L'origine
En
1602, Maximilien de Béthume chevauche en bord de Loire. Il a reçu
pour mission du bon roi Henri de lui construire un canal pour
acheminer le vin de Loire en sa capitale. Maximilien tombe en
admiration devant un château qu’il acquiert et devient Sully. Ce
n’est que deux ans plus tard qu’il trouve le bon emplacement pour
construire ce fameux canal, première voie d’eau artificielle de
ligne de partage des eaux. Charlemagne en avait rêvé, Sully va s’y
atteler ! Après les guerres de religion, Henri 1V s'emploie à
reconstruire son royaume. Nommé grand voyer de France en 1599, Sully
projette un vaste plan de canaux qui permettraient de relier la
Méditerranée à l'Atlantique, à la Manche et à la Mer du Nord par
"les
conjonctions de la rivière de Seine avec Loyre, de Loyre avec Saône
et de Saône avec Meuse".
C’est
d’abord grâce à une innovation technique qui vient de Hollande
qui permettra la réalisation de ce vaste chantier. Nos amis Bataves
ont conçu une écluse à une porte, Léonard De Vinci avait dessiné
quant à lui un système à deux portes tel qu’on le connait encore
aujourd’hui. C’est l’ingénieur français Hugues Cosnier,
originaire de Touraine, alors âgé de 31 ans qui en sera
l’instigateur génial. Il se distingue encore en construisant en
maçonnerie et non pas en bois.
Autre
idée de génie pour ce personnage, le choix de Briare pour creuser
le canal. Tout d’abord c’est un choix de proximité : à Briare,
Loire et Seine sont distantes de moins de 100 kilomètres. D’autre
part, et là cela relève plus de l’intuition que d’un savoir
établi à l’époque, le trajet que trace Cosnier emprunte celui de
la proto-Loire quand celle-ci poursuivait sa course vers le nord.
C’est ainsi qu’en suivant les cours de la Trézée puis du Loing
qu’il remonte l’histoire et réussit à franchir les 173 mètres
d’altitude du seuil de partage. Ce qui se dresse devant lui, ce
sont 40 mètres en le seuil et la Loire mais surtout 85 mètres de
dénivelé entre seuil et Seine, un véritable défi. C’est ainsi
que naîtront les sept écluses de Rogny, qui se feront six seulement
en 1883.
En
sept ans de durs travaux, mobilisant 12 000 ouvriers, Cosnier a
construit environ soixante quinze pour cent de son projet. Hélas un
coup de poignard dans le dos vient interrompre son œuvre le 14 mai
1610. Ravaillac tue Henri IV et le projet de canal prend l’eau. Les
caisses sont vides, l’état a d’autres chats à fouetter.
Cosnier
a l’espoir de voir aboutir son projet quand il obtient, en 1628,
l’appui efficace du Maréchal Effiat, le nouveau surintendant des
finances. Hélas, le pauvre homme meurt l’année suivante et le
canal une fois encore reste à quai. C’est une compagnie privée,
la Compagnie des Seigneurs de la Loire en Seine qui achèvera à
partir de 1638 le creusement en l’espace de quatre années. Par
lettres patentes de Louis XIII, Guillaume Boutheroue et Jacques
Guyon, receveurs d'aides et tailles et payeurs de rentes à Beaugency
et à Montargis obtiennent le droit de finir les travaux. Ils
constituent avec 14 autres associés, gentilshommes et bourgeois, la
Compagnie des Seigneurs propriétaire du canal qui percevra des
péages sur les marchandises transportées. C’est donc un
investissement de taille pour lequel ils espèrent tirer profit à
court terme.
Le
premier canal à partage des eaux européen est donc ouvert en 1642.
En cette époque, les voies d’eau sont plus commodes, plus sûres
et ont un potentiel bien supérieur au transport terrestre.
L’ouverture du Canal de Briare va faciliter considérablement
l’acheminement vers Paris des marchandises qui transitaient par la
Loire. C’est dans le même temps un coup dur pour le commerce de la
ville d’Orléans qui ne tardera pas à réagir. Ceci sera une autre
histoire pour un autre canal.
1642
devient donc une date très importante pour l’histoire du commerce.
Long de 57 kilomètres, le canal rejoint le Loing avant que de se
jeter dans la Seine. Il comporte 12 écluses de l'embouchure en Loire
au bief de partage des eaux situé entre les kilomètres 12 et 17,5
et 24 écluses du bief à Châlette. A la vitesse de 4 Km/h, la
traction se fait par des hommes. Son alimentation en eau pose
problème. Il faudra des aménagements importants pour obtenir à
partir de 1670 qu’il soit navigable cinq à six mois dans l’année.
Son petit frère, le canal d’Orléans, rencontrera plus tard, les
mêmes difficultés.
La suite
Mille
six cent quarante deux
est paradoxalement grâce au canal de Briare une date clef dans
l’histoire de la navigation fluviale. La jonction de la Loire à la
Seine ouvre de nouvelles perspectives pour le commerce. C’est ainsi
que suivront assez rapidement d’autres canaux de jonction à
commencer par celui du midi à l’initiative de Paul Riquet, un
homme pas aussi glorieux que la postérité veut bien le laisser
croire. Mais ceci sera une autre histoire.
À
cette date, Paris peut recevoir par voie d’eau, via la Loire et le
canal, les marchandises venant des provinces du centre, du sud et de
l'ouest du royaume. Il y a là un gain considérable de qualité, les
routes n’étant pas de nature à permettre un acheminement sans
secousse. Par contre pour Orléans, c’est un coup dur, les
voituriers de la place du Martroi subissant de plein fouet un net
recul des voyages vers la capitale.
La révolution industrielle diversifie le trafic traditionnel de nos rivières. (Vous pouvez relire l’article : La communauté des Marchands 10). En 1831, 8433 bateaux transportent 425 000 tonnes de produits agricoles, de charbon du Massif Central ou de bois à brûler. L'État avec le second Empire découvre le potentiel des voies d’eau. Il convient de ne plus laisser à des sociétés privées leur gestion. En 1860, les canaux sont rachetés. Napoléon Trois étant un grand acteur de nos rivières et canaux. Il est à l’origine de bien des travaux à commencer par le chantier d’élévation et de renforcement des levées et celui de canaux.
La révolution industrielle diversifie le trafic traditionnel de nos rivières. (Vous pouvez relire l’article : La communauté des Marchands 10). En 1831, 8433 bateaux transportent 425 000 tonnes de produits agricoles, de charbon du Massif Central ou de bois à brûler. L'État avec le second Empire découvre le potentiel des voies d’eau. Il convient de ne plus laisser à des sociétés privées leur gestion. En 1860, les canaux sont rachetés. Napoléon Trois étant un grand acteur de nos rivières et canaux. Il est à l’origine de bien des travaux à commencer par le chantier d’élévation et de renforcement des levées et celui de canaux.
Après
1879, on change de gabarit. Les écluses sont aménagées pour des
bateaux de 300 tonnes . Le gabarit
Freycinet
est une norme qui fixe la dimension des écluses afin de permettre à
toutes les péniches de circuler sur ceux-ci. C’est en 1879 que
Charles Freycinet fixe la dimension des sas d’écluses : 39 mètres
de long, 5m 20 de large pour un tirant d’eau compris entre 1m 80 et
2 m 20. cela implique que les péniches fassent au maximum 38 m 50 de
long et 5 m 05 de large.
Déjà
entre 1820 et 1840, une norme précédente : le Gabarit Becquet avait
fixé la longueur des écluses à 30 m 40 . Pour assurer une
meilleure alimentation en eau, les travaux se poursuivent en 1895
avec la création de l'usine élévatoire de Briare, un système
complexe de pompage de l'eau de la Loire pour mieux alimenter le
canal. C’est ainsi que fort de tous ces aménagements le trafic sur
le canal arrivera à son apogée en 1913 avec 12 170 bateaux et 1 657
700 tonnes de marchandises.
Après
1945, les voies d’eau battent de l’aile. Le transport routier
s’impose par sa capacité à se rendre d’un pont à l’autre,
n’importe où sur le territoire. C’est le lent déclin de
batellerie qui provoquera la fermeture de nombreux canaux en 1954
dont ceux d’Orléans et du Berry. Le canal de Briare transporte
alors presque exclusivement des céréales avec seulement 27 000
tonnes. Ce sera le tourisme fluvial qui sauvera Briare et fera de
cette belle cité ligérienne un port actif et très apprécié,
d’autant que le pont canal construit entre 1890-95 par les
entreprises Eiffel, Daydé et Pillé permet d’éviter le redoutable
passage de Mantelot dont nous reviendrons prochainement sur la belle
et tragique histoire. Le pont-canal de Briare, fut longtemps le plus
long d'Europe avec presque 663m pour permettre le passage du canal de
Briare au canal latéral à la Loire ouvert en 1838.
Le
canal, outre son intérêt touristique garde une grande utilité pour
la régulation des crues. Il constitue une réserve d'eau en cas de
sécheresse et l’on constate que nombres d’agriculteurs y puisent
de l’eau pour des arrosages qui ne sont pas tous déclarés. C’est
encore une belle réserve piscicole qui fait le bonheur des pêcheurs.
Depuis
1981 le Conseil Général du Loiret en a fait un grand pôle
touristique. On peut ainsi voir passer plus de 3 000 pénichettes par
an pour des vacances sur l’eau. Le Conseil Départemental a pris le
relais et se lance dans des travaux de réfection du pont canal.
Seule la promesse établie par convention de rouvrir le canal
d’Orléans semble être passée aux oubliettes de l’histoire
après les récentes crises financières. C’est fort dommage que la
jonction des canaux de Briare et Orléans ne soit pas envisageable,
ce serait un formidable atout pour notre département et la Loire.
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