La Loire
Fleuve Femme
Sur les bords de la Loire en Nivernais.
Ah ! Laissez-moi rêver sur les bords de la Loire
Dont le ruban d'argent se déroule à mes yeux
Je revois dans ses eaux tout un passé de gloire
Chevauchant les stratus reflétés par les cieux.
Son murmure pour moi m'apporte les plaintes
Que l'on chante le soir en notre Nivernais
Lorsqu'au dehors le vent fait entendre ses plaintes
Et qu'un bon feu de bois danse dans les chenêts
Complainte de Renaud revenant de bataille
Du bon Saint Nicolas sauvant les fils du Roi
De la « Mal Mariée » et de la fille caille
Qu'emportent trois seigneurs sur un blanc palefroi
Poétiques échos de la « Belle Barbière »
Sur un plateau d'argent posant ses ciseaux d'or
Et du « joli fendeur » chantant dans la clairière
Pendant que le ramier au loin prend son essor
« Le beau galant noyé » pour l'amour de sa Mie
« La gente Mariane » s'en allant au moulin
Qu'on aperçoit là-bas dans la verte prairie
« Les fill's de Guérigny » revenant d'un festin
Le flot court fredonnant des strophes ancestrales
De Blanche de Nevers au grand Napoléon
Et je crois voir passer aux heures vespérales
L'âme de mes aïeux sous l'arche du vieux pont.
Germaine Briffault.
C'est
un poème écrit par une femme qui plus est une nivernaise qui ouvre
tout naturellement ce chapitre. L'attachement de Yves à ses racines,
son amour des belles lettres, sa culture se trouvent ici magnifié
par ce poème qu'il avait sélectionné. C'est une Loire chargée de
culture qui coule sous le pont de Nevers loin, il faut l'avouer de
ces châteaux princiers qui feront la renommée de celle qui fut
baptisée maladroitement : « Fleuve Royal ».
La Loire est une femme et à ce titre et comme le comprirent mieux que les autres les mariniers, elle ne se satisfera jamais du vocable prétentieux de « Fleuve ». Elle est rivière, comme l'explique Cailloute au jeune Rémi Beaurieux à qui il l'enseigne.
Rivière femme
extrait de Cailloute
Comme nous étions arrivés sur le quai à hauteur de l’école de natation et comme nous nous étions arrêtés, attentifs aux exploits difficiles de pêcheurs à la grande volée, Cailloute me confia:
Faudra que j’t’enseigne, c’te pratique mon p’tit gars. Une fois qu’tu la connais tu sors tout ce que tu veux de la rivière.
La rivière, interrompis-je, quelle rivière, monsieur ? Mais la Loire est un fleuve, voyons ! C’est le Loiret qui est une rivière.
Cailloute me toisa du coup d’œil à la fois méfiant et pitoyable qu’on a pour les aliénés. Puis il haussa les épaule.
Fleuve ou rivière, je m’en fous proféra-t-il avec autorité. Tout c’que j’sais, c’est qu’tout c’qu’y a d’eau d’vant toi, ça s’appelle « la rivière ». Et j’te conseille pas d’l’appeler autrement d’vant ceux qui sont à la coule. Tu t’ferai prendre pour une bille.
Sot que j’étais quand j’y pense, d’avoir pu croire que pour satisfaire à la hiérarchie géographique, Cailloute et ses semblables allaient nommer d’un mot masculin, cette Loire à laquelle ils sont attachés d’une si âpre et si jalouse passion. Maintenant qu’ils m’ont appris à dire « la rivière » avec leur accent chantant, en insistant sur le son ouvert jusqu’à en avoir la bouche pleine pour savourer la douceur de l’eau vive jusque dans son nom, je revois tout le chemin que je parcourus jadis sur les traces de Cailloute, toutes les étapes délicieuses et délicates de mon initiation.
Rémy Beaurieux
« Cailloute »
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