mardi 31 octobre 2023

Faire des grimaces

 

Six trouilles





Que convient-il pour vous plaire ?

Faire de fort belles grimaces

Ou bien encore en un éclair

Montrer visage qui vous menace


Pour ne pas paraître de mèche

Avec ce curieux jardinier

Qui sans prendre une bêche

Se paie ma tête pour le dîner


Me voilà dans le potage

Tout en restant parmi les choux

La pulpe en plein naufrage

Pour le bonheur des canaillous



En pleine nuit, quel piège

Pour effrayer tous les passants

On m'encombre d'un cierge

En guise de déguisement


Ma trombine fout la trouille

À qui ignore qu'à la fin

Pour beaucoup c'est la citrouille

Qui représente les défunts


Simple prétexte fallacieux

Pour encourager le commerce

Par des achats tendancieux

Au cœur de la controverse



Nuit bassement matérielle

Halloween a perdu son sens

Quand ce qui est spirituel

Est compris à contresens


Quand tous vos travestissements

Aurons fini de vous faire rire

Vous comprendrez que c'est Satan

Que vous ne cessez de servir


Spectres, fantômes et revenants

Annoncent la conclusion fatale

D'une prochaine nuit des temps

En guise de bouquet final

•••


 

lundi 30 octobre 2023

La lanterne de Samonios …


Les trois sœurs Parques






Il était une fois, en un temps très lointain, un village en bord de Loire, à la lisère de la Bretagne. Les uns prétendent que l'aventure se déroula là où se dresse aujourd'hui Mauves sur Loire, d'autres affirment que c'était à Oudon, à deux pas de là. Mais qu'importe la localisation exacte de cette étrange histoire, c'est de celle-ci qu'il faut se soucier ici …


Dans ce hameau, étaient trois sœurs qui avaient décidé de vivre ensemble tout en se passant du commerce des hommes. Elles prétendaient tenir des métiers qui étaient alors souvent réservés au sexe qu'on prétend fort. Les dames avaient du caractère en bonnes bretonnes qui se respectent ; elles avaient aussi du talent dans leur art, si bien que les clients jamais ne leur manquèrent, faisant fi de leur genre pourvu qu'elles travaillent aussi bien qu'un porteur de braies.


Arthémise, l'aînée maniait la forge et l'enclume ayant appris auprès de son père le métier de charron taillandier. Ses outils étaient célèbres dans toute la contrée pour leur finesse et leur robustesse. Elle avait d'ailleurs équipé sa cadette, Clothilde, des meilleurs instruments qui soient pour travailler le bois. Celle-ci était charpentière, comme elle aimait à dire. Elle avait de la magie dans les mains et ses pièces de bois étaient d'une beauté rare. Quant à la plus jeune, Nora, elle avait souhaité hériter de leur mère, le métier de tisserande. Elle créait les étoffes les plus solides qui soient dans le lin et le chanvre du pays breton.


Dans la demeure des filles Parques, le travail ne manquait jamais ! Les trois sœurs ne prenaient ni repos ni congés ; elles aimaient tant leurs métiers qu'elles y consacraient toute leur existence. Quand l'ouvrage de l'une exigeait de la main- d'œuvre, les deux autres lui fournissaient aide et conseils. Chacune était capable d'exécuter le travail de l'autre; c'est ce qui faisait leur force et leur grande réputation au-delà de leur province, en toutes les contrées de Loire.


Un soir de pleine lune (comment put-il en être autrement ?), un étrange personnage, maigre et élancé, au visage émacié, vint frapper à la porte des sœurs. Si l'homme avait une allure inquiétante, ce n'était nullement une raison pour lui proposer mauvais accueil. Les filles Parques n'aimaient pas juger les clients à leur mine, aussi, écoutèrent-elles attentivement ce visiteur d'un soir.


« Votre réputation est venue jusqu'à moi. J'arrive d'une région lointaine, si éloignée d'ici qu'il me semble bien improbable qu'un de vos voisins en soit revenu un jour. Pourtant c'est à vous que je souhaite confier un travail d'importance. J'ai besoin d'un bateau construit en un bois exotique : le mancenillier, que je vous ferai livrer par voie d'eau dès demain si vous acceptez ma commande. Je veux que tous les pièces de navigation soient en fer et j'ai entendu louer votre adresse en ce domaine. J'ai besoin d'une grande voile de lin que je veux noire comme la nuit et plus solide encore. Pour faire bonne mesure, j'ai besoin d'une faux dont le tranchant se situe à extérieur ! »


Les sœurs furent un peu surprises d'une telle commande. Cependant elles aimaient les gageures et l'homme leur en proposait une formidable ! Qui plus est, ce client peu ordinaire voulait être livré à la prochaine lune, le premier soir du mois de Samonios selon le calendrier celte encore en vigueur alors dans cette région. L'homme leur promettait une bourse pleine d'or si elles tenaient le pari. Elles acceptèrent bien légèrement, il me semble …


Le lendemain matin, tout ce qu'il leur fallait pour commencer cet incroyable chantier leur était livré par des serviteurs aussi peu ordinaires que leur maître. Les hommes ne dirent pas un mot, laissèrent les matériaux et disparurent aussi mystérieusement qu'ils étaient arrivés. Pourtant, une fois encore, rien ne semblait arrêter les sœurs Parques dans leur volonté de venir à bout de ce défi.


Elles se mirent au travail. La forge ne cessa de brûler durant la première semaine. Puis ce fut au tour des lames de couper le bois tandis que le rouet tournait sans arrêt. La maison était une ruche, l'atelier une fourmilière. Il y avait toujours du mouvement, du bruit, des femmes en action, allant en tous sens. Elles n'étaient que trois ; elles semblaient bien plus …


L'ouvrage avançait. Les voisins venaient regarder en s'interrogeant sur le mystère qui prenait corps sous leurs yeux incrédules. Le client, dont personne se savait rien, avait laissé des consignes précises, des plans et des dessins sur de curieux parchemins. Les sœurs accomplissaient des prouesses pour respecter un délai que nul charpentier naval n'avait jusqu'alors tenu pour construire un bateau. En plus, elles armaient le bateau pour qu'il soit prêt à servir le soir prévu de la livraison. Manifestement, c'est la belle embarcation d'un passeur qu'elles réalisaient là.


Le soir de la commande était venue. Le travail était achevé. Arthémise, Clothilde et Nora n'avaient guère pris de sommeil durant cette lune. Elles n'en oubliaient pourtant pas la fête de Samain qui devait se tenir cette nuit là. Arthémise prépara selon la tradition, un formidable feu dans la cheminée et posa sur la table des bûches afin que de mystérieux visiteurs puissent se chauffer pour leur long voyage. Clothilde avait mis à cuire de succulentes pâtisseries et elle les avait laissées, elle aussi, sur la table pour les inconnus qui étaient attendus. Quant à Nora, elle avait trouvé le temps de tisser de grandes capes qui étaient également promises à ceux qui devaient passer dans la nuit …


Ayant respecté la coutume comme elle se pratiquait alors, les sœurs Parques, l'esprit tranquille s'étaient rendues en bord de Loire pour livrer leur ouvrage à celui qu'elles attendaient. Celui-ci arriva bien après le coucher du soleil, au moment où la Lune, grosse et ronde montait fièrement dans le ciel. L'homme était encore bien plus inquiétant que lors de sa première visite. Dans la nuit , ses yeux brillaient d'une curieuse lueur.


Il admira le travail des trois sœurs. C'était en tous points semblable à ses désirs. Il se frottait les mains, jamais on ne lui avait construit un bac aussi élégant , une faux aussi fine et tranchante, une voile aussi noire et solide. Fou de joie, il se mit à sauter , se lançant dans une danse diabolique avant de retrouver ses esprits. Il récupéra ses parchemins afin que nul ne puisse reconnaître son bateau.


« Mesdames, vous avez réalisé des merveilles. Vous méritez bien l'immense récompense qui vous attend sur l'autre rive : une bourse pleine de belles pièces d'or comme jamais vous n'en avez eu. Mais pour la mériter , il faudra m'accompagner et remplir une petite condition. Vous tiendrez une chandelle et , si celle-ci ne s'éteint pas durant la traversée, vous serez payées au-delà de vos espérances. Mais si la flamme vient à disparaître, vous devenez mes passagères et jamais vous ne reverrez les rives de la Loire ! »


N'importe quelle femme de ce pays se serait enfuie mais point nos sœurs Parques. Elles se concertèrent et la cadette se précipita dans le jardin de la maison et revint avec une belle gourde pèlerine appelée encore calebasse quand on la vide. Sa sœur la creusa avec l'adresse de celle qui manie le couteau à bois en façonna une lanterne dans laquelle l'aînée fixa soigneusement la chandelle.


Le mystérieux client regardait d'un air sardonique ces préparatifs qu'il jugeait vains. Sûr de son pouvoir, il embarqua les dames, certain d'avoir gagné de nouvelles âmes. Subitement, au milieu de la Loire, le vent se leva et souffla avec une force incroyable. Dans le même temps, des trombes d'eau tombèrent du ciel. La rivière s'agita, le bateau allait au gîte. Mais rien n'y fit ; la chandelle continua de briller fièrement à l'abri de sa calebasse, accrochée solidement à la vergue.


Arrivé à l'autre rive, l'Ankou, puisque c'est de lui qu'il s'agit, dut reconnaître sa défaite. Il remit à contre-cœur une grosse bourse aux trois sœurs et disparut sur la Loire à bord de sa célèbre barque . Beaucoup de gens du pays eurent un jour à utiliser le bateau et son étrange capitaine. Aucun n'en revint jamais. Seules les sœurs Parques avaient vaincu le démon.

Pour revenir chez elles , elles durent faire un grand détour en allant chercher un pont fort loin sur la Loire car l'Ankou, mauvais joueur, ne les avait pas reconduites sur la bonne rive. Enfin elles retrouvèrent leur demeure. Les présents qu'elles avaient laissés sur la table, avaient disparu. Leur client manifestement , avait eu le temps de trouver des passagers pour la traversée dans l'autre monde et ces derniers étaient venus quérir les présents pour ce long voyage. Longtemps, très longtemps encore, le bateau de l'Ankou remplit son terrible office. Il faut dire que les sœurs avaient fait du bel ouvrage.

De nos jours, certains prétendent creuser des citrouilles pour célébrer la nuit des défunts. S'ils réveillent ainsi de vieilles légendes celtes, s'ils commémorent sans le savoir la fête de Samonios, ils commettent une grave erreur, les cucurbitacées en ce temps-là n'étaient pas connues en Europe. Riez donc sous cape et pensez, en voyant leurs grimaces feintes, qu'il faut être bien gourde pour confondre une calebasse et une citrouille. Les sœurs Parques ne s'y étaient pas trompées et c'est ainsi qu'elles purent vivre le reste de leur âge. On ne s'approprie pas une légende ancienne sans en connaître la véritable histoire. C'est la seule morale de cette fable de Loire …


Quant à ceux qui croient aux pitreries d'Halloween, il se murmure que jamais les sœurs ne dépensèrent les pièces d'or gagnées de si étrange manière. Elles se dépêchèrent de les enterrer bien vite dans leur jardin. Il se dit qu'en ce lieu mystérieux, poussent encore des « Cucurbita lagenaria ». C'est ainsi qu'il vous sera possible d'employer votre soirée à des choses bien plus utiles ; au lieu d'importuner les braves gens, cherchez donc le trésor des sœurs Parques quelque part entre Mauves et Oudon.



dimanche 29 octobre 2023

V'la la band'à Pochtron

 

La bourrée du Pochtron





Accrochez-vous tous au bastingage

Il y aura grand remue-ménage

D'énormes vagues et du tangage

Avant de pathétiques naufrages


V'la la band'à Pochtron

À ce bal du ponton

Rien moins que des poivrots

Qui ne boivent jamais d'eau


Tu guinches en cadence

Tu t'berdilles c'est facile

Tu entres dans la danse

Pour séduire les filles

Te voilà de guingois

Retourne vite au bar

C'est juste quand tu bois

Que tu fais le jobard


V'la la band'à Pochtron

À ce bal du ponton

Rien moins que des poivrots

Qui ne boivent jamais d'eau


Tu la prends par la taille

Elle t'envoie valdinguer

La drôlesse en bataille

Te trouve trop aviné

Jusqu'au bout d'la soirée

La trogne rubiconde

Tu préfères te bourrer

De bières blondes


V'la la band'à Pochtron

À ce bal du ponton

Rien moins que des poivrots

Qui ne boivent jamais d'eau


Laisse donc les jupons

C'est pas pour toi à c'heure

Vide encore un cruchon

Au bout de ta noirceur

Tu cuves en solitaire

Toi qui finira rond

Restant célibataire

Marié à ton cruchon


V'la la band'à Pochtron

À ce bal du ponton

Rien moins que des poivrots

Qui ne boivent jamais d'eau


Accrochez-vous tous au bastingage

Il y a eu grand remue-ménage

D'énormes vagues et du tangage

Avant ces déplorables naufrages


 

samedi 28 octobre 2023

Le mot de la fin.

 

La mort du temps !




En ce jour funeste, le verdict venait de tomber : la cour, conjuguant ses efforts, a décidé de tuer le temps. La décision s’impose à tous ; l’accusé est passé de mode : il a fait son temps. Il n’y a plus à revenir sur la chose :  «  Ô temps, suspends ton vol ! » aurait pu déclamer le bourreau, chargé d’ouvrir la trappe sous celui qui avait tant ponctué nos existences. Le temps révolu, il n’y avait plus aucun espoir d’envisager l’avenir, de considérer le présent et de se souvenir du passé. L'exécution à venir allait saper les bases de notre société. Mais revenons quelques instants, s’il en est encore temps, sur cette ultime page de notre histoire...


Mis au ban des accusés, pour sa défense, le temps avait présenté des arguments bien dérisoires. Son bilan était si médiocre que les jurés ne prirent pas pour argent comptant ces arguties d’une autre époque. Le temps avait bégayé, avait répété sans cesse les mêmes propos qui avaient fini par lasser l’assistance et la cour. Il revenait toujours au même point, semblant ne pas parvenir à développer sa rhétorique. Sa pensée s’ensablait dans les méandres d’une mémoire défaillante et ses arguments étaient devenus obsolètes.


L’accusation quant à elle, s’étaient montrée impitoyable.  «  Le temps nous a leurrés en prenant ses désirs pour des réalités. Le temps tourne en boucle, son cycle quotidien manque de ressort, il n’a pas réagi quand les hommes ont voulu remonter son cours. Le temps s’est étalé, sans pudeur, sans retenue. Un grain de sable étant venu s'immiscer dans son immuable répétition. Le temps refuse de regarder en arrière et fait obstacle à ceux qui veulent aller de l’avant. Il s’est fourvoyé quand il a abandonné ses aiguilles pour l’affichage numérique.»


Des experts vinrent témoigner de sa vacuité.  «  Le temps dessert les hommes, les force à courir après lui, leur impose des cadences infernales. Le temps est impitoyable pour ceux qui en manquent, bien trop généreux pour ceux qui n’ont pas la nécessité de le mesurer. Pire que tout, le temps se monnaie, fixe un barème pour son usage. Il se vend au plus offrant et ne se donne qu’à notre dernière heure ! »


Des témoins de moralité, avec empressement, osèrent affirmer que tout est relatif, que le temps dépend de notre perception des choses, qu’il ne sert à rien de l’accuser de tous nos maux. Le temps ne serait ainsi que la malheureuse victime de nos faiblesses. Quand nous prenons plaisir, nous l'abolissons, dans l’ennui, nous ne cessons de l’étirer sans fin pour prétendre avec une parfaite mauvaise foi qu’il a fini par s’arrêter.


« C’est justement le problème avec le temps : il veut toujours avoir le mot de la fin , rétorqua l’un de ses plus virulents pourfendeurs. Le temps est fondamentalement mauvais, surtout quand il est pourri ou qu’il se fait maussade. Le temps joue sur nos nerfs et affecte notre moral, fait pleuvoir des calamités sur nos têtes ». La charge était terrible mais le pauvre homme s’était trompé de temps ! Il était fait comme une grenouille dans son bocal …


« Le temps n’a jamais fait la pluie et le beau temps, répliqua, cinglant, l’avocat de la défense en une tirade dont il avait le secret. Le temps ne se mesure pas, il s’égraine, il file entre les doigts. Ne pensez pas le tuer avant de l’avoir attrapé ; ce serait encore une fois se jouer d’une illusion éternelle. Le temps est intemporel et c’est bien ce qui vous met en rage. Il se conjugue en se passant des modes et des accords !»


Malgré le talent de l’orateur le verdict tomba sans appel. Le temps était condamné ; il fallait le tuer sans autre forme de procès. Le temps ne pouvait faire appel ; sa dernière heure avait sonné et la sentence devait s’appliquer dans l’instant. Mais comment déterminer l’ultime seconde en l’absence de la collaboration de la victime ? Le temps n’avait pas l’intention de se laisser tuer sans abattre sa dernière carte.


Et voici que le temps, en un ultime soubresaut, abolit l’espace en même temps que sa propre existence. Les aiguilles s’étaient arrêtées, le tribunal disparaissait dans les limbes en un éclair fulgurant ; la fin des temps venait de s’opérer. Le temps avait échappé à la folie des hommes en se sabordant en un geste sublime. Ceux qui avaient voulu le plier à leurs désirs venaient de se perdre à tout jamais. Le temps sortait triomphant, du moins le pensait-il. Mais bien vite, il déchanta ! Sans les hommes, qui pouvait bien encore accorder la plus petite importance à son existence, égrainer des minutes qui se perdaient dans le vide ?


Le temps était de la revue. Il s’était pendu au balancier d’une franc-comtoise qui lui avait mis ses plombs dans la tête. L’anéantissement de l’humanité fut son coup de grâce. Le temps avait commis sa plus grande bourde et le glas qui sonnait au loin annonçait la nuit des temps. Finalement, Dieu ne vit pas d’un très bon œil cet ultime geste de désespoir. Sa créature la plus aboutie venait de lui faire faux bond. Le tout puissant était bien décidé à remettre les pendules à l’heure mais le jour suivant ne se leva jamais. Un vide céleste l’avait remplacé.


L’enfer aurait pu ouvrir grand ses portes. Il y aurait foule à prétendre se réchauffer à ses flammes pour l'éternité. Hélas, là aussi, tout n’était plus que poussière : le temps anéanti, plus rien de ce qui avait été ne pouvait désormais subsister. Ce récit ne parviendra jamais à son terme, le temps manquait dorénavant pour se payer le luxe d’un point final...



vendredi 27 octobre 2023

Cousins et cousines à tire-d'aile

 

Quelle famille !





Mais que lui arrivait-il soudainement

Pour qu'il se couvre ainsi de cendre

Lui qui de la rivière était le garant

Entre le brochet et le sandre ?

 



Jadis le prince en son royaume

Ne s'embarrassait d'aucun concurrent

Convaincu de ce bel axiome

« De tous, il passait pour le plus charmant ! »



Puis cousins et cousines à tire-d'aile

Vinrent au pays établir domicile

Certaines s'octroyant la part belle

Avec leurs manières graciles



Le héron cendré à l'évidence

Dut se résoudre à faire place

À cette nouvelle dissidence

Plus nombreuse que populace




Quand l'aigrette garzette ouvrit le bal

Ne se douta pas qu'à sa suite

D'autres envahiraient alors son Val

D'intrusions pas toutes fortuites



Puis la grande aigrette à son tour

Vint imposer sa douce blancheur

Sur les grèves et partout alentour

Elle attira les randonneurs



Le pauvre dut se résoudre à faire place

À son petit cousin le bihoreau

Un trapu qui manquait de classe

Quand il avait les pattes dans l'eau



La famille encore une fois s'agrandit

Quand dans les terres le héron garde-bœuf

Trouva alors troupeaux et prairies

Pour dans notre région y faire la teuf



Enfin, le plus coloré de tous

Trouva aussi la Loire à son goût

Sa robe pourpre et sa frimousse

Avaient de quoi rendre son voisin jaloux



Pour attirer à nouveau les regards

Héron cendré se fit cabotin

Devant les photographes hilares

Prenait la pause, tel un diablotin !



Poussant plus loin encore la fantaisie

Se mit à réclamer sa pitance

En s'approchant du pêcheur son ami

Attendant de lui sa subsistance


 

jeudi 26 octobre 2023

La mouette s'en rit

 

Mouette




La mouette survole les difficultés de l'heure

Poursuivant son petit bonhomme de chemin

Elle passe toutes ses journées au bord de l'eau

Indifférente à l'agitation des humains


C'est vers la rivière que vont tous ses regards

Source de toutes choses pour la demoiselle

Bien que ces maudits bipèdes sans nul égard

Font de son domaine une infâme poubelle


Prenant de la hauteur, elle observe la chose

Détritus et immondices s'accumulent

Une curieuse forme d'apothéose

Pour cette civilisation qui fait tant d'émules


La mouette se désole en son fort intérieur

Elle adorerait leur donner des coups de bec

Hélas, ceux-là la jugent leur inférieure

Bien loin encore de ces pauvres ouzbeks


Ne pourrait-elle pas leur voler dans les plumes ?

Montrer ainsi sa légitime indignation

Frapper sur leur tête du bec et de l'enclume

Que de leurs crimes ils fassent expiation


Hélas rien de tout ça ne lui est possible

Le bel oiseau n'a pas accès à la parole

Sa colère est parfaitement indicible

Même proclamer sur une banderole


Notre oiselle cessa à jamais de rire

Désormais jamais elle ne sera heureuse

Les larmes effacèrent son joli sourire

Et devint pour toujours Mouette Pleureuse


 

mercredi 25 octobre 2023

Une aventure qui continue.

 

Ondes bleues la Radio.





« N’aurais-tu pas envie de nous raconter des histoires à la radio ? » Même si la question fut formulée avec cette fameuse forme interronégative qui laisse peu de place au doute ou au refus, elle toucha en plein cœur le conteur, condamné comme beaucoup d’autres au silence imposé à toutes les formes d’expressions culturelles.


C’est sans hésiter une seule seconde que j’acceptai cette main tendue à l’extrémité de laquelle il me faudra adjoindre un micro d’autant plus qu’un comparse m’avait devancé pour évoluer dans le même registre. Je n’allais tout de même pas laisser toute la place au barde Rohan. Il me faudrait imaginer une forme adaptée à ce média si particulier qui brille à la fois par une apparente facilité et une incroyable dimension universelle.


Si parler semble naturel à un bonimenteur il en va tout différemment quand il est soudain question de s’enregistrer pour une transmission différée. Cette fois, les innombrables et insupportables tics de langage, défauts de prononciation, bredouillements et autres bruits intempestifs ne pouvaient plus passer comme une lettre à la poste grâce à une pitrerie ou une facétie. Les auditeurs seraient contraints de supporter mon articulation défaillante et tous mes défauts de langue.


Je me souvins alors de toutes les remontrances que me faisait ma collègue d’écriture, qui femme de radio, ne supportait pas de m’entendre lire à haute voix un passage de notre roman commun. Je voyais là un petit pied de nez à ses railleries qui n’était pas pour me déplaire. J’allais sans doute évoluer à contre-emploi, avec mes gros sabots et mon air bête mais qu’importe, ce défi ne m’en attirait que davantage.


Mais comment m’en tirer honorablement à bon compte ( conte) ? Étant passablement cossard, je voulais exploiter les enregistrements déjà effectués pour ma chaîne YouTube en dépit de leur médiocrité technique. Renoncer à la perfection a depuis toujours constitué mon penchant naturel, poussant le vice lors de mes prestations, à ne pas préparer à l’avance un programme et à encore moins préparer des récits pour l’occasion. En bon funambule de l'inutile je n’aime rien tant que le fil du rasoir. De là à courir le risque d’être rasoir, il n’y a qu’un pas de côté à ne pas faire.



J’optai donc pour l’approximation, une forme qui me serait sans nul doute spécifique sur cette nouvelle web-radio. Chacun se distingue comme il peut, je trouvais là une spécificité que nul ne viendrait me contester. Maintenant que la forme était ce qu’elle serait, sans artifice ni amélioration, il fallait trouver un fond pourvu qu’il fut de bon commerce.


C’est alors que me revinrent en mémoire mes premières années d’enseignement durant lesquelles j’aimais raconter un page d’histoire ou évoquer un thème de société en parsemant mon exposé de chansons qui abordaient ce sujet. Rien de très original mais une manière plaisante d’agrémenter ce qui devenait un cours en musique. Par contre, annoncer la chanson risquait de briser l’unité de ce moment. C’est ainsi que mes contes seraient segmentés pour que s’y insinuent des chansons forcément francophones, évoquant directement ou non, le contexte du récit. Les moteurs de recherche étant de précieux alliés pour découvrir des pépites.


La petite crique océane de 30 minutes qu’on m’avait initialement confiée devint par la magie d’un auditoire satisfait par mes simagrées, une grande plage ligérienne d’une heure où le sable n’est pas toujours fin. Je dus construire un programme autour de deux contes en cherchant une cohérence entre eux tout en ajoutant éventuellement un poème de mon cru. Les auditeurs faisant preuve d’une curieuse mansuétude à mon égard.


L’aventure continue pour l’instant jusqu’à ce que, lassé, on me coupe le sifflet. Avant que cette mésaventure ne survienne, passez donc m’écouter si le cœur vous en dit. Ce n’est pas très compliqué, je vous attends chaque jeudi de 11 h à 12 h ainsi que dans la nuit de 1 h à 2 h pour nos amis québecois. Il vous suffit de vous brancher sur votre ordinateur ici ! Profitez de l’aubaine surtout pour écouter les autres émissions.  À bientôt.


 

 


mardi 24 octobre 2023

De la soupe à la grimace.

 

L’étonnant destin d’une citrouille.





Une citrouille fit un jour la grimace quand son jardinier de géniteur lui apprit qu’elle terminerait ses jours dans une soupe. La dame, dans sa belle robe orange en fut toute contrariée. Elle qui était la plus belle, la plus grosse, la plus imposante en somme dans le jardin, aurait aimé une place de roi à la table de son maître. Cette perspective lui restait en travers de la gorge. Elle n’entendait pas rester ainsi les tiges ballantes, il lui fallait agir sans tarder pour échapper au brouet.


La citrouille avait pour amie, la petite fille du jardinier. Une adorable petite Margot qui, avouons-le ne goutait guère aux potages. Gourmande, la gamine était plus versée sur les desserts. Elle comprit l’angoisse de ce légume pour lequel, elle avait une affection toute particulière depuis qu’on lui avait raconté les aventures de Cendrillon.


Que faire pour venir en aide à cette belle cucurbitacée ? La petite aimait à nommer ainsi les citrouilles à ses camarades de classe afin de leur montrer toute l’étendue de son savoir végétal. Les enfants sont ainsi, ils aiment à avoir des mots plein la bouche alors que les adultes ne songent qu’à y glisser des friandises sans saveur.


Margot se mit en cheville avec la belle citrouille pour lui épargner une mort infâme dans une marmite de sorcière. Sa grand-mère en effet utilisait encore une énorme cocotte en fonte qui effrayait la petiote. Elle imaginait que sa mamie y confectionnait des potions maléfiques, des brouets diaboliques d’autant que si ce n’était pas des soupes, c’était des plats en sauce, le plus souvent avec du vin, qui lui retournaient l’estomac.


Pire encore, sa vieille Mâ comme elle l’appelle utilise un balai en fibres noires de piassava, un palmier qui pousse au Brésil alors que la citrouille vient elle du Mexique. Margot aime à voyager en cherchant l’origine des choses ce qui ne l’empêche nullement d’avoir des superstitions et des peurs bleues. Elle doit absolument sauver le beau légume et éviter par la même les sempiternelles disputes quand il s’agit de manger sa soupe.


C’est dans un vieux grimoire que la petite a découvert une bien étrange histoire de fêtes païennes où l’on s’amusait à se faire peur. Très en avance pour son âge, Margot pensa qu’avec les païens il n’y aurait nul risque d’être accusé de blasphème. Elle pouvait agir tout à sa guise sans risquer l’anathème. C’est ainsi qu’elle grima sa citrouille en pomme bleu d’Australie, un des fruits qui la font voyager dans ses livres de botanique.


La citrouille fut sans plus tarder peinte toute en bleu, couleur qui avait de quoi rebuter une cuisinière, fut-elle un peu sorcière comme sa grand-mère. Ce fut les cris d’orfraie de son grand-père quand il découvrit la farce qui lui indiquèrent qu’elle n’avait pas manqué son coup. Le pauvre homme crut à l’intrusion d’une nouvelle maladie, un mal mystérieux qui allait transformer son potager en arc en ciel ou en nuancier pour peintres amateurs.


Il en eut, le malheureux des palpitations et un sacré coup au cœur. Margot, loin d’en être effrayée songea que sa citrouille allait connaître une nouvelle destinée. La gamine aimait jouer à faire peur, elle se mit à l’ouvrage pour transformer sa camarade végétale en un monstre grimaçant dans lequel elle glissa une bougie. C’était une belle mort pour la citrouille, un départ pour l’autre monde sans finir dans l’estomac des humains.


Ce que venait d’inventer Margot eut un succès qui dépassa ses espérances. Mais les gens n’y connaissent rien et pour effrayer les petits enfants, ils se contentent de creuser la citrouille sans prendre la peine de la peindre. La peur est bleue, il n’y a pas à revenir dessus et il convient de laisser la couleur orange aux alertes de ce bas-monde. Laissons Margot à sa peinture, elle a décidé cette année de peindre six cucurbitacées en bleu, ce seront les citrouilles bleues d'Halloween. Son grand père qui a compris, lui donne un petit coup de main en cachette de la grand-Mâ, ça va de soi.


 



lundi 23 octobre 2023

J'aimerais tant vous parler d'elle

 

Ses habits de lumière




J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Dans les yeux des lavandières


Elle se glisse dans son lit

Majestueuse et docile

Se donne à toutes vos envies

Quand elle se fait gracile


Elle vous chasse sans pitié

Coléreuse et farouche

Gronde le long des sentiers

Arrachant toutes les souches


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Dans le creux des sablières


Elle se répand sans retenue

Gracieuse et câline

Se montre alors toute nue

Pour une nuit coquine


Elle se refuse soudainement

Frondeuse et violente

Repousse sans ménagement

Celui qui la croyait dolente


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Le long de ses gravières


Elle se prélasse sans détour

Paresseuse et offerte

S'abandonnant à votre amour

Sans vous avouer sa défaite


Elle vous chasse un peu plus tard

Rageuse et cinglante

Affirmant sans aucun fard

Qu'elle ne sera plus votre amante


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Au détour de la rivière


Vous l'avez sans doute compris

Elle est ma merveilleuse Loire

Aimée beaucoup, à la folie

D'une passion à ne pas croire


Vous l'avez sans doute compris

Et il vous faudra bien me croire

Je l'aime plus qu'à la folie

Ma si douce et tendre Loire

J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

A mes envies marinières

•••


 

dimanche 22 octobre 2023

Normal c'est un morveux.

 

Avoir quelqu'un dans le nez.







Depuis plusieurs années, je ne cesse à chaque instant d'avoir quelqu'un dans le nez, un locataire insupportable, un être détestable qui a élu domicile dans mon tarin. Une véritable obsession car pas un jour ne passe sans que je n'essaie de l'en déloger et ceci sans le moindre succès. Je pensais jusqu'alors être le seul dans ce cas, le seul à vivre ce calvaire de souffrir d'un locataire nasal que personne ne peut contraindre à expulser.


Les lois sont mal faites et ne protègent pas les propriétaires d'un nez ordinaire qui ne peuvent jouir à loisir de leur cher appendice. C'est vraiment la crotte comme le diraient mes enfants qui voient le loup partout. J'en viens parfois à penser qu'ils sont de mèche avec cet indésirable, ce parasite qui m'irrite, me tourmente, m'exaspère, me rend la vie impossible.


Qui plus est, ce squatteur est un petit morveux. C'est sans doute la raison qui lui fit porter son choix sur mon nez plutôt que sur son palais. Il est vrai que dès que je le vis se pointer dans le paysage, je le gratifiai d'un pied de nez irrespectueux. Attitude enfantine que je ne cesse de regretter. L'autre profita de ce geste pour me couper l'herbe sous le pied afin de pouvoir aisément s’incruster dans mes narines.


Curieusement, cet indésirable, ce parasite nasal, ne manque pas d'air si bien qu'il ne cesse de me gonfler à longueur de temps. J'aimerais tant qu'il prenne la poudre d'escampette au lieu de quoi, c'est une toute autre poudre qu'il m'introduit de force dans mes naseaux. J'étouffe, je perds contenance devant ses comportements douteux, ses marques de mépris.


Je voudrais me moucher du nez mais voilà qu'il m'est revenu aux oreilles que je n'avais nulle légitimité à expulser l'immonde personnage. Il serait dans mon nez par la volonté d'un suffrage auquel je n'ai pas apporté ma voix. Je suis donc condamné à le supporter encore de longues années, un calvaire tant mon nez me pique, me gratte, m'insupporte.


J'ai parfois des mouvements d'humeur vite réprimés par mon locataire qui frappe là où ça fait mal. Je saigne alors du nez sans raison apparente, frappé que je suis par son comportement détestable. Je perds mon sang, je me retrouve en situation de faiblesse tandis que la tension monte autour de moi. Je découvre alors, ébahi et circonspect, que nombre de mes semblables se plaignent du même phénomène.


Le même parasite a investi leurs propres nez. Je ne suis donc pas le seul à l'avoir dans le nez. L'indésirable aurait donc don d'ubiquité y compris à travers la planète. Voilà qui me fait une belle jambe. Je ne peux me satisfaire de ce constat sans réagir. L'idée m'est venue de proposer une union sacrée de toutes les victimes de ce ruissellement nasal. Évacuons l'intrus, mouchons-nous du nez et cessons le de le faire du coude comme nous l'ont imposé ses complices.


Je n'avais jusqu'alors pas saisi le but précis de cette absurdité. Se moucher du pli caudal et non du coude (car il s'agit toujours de nous prendre pour des imbéciles) n'avait d'autre intérêt que de laisser en place le petit morveux. Il est grand temps de prendre le taureau par les cornes, de laisser tomber qui plus est le mouchoir en papier à usage unique, incapable d'extirper l'immonde morve. Emparons-nous d'un tire-jus, d'un grand mouchoir à carreaux et évacuons du nez ce pitoyable personnage.


Le laisser sur le carreau, voilà bien la seule perspective réjouissante, pourvu qu'il soit de Cholet, le mouchoir servira de réceptacle à ce triste épisode d'une Raie Publique pestilentielle qui fait son chou gras dans nos appendices. À vue de nez, le temps est venu de se moucher très fort.





samedi 21 octobre 2023

Bateau de papier

 

Bateau de papier





J’ai glissé quelques mots

Sur un petit bateau

Pliage de papier

Quêtant sa destinée

Magnifique bannière

Sur ma belle rivière

Poussée par son courant

Pour se rendre au couchant


Vogue petit bateau

Au gré de tes tourments

Porte ce doux fardeau

Par delà l'océan


J’y ai glissé mon cœur

Mes rêves en couleur

C’est un petit message

Pour un si long voyage

Espérant en retour

Une marque d’amour

Un signe du destin

Un tout autre demain


®


Ce n’est qu’une maquette

Partie en goguette

Une bouteille à la mer

Envoyée de la Terre

Hélas, mes rêves déçus

Ne sont jamais revenus

Le papier a coulé

À la première ondée


®


Qu'importe l'issue fatale

Pour ce qui fut mon fanal

Ces mots n'ont pas sombré

Avec ce pliage de papier

Leur écho court encore

Se transmet de port en port

Murmure d'un fol espoir

Confié à la Loire


Vogue petit bateau

Bien loin de nos tourments

Efface tous nos fardeaux

En dépit du gros temps





Un écureuil s'éprit d'une taupe

  Amours énantiotropes Un écureuil s'éprit d'une taupe Comble d'un amour énantiotrope Lui perché sur son gra...