Conte de l'Avent
Fonder
une famille !
Mon
petit Pitchoune, écoute cette histoire. Elle est vraie et en dit
beaucoup sur les hommes. Elle s’est passée près de chez nous et
je te prie de te faire ton opinion, loin des préjugés et des idées
reçues.
Il
était une oie, une
belle dame blanche qui se posa sur la Loire. Elle en avait assez de
la grande migration et laissa ses congénères poursuivre leur
chemin. Elle décida, bravant les lois de la nature, de se faire
sédentaire et de fonder une famille avec un beau mâle du pays.
C’est ainsi que l’on fait souche songeait celle qui venait de si
loin.
Nous
allons suivre ici les vicissitudes de notre oie volage ! Repoussant à
jamais le long voyage vers Alaska, notre belle demoiselle désirait
vivre le reste de son âge, sur les eaux douces de la Loire. Elle
allait jeter son dévolu sur l’un des autres oiseaux qui vivent en
ce pays qu’on appelait autrefois la Vallée des Rois.
La
dame, convaincue de son pouvoir de séduction se mit en demeure de
séduire le maître de ces lieux. Ce fut au Balbuzard, ce beau et
grand rapace pêcheur qu'elle fit les yeux doux. Quand on mesure 65
cm, on rêve d'une descendance de belle taille. Hélas, notre ami ne
vit pas d'un bon œil cette éventuelle compagne. « Je crains
madame, de ne pas pouvoir unir ma destinée à la vôtre. Si nous
avons la même taille, vous pesez bien moins? que moi. » Voilà
bien des considérations de mâle prétentieux se dit-elle, en s'en
allant plus loin !
Elle
retint la leçon du poids et de la taille pour aller faire sa demande
à un majestueux cygne. « Veux-tu devenir mon mari ? » lui
demanda-t-elle sans préambule, la dame était directe. L'animal
interloqué examina sa prétendante avant que de rejeter sa
proposition. « Non, ma chère, notre union ne serait pas prudente !
Les hommes d'ici ont oublié que nous les cygnes étions autrefois
des plats de fête. Mêler ma destinée à une oie pourrait réveiller
ces vilaines manières culinaires. Allez voir de possibles époux qui
n'ont pas peur des fourneaux ! » Elle s'en alla déconfite,
l'argument lui ayant provoqué des sueurs froides !
Elle
fit alors la cour à un étrange oiseau qui faisait le pied de grue,
immobile près de la berge. « Noble pêcheur aux aguets, si ton bec
est aussi long que ton aiguillette, je devine en toi un reproducteur
puissant qui pourrait, si l'envie t'en prenait, me donner bien des
poussins à l'allure altière ! » Le héron, puisque c'est de lui
qu'il s'agit, rejeta la proposition qu'il trouva fort cavalière. «
Madame, ni l'habit ni le bec ne font le moine ! Comment pourriez-vous
vous percher à la cime de l’arbre dans ma héronnière ? Mon
pauvre nid ne supporterait pas votre poids. » Non vraiment se
dit-elle, les oiseaux de ce fleuve-là ne savent pas cacarder aux
belles dames !
Elle
avait subi trois échecs qui la rendaient fort triste. Mais toujours
désireuse de vivre ici, elle décréta de briser les lois des
apparences. Elle se précipita vers un oiseau en tous points
différent d'elle, le cormoran qu’on nommait jadis, le corbeau
marin. « Mon bel ami, voulez-vous être mon concubin ?» La demande
était franche, la réponse le fut tout autant. « Ma belle dame au
plumage si blanc, je suis fort honoré que ma parure noire ne vous
ait pas effrayée. J'accepterais volontiers la demande si un petit
détail ne venait à me contrarier. Les hommes ont perdu l'habitude
de gober mes œufs, c'est désormais pourquoi, nous, les cormorans,
sommes si nombreux sur les bancs de sable. Notre union pourrait
réveiller bien des envies. On ne fait pas d'omelettes sans briser
nos vœux ! ».
Cette
fois, l'oie reconnut que la remarque était judicieuse, elle alla
chercher sa bonne fortune ailleurs ! Le bon accueil du Cormoran lui
avait redonné du courage. Elle se mit en quête d'un nouveau
compagnon. C'est vrai que les oiseaux ne manquent pas en cette Loire.
C'est à n’en point douter un paradis pour eux. Dans le lot hélas,
nombreux étaient ceux qui bien que d'excellente compagnie, n’était
pas taille à se marier à elle.
La
mouette se rit d'elle, la Sterne consternée lui apprit qu’elle ne
passait pas l’hiver ici, les autres se montrèrent plus courtois.
Le gravelot ne lui tint aucun propos graveleux, la guifette se fit
aimable, le grèbe habituellement castagneux se fit charmant avec
elle. Le chevalier lui proposa d’être son servant, le vanneau lui
parut fatiguant, la bécassine un peu sotte et l'aigrette, bavarde
infatigable, se prenait pour gazette du fleuve !
Hélas
pas de compagnon en vue ! Le temps passa, la fin de la saison des
amours la laissa célibataire. Pourtant la demoiselle ne changea pas
sa détermination première. Au printemps suivant, elle en est
certaine, elle trouverait oiseau à marier. L’oie n’était pas
demoiselle à baisser les ailes, il lui en fallait bien plus ...
En
attendant ces jours meilleurs, voilà qu'il fit sur notre région un
froid de canard. Les eaux de tous les étangs, les fosses et les
petites rivières se figèrent, prises par le gel. Même la Loire
charriait en maints endroits de magnifiques fleurs glacées.
Heureusement, le courant du fleuve permettait sous notre pont Royal
de garder un mince filet d’eau mouvante.
C'est
là que tous les oiseaux du pays se serraient les ailes pour se tenir
au chaud. Arrivèrent sur la Loire des oiseaux peu habitués à y
séjourner. Des barbaries, des colverts et surprise pour notre oie,
un magnifique jars domestique sur lequel elle jeta son dévolu. Ils
se plurent immédiatement, l'animal de ferme lui trouvant caractère
plus trempé que les femelles de sa cour. Ils décidèrent d'unir
leurs destins. Quand la débâcle arriva, la fonte de la glace suivit
l'embâcle, tous les visiteurs s'en retournèrent chez eux, le jars
quant à lui resta près de sa belle dame blanche sur les rives d'une
petite île boisée.
Vinrent
bien vite les beaux jours et leurs amours réjouirent ceux qui eurent
le bonheur d'assister à leur parade nuptiale. Jamais on ne vit
spectacle plus charmant ! De beaux enfants finirent par briser leur
coquille, ils étaient les fruits qu'on croyait bénis de cette union
ligérienne.
Mais
les hommes viennent parfois se mêler de ce qui ne les regarde pas.
Des savants pensèrent qu'il y avait là union contre nature, risque
de modifier les espèces. Il en va pour les animaux comme pour les
hommes, le métissage parfois ne plaît pas à tout le monde. La
première portée fut tuée sans ménagement par ces méchants
gardiens de l'ordre normal. La dame blanche et son jars eurent pu se
désespérer d’un tel crime. Au contraire, ils trouvèrent la force
de recommencer en mémoire de leurs premiers enfants.
L'amour
étant plus fort que le dictat des hommes, le jars et notre oie
sauvage allèrent se réfugier loin de la ville. Ils ne renoncèrent
pas, de leur union naquirent de nouveaux oisillons que nul ne vint
occire. Monsieur et Madame Oie étaient les plus heureux du monde.
D’autres oies sauvages, des bernaches vinrent se mêler à leurs
enfants pour démontrer aux hommes que les mélanges sont dans la
nature.
Maintenant
sur la Loire, vous pouvez admirer une nouvelle espèce, fruit de
nombreux croisements. Cette histoire n'est pas une menterie, prenez
la peine de regarder autour de vous, il y a en Orléans, plusieurs
bandes de ces volatiles sur la rivière. On n'entrave pas les amours,
personne ne peut s'opposer à la puissance des cœurs qui battent
l'un pour l'autre. Retenez la leçon, elle vaut pour les oies comme
pour les hommes.
Nuptialement
leur.
Photographies merveilleuses de
Merci à lui
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