vendredi 26 juillet 2019

Férolles sur loire.



Ou la colère des lieux !



Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, au temps de ceux qu'on prétend nos ancêtres : les gaulois, une ville, alors en bord de Loire. C'était un important centre celtique où se réunissaient druides et artisans. Férolles était alors le pôle métallurgique de notre région, d'où ce patronyme. On y extrayait le fer qu'on transformait sur place avant que de le confier au fleuve pour aller vivre le reste de son âge de bronze …

Tout se passait fort bien entre les habitants et le fleuve jusqu'à ce qu'un vilain grain de sable, une paillette de fer ou un contre-temps fâcheux ne vienne briser le charme et interrompre le cours de l'histoire. Il ne faisait alors pas bon provoquer la colère des Dieux ou bien celle des forces indomptables de notre fleuve sauvage.

Mais revenons à nos forgerons. Ils avaient bien de l'adresse dans les mains et un sens aiguisé de la technicité. Pour aller sur des chemins qui n'avaient pas attendu les romains pour être tracés, ils ferraient leurs chevaux, c'est même en cette science qu'ils étaient devenus les maîtres. Tant et si bien que des Carnutes, de Biturgie, d'Arvenes, de Namnètes et de Segusaves, les chevaux de tous les peuples d'alors venaient en notre pays trouver fers à leurs sabots.

La gloire ne dure hélas qu'un temps, il y a toujours un dérèglement étrange pour venir interrompre les cycles heureux. Le succès peut nourrir les germes de la décadence, un détail suffit parfois à rompre le charme d'une période faste. Mais, n'allons pas si vite en besogne. Il faut d'abord dresser le décor et présenter les protagonistes de la fable.

Ogmios était en ces temps druidiques un fieffé bavard et un guerrier d'une force colossale. Ce vieillard, malgré le poids des années, n'avait rien perdu de sa force musculaire. Il était redouté de tous tant par sa capacité à mener des joutes verbales que par sa rudesse dans le combat. Son crâne était dégarni, les rares cheveux qui lui restaient étaient tout à fait blancs. Sa peau était rugueuse, brûlée jusqu'à être tannée comme celles des vieux marins à force de manier la massue et la forge. Notre charron était respecté dans tous le pays et sa réputation n'était plus à faire.

Condatis quant à lui n'avait rien de particulièrement impressionnant. C'était un marin hors pair, c'est à lui que revenait la lourde responsabilité de guider les embarcations quand les eaux étaient basses. Il savait tout de la Loire et de ses affluents. Mais jamais notre homme n'était si heureux que lorsque qu'une rivière s'offrait en mariage à son fleuve. Il ne se lassait pas de ce spectacle merveilleux des eaux qui se mêlent.

Atepomarus n'était pas un homme facile à trouver. Toujours en selle, il aimait sillonner le grand chemin qui menait de Cenabum à Gortona (Sancerre). C'est lui qui faisait venir de toutes les nations des chevaux pour les confier aux charrons, ses amis. À son initiative, la ville de Férolles était devenue une immense écurie au grand dame des femmes du village tant les manières de ces charretiers étaient déjà déplorables !

Les bêtes étaient gardées à l'écart du village sur la rive Sud au lieu dit le gué-gaillard. Il y en avait tant que bien vite, se posa un problème de salubrité. Les déjections animales ne cessaient de s'amonceler, sans que personne ne songe à nettoyer l'écurie. Il n'était désormais plus possible de les évacuer avec les moyens du bord. Nos Celtes s'étaient montrés négligents et désormais, il fallait trouver une solution pour nettoyer ces lieux immondes.

Les trois sages de la tribu tinrent conciliabule pour examiner ce problème insoluble. Chacun avait une idée en tête pour, en un tour de main, effacer des années de négligences. Des femmes qui assistaient à leur débat le firent remarquer qu'il eut été plus simple de ne pas se laisser surprendre par tant de de fainéantise. Les commères furent promptement sommées de se taire, chez les gaulois aussi, il ne fait pas bon d'avoir raison quand on n'est pas un garçon !

C'est Atepomarus qui prit la parole en premier. L'homme était rusé, il avait aussi souvent le pied en l'air que la langue bien pendue. Pour lui, pas de souci, il n'y avait qu'à quitter les lieux et aller ailleurs pour oublier ce qui ne fut pas fait tant qu'il était encore temps. Les femmes riaient cette manière cavalière. Elles se disaient qu'avec de telles idées, les jours seraient sombres quand les romains se hasarderaient dans le coin. Sa proposition ne fut pas même retenue, il fallait laisser le fer au feu …

Condatis se montra plus malin. Il connaissait le pays et ses secrets. Le soul-sol d'ici est capable de bien des sortilèges. Il fit grande excavation dans la terre pour que jaillisse une rivière : « La Marmagne » résurgence de la Loire, sortie ici à sa demande. Mais, son débit n'était pas assez puissant pour repousser cette montagne de fumier. Un ruisseau était né sans que le problème ne fut résolu. Les femmes ne se moquèrent pas, elles se dépêchèrent de réclamer un lavoir qui leur paraissait plus commode.

Ogmios pour une fois prit la parole en dernier. Ce grand bavard était aussi un homme très avisé. Il prit ce qu'il y avait à prendre et jeta ce qui ne valait rien. Ce que Condatis n'était pas parvenu à faire faute d'ambition, lui, se faisait fort de le réussir avec plus grande action. Ce qu'un ruisseau ne pouvait faire, le fleuve tout entier allait le réussir. Les femmes riaient sous cape mais se gardèrent bien de dire le fond de leur pensée.

Ogmios s'en alla remonter la Loire et choisit un goulet qui lui fit bonne impression. Il banda ses muscles surpuissants et jeta dans le lit de notre fille Liger d'énormes pierres en nombre si important qu'elles bouchèrent son cours. En peu de temps, la pression des eaux fut si forte qu'un torrent furieux se fit et trouva un nouveau chemin pour poursuivre sa route.

Les hommes de ces temps-là étaient capables de prouesses et les Dieux bienveillants leur accordaient bien des faveurs. Les eaux furieuses passèrent miraculeusement au milieu de l'écurie et chassèrent d'un seul coup des années d'incuries. Les écuries d'Augias étaient nettoyées et le véritable exploit, on le doit à un gars de chez nous qui s'appelait Ogmios. Les romains, qui comme l'avaient prédit les braves lavandières, ne tardèrent pas à mettre au pas cette joyeuse bande d'incapables. Ils s'emparèrent du pays mais aussi de la légende car le prénom du vieil homme n'était autre qu'Hercule.

Mais l'aventure ne se résume pas à ce plagiat romain. La Loire prit ses aises et trouva un nouveau lit qui lui convint bien mieux. Puisque les gens de Férolles avaient joué avec le feu, la Loire irait faire l'andouille du côté de Gergolium qui devint bien plus tard Jargeau. On ne détourne pas l'histoire ni le cours d'une rivière et malheur à ceux qui s'y frottent. Retenez la leçon et surtout écoutez les femmes, elles se doutaient bien que l'aventure tournerait en eau de boudin ...

Mythologiquement vôtre


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

À quoi rêvent les bateaux qui restent à quai ?

  Partir À quoi rêvent les bateaux qui restent à quai ? Ces éternels prisonniers de leurs entraves Ils ont pour seules v...