samedi 30 avril 2022

Caquesiau

 

Caquesiau






Tu piques et tu as fort mauvaise réputation

Toi l'indésirable de nos marécages

Les humains rêvent de ton élimination

Une idée aussi saugrenue que sauvage

 



Que deviendrait une planète sans les oiseaux

Eux dont tu fais amoureusement le régal

Un monde sans nombre de tous ses végétaux

Que tu pollinises, et c'est primordial

 



On peut te reprocher quelques désagréments

De vilaines maladies que tu sèmes sans compter

Paludisme, fièvre jaune et autres tourments

Sont la face sombre de ton activité

 



Une moustiquaire et nous serions préservés

Lorsque la nuit tu nous agresses sournoisement

Procédé que je ne peux que vous conseiller

Bien moins néfaste que tous ces produits qu'on vous vend

 



Le pire est ailleurs : dans les jardins et les champs

Se nomme pour ton malheur insecticide

Un poison particulièrement méchant

Qu'il provoque un incroyable écocide 

 



Mais la nature ne se montre pas ingrate

Nombre d'humains profitent aussi de ses méfaits

Associé au mortifère glyphosate

Beaucoup pâtissent de leurs redoutables effets 

 



Rassurez-vous cependant, de drôles d'oiseaux

Tirent grand bénéfice de ce commerce mortel

Sans qu'on puisse les traîner devant les tribunaux

Car ils appartiennent tous à un cartel

 



Industriels et Politiques main dans la main

Font désormais commerce avec le diable

Afin que la vie sur terre soit sans lendemain

Ambition de ces démons impitoyables 

 



Moustique, toi qui ne fais pas de politique

Réserve-leur donc tes vilaines attaques

Ceux qui toujours nous trompent et te critiquent

Méritent vraiment ton venin démoniaque

 



Sur cette planète bien d'autres animaux

Sont les innocentes victimes de nos folies

Il n'y a pas que toi, mon ami caquésiau

À tomber sur les coups de notre tyrannie

 



vendredi 29 avril 2022

Chat noir

 Chat noir

 


 



Que l'on me prétendre pitre ou bien encore teigne

Même en faisant pour vous patte de velours

Ma déplorable destiné vous enseigne

Que Satan est toujours tapi alentour


Je vivais tranquillement sur une rive

Ne me rendant jamais sur celle d'en face

Un manque qui provoqua étrange dérive

Moi qui fus malheureux dindon de la farce


Quand un inconnu fit étrange promesse

À l'échevin de la charmante bourgade

En échange de curieuses largesses

Il vous épargnerait à tous la noyade


Jetant dessus la Loire un pont en pierre

Il exigea pour paiement de son ouvrage

Qu'on lui fasse offrande singulière

Rançon par l'intermédiaire d'un otage


Les habitants se refusèrent à cet échange

Le prix à consentir étant terrifiant

La victime renonçant à devenir ange

Pour vivre son éternité dans les tourments


Je fus désigné honteusement contre mon gré

On me jeta en premier sur la passerelle

Moi innocent chat noir n'ayant rien demandé

Je servis de monnaie pour l'odieux Azazel.


Le pacte se trouvait à mon insu respecté

Le méchant trompé agit en mauvais perdant

De colère il donna un terrible coup de pied

Qui déplaça une arche du pont dans l'instant


La moral de cette histoire d'un autre temps

Une fois encore, les humains firent bien peu de cas

Du sort d'un pauvre animal qui a ses dépens

Sortait les balgenciens d'un fort mauvais pas


Eus-je été tigré, blanc ou bien encore roux

J'eusse sans aucune doute échappé à l'enfer

Mais hélas faute rédhibitoire pour un matou

Mon pelage anthracite me donnait mauvais air

 


 


jeudi 28 avril 2022

Une pluie de Pucelles

 

Pêcheur devant l'éternel.






Les traditions eurent longtemps la vie dure en Orléans. Chacun sait, pour peu qu’il s’intéresse véritablement à l’histoire de notre héroïne locale sans se soucier des commémorations illusoires qui la célèbrent, que, lorsqu’elle arriva en 1429 dans ce qui allait devenir sa bonne ville, porteuse de ravitaillement pour sauver la populace de la famine, le bon peuple, pour la remercier, lui offrit une beau poisson migrateur, pêchée dans la rivière. Dans le même temps, la Loire elle même célébra la venue de la Lorraine miraculeuse en gratifiant la populace affamée d'une pluie de pucelles, une arrivée en quantité innombrables d'aloses ce présent de la nature que les orléanais avait associé à la venue de la miraculeuse bergère.


L'alose, un de nos nombreux poissons migrateurs, remonte elle aussi la rivière pour aller frayer, donner la vie ne perdant la sienne, un sacrifice qui illustre parfaitement celui de notre pucelle d'autant plus que cela se produit précisément en mai. Voilà une belle coïncidence à l’origine de cette histoire que m'a soufflée à l’oreille un appariteur épiscopal local, au cours d’un repas fort bien arrosé. Je sais l’homme bon catholique pratiquant et n’irais jamais remettre en question sa parole.


Nous sommes en une époque lointaine où État et Église n’avaient pas rompu leur lien historique. À l'évêché d’Orléans, on connaissait en ce temps-là son Histoire et on avait grand souci des humbles gens. C’est ainsi que pour les fêtes johanniques, Monseigneur l’Évêque (il se pince d’être appelé ainsi, les majuscules en prime) aimait le 8 mai à offrir à ses pauvres un repas avec une alose au menu.


Durant la semaine précédente, son bedeau, un certain La Malice, nommé ainsi car il avait plus d’un tour dans son sac et plus d’une astuce pour répondre aux innombrables soucis qu’impose l’entretien du vaisseau amiral : la grande et belle cathédrale Sainte-Croix, avait été convié à se rendre à la pêche en Loire comme chaque année pour faire grande et belle provision d’aloses.


Le brave appariteur, ravi de cette aubaine, quittait un temps son costume de Suisse pour retrouver une tenue moins cérémonieuse. Il fermait la sacristie à clef et n’ouvrait que les grandes portes de la maison de Dieu. C’était ses vacances de printemps. Il venait d'achever la décoration du transept avec les fanions des compagnons de Jeanne ; il disposait de quelques jours, une semaine tout au plus, pour sa pêche miraculeuse avec l'onction de celle qui n'était pas encore sainte.


Le bedeau, grand pêcheur devant l’éternel, jouissait ainsi de la bénédiction de monsieur l’évêque pour aller taquiner le poisson et éventuellement la lavandière. Monsieur avait souvent du fermer les yeux et accorder son pardon après des confessions d'un clerc qui bien souvent avait de curieuses accointances avec le diable . Mais il était si dévoué qu’il devait absoudre ses turpitudes tout en s’amusant fort de ses répliques et de ses farces. Pour homme d’église qu’il était, Monseigneur était le meilleur des hommes et le plus bienveillant des patrons.


Or donc, ce jour là, La Malice était posté sur la rive, tendant ses lignes pour piéger les aloses et remplir sa mission divine avec la complicité de son supérieur hiérarchique. Mais voilà que, envoyé par Rome, du Vatican même, un Nonce Apostolique, venu assister aux célèbres fêtes, était arrivé quelques jours plus tôt ayant en tête d’admirer le trésor de la cathédrale et tout particulièrement les médaillons byzantins datant du IV° siècle.


L’évêque, que Dieu ait son âme, dut alors mentir à ce haut dignitaire de la curie, ne pouvant lui avouer les raisons de la fermeture à clef du dit trésor. Il bredouilla, tergiversa, se perdit en vaines explications avant d’avouer qu’il ne savait pas où se trouvait son bedeau, un personnage fantasque, capable de partir avec les clefs sans laisser d'adresse.


Le Nonce en était fort marri, lui qui se faisait une joie d’observer ce fabuleux trésor. Il demanda à son collègue s’il n’y avait pas moyen d’aller quérir le supplétif de Saint Pierre : l’homme qui détenait les clefs du paradis local. L’Évêque, discrètement envoya le sonneur de cloches à la recherche du pêcheur.


La Malice adorait la pêche et ne supportait pas d’y être dérangé. Nul n’est parfait en ce bas monde, y compris ceux qui travaillent pour le salut des âmes. Le sonneur fut renvoyé sans ménagement à son bourdon, de manière fort peu chrétienne. Quand l’homme revint devant les deux hautes autorités, le nonce comprit à sa mine déconfite qu’il y avait là un mystère à tirer au clair.


Prenant sa soutane à bras-le-corps, le Nonce, tout prélat qu’il était, alla d’un pas ferme et décidé sur les rives à la rencontre de celui qui entravait son désir le plus cher. C’est ainsi, qu’il se trouva nez à nez avec le dénommé La Malice au moment même où il sortait une magnifique alose des flots. Le nonce lui fit compliment de sa pêche, remerciant dans la foulée le Seigneur de lui avoir accordé ce don. La Malice, en bon chrétien, se signa et s’enquit du but de cette prestigieuse visite.


Quand le Nonce eut expliqué qu’il voulait, séance tenante, que le bedeau abandonnât son activité pour venir lui ouvrir la sacristie et les portes du trésor, notre pêcheur manqua de s’étrangler. Ce noble personnage voulait donc entraver sa journée de pêche au moment même où un banc d’aloses passait par là ; il n’en était pas question. À son tour, il lui mentait, affirmant tout de go qu'il avait malencontreusement fait tomber les clefs dans la rivière.


Le Nonce tout homme d’église qu’il fût n’en demeurait pas moins un amoureux de la nature. Devant cette contrariété, il fit contre mauvaise fortune bon cœur et décida de rester là ; la pêche étant aussi un péché mignon. C’est ainsi que nos deux larrons se mirent en demeure de remplir la bourriche pour le repas de l’évêque. Et jamais pêche ne fut si abondante que ce jour-là.


La journée avançait et le bedeau, ravi d’avoir un compagnon pour remplir sa mission rituelle, lui demanda s’il était partant pour déguster avec lui l’une de leurs plus belles prises. Il y avait, à deux pas de là, un restaurant fameux : le Cabinet Vert, célèbre pour l’art consommé de son chef à préparer les poissons de Loire. Le bonhomme vous faisait une alose farcie au vin d’Anjou à vous damner un bon chrétien. Le nonce, habitué aux gueuletons du Vatican, était un gourmand invétéré ; il accepta sur le champ la perspective de profiter d'un repas du seigneur.


La Malice s’absenta quelques minutes pour porter son poisson et faire sa commande auprès de Patrice, le maître queux du caboulot. C’est donc, amis comme cochon d'autant plus plus qu'ils avaient abusé du cruchon que nos deux pénitents arrivèrent à la tombée de la nuit pour déguster ce que leur avait préparé le patron. L’homme des fourneaux n’aimait rien tant que raconter ses recettes ; il expliqua à ses deux hôtes comment se préparait l’alose farcie !


« Messieurs, vous m’en direz des nouvelles. Commencez d’abord par vider l’alose par les ouïes sans l’ouvrir, vous l’écaillez et puis la ciselez avec amour. Dans un plat en terre ovale, mettez un bon morceau de beurre, quelques échalotes hachées, un peu de persil coupé grossièrement et une bouteille de vin blanc d’Anjou bien sec. Je vous en ai servi une sur la table pour accompagner le plat ». Et nos trois gourmets de vider une première bouteille …


Tout en buvant, le chef continuait ses explications : « Faites ensuite une farce avec les œufs de l’alose (puisque vous m’avez apporté une femelle), pilez au mortier en y ajoutant 150 g de beurre, incorporez 3 œufs un par un, et un peu d’oseille préalablement cuite au beurre et ciselée. » C’est à ce moment de l’explication qu’il dut réclamer une seconde bouteille.


Le Nonce avait déjà la face rubiconde. On lui avait beaucoup vanté les fêtes johanniques ; décidément, il avait bien fait d'accomplir ce long voyage pour une telle célébration. Le cuisinier continuait ses explications tandis que ces deux drôles de paroissiens vidaient le vin d’Anjou : « Assaisonnez de sel et poivre, une noix de muscade, farcissez l’alose, mettez dans un plat ovale, un bon morceau de beurre dessus et laissez cuire environ 30 minutes au four en ayant soin de l’arroser très souvent ! » Ce dernier conseil fut suivi à la lettre puisqu' une troisième bouteille arrivait sur la table en même temps que ce plat succulent.


Le repas fut exceptionnel. Le nonce en reprit d’autant plus aisément que nous étions un vendredi, jour où il convient de faire maigre dans sa corporation. L’alose remplissant parfaitement ce précepte, il n’y avait aucune raison de se priver. La Malice quant à lui, habitué aux excès, était ravi de trouver un compagnon aussi goulu que lui. Ils rentrèrent bras dessus bras dessous à l'évêché, en chantant quelques chansons qui eussent horrifié la pauvre bergère et sa sainteté le pape


Le lendemain, nous étions le 8 mai, le nonce et le bedeau avaient une petite mine pour les célébrations d’usage. C’est durant le repas où furent servies aux indigents les aloses du bedeau, que le nonce vint vers lui pour le remercier de cette belle soirée, une des plus belles qu’il avait vécues depuis qu’il avait prononcé ses vœux. S’il avait quelques faveurs à réclamer à notre mère l’Église il était tout disposé à l’exaucer en guise de remerciement.


Notre bedeau n’hésita pas un seul instant. Il avait une requête qui lui brûlait la langue, une demande qu’il n’avait jamais osé formuler à monseigneur l’évêque. L’homme eût été marri de ce souhait qu’il n’aurait pas compris. C’était l’occasion ou jamais. Un Nonce avait le bras long. La Malice se jeta à l’eau : « Mon Seigneur, je rêve de devenir bedeau de la cathédrale de Saint-Jean-Baptiste d’Aire ! »


Le Nonce fut particulièrement surpris. Aire-sur-l'Adour est certes une fort belle cité mais bien moins importante qu’Orléans. C’est alors que La Malice lui avoua que sur l’Adour, les aloses étaient plus belles que nulle part ailleurs. Il désirait vivre la fin de son âge à pêcher sur cette rivière et profiter du climat de cette merveilleuse région.


C’est ainsi que le vœu du bedeau fut exaucé. Le Nonce, quant à lui, put admirer le trésor avant de repartir à sa « vaticanerie » , La Malice ayant soudainement retrouvé les clefs. Le bedeau quitta Orléans et termina sa vie en bord d’Adour. Il trouva dans le Jurançon, un vin susceptible de remplacer les blancs de Loire. De cette perte irréparable pour la ville d’Orléans, cessa soudainement la tradition de l’Alose Johannique. Il est vrai que, dans la ville, certains voyaient d’un mauvais œil ce repas offert aux indigents le jour de la grand fête locale quand tous ceux qui comptent défilent devant tous ceux qui ne sont là que pour les admirer béatement, bouche bée et de préférence vide.


À contre-temps.



mercredi 27 avril 2022

La bête à deux dos

 Nouvelle version

 


 

La bête à deux dos




C’est un triste bordeau

Dans lequel des marins

Font la bête à deux dos

Avec quelques catins


Ils partent si longtemps

Qu’au milieu de la course

Surviennent des tourments

Du côté de leurs bourses


Loin de leurs compagnes

Ces matelots en débours

À des femmes de cocagne

Quémandent des nuits d’amour


Refrain


Derrière des volets clos

De terribles gorgones

Sans leur faire de cadeau

Se font sacrées luronnes


Moyennant trois écus

Elles leur accordent le leur

Prennent ce qui est dû

En un fort dur labeur


Refrain


Devant l'ardeur des dames

Les marins épuisés

Déposent alors les armes

Au terme de l'équipée


Retournant sur le quai

Au cœur, du vague à l’âme

Tout autant des regrets

Pour ces étranges femmes


C’est un triste bordeau

Dans lequel des marins

Font la bête à deux dos

Jusqu’au petit matin 

 


 

mardi 26 avril 2022

Devinette équestre

 

Cheval

 





Bien avant que de se prétendre à vapeur

Ce fidèle compagnon faisait notre bonheur

Avançant la tête haute, le vent en croupe

Pour que le bon paysan gagne sa soupe

 



Si par surprise il prenait le mors aux dents

Ce n'était que pour aller toujours de l'avant

S'il lui arrivait de ruer dans les brancards

C'était que l'un de nous avait fait un écart

 



Il se targuait de nous offrir bonne assiette

Pour le soldat tout comme la midinette

À cru pour qui faisait un régime sans selle

Ou en Amazon pour celles qui avaient des ailes

 



Consigné malgré ses services dans l'écurie

Il se couchait sur la paille, quelle incurie

Se contentait d'une ration d'avoine

Lui qui eut préféré brouetter les pivoines

 



Ainsi la plus belle conquête des humains

Se trouvait tenue par la bride, c'est vilain

En galopant vers la mort sous la mitraille

Sans que son courage lui vaille une médaille

 



Pour son labeur quotidien aurait mérité

Bien mieux embouché que ce vulgaire charretier

Et quant à traîner la lourde diligence

Il fallait toujours que ce fut dans l'urgence

 



Il remercia alors le bourrelier

Qui lui plaça autour du cou un collier

S'imaginant naïvement que ce bijou

Provoquerait autour lui bien des jaloux

 



Ce n'était hélas pas mieux que l'infâme joug

Que ses compères les bœufs supportaient dans la boue

Pauvres bêtes de somme à la triste besogne

Que les laboureurs exploitaient sans vergogne

 



Devant cette redoutable course d'obstacles

Le cheval rêva un moment d'un miracle

Quand on fit de lui une mesure fiscale

Une farce tout autant qu'une cabale

 



La crise de l'énergie rompit l'illusion

D'une existence oisive pour le canasson

Sans plus tarder il reprendra le collier

Pour travailler à nouveau pour le voiturier





lundi 25 avril 2022

Quelques échanges épistolaires

 

L'épistolaire.





Quelques échanges épistolaires

De doux mots envoyés pour lui plaire

Des messages qui se font caresses

Espoir désiré de tendresse

 

Étranges conversations secrètes

L’amour tissées sur un coin de toile

Des confessions indiscrètes

Le cœur en route vers les étoiles

Un message qui surgit d'ailleurs

Arrive sur la pointe des pieds

Puis s’insinue tout en douceur

Sans que quiconque se soit méfié

 



Quelques échanges épistolaires

De doux mots envoyés pour lui plaire

Des messages qui se font caresses

Désir espéré de tendresse

 


Le texte creuse un sillon puissant

Il désagrège les défenses

Les voilà tous deux dans l'instant

Prisonniers d'une correspondance

Des mots se font si intenses

Qu’ils effacent la réalité

Un clic pour toute présence

Sublime quête d’éternité

 



Quelques échanges épistolaires

De doux mots envoyés pour lui plaire

Des messages qui se font caresses

Espoir insensé de tendresse

 


Mots informes jetés sur l'écran

Ces signes brefs privés de syntaxe

Valent les poèmes des géants

Condamnés par une surtaxe

Passion qui se contente de peu

Le truchement de mots écornés

Il se prétend votre amoureux

Un beau cavalier du clavier

 



Quelques échanges épistolaires

De doux mots envoyés pour lui plaire

Des messages qui se font caresses

Désir exaucé de tendresse 

 


 

dimanche 24 avril 2022

Un monde en polychromie



 

 

Cygne





Ne serait-il pas le vilain petit canard

Qui est tant décrié dans bien des histoires ?

Quoique à souvent se mirer dans la marre

Il ne se résout pas du tout à le croire


Sa robe est pareille à celle de la poule d'eau

Même si la demoiselle est plus petite

Il considère tous les autres oiseaux de haut

Usant d'un long cou comme d'une guérite

 



Y regardant de plus près il se rend compte

Que sa splendide robe porte le deuil

Cette particularité lui fait honte

Quand tous les autres affirment qu'il a le mauvais œil

Cygne noir ; quelle terrible malédiction


Le voilà mis au ban de la société

Son apparence lui vaut réputation

Par la seule faute d'un stupide préjugé.

 



Autrefois, de la fée Houlipe, fier coursier

Il s'envolait avec la dame à ses basques

La sortant de notre fleuve nourricier

Pour participer au grand Sabbat fantasque


Son plumage ne le condamnait pas alors

À devenir malgré lui suppôt de Satan

Son apparition signifiant alors bien à tort

Qu'un terrible sort vous adviendra dans l'instant

 



Signe indien qu'il vous appartient de vaincre

À moins de périr dans les plus affreux tourments

Il s'arrache une plume afin de vous convaincre

Que ces préjugés sont aussi sots que déments


Lui le cygne noir dans sa pleine majesté

Il ne demande qu'à vivre ici en harmonie

Avec ses compères au plumage immaculé

Dans la célébration de la polychromie



 



Pour beaucoup l'apparence devient jugement

Valant opprobre ou bien malédiction

Préjugé vous plaçant irrémédiablement

Dans une société de la ségrégation

samedi 23 avril 2022

Langue de bois

 

Les arbres en questions





Comment glisser une pièce dans le tronc d’un arbre ?

Les feuilles tombent-elles quand les arbres se font des soucis ?

Les vieilles branches sont-elles respectées par les jeunes pousses ?

Un arbre qui prend racine garde-t-il les pieds sur terre ?

Le nœud est-il un pense-bête arboricole ?


Peut-on savoir de quel bois se chauffe un arbre en colère ?

Les oiseaux doivent-ils verser une taxe d’habitation à l’arbre qui abrite leur nid ?

En ville, les potelets sont-ils destinés à remplacer tous nos arbres ?

Un agent peut-il donner une prune à un platane planté sur un trottoir ?

Les chiens contribuent-ils à l’irrigation de nos arbres ?


Peut-on mettre des chênes au pied d’une prison ?

Doit-on planter des bouleaux près des agences de pôle emploi ?

Ne devrait-on pas trouver que des arbres à aiguilles dans l’Eure ?

Faudrait-il planter des sapins odoriférants près des agences de pompes funèbres ?

Le papier pour faire les journaux doit-il obligatoirement provenir de marronniers ?


Les alignements d’arbres supposent-ils qu’aucun faîte ne dépasse ?

Faut-il qu’un arbre dispose d’une écorce dure pour vivre si longtemps ?

Peut-on couper la langue à un arbre à palabres ?

Quelle essence choisir pour mettre en bière un arbre mort ?

L’arbre à pain a-t-il beaucoup d’amis ?


Le bûcheron est-il un adepte de l'abattage ?

Faut-il scier la branche sur laquelle l’humanité est assise ?

La déforestation peut-il être considérée comme un crime contre la planète ?

Lors de la Révolution on plantait des arbres de la Liberté. Comment nommer ceux d’aujourd’hui ?

Pourquoi les arbres de Noël ont-ils les boules ?


Puisqu’on limite la vitesse sur les routes départementales, va-t-on y replanter des platanes ?

Pourquoi plantent-ils des arbres exotiques dans leurs villes si peu ouvertes aux différences ?

La chute des feuilles suppose-t-elle l’emploi d’engins aussi bruyants pour les retirer ?

Devra-t-on couper les ressources à ceux qui abattent des arbres sans raison ?

Pourquoi un arbre fait-il plus de bruit quand on l'abat que lorsqu’il pousse ?


Pour les arbres, doit-on couper les mâles à la racine ?

Certaines villes font-elles toujours de l’ombre aux arbres ?

Peut-on mettre à l’ombre celui qui abat des arbres sans raison ?

Si l’arbre porte des fruits, qui supportera celui qui le coupe ?

Celui qui coupe un arbre risque-t-il de prendre une bûche ?


Le bouleau se porte-il comme un charme ?

Doit-on expliquer que pour voir la feuille à l’envers, il suffit d’aimer les arbres et la vie ?

Faut-il avoir les idées claires pour pratiquer des coupes sombres ?

Si l’arbre est de vie comment qualifier celui qui les détruit par plaisir ?

Doit-on se stère devant le massacre des arbres de nos villes et de nos forêts ?


Faut-il être une mauvaise graine pour abattre un arbre ?

Peut-on mettre en balance la longévité d’un arbre et la vanité d’un homme ?

Faire la planche peut-il être considéré comme l’ambition d’un arbre en bord de Loire ?

Si le singe est descendu de l’arbre où montera l’homme qui lui tourne le dos ?

Peut-on prendre la plume de l’oiseau pour écrire un message d’amour sur la feuille de son arbre ?



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vendredi 22 avril 2022

Les affres de la différence.

 

Un mouton pas comme les autres.






Bonjour les enfants, j’aimerais vous conter mon histoire pour que vous en tiriez des enseignements pour votre vie future. Il vous appartiendra de choisir votre voie, de savoir ce que vous voulez devenir plus tard. Je n’ai pas à vous influencer, simplement à éclairer votre lanterne, qu’en conscience vous vous déterminiez à votre tour quand l’heure du choix s’imposera à vous.


Je suis né sur la paille, non pas que ma mère fut sans ressource mais tout simplement parce qu’elle était l’une des brebis de notre éleveur. Mon père ne se souciait guère de ce rejeton de plus. En bon bélier qu’il était, il pratiquait une polygamie forcenée. Certains d’ailleurs prétendent que c’est pourquoi, nous les petits agneaux de lait sommes souvent promis au sacrifice....


Quand ma mère me vit, ce fut pour elle un choc. Elle dut repousser le désir de ne pas tendre ses mamelles, elle avait un pressentiment, une réticence que fort heureusement elle surmonta, l’instinct maternel prenant vite le dessus sur les réflexions que lui firent les commères qui assistèrent à sa mise-bas. Chez les caprins, les naissances se passent fort bien du vétérinaire.


Je n’ai pas eu immédiatement conscience de ma différence. Je buvais avidement son lait, ma mère était alors mon unique repère. C’est quand j’ai commencé à quitter le giron maternel que vinrent les premières blessures de mes congénères, les agneaux de l’année. Je me retrouvai mis à l’écart de leurs joyeuses cavalcades. Ils me repoussaient, me tournaient systématiquement le dos sans que je comprenne pourquoi.


La solitude ne me pesa pas. Je me mis à observer différemment le troupeau, les relations qui s’établissaient avec notre berger, un brave homme certes mais qui avait de terribles intentions à notre endroit. J’avais remarqué que ce n’était pas que par bonté d’âme qu’il nous nourrissait et nous soignait. Quand je compris le prix que nous devions payer pour ses services, j’en eus des frissons dans le dos… Il est vrai qu’il venait de me tondre !


J’eus beau tenter d’expliquer à mes frères et sœurs ce que j’avais compris du sort qui nous était promis, ils me rirent au museau, me mirent au ban du troupeau. Une fois encore, je ne comprenais pas ce qui me valait ce traitement, cette malveillance même à mon égard. Qu’importe, j’étais jeune, en bonne santé, l’herbe de nos prés bien grasse et la bergerie des plus confortables.


Lorsque nous rentrions le soir dans nos murs protecteurs, je m’étonnai qu’on ne passe pas la nuit dehors, libres et insouciants. Je découvris que le berger souhaitait ainsi nous réunir pour nous raconter des histoires à dormir debout. Il se mettait au centre du troupeau, son chien se couchait à ses pieds. Il réclamait le silence puis se lançait dans des histoires extraordinaires.


Elles commençaient toujours de manière fort agréable. Le décor était champêtre, les moutons vivaient heureux, entourés qu’ils étaient de l’affection d’humains bienveillants. Dans le troupeau, il y avait toujours un plus intrépide, moins discipliné que les autres qui s’égarait, allait se perdre dans la montagne ou bien la forêt. Puis le récit devenait plus sombre, le chien se levait, dressait ses poils, montrait des crocs tandis que son maître décrivait le loup puis le combat désespéré que livrait l’agneau perdu. Quand il finissait par succomber aux attaques de la bête féroce, le chien choisissait l’un de nous pour le mordre cruellement à la patte.


Progressivement dans le troupeau, la peur du loup gagna tous les esprits crédules. J’étais le seul à ne pas donner crédit à ces sornettes. C’est sans doute pourquoi, à plusieurs reprises, c’est moi que le chien choisissait pour illustrer la chute. Je percevais d’ailleurs dans le troupeau des ricanements, des airs entendus de satisfaction. C’était à croire que je fusse le bouc émissaire convenait à tout le monde. Il faut avouer qu’étant un jeune mâle plutôt costaud, je tenais à la perfection ce rôle.


Mon existence continua ainsi entre humiliations et mauvais coups. Toujours rejeté par les autres, j’avais beau les mettre en garde quand le berger avait de mauvaises intentions en tête, personne ne m’écoutait. Je prenais la tangente, j’avais appris à ne plus craindre son chien et encore moins ses histoires de loup. Quand il effrayait tous mes semblables en leur faisant croire qu’un monstre sortait du bois afin que la bande apeurée se précipite à la bergerie, je les laissais filer pour se faire tondre ou pour une sélection à destination de l’abattoir et je passais la nuit dehors.


Le berger avait renoncé à me faire entendre raison. Je pense aussi qu’il voyait en moi, une tête de cochon certes, mais les promesses d’un reproducteur d’exception. Il avait évalué les avantages et les inconvénients de mon comportement. Son intérêt penchait vers la nécessité de me laisser librement aller avant que je remplace le vieux bélier fatigué de trop de saillies. La suite lui prouvera qu’il avait tort…


Lorsque j'atteignis l’âge de remplir le service qu’il attendait de moi, l’appel de la nature me donnant une vigueur que je ne soupçonnais pas, je sentis en moi des picotements intimes. Je m’approchai d’une brebis qui avait tout pour séduire un jeune bélier. Elle était belle, souple, bien élevée, propre et si douce que j’en étais secrètement amoureux depuis toujours.


Hélas, à mon approche, elle se sauva. Il en fut de même pour toutes les autres. Aucune y compris celles que le vieux bélier avait régulièrement délaissées n'acceptèrent que je remplisse ma mission. J’étais humilié sans véritablement comprendre les motifs de ce rejet systématique. Je ne voyais pas d’issue à ma triste situation.


Le berger de son côté avait remarqué le manège. Il voulait m’éliminer, réparer son erreur en donnant la place à un jeune bélier issu d’un troupeau voisin quand survint un incident qui bouleversa notre existence. Une brebis fut d’abord prise de démangeaisons, son comportement se fit ensuite plus étrange. Elle devenait folle la pauvresse sans que personne ne puisse calmer ses souffrances.


Le berger était horrifié. Il avait compris le drame qui touchait son troupeau. La pauvre bête avait la terrible Tremblade et le malheureux éleveur savait ce qu’il allait advenir. Deux jours plus tard, des camions arrivèrent près de la bergerie, des hommes masqués, gantés et vêtus de combinaison blanches sortirent des véhicules. J’avais compris…


Le berger flanqué de son chien comme toujours, un bâton en main se plaça au bout du champ. Je le vis de près, il avait des larmes aux yeux. C’est d’une voix étranglée qu’il cria « Au loup, au loup ! » tandis que son fidèle compagnon aboyait comme un demeuré en direction du bois voisin. Dans un même mouvement, tout le troupeau se précipita vers son trépas. Ils allèrent tous se blottir dans la bergerie où les attendaient les agents du ministère.


Je fus le seul à comprendre la manœuvre, à saisir ce qui se tramait. Je connaissais une faille dans l’enclos et sans que personne ne me vit, je me sauvai loin de ce pré. Comme personne n’accordait jamais attention à ce que je faisais, ce fut un jeu d’enfant que d’échapper au massacre qui allait suivre. Mes anciens compagnons furent tous électrocutés, jetés dans une grande fosse puis couverts de chaux vive. Dans la ferme se fit un silence terrible !


Je taillai la route, je traversai le village curieusement désert. Les autorités sanitaires avaient exigé que les habitants demeurent cloîtrés chez eux. C’est en passant devant la devanture du salon de coiffure que pour la première fois, j’aperçus mon reflet dans la glace. Ce que je vis me cloua sur place. Est-ce moi cet animal si différent de tous ceux avec lesquels j’avais grandi ?


Je fis quelques gestes pour me convaincre que ce reflet était bien moi. Il ne fallait pas en douter. J’étais tout noir, voilà pourquoi ils me rejetaient tous. Différent peut-être mais encore vivant je retrouvai mes esprits et filai à toutes jambes. Je m’enfonçai dans la montagne pour m’y cacher définitivement. Je n’avais rien à craindre. Ce n’est pas à moi qu’on raconte des sornettes.


Différemment vôtre.

 


 


jeudi 21 avril 2022

Le coq de nos clochers

 Coq

 

 


 



Perché sur le toit d'une église, se morfondait

D'autant plus que l'animal a le vertige

Pourquoi diantre le vent sans cesse le tourmentait

Tout en lui imposant effroyable voltige


Il y a forcément quelque chose qui cloche

Songea celui qui tenait lieu de girouette

Il suffirait d'ôter son doigt de sa poche

Pour repérer une petite brise discrète


Le malheureux coq s'empâte tout là-haut

Découvrant qu'en ce curieux jour de Pâques

Ses chères poules dispersent leurs œufs en cadeau

Voilà attitude vraiment démoniaque


Il lui faudrait descendre de son promontoire

Pour rappeler à la raison ses compagnes

Mais il est condamné à ce maudit perchoir

Afin de garder la ville et sa campagne


Le coq aimerait bien voler dans les plumes

À ce maître qui lui enseigna le latin

Une Confusion provoqua son amertume

Tout en lui imposant cet étrange destin


Il voudrait chanter sur un tas de fumier

Réveiller au matin tout le voisinage

Quand il découvrit que même les fermiers

Ne supportent plus son matinal tapage


Le coq passant pour un vulgaire contrevenant

De colère les priva tous de son coquerique

Qu'il fut l'emblème de ce ramassis d'indigents

Avait de quoi le faire tourner en bourrique


Si cette civilisation marche sur des œufs

Les individus n'entendent pas être enchantés

Par le bruit du coq, de la grenouille et des bœufs

Leur puissant vacarme suffit à les contenter 

 


 



Albert, une tête d'étourneau !

  Albert Père siffleur renommé Albert, oiseau étourdi Quoique ainsi prénommé N'avait rien d'un colibri  À...