !


… On voit dans nout' mond' qui s'terboule

Du mond' qu'est en train d'pard la boule …

… Des jaun's, des noirs, des maillassés …

Qu'on nourre anque eun' drôl' de pâtée !

Tant qu'on pense d'vant c'te curée :

« Ça va rouasser ! ... »


… Ça va rouasser ! … quanqu' nos minisses

Risquanr d'nous foutre eun' vraie jaunisse

Anqu' les impôts qu'j'ons à payer …

… Et on dit, ravalant sa crache :

«  De c'coup … i' vont trop fort … les vaches

« Ça va rouasser ! ... »


… Eh ! Ben, oui … v'la c'que n'on raconte …

… On sent la colèr' qui nous monte …

Mais … qu'ça sey' la Rouse ou l'Gervais

… L'mal content … ou ben l'contribuabe,

Tout l'mond' dit ça ! … Mais, cin' cents diabes !

Ça rouasse jamais ! ...



Camille Delamour est né à Briare le 5 décembre 1896. Il meurt en 1965. Il était connu comme le loup blanc puisque forain de son état, il écrivait des poèmes en patois berrichon tout en vendant ses berlingots et en tenant son stand de tir. Il écume les fêtes du Pays Fort, cette terre berrichonne qu’il aime tant ! Il amuse la galerie de sa gouaille, joue de l’accordéon pour animer ses deux baraques foraines.


Camille Delamour vivait avec sa femme dans une roulotte. Il se déplaçait de fête en fête avec sa voiture-boutique de tir et de confiserie dans la région de Gien et de Châtillon-sur-Loire. Quand ses deux roulottes, tirées par un tracteur, arrivaient en vue d'un bourg, les gamins accouraient, avides de quémander un peu du fil de berlingot fumant qui sortirait bientôt des grands chaudrons de cuivre.


Camille Delamour était aussi poète. À la suite d'un drame personnel, il se met à écrire des poèmes en berrichon, des " rimailles " comme il aime à dire qui paraissent dans le journal de Gien de 1946 à 1965. Ses textes évoquent la nature et racontent aussi la vie des campagnes et le monde qui change. L'humour du bonhomme, la précision de ses descriptions, la vivacité de la langue et le ton rabelaisien de son style font la joie des lecteurs qui aiment à le retrouver dans leur journal favori. Ce personnage singulier mérite qu’on s’y attarde ici. Il n’a eu de cesse de faire hommage à son terroir dans une langue incroyablement fleurie et truculente. Le retrouver ici ou bien aux Éditions Corsaire c’est rendre raison à une époque totalement révolue, celle d'avant la voiture et la télévision, ces deux éléments qui transformeront radicalement la vie de nos campagnes.

 


 


La chanson du marinier


Prends le large mon gars
C'est le vent qui t'appelle
Prends le large mon gars
Il est temps de partir
Prends le large mon gars
C'est le vent qui t'appelle
Eho ! Les gars, au vent de la mer
Eho ! Les gars chantant

Prends le large mon gars
Sur la vague jolie
Ton bateau glissera
Comme un grand goéland
Prends le large mon gars
Sur la vague jolie
Eho ! Les gars...

Prends le large mon gars
N'aie pas peur des tempêtes
Prends le large, ton bras
Est plus fort que la mer
Prends le large mon gars
N'aie pas peur des tempêtes
Eho ! Les gars...

Prends le large mon gars
C'est la vie qui t'appelle
Hisse toutes les voiles
Bonne route et bon vent
Prends le large mon gars
C'est la vie qui t'appelle
Eho ! Les gars...



L'Vieux Sapin

On me l’avait dit…J’v’lais pas l’croire

Et j’pensait – C’est un mal content
Qui vient m’raconter queuqu’histoire
…Je l’ai vu…C’est bien vrai pourtant

J’orais jamais penser qu’ des hommes
Qu’on une âme... qui sont pas des fous
Seuraint comett’ c’crime énorme
Tuer c’vieux sapin…pour s’fee des sous

Ca fait si longtemps que sa ramure
Couvrant l’sol…où l’harbre a pouss’ pas
Portant son éternelle vardure
Même sous la neige et les frimas

Ca fait si longtemps que d’sa bute
I r’gadait tracer des labours
Tandis qu’un marbot jouait d’la flûte
Que j’pensais qu’ça durait toujours

Combien d’ foués qu’en bonn’ compagne
J’atais v’nu l’voir dans l’soir couchant
Sans penser qu’un jour une cognée
Viendrait l’meurtrir de son tranchant

Mais c’est l’sal couté d’mont époque
Où tripatouill’nt tant d’ drol’s de gens
C’qu’est joli…Mon Dieu ! qu’on s’en moque
C’qui compte à présent…c’est l’argent

V’la pourquoué…pour queuqu’s billets d’mille
Qui p’tete demain tomb’ront dans l’siau
Cartains. Ah ! les pour imbéciles
Tuons c’que l’Bon Dieu a fait d’pus beau

J’ses sur ben d’fait qu’c’est un blasphème
Et sous la plainte du vent du Nord
Comm’su l’cercueil d’un etr’ qu’on aime
J’ai pleuré c’vieux sapin mort

A Briare

12 mars 1948




jeudi 26 août 2021

Quel pastis !

 

À la pêche aux anguilles.





Il était une fois en bord de Loire un coin ordinaire comme tous les autres endroits de notre belle rivière. Les plus vieux surtout aimaient à y aller à la pêche. Nombreux étaient ceux qui disposaient d’une petite barque pour profiter pleinement des plaisirs liés à leur loisir préféré. Nous sommes en Anjou, le pays du bon vivre et de la douceur du temps qui passe.


Cette année-là, curieusement, les amateurs de la pêche à l’anguille restaient étonnement sur leur faim. Là où les prises étaient nombreuses les années précédentes, la pêche cette année ne donnait absolument rien. Que se passait-il donc ? Les amateurs de matelotes et de fricassées en étaient pour leurs frais. Il fallait se résoudre à rentrer bredouille sous le regard moqueur de ceux qui avaient connu la même mésaventure.


Curieusement cependant, ce sont des garnements, habituellement se contentant de taquiner le goujon et de patauger dans les flots qui faisaient les plus belles prises. Plus surprenant encore, ils avaient trouvé un coin où jusque-là, jamais personne n’avait rien pris. Bien vite la nouvelle fit le tour des berges. Les anguilles avaient adopté un changement de comportement qui intriguait les véritables spécialistes.


Parmi ceux-ci, André était un expert tant en matière halieutique qu’au niveau de la gastronomie. Il s’invita un jour dans la famille de l’un des chenapans afin de goûter son plat préféré. À sa grande surprise il trouva un goût anisé à la bête succulente que la gamin avait pêché au nez et à la barbe des experts. Notre ami se perdait en conjectures. Voilà bien étrange parfum que celui-là !


André n’était pas homme à demeurer sans comprendre. Il réfléchit : ses pêches infructueuses lui en laissait le temps. En bon Angevin, il ne reculait jamais à baiser une fillette selon l’expression locale. Lors de ses dernières expéditions dans les tavernes de la région il avait constaté que le dénommé Moïse, grand pilier de tavernes, avait disparu depuis près de six mois.


De fil à pêche en émerillon, il se souvint que notre lascar abusait plus que de raison du pastis, délaissant le bon cabernet. N’y aurait-il pas là une relation de cause à effet de nature à lever le voile ? Voilà une hypothèse qui tenait la route bien mieux que Moïse quand il rentrait chez lui.


André avait découvert le pot aux roses. Le pauvre Moïse, plus imbibé que jamais, avait dû tomber en chemin alors qu’il tanguait le long du chemin de halage. C’est en passant en bordure de ce petit bras de Loire où jusqu’alors personne n’allait pêcher qu’il fit son dernier plongeon. André, cependant garda pour lui le fruit de ses réflexions. Conserver ce secret était plus important encore que la mémoire d’un camarade en bord de Loire, tant que le coin permettait pêche miraculeuse..


Il imita les gamins, tendit lui aussi ses lignes de fond là où reposait le pauvre Moïse. Si les anguilles se plaisaient à se nourrir de ses restes, il n’y avait qu’à leur laisser terminer la tâche. Une pêche miraculeuse et parfumée ne se refuse pas. Ce fut ainsi jusqu’à la fin de la saison. D’autres anciens firent comme André sans piper mot.


Ce n’est qu’au moment de l’étiage, que nos lascars firent les étonnés et les choqués quand ils découvrirent un squelette proprement nettoyé. Le pauvre macchabée fut identifié par les autorités grâce à sa gourmette. André et ses compère firent des gorges chaudes quand la maréchaussée découvrit dans la musette du défunt, une bouteille de pastis


Personne dans ce charmant village ne fut choqué de ce long silence. La pêche à l’anguille est chose trop sérieuse pour l’interrompre. Le défunt n’était guère pressé de trouver sépulture chrétienne, Moïse était un mécréant notoire qui n’avait jamais aimé le vin. Tous ses amis qui avaient pêché au-dessus de sa tombe provisoire l’honorèrent comme il se doit le jour de ses obsèques.


Après une courte cérémonie, vite expédiée pour la première fois dans l’histoire de ce village, le vin d’honneur fut remplacé par un pastis festif en dégustant de l’anguille fumée. Seules les dames des ligues de vertu rirent jaune de cette farce. Ainsi va la vie et la mort en bord de Loire. Ce sont les impératifs de la rivière qui commandent aux humains et c’est très bien ainsi.


Pastichement vôtre.


 

mercredi 25 août 2021

Étrange fleuve, la Loire

 

Compagne des jours noirs !





Du sable dans mes chaussures

J'avance vers elle le soir

Un murmure qui me rassure

Une rencontre qu'on a pu croire


C'est à elle que je confie

Du fond de mes désespoirs

Mes problèmes et mes soucis

Mes chagrins si dérisoires

 



Étrange fleuve, la Loire

M'a pris un jour par le cœur

Quand je vois tout en noir

Je revis dans sa douceur

Et je retrouve l'espoir

En admirant ses splendeurs




Je regarde couler le flot

De mes peines illusoires

L'angoisse n'est plus le fardeau

De la rivière expiatoire


Le courant emporte alors

Mes maux donnés à la Loire

Et moi, resté sur le bord

J'oublie enfin tous mes déboires

 



Étrange fleuve, la Loire

M'a pris un jour par le cœur

Quand je vois tout en noir

Je revis dans sa douceur

Et je retrouve l'espoir

En admirant ses splendeurs

 


 Photographies de 

Yannick Bouron

mardi 24 août 2021

Les chemins de la vie.

 

Les trois sœurs.





Il était une fois, au bord d’une rivière, trois sœurs, trois orphelines qui avaient décidé d’unir leurs efforts pour vivre ensemble dans la maison de leurs parents, trop tôt disparus. Les temps étaient durs pour tous et plus encore pour ces pauvrettes, sans autre ressource que leur courage et la force de leurs bras.


Pour survivre elles se proposaient aux mille et uns ouvrages qui peuvent se trouver dans un voisinage qui a certes souvent besoin d’aide mais dispose rarement de quoi la récompenser. Les jeunes demoiselles se contentaient d’une miche de pain, d’un morceau de lard, de quelques légumes, simplement de quoi subsister jusqu’à ce qu’un Prince charmant ne passe auprès de leur masure.


Elles étaient bien naïves sans doute parce que leur marraine, la fée Houlippe les avait habituées à croire aux miracles. La belle dame venait parfois leur rendre visite, sortant alors de son panier magique de quoi faire bouillir la marmite quand leur labeur n’y suffisait plus. La magicienne n’avait jamais souhaité les habituer à la facilité, c’est pourquoi jamais elle ne leur promit la Lune ou ne leur donna une bourse pleine d’or.


La bonne fée avait des vues sur l’éducation qui ne permettaient pas de sombrer dans la facilité ni même dans les croyances illusoires. Elle usait avec parcimonie de ses pouvoirs magiques pour ne pas gâter ces belles demoiselles qu’elle avait placées sous son aile. Nous ne pouvons l’en blâmer, bien des parents aujourd’hui devraient agir de la sorte avec leurs rejetons au lieu de céder à tous leurs caprices.

 

Pourtant, l’hiver avait été si rude cette année-là que les maigres ressources dont disposaient les gens ne se partageaient plus. Les trois sœurs étaient au plus mal, seule leur chère Houlippe pouvait leur permettre d’échapper à la famine. C’est l’aînée des donzelles qui un soir, se mit à hurler au bord de la rivière, pour appeler au secours leur chère marraine.


Comme à son habitude, Houlippe sortit des flots, juchée sur un char tiré par deux magnifiques et puissants cygnes noirs. C’est dans cet attelage qu’elle venait toujours leur rendre visite. Quoique incroyable, la chose n’étonnait jamais les jeunes filles, elles l’avaient toujours vue surgir ainsi et ne s’en formalisaient jamais. Les humains ont grande faculté à accepter le merveilleux, c’est sans doute pourquoi ils sont capables de détruire la planète, ce trésor fabuleux que la destinée leur a confié.


Houlippe cette fois sentait bien que la situation de ses protégées exigeait plus qu’à l’accoutumée. Elle s’approcha d’elles pour s’enquérir de leurs désirs. « Que puis-je faire pour vous mes belles, je devine que vous ne m’avez pas appelée au secours sans véritable raison ? Je sais la misère qui est vôtre. Que voulez-vous pour adoucir votre sort ? »


L’aînée, celle qui avait sans doute le plus fort caractère, parla au nom de ses cadettes : « Marraine, nous n’en pouvons plus de cette vie misérable. Nous voulons la Richesse, la Puissance et le Bonheur ». La fée opina de la tête, voilà des exigences qui n’étaient pas en rapport avec ce qu’elle avait voulu enseigner à ses filleules. Elle devinait que c’est leur détresse actuelle qui les poussait à se faire aussi pressantes. Il lui fallait les mettre à l’épreuve.


« Mes filles, vous me demandez l’impossible. Ne croyez pas qu’il soit aisé de répondre à de telles demandes. C’est à vous de savoir saisir ce à quoi vous aspirez tant. Je ne peux que vous en donner l’occasion. Le destin a des facéties que même les fées ne peuvent gouverner. Je vous demande de partir chacune de votre côté à la quête de ces fols espoirs qui sont les vôtres. Nous nous retrouverons ici, demain soir pour tirer les enseignements de votre aventure.


Au petit matin, les trois sœurs se mirent en chemin sans véritablement avoir compris ce qu’elles pourraient y trouver. Mais comment demander des explications à une fée ? Il fallait obéir et se laisser mener par la destinée. L’aînée choisit de descendre la rivière. Elle savait qu’à quelques lieues de là, un grand château dominait la contrée. Elle y trouverait certainement l’un des trois désirs qu’elle avait évoqués.


Elle marcha longtemps pour se rendre jusqu’à la forteresse. Elle était encore dissimulée dans les broussailles quand elle entendit grand fracas. Des hommes en armes encerclaient le château. Il ne faisait pas de doute que ces soldats voulaient investir la place. La bataille faisait rage. Le pont levis céda et la horde entra dans la place. La fille observait à distance une scène qui lui glaça les sangs. Les hôtes de la magnifique demeure furent sauvagement dépouillés sous ses yeux, frappés rudement et laissés là tandis que la troupe, chargeant son butin sur des bateaux, s’en alla pour de nouveaux forfaits. Horrifiée, la jeune femme rebroussa chemin sans même songer à venir en aide à ces malheureux, roués de coups.



La deuxième sœur prit quant à elle le chemin qui se rendait vers la grande ville, perchée sur la colline qui dominait la vallée. Elle n’avait pas tant à marcher que son aînée. La belle cité opulente était proche. Elle s’attendait à y découvrir une effervescence joyeuse et qu'elle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit au loin, une ville aux portes closes. Elle s’approcha davantage, fut tétanisée par le silence qui émanait de derrière les remparts. Soudain, une porte s’ouvrit, une charrette en sortit, des cadavres y étaient entassés. Un homme portant cagoule les déposa dans un profond charnier avant que de s’en retourner sur ses pas.


La fille se signa et s’empressa de revenir vers la rivière. Ainsi la riche cité commerçante était aux prises avec la redoutable peste. Il lui fallait fuir au plus vite l’endroit et retrouver la quiétude de sa modeste chaumière. Elle hâta le pas, comme si le diable était à ses trousses.


La cadette quant à elle qui avait goûté fort peu la quémande de son aînée, se dit qu’en remontant la rivière, elle trouverait bien un peu de quiétude avant que de revenir au rendez-vous de sa tendre marraine. Elle n’avait d’autre but que de passer la journée en rêveries tout en profitant pleinement de la magnificence d’un décor unique. Elle avait marché une paire d’heures quand elle déboucha sur une varenne là où pâturait un troupeau de moutons.


Une mère venait de mettre au monde un agneau. La mise à bas ne s’était pas bien passée, le nouveau né avait le cou enserré dans le cordon ombilical. Sans hésiter la jeune femme se précipita à son aide, le sauva d’un trépas certain quand elle entendit derrière elle un « Merci charmante dame ! » qui la fit se retourner.


Devant elle, un berger à la mine souriante, des yeux qui lançaient des éclairs bienfaisants et une voix d’une douceur extrême. La belle sentit son cœur s’emballer. Elle se sauva prise d’une émotion qui la submergeait et qu’elle ne pouvait identifier. C’est ainsi qu’elle retrouva ses deux sœurs devant leur petite maison.


Le soleil se couchait majestueusement dans la Loire. Houllipe surgit à nouveau avec son étrange attelage. La fée interrogea les filles une à une en commençant par l’aînée. Elle écouta le récit que vous avez découvert avant elle, fit mauvaise mine à sa filleule : « Ma fille, tu es allée à la poursuite de la puissance. Tu as constaté les désordres que peut provoquer l'appât du gain. Cette leçon aurait pu te servir et t’enrichir mais tu n’es même pas allée au secours de ces malheureux, j’en suis fâchée ! »


Puis la seconde décrivit ce qu’elle avait vu à distance. La fée reprit la parole : « Ma chère, c’est le désir de richesse qui t’a poussé vers la grande ville. Tu as découvert que l’argent ne peut rien contre la maladie et la mort. Tu as bien fait de ne pas t’approcher mais tu aurais dû prévenir les moines de l’abbaye voisine afin qu’ils viennent au secours de ces malheureux. Je t’en fais reproche ! »


Ce fut alors au tour de la cadette de narrer son aventure. La fée se mit à rire : « Ma fille, tu as fort bien fait et la frayeur qui t’a prise n’a d’autre nom que l’amour. Tu es tombée sous le charme de cet humble berger. Il n’a pas dû comprendre ta fuite. Tu ne savais vers quoi menaient ces pas, je peux te le dire, c’est le bonheur qui était au bout de ce chemin ! »


La fée marmonna d’étranges formules, elle prit sa baguette magique et la posa sur la tête de la plus jeune. Dans l’instant, elle se retrouva dans la pâture avec les moutons. Il faisait à nouveau grand jour. Elle venait de délivrer l’agneau, le beau berger s’était approché d’elle et l’avait remerciée. Cette fois, elle ne sauva pas, elle lui sourit et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.


Un peu plus loin, sur les flancs d’un léger coteau, la fée venait de faire surgir une bergerie et une maison. Elle appela les deux tourtereaux et leur dit : « Je veux que votre bonheur soit complet et je vous offre ceci pour qu’il puisse pleinement s’exprimer ! » La dame disparut dans les airs avec ses deux cygnes noirs. On ne la revit jamais plus.


Les deux sœurs de la plus jeune vinrent trouver leur cadette. Elle les reçut fort bien, les hébergea jusqu’à ce qu’elles trouvent à leur tour l’amour. Elles vécurent toutes trois à l’abri des désirs de richesse et de puissance qui apportent bien souvent les plus grands désordres. Le bonheur est certainement le plus sûr chemin pour avoir une vie agréable et sereine. C’est ce qu’elles firent pleinement ayant compris la leçon de leur marraine.


Humblement leur.


 

Il était une fois Combleux

  Combleux et Rosalie      Elle s'appelle Rosalie. Cette gamine est la seconde fille d'un couple de paysans. L'homm...