jeudi 20 juillet 2023

La Loire et ses marinières

 

La Loire et ses marinières





Pour sûr, les gars qui allaient sur l'eau, montaient sur leurs bateaux pour s'donner à leur passion ligérienne, étaient à n'en point douter d'sacrés larrons, ne dégoisant pas toujours une langue de cour ni même de salon. L'accent était guttural, les « r » se roulaient dans leurs mauvaises manières, l'articulation se perdaient dans les verres aussi rondement avalés que les mots qui échappaient parfois de ces taiseux en mal d'amour.


Si le français, not' langue commune a largement contribué à se répandre le long des rives de la Loire, de Rabelais à Couté, de Ronsard à Du Bellay, de Jehan de Meung à Villon, les mots ne sont pas toujours accotés avec la bounne grammaire pour que ceuses d'anhui puisse y comprendre la langue d'alors.


Yves, en bon nivernais n'en goûtait pas moins les parlures de l'Anjou ou bien du Berry, les patois de l'orléanais et les langues des hautes vallées de l'Allier et de la Loire mâtinée d'une langue d'Oc qui venait s'encanailler avec sur les rives de la rivière Loire et des fleuve allant à icelle. Yves a puisé chez les uns et chez les autres pour donner une représentation la plus fidèle possible de ce qui pouvait se dire et comment ça se disait dans les ports et surtout dans les tavernes, les auberges et les estaminets.


La langue était elle aussi une fille de Loire qui se déliaient avec le seul véritable bien commun de toute la rivière de sa Source à son embouchure : le vin. 



Chanson de l'Anjou



Tout au long de la Loire Ang'vine

Chantons la Loire et ses mariniers

Y avait aut' foès ein' marine

Chantons la Loire et ses mariniers

Qu'avait belle allure et bonn' mine

D'Nant's à Briare

Chantons la Loire et ses mariniers

Et leurs gabares


C’était si biau dans l’paysage

Chantons la Loire et ses mariniers

D’voère s’avancer les équipages

Chantons la Loire et ses mariniers

Tout’ voil’ au vent en grand am’nage

D'Nant's à Briare

Chantons la Loire et ses mariniers

Et leurs gabares 


Tout seul devant boutait l’toutier

`Ein gâs qui savait son métier

Afin de baliser l’chantier

Pour que les oût îs puiss’ marcher

L’ein darrièr’ l’oût tous attachés

Par les sourpent’ et les parchés

Le chaland sa voil’ de vingt mètres 


  Son grand mât le guiroué en tête

A l’arrièr’ la caban’ du Maître

Lui fesant suite y avait l’tireau

Avec en son mitan l’varneau

Pour leger les gâs des batiaux

Et le troisièm’ du bataillon

C’était la soub’ qu’î n’avait nom

Le reste avait point d’pavillon


Là-dessur ren qu’ des gâs dégourdis

Qu’étaient chalandoux d’père en fî

Vivant sûs l’iau coumm’ des courlis

Car c’était ren qu’d’avoèr des bras

Pour manier la bourde ou l’gournâs

Ou ben pour virer au guindâs

I fallait du cœur et d’la tête Savoèr

tout faire et tout counaître


Et craindr’ ni l'vent ni la tempête

Mais c’était quant’ meime ein’ bell’ vie

Y avait du mal mais des frairies

Les p’sans leû portaient envie

Ein jour des monsieurs ben remarquables

Sont v’nus qu’ont dit il n’y a trop d’sable

On va rend’ la Loire navigable

Et de c’jour-là ça fut plus biau


Ya-t-eu ben pîs d’sable que d’iaû

Et pûs ein’ plac’ pour les batiaux

Les aubarg’ ont farmé leûs portes

Et notre Loir’ qui pûs ren n’porte

Est vide astheur coume ein’ boèr’ morte

Les jeun’ sont partis faire oût chouse

Tireurs de sable pêcheurs d’alouses

Ou ben mariés chez les vir’ bouées

 

 Mais les pus anciens s’sont assis

Auprès d’leûs chaland de tout poésis

En attendant c’pour nous aussi

I n’en reste queu qu’ein de d’temps là

Des vieux bounhoum’ qui sont ben las

Mais qui se r’dress’ pour parler d’ça

Y en a p’têt’ ben qui portent côr

Aux oreilles les anneaux d’or


Qu’îs n’ont gardés coumme ein trésor

Et pis ein jour pour le cim’tière

Is n’embarqueront en ein’ bière

Et ça s’ra leû campagn’ darnière

Alors pour leû dounner courage

Avant d’parti pou’ l’grand voyage

Qu’on fait tout seul sans avalges



Texte de Marc Leclerc

(1874 – 1946)  



Un extrait de cette chanson avait été recueilli par Yves lors de ces recherches. Je suis parvenu à trouver le texte intégral grâce au miracle des recherches sur la toile. Bien-sûr le texte fera débat à cause de ce fameux terme de Gabarre qui doit son succès à son féminin tout autant qu'à sa généralisation à partir de Garonne, la Dordogne et la Charente.


Chaland est le vocable ligérien même s'il semble moins prisé à la fois par les offices de tourisme et les béotiens. Inconsciemment, il est masculin et sonne moins bien. Nous ferons l'économie d'une polémique à ce propos.Elle serait véritablement dérisoire.




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