dimanche 7 juillet 2019

Pensées horizontales !


Sur le sable.


N'ayant jamais goûté aux joies étranges de la station côté pile puis côté face sur le sable brûlant, je n'expose guère mon corps aux rayons ardents de l'astre solaire. Je n'offrirai jamais mon épiderme au sournois mélanome pas plus que mon corps ne risque d'attirer des regards concupiscents. Blanc, désespérément, je resterai !

Pour un temps suffisamment long pour ne pas passer une fois encore pour un ours , je reste sur le sable avec mes amis. Je cherche alors matière à occupation compatible avec cette immobilité sablière. J'observe alors ceux qui se prétendent mes semblables …

Deux écoles s'opposent, se heurtent et se contredisent parfois. Mais en cette période de grande vacuité , la place est suffisante et les conflits inexistants. Les immobiles font face aux agités dans une concorde qui n'est que de saison, la trêve pascale n'autorise guère les redoutables batailles côtières qui attendent l'été pour exploser ici …

Les allongés demeurent de très loin les plus nombreux. Ils appartiennent à deux obédiences : les dorsaux qui exposent bedaines ou abdominaux aux regards admiratifs, les ventraux qui montrent la meilleure part d'eux-même. Dans une alternance presque parfaite, les uns prennent la position des autres qui leur rendent la pareille.

Ils sont tous à l'abri de la silice ! Draps immenses ou paréos multicolores évitent ce grain de sable qui irrite l'épiderme. Les uns sous un parasol de marque (publicité oblige), les autres derrière un coupe vent (à moins que ce ne soit un voile pudique pour une nudité à peine assumée). Les plus matérialistes disposent d'installations complexes qui volent à la première rafale.

Le bronzage est la quête collective, partiel ou intégral, il demeure le principal sujet d'occupation de nos allongés. Il faut préparer le terrain avec force crème et quelques trempages épisodiques. L'application exige une rotation de la pièce à cuire à petits feux. Il faut veiller à exposer des zones inaccessibles en des contorsions impossibles. Le silence tient lieu ici de méditation pour les adorateurs du dieu Râ !

Quelques lettrés viennent tuer le temps. Le gros pavé indigeste est recommandé pour résister aux rafales et supporter les innombrables pauses. Une couverture plastifiée couvre les risques d'une vague taquine. Deux ou trois techniques s'opposent discrètement. Le lecteur dorsal usent de son best-seller comme d'un pare-soleil. Le ventral marque sa page de grains malicieux. Les plus équipés viennent en ce lieu avec un fauteuil ras le sable et se consacre vraiment à l'activité.

Quelques occasionnels viennent avec un journal. Ils s'échinent désespérément à l'ouvrir, le refermer, le garder en état contre vent et marée. Ils ne savent pas que l'opération est rigoureusement impossible sur la côte landaise. Ils ignorent fort heureusement le regard narquois de ceux qui s'amusent à les voir ainsi jouer du cerf-volant sans fil.

Les assis sont plus rares. Chacun a regard à sa convenance. Les esthètes admirent les corps galbés, dénudés, jeunes ou magnifiés par un âge bonifiant. Les fripons repèrent le tatouage prometteur, signe indubitable d'un libertinage potentiel. Les moqueurs recherchent les outrages de la bombance ou de la décrépitude. Le corps est vitrine et la plage est sa Samaritaine !

Puis nos amis les agités vont souvent par paires par quand ils évoluent sur le sable ! Ballon, raquette, volant, boules, disques, ils sont étrangement englués dans une répétition à l'identique d'un geste mécanique. Ils bougent pour se donner l'illusion de l'activité. Leurs homologues de la vague vivent en couple avec leur engin : le surf, le body-board ou la planche. Ils sont habillés de noir, le fil à la patte, ils passent le plus clair de leur temps à espérer la vague d'exception.

Enfin, il y a un curieux personnage. Un bloc sur la cuisse, un stylo en main, le nez en l'air, il épie, scrute, observe alentours. Il ne cesse d'aller et venir entre page et plage. Il met son grain de sel là où le sable est roi. Puis son forfait accompli, il se refait marcheur le long de la bande côtière pour s'en retourner offrir à la toile ces instants de vague à l'âme.

Sablièrement vôtre.

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