La
belle arnaque.
Le
passage des éboueurs n’est plus le rituel matinal qui sonnait
l’heure du réveil. La benne à ordures se fait rare dans nos
cités, où des élus, toujours plus soucieux de faire des économies,
confient ce service essentiel à des grands groupes, ceux-là même
qui ne balaient jamais devant leur porte. C’est alors la course à
la facturation, le désir d’inculquer par le porte-monnaie une
pensée environnementale à des braves gens qui font ce qu’ils
peuvent et souvent avec bien peu.
La
poubelle est devenue l’enjeu majeur d’une révolution écologique.
Il convient à chacun de trier, d’avoir des achats responsables, de
penser recyclage à longueur de journée, de faire la chasse aux
plastiques, aux emballages tout en se lançant dans le compost ou
l’élevage de poules, ces subalternes ailées des services de
nettoiement. Tandis que les vrais pollueurs se la coulent douce, sans
contrainte aucune.
Si
tout cela est plein de bons sentiments que les propagandes cantonales
ou métropolitaines se font mousser avec de jolis mots, des mains sur
le cœur et des postures éco-responsables, remuez les remugles et
vous découvrirez une vérité bien plus scabreuse. Des dessous de
table, des accords secrets, des bénéfices qui ne vont qu’au grand
groupe qui a gagné le marché (seul ce terme n’est pas mensonger,
la chose est juteuse et c’est bien pourquoi, le privé s’y
engouffre avec délectation et bénéfices), le long cortège des
incidents, récriminations, injustices, abus de toutes sortes n’y
fera rien, l’argument massue revient : « C’est pour la
planète ! »
Les
mêmes élus qui ne cessent de voyager dans des destinations
lointaines, qui abusent de communication papier, qui préparent les
prochaines échéances électorales avec une débauche de tracts qui
finiront à la poubelle, ont besoin de confier le ramassage des
ordures, à l’exclusion de leur personne, à des sociétés qui
rackettent littéralement les usagers tout en induisant des
comportements forcément lamentables.
Quand
il s’agit de payer, chacun cherche à se dédouaner. Si cette
pratique n’est jamais contestée quand il s’agit de l’exil ou
de l’optimisation fiscale, elle est vertement dénoncée lorsque ce
sont les plus humbles qui font ce qu’ils peuvent. Si, bien sûr, je
n’approuve pas les décharges sauvages, les ordures abandonnées au
pied des immeubles, les salissures multiples dans la ville, il y a
sans doute à s’interroger sur l’augmentation des monticules de
déchets et la raréfaction des ramassages, les rejets incivils et le
paiement des ordures ménagères.
À
ce titre d’ailleurs, les petits artisans, les seuls qui sont
surchargés de taxes, impôts et contrôles, dans un état si
bienveillant pour les grandes entreprises, ceux-là doivent cracher
au bassinet pour vider leurs gravats et encombrants dans les
déchetteries. Certains, étranglés de fiscalité, jettent dans la
nature, geste condamnable certes mais compréhensible. Les vrais
fautifs sont ceux qui profitent des plus faibles, comme toujours.
L’équation
est simple, les emmerdes pour les plus nombreux, les bénéfices pour
quelques-uns. C’est l’éternel principe d’un libéralisme à
bout de souffle mais assez puissant pour ne pas accepter
l’interdiction des emballages plastiques, la consigne des
emballages en verre, le ramassage par les hyper-marchés de
sur-emballages. C’est toujours le pauvre couillon qui doit s’y
coller, payer encore et encore et surtout ne rien voir venir.
Vous
savez tous que moins de dix pour cent de ce que vous avez patiemment
recueilli, que vous avez porté dans une benne de tri sera recyclé.
Pas de contrôle, pas d’obligation, les grands groupes font ce
qu’ils veulent tandis que les élus, se prenant pour des rippers,
s’en lavent les mains. Il leur suffit de faire des discours,
d’afficher des postures pour avoir bonne conscience, un choix qui
n’évite en rien d’avoir une ville sale.
Fort
heureusement, les centres-villes sont préservés. Le ramassage y est
plus régulier, les poubelles urbaines y sont vidées. Il faut que le
touriste et le bourgeois n’aient pas ce triste spectacle sous les
yeux. Les relégués des cités, les déportés des quartiers
satellitaires quant à eux, issus de catégories incurables, peuvent
supporter et payer. C’est la loi du genre.
Quand
on découvre que des canailles du privé à Châteauneuf-sur-Loire
exercent des retraits sur salaire, on tombe des nues. Le dessus du
panier taxe les plus modestes en se payant le luxe d’agir comme la
puissance publique. Collusion aberrante, procédé scandaleux pendant
que nos poubelles regorgent. Il y a tout à jeter dans ce système !
Éboueurement
leur.
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