lundi 4 décembre 2017

Le panier magique.


Conte de l'Avent
Les envieux ne sont pas toujours heureux.



Pitchoune, tous les enfants ne vivent pas dans des conditions faciles. La vie pour certains est un long combat contre l’injustice, la pauvreté et les difficultés. Notre ami Victor a bien de la chance de vivre avec ses parents, d’avoir une maison et de quoi se nourrir. Cette histoire pourra peut-être lui permettre d’apprécier sa bonne fortune et d’en user de manière plus raisonnable.

Il était une fois une jeune fille qui, depuis la tragique disparition de ses parents, avait la charge de subvenir aux besoins de ses six frères et sœurs. Elle s’appelait Cosette, jeune fille qui dans son extrême dénuement était dotée d’un immense courage. Elle devait se débrouiller seule pour trouver de quoi faire manger ses cadets.

Cosette était au bord du désespoir. Les réserves laissées par les parents avant leur mort étaient épuisées ; il lui fallait trouver de quoi préparer l’unique repas du jour. Elle avait arpenté les rives de la rivière, cherché dans les taillis et les bosquets, tendu la main devant quelques personnes du voisinage, tout cela sans le moindre résultat. Elle n’avait rien trouvé et pourtant grand était l'appétit de ses frères et sœurs.

C'est lorsqu'on est au plus profond du désespoir que surgit parfois une petite clarté. La bonne fée Morgane croisa le chemin de la pauvrette. Voyant les yeux rougis et le visage blême de la jeune fille, la fée lui demanda ce qui la chagrinait ainsi. Cosette lui présenta la situation sans rien exagérer ; les faits étaient bien assez dramatiques pour ne pas en rajouter.

Cette franchise plut à la fée Morgane dont chacun sait qu'elle est capable de tout. La sincérité de la jeune fille toucha la dame qui adressa pourtant une étrange requête à celle qui avait charge de famille. Morgane, d'un air mystérieux, demanda à la jeune fille : « J'aimerais que tu traverses la rivière ; juste en face de là se trouve une île où il y a la plus belle oseraie de la région. Rapporte-moi une belle brassée d'osier et je te ferai un cadeau. »

Cosette ne fut pas surprise de la demande : elle avait compris depuis son malheur que les grandes personnes sont capables de toutes les fantaisies pour le paiement d'un service. Celui-ci lui semblait bien plus respectable que bien des propositions qui lui avaient été faites jusqu'alors. Cette fée ne profitait pas de la situation pour lui demander des choses extravagantes ou bien honteuses. Cette fois, Cosette n'aurait pas à rougir de la contrepartie.

Morgane, pour la rassurer plus encore, lui offrit une miche de pain noir et quelques bonnes galettes pour calmer les appétits de tous les enfants. Ils pourraient passer la nuit sans être tiraillés par des maux de ventre. Cosette la remercia d'un grand sourire et partit porter ce précieux repas à ses frères et sœurs.

Tôt le lendemain matin, elle traversa la rivière par un gué : un passage moins profond, pour atteindre cette grande île où poussent les rejets de saule qui permettent de faire l’osier. Elle fit grande récolte et ne s'émut même pas de voir les jeunes pousses se transformer, par un curieux prodige, en des brins disposés à être tressés le jour même. La fée était certainement dans le coup !

Sa mission accomplie, Cosette revint sur la berge, là-même où elle avait rencontré Morgane. Celle-ci sortit du trou d'un arbre creux et se mit immédiatement en action, tressant un grand panier bien plus vite que ne l'aurait réalisé n'importe quel artisan-maître en cet art si ancien. La fée tendit alors le panier à Cosette en lui disant : «  Voilà qui résoudra tous les problèmes des tiens. Chaque fois que tu voudras leur donner à manger, plonge la main dans le panier en pensant à ce que tu aimerais y trouver ! ».

Morgane disparut comme elle était venue, laissant Cosette à son panier et à de nombreuses interrogations. Quel pouvait bien être le sens des paroles de la mystérieuse dame ? Comment diable ce panier allait-il pouvoir nourrir nourrir ses six frères et sœurs ? N'avait-elle pas été trompée par une vaine promesse ? Les siens devaient l'attendre, leurs ventres si vides qu'elle entendait leurs gargouillis à travers la forêt.

Cosette rentra dans sa masure et demanda à sa plus jeune sœur ce qu'elle désirait manger. La petite, étonnée et incrédule, lui répondit naïvement : « J'aimerais manger des haricots verts ! » Cosette plongea la main dans le panier et en sortit des haricots. Elle demanda à son petit frère à son tour d'exprimer son souhait. Celui-ci, instruit de ce qui venait de se passer, eut une demande plus roborative : « Je voudrais un gros poulet rôti ! ». Aussitôt dit, aussitôt sorti du panier.

Ainsi, chacun exprima une demande qui fut satisfaite par le panier de Morgane. Jamais dans la maisonnette, les enfants n'avaient fait un tel repas. Et il en fut de même chaque jour : Cosette désormais pouvait nourrir les siens sans avoir à se soucier de trouver sa pitance : le panier y pourvoyait amplement.

La vie aurait pu se dérouler ainsi, la peur de la famine à jamais repoussée, quand un soir, après le dîner, un ogre surgit dans la cabane où vivaient les sept enfants. Il était effrayant, parlait très fort et était si grand qu'il les terrorisa tous. Il voulait manger et s'était emparé du plus jeune, histoire de s'ouvrir l'appétit. Cosette, arrêtant son geste avant qu'il n'enfourne son plus jeune frère dans son gigantesque gosier lui demanda quel mets, plus succulent encore que ce petit garçon, il aimerait déguster.

L'Ogre pour vorace qu'il était, n'en était pas moins un fin gourmet. Il lui dit qu'un cuissot de sanglier serait, pour lui, un mets bien meilleur que cet enfant qui, mangé tout cru, ne satisferait guère sa gourmandise légendaire. Cosette sortit du panier un cuissot si gros que le méchant monstre lâcha l'enfant …

Toute la soirée, Cosette composa un repas gargantuesque pour ce monstrueux visiteur, jamais rassasié, toujours plus exigeant dans ses demandes, d'autant qu'elles étaient toujours satisfaites. Il découvrit bien vite que du panier pouvaient surgir toutes sortes de choses, pourvu qu’on puisse les manger ou bien les boire.

L'ogre en parfait soudard, demanda de nombreux vins de toutes les couleurs. Bien vite, il eut la trogne rubiconde et l'estomac tendu comme une arbalète. C'est titubant et grognant qu'il quitta la demeure des enfants sans oublier de partir avec le panier sous le bras. Les enfants étaient tous si effrayés qu'aucun ne fit le moindre geste pour s'opposer à ce terrible vol.

L'orge avait tellement bu qu’il s'effondra, saoul comme un moine polonais, juste à côté de la rivière, là-même où la fée était apparue. Cosette se doutait, elle aussi, qu'avec ce qu'avait ingurgité ce soudard, il n'irait pas bien loin. Elle l'avait suivi à distance et sitôt le monstre ronflant comme un sonneur, elle avait récupéré son panier précieux.

La suite ne manque pas de sel. Cette nuit-là la rivière sortit de son lit : elle faisait l'une de ses redoutables colères, comme il lui en prend l'envie parfois, emportant tout sur son passage, y compris un poivrot qui cuve son vin. Personne ne déplora la disparition de ce monstre. L’ogre n'eut d'ailleurs pas à souffrir : il avait tant mangé qu'il mourut sur le coup d'hydrocution, bien puni de son immense gourmandise.

La chose ne fut pas inutile du reste. Cosette avait assisté au trépas du bonhomme, tout comme ses six frères et sœurs qui étaient partis à sa suite. Chacun vit dans cette fin tragique la juste punition du terrible péché de gourmandise.

Les enfants en tirèrent une leçon pour eux profitable. Depuis ce jour, ils n'usèrent qu'avec parcimonie des bienfaits du panier magique, n'abusant jamais des victuailles qu'ils lui réclamaient, composant au plus juste un repas équilibré et raisonnable. C'est ainsi que jamais le pouvoir du panier de Morgane ne s'ébruita et qu'ils purent vivre heureux et tranquilles, mangeant juste à leur faim pour ne pas attirer de convoitises. La modération est bonne en toutes occasions et malheur à ceux qui oublient ce précepte : la rivière ainsi que la santé pourraient bien les rappeler à l'ordre !

Diététiquement vôtre.


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