jeudi 21 décembre 2017

Il était une oie …


Conte de l'Avent
Fonder une famille !



Mon petit Pitchoune, écoute cette histoire. Elle est vraie et en dit beaucoup sur les hommes. Elle s’est passée près de chez nous et je te prie de te faire ton opinion, loin des préjugés et des idées reçues.

Il était une oie, une belle dame blanche qui se posa sur la Loire. Elle en avait assez de la grande migration et laissa ses congénères poursuivre leur chemin. Elle décida, bravant les lois de la nature, de se faire sédentaire et de fonder une famille avec un beau mâle du pays. C’est ainsi que l’on fait souche songeait celle qui venait de si loin.

Nous allons suivre ici les vicissitudes de notre oie volage ! Repoussant à jamais le long voyage vers Alaska, notre belle demoiselle désirait vivre le reste de son âge, sur les eaux douces de la Loire. Elle allait jeter son dévolu sur l’un des autres oiseaux qui vivent en ce pays qu’on appelait autrefois la Vallée des Rois.

La dame, convaincue de son pouvoir de séduction se mit en demeure de séduire le maître de ces lieux. Ce fut au Balbuzard, ce beau et grand rapace pêcheur qu'elle fit les yeux doux. Quand on mesure 65 cm, on rêve d'une descendance de belle taille. Hélas, notre ami ne vit pas d'un bon œil cette éventuelle compagne. « Je crains madame, de ne pas pouvoir unir ma destinée à la vôtre. Si nous avons la même taille, vous pesez bien moins? que moi. » Voilà bien des considérations de mâle prétentieux se dit-elle, en s'en allant plus loin !

Elle retint la leçon du poids et de la taille pour aller faire sa demande à un majestueux cygne. « Veux-tu devenir mon mari ? » lui demanda-t-elle sans préambule, la dame était directe. L'animal interloqué examina sa prétendante avant que de rejeter sa proposition. « Non, ma chère, notre union ne serait pas prudente ! Les hommes d'ici ont oublié que nous les cygnes étions autrefois des plats de fête. Mêler ma destinée à une oie pourrait réveiller ces vilaines manières culinaires. Allez voir de possibles époux qui n'ont pas peur des fourneaux ! » Elle s'en alla déconfite, l'argument lui ayant provoqué des sueurs froides !

Elle fit alors la cour à un étrange oiseau qui faisait le pied de grue, immobile près de la berge. « Noble pêcheur aux aguets, si ton bec est aussi long que ton aiguillette, je devine en toi un reproducteur puissant qui pourrait, si l'envie t'en prenait, me donner bien des poussins à l'allure altière ! » Le héron, puisque c'est de lui qu'il s'agit, rejeta la proposition qu'il trouva fort cavalière. « Madame, ni l'habit ni le bec ne font le moine ! Comment pourriez-vous vous percher à la cime de l’arbre dans ma héronnière ? Mon pauvre nid ne supporterait pas votre poids. » Non vraiment se dit-elle, les oiseaux de ce fleuve-là ne savent pas cacarder aux belles dames !

Elle avait subi trois échecs qui la rendaient fort triste. Mais toujours désireuse de vivre ici, elle décréta de briser les lois des apparences. Elle se précipita vers un oiseau en tous points différent d'elle, le cormoran qu’on nommait jadis, le corbeau marin. « Mon bel ami, voulez-vous être mon concubin ?» La demande était franche, la réponse le fut tout autant. « Ma belle dame au plumage si blanc, je suis fort honoré que ma parure noire ne vous ait pas effrayée. J'accepterais volontiers la demande si un petit détail ne venait à me contrarier. Les hommes ont perdu l'habitude de gober mes œufs, c'est désormais pourquoi, nous, les cormorans, sommes si nombreux sur les bancs de sable. Notre union pourrait réveiller bien des envies. On ne fait pas d'omelettes sans briser nos vœux ! ».

Cette fois, l'oie reconnut que la remarque était judicieuse, elle alla chercher sa bonne fortune ailleurs ! Le bon accueil du Cormoran lui avait redonné du courage. Elle se mit en quête d'un nouveau compagnon. C'est vrai que les oiseaux ne manquent pas en cette Loire. C'est à n’en point douter un paradis pour eux. Dans le lot hélas, nombreux étaient ceux qui bien que d'excellente compagnie, n’était pas taille à se marier à elle.

La mouette se rit d'elle, la Sterne consternée lui apprit qu’elle ne passait pas l’hiver ici, les autres se montrèrent plus courtois. Le gravelot ne lui tint aucun propos graveleux, la guifette se fit aimable, le grèbe habituellement castagneux se fit charmant avec elle. Le chevalier lui proposa d’être son servant, le vanneau lui parut fatiguant, la bécassine un peu sotte et l'aigrette, bavarde infatigable, se prenait pour gazette du fleuve !

Hélas pas de compagnon en vue ! Le temps passa, la fin de la saison des amours la laissa célibataire. Pourtant la demoiselle ne changea pas sa détermination première. Au printemps suivant, elle en est certaine, elle trouverait oiseau à marier. L’oie n’était pas demoiselle à baisser les ailes, il lui en fallait bien plus ...

En attendant ces jours meilleurs, voilà qu'il fit sur notre région un froid de canard. Les eaux de tous les étangs, les fosses et les petites rivières se figèrent, prises par le gel. Même la Loire charriait en maints endroits de magnifiques fleurs glacées. Heureusement, le courant du fleuve permettait sous notre pont Royal de garder un mince filet d’eau mouvante.

C'est là que tous les oiseaux du pays se serraient les ailes pour se tenir au chaud. Arrivèrent sur la Loire des oiseaux peu habitués à y séjourner. Des barbaries, des colverts et surprise pour notre oie, un magnifique jars domestique sur lequel elle jeta son dévolu. Ils se plurent immédiatement, l'animal de ferme lui trouvant caractère plus trempé que les femelles de sa cour. Ils décidèrent d'unir leurs destins. Quand la débâcle arriva, la fonte de la glace suivit l'embâcle, tous les visiteurs s'en retournèrent chez eux, le jars quant à lui resta près de sa belle dame blanche sur les rives d'une petite île boisée.

Vinrent bien vite les beaux jours et leurs amours réjouirent ceux qui eurent le bonheur d'assister à leur parade nuptiale. Jamais on ne vit spectacle plus charmant ! De beaux enfants finirent par briser leur coquille, ils étaient les fruits qu'on croyait bénis de cette union ligérienne.

Mais les hommes viennent parfois se mêler de ce qui ne les regarde pas. Des savants pensèrent qu'il y avait là union contre nature, risque de modifier les espèces. Il en va pour les animaux comme pour les hommes, le métissage parfois ne plaît pas à tout le monde. La première portée fut tuée sans ménagement par ces méchants gardiens de l'ordre normal. La dame blanche et son jars eurent pu se désespérer d’un tel crime. Au contraire, ils trouvèrent la force de recommencer en mémoire de leurs premiers enfants.

L'amour étant plus fort que le dictat des hommes, le jars et notre oie sauvage allèrent se réfugier loin de la ville. Ils ne renoncèrent pas, de leur union naquirent de nouveaux oisillons que nul ne vint occire. Monsieur et Madame Oie étaient les plus heureux du monde. D’autres oies sauvages, des bernaches vinrent se mêler à leurs enfants pour démontrer aux hommes que les mélanges sont dans la nature.

Maintenant sur la Loire, vous pouvez admirer une nouvelle espèce, fruit de nombreux croisements. Cette histoire n'est pas une menterie, prenez la peine de regarder autour de vous, il y a en Orléans, plusieurs bandes de ces volatiles sur la rivière. On n'entrave pas les amours, personne ne peut s'opposer à la puissance des cœurs qui battent l'un pour l'autre. Retenez la leçon, elle vaut pour les oies comme pour les hommes.

Nuptialement leur.

Photographies merveilleuses de 
Merci à lui
 

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