La Loire et ses marinières
Pour sûr, les gars qui allaient sur l'eau, montaient sur leurs bateaux pour s'donner à leur passion ligérienne, étaient à n'en point douter d'sacrés larrons, ne dégoisant pas toujours une langue de cour ni même de salon. L'accent était guttural, les « r » se roulaient dans leurs mauvaises manières, l'articulation se perdaient dans les verres aussi rondement avalés que les mots qui échappaient parfois de ces taiseux en mal d'amour.
Si le français, not' langue commune a largement contribué à se répandre le long des rives de la Loire, de Rabelais à Couté, de Ronsard à Du Bellay, de Jehan de Meung à Villon, les mots ne sont pas toujours accotés avec la bounne grammaire pour que ceuses d'anhui puisse y comprendre la langue d'alors.
Yves, en bon nivernais n'en goûtait pas moins les parlures de l'Anjou ou bien du Berry, les patois de l'orléanais et les langues des hautes vallées de l'Allier et de la Loire mâtinée d'une langue d'Oc qui venait s'encanailler avec sur les rives de la rivière Loire et des fleuve allant à icelle. Yves a puisé chez les uns et chez les autres pour donner une représentation la plus fidèle possible de ce qui pouvait se dire et comment ça se disait dans les ports et surtout dans les tavernes, les auberges et les estaminets.
La langue était elle aussi une fille de Loire qui se déliaient avec le seul véritable bien commun de toute la rivière de sa Source à son embouchure : le vin.
Chanson de l'Anjou
Tout au long de la Loire Ang'vine
Chantons la Loire et ses mariniers
Y avait aut' foès ein' marine
Chantons la Loire et ses mariniers
Qu'avait belle allure et bonn' mine
D'Nant's à Briare
Chantons la Loire et ses mariniers
Et leurs gabares
C’était si biau dans l’paysage
Chantons la Loire et ses mariniers
D’voère s’avancer les équipages
Chantons la Loire et ses mariniers
Tout’ voil’ au vent en grand am’nage
D'Nant's à Briare
Chantons la Loire et ses mariniers
Et leurs gabares
Tout seul devant boutait l’toutier
`Ein gâs qui savait son métier
Afin de baliser l’chantier
Pour que les oût îs puiss’ marcher
L’ein darrièr’ l’oût tous attachés
Par les sourpent’ et les parchés
Le chaland sa voil’ de vingt mètres
Son grand mât le guiroué en tête
A l’arrièr’ la caban’ du Maître
Lui fesant suite y avait l’tireau
Avec en son mitan l’varneau
Pour leger les gâs des batiaux
Et le troisièm’ du bataillon
C’était la soub’ qu’î n’avait nom
Le reste avait point d’pavillon
Là-dessur ren qu’ des gâs dégourdis
Qu’étaient chalandoux d’père en fî
Vivant sûs l’iau coumm’ des courlis
Car c’était ren qu’d’avoèr des bras
Pour manier la bourde ou l’gournâs
Ou ben pour virer au guindâs
I fallait du cœur et d’la tête Savoèr
tout faire et tout counaître
Et craindr’ ni l'vent ni la tempête
Mais c’était quant’ meime ein’ bell’ vie
Y avait du mal mais des frairies
Les p’sans leû portaient envie
Ein jour des monsieurs ben remarquables
Sont v’nus qu’ont dit il n’y a trop d’sable
On va rend’ la Loire navigable
Et de c’jour-là ça fut plus biau
Ya-t-eu ben pîs d’sable que d’iaû
Et pûs ein’ plac’ pour les batiaux
Les aubarg’ ont farmé leûs portes
Et notre Loir’ qui pûs ren n’porte
Est vide astheur coume ein’ boèr’ morte
Les jeun’ sont partis faire oût chouse
Tireurs de sable pêcheurs d’alouses
Ou ben mariés chez les vir’ bouées
Mais les pus anciens s’sont assis
Auprès d’leûs chaland de tout poésis
En attendant c’pour nous aussi
I n’en reste queu qu’ein de d’temps là
Des vieux bounhoum’ qui sont ben las
Mais qui se r’dress’ pour parler d’ça
Y en a p’têt’ ben qui portent côr
Aux oreilles les anneaux d’or
Qu’îs n’ont gardés coumme ein trésor
Et pis ein jour pour le cim’tière
Is n’embarqueront en ein’ bière
Et ça s’ra leû campagn’ darnière
Alors pour leû dounner courage
Avant d’parti pou’ l’grand voyage
Qu’on fait tout seul sans avalges
Texte de Marc Leclerc
(1874 – 1946)
Un extrait de cette chanson avait été recueilli par Yves lors de ces recherches. Je suis parvenu à trouver le texte intégral grâce au miracle des recherches sur la toile. Bien-sûr le texte fera débat à cause de ce fameux terme de Gabarre qui doit son succès à son féminin tout autant qu'à sa généralisation à partir de Garonne, la Dordogne et la Charente.
Chaland est le vocable ligérien même s'il semble moins prisé à la fois par les offices de tourisme et les béotiens. Inconsciemment, il est masculin et sonne moins bien. Nous ferons l'économie d'une polémique à ce propos.Elle serait véritablement dérisoire.
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