mardi 16 juillet 2019

Le canal de Briare


L'origine




En 1602, Maximilien de Béthume chevauche en bord de Loire. Il a reçu pour mission du bon roi Henri de lui construire un canal pour acheminer le vin de Loire en sa capitale. Maximilien tombe en admiration devant un château qu’il acquiert et devient Sully. Ce n’est que deux ans plus tard qu’il trouve le bon emplacement pour construire ce fameux canal, première voie d’eau artificielle de ligne de partage des eaux. Charlemagne en avait rêvé, Sully va s’y atteler ! Après les guerres de religion, Henri 1V s'emploie à reconstruire son royaume. Nommé grand voyer de France en 1599, Sully projette un vaste plan de canaux qui permettraient de relier la Méditerranée à l'Atlantique, à la Manche et à la Mer du Nord par "les conjonctions de la rivière de Seine avec Loyre, de Loyre avec Saône et de Saône avec Meuse".

C’est d’abord grâce à une innovation technique qui vient de Hollande qui permettra la réalisation de ce vaste chantier. Nos amis Bataves ont conçu une écluse à une porte, Léonard De Vinci avait dessiné quant à lui un système à deux portes tel qu’on le connait encore aujourd’hui. C’est l’ingénieur français Hugues Cosnier, originaire de Touraine, alors âgé de 31 ans qui en sera l’instigateur génial. Il se distingue encore en construisant en maçonnerie et non pas en bois.

Autre idée de génie pour ce personnage, le choix de Briare pour creuser le canal. Tout d’abord c’est un choix de proximité : à Briare, Loire et Seine sont distantes de moins de 100 kilomètres. D’autre part, et là cela relève plus de l’intuition que d’un savoir établi à l’époque, le trajet que trace Cosnier emprunte celui de la proto-Loire quand celle-ci poursuivait sa course vers le nord. C’est ainsi qu’en suivant les cours de la Trézée puis du Loing qu’il remonte l’histoire et réussit à franchir les 173 mètres d’altitude du seuil de partage. Ce qui se dresse devant lui, ce sont 40 mètres en le seuil et la Loire mais surtout 85 mètres de dénivelé entre seuil et Seine, un véritable défi. C’est ainsi que naîtront les sept écluses de Rogny, qui se feront six seulement en 1883.



En sept ans de durs travaux, mobilisant 12 000 ouvriers, Cosnier a construit environ soixante quinze pour cent de son projet. Hélas un coup de poignard dans le dos vient interrompre son œuvre le 14 mai 1610. Ravaillac tue Henri IV et le projet de canal prend l’eau. Les caisses sont vides, l’état a d’autres chats à fouetter.

Cosnier a l’espoir de voir aboutir son projet quand il obtient, en 1628, l’appui efficace du Maréchal Effiat, le nouveau surintendant des finances. Hélas, le pauvre homme meurt l’année suivante et le canal une fois encore reste à quai. C’est une compagnie privée, la Compagnie des Seigneurs de la Loire en Seine qui achèvera à partir de 1638 le creusement en l’espace de quatre années. Par lettres patentes de Louis XIII, Guillaume Boutheroue et Jacques Guyon, receveurs d'aides et tailles et payeurs de rentes à Beaugency et à Montargis obtiennent le droit de finir les travaux. Ils constituent avec 14 autres associés, gentilshommes et bourgeois, la Compagnie des Seigneurs propriétaire du canal qui percevra des péages sur les marchandises transportées. C’est donc un investissement de taille pour lequel ils espèrent tirer profit à court terme.

Le premier canal à partage des eaux européen est donc ouvert en 1642. En cette époque, les voies d’eau sont plus commodes, plus sûres et ont un potentiel bien supérieur au transport terrestre. L’ouverture du Canal de Briare va faciliter considérablement l’acheminement vers Paris des marchandises qui transitaient par la Loire. C’est dans le même temps un coup dur pour le commerce de la ville d’Orléans qui ne tardera pas à réagir. Ceci sera une autre histoire pour un autre canal.

1642 devient donc une date très importante pour l’histoire du commerce. Long de 57 kilomètres, le canal rejoint le Loing avant que de se jeter dans la Seine. Il comporte 12 écluses de l'embouchure en Loire au bief de partage des eaux situé entre les kilomètres 12 et 17,5 et 24 écluses du bief à Châlette. A la vitesse de 4 Km/h, la traction se fait par des hommes. Son alimentation en eau pose problème. Il faudra des aménagements importants pour obtenir à partir de 1670 qu’il soit navigable cinq à six mois dans l’année. Son petit frère, le canal d’Orléans, rencontrera plus tard, les mêmes difficultés.

La suite


Mille six cent quarante deux est paradoxalement grâce au canal de Briare une date clef dans l’histoire de la navigation fluviale. La jonction de la Loire à la Seine ouvre de nouvelles perspectives pour le commerce. C’est ainsi que suivront assez rapidement d’autres canaux de jonction à commencer par celui du midi à l’initiative de Paul Riquet, un homme pas aussi glorieux que la postérité veut bien le laisser croire. Mais ceci sera une autre histoire.

À cette date, Paris peut recevoir par voie d’eau, via la Loire et le canal, les marchandises venant des provinces du centre, du sud et de l'ouest du royaume. Il y a là un gain considérable de qualité, les routes n’étant pas de nature à permettre un acheminement sans secousse. Par contre pour Orléans, c’est un coup dur, les voituriers de la place du Martroi subissant de plein fouet un net recul des voyages vers la capitale.

La révolution industrielle diversifie le trafic traditionnel de nos rivières. (Vous pouvez relire l’article :
La communauté des Marchands 10). En 1831, 8433 bateaux transportent 425 000 tonnes de produits agricoles, de charbon du Massif Central ou de bois à brûler. L'État avec le second Empire découvre le potentiel des voies d’eau. Il convient de ne plus laisser à des sociétés privées leur gestion. En 1860, les canaux sont rachetés. Napoléon Trois étant un grand acteur de nos rivières et canaux. Il est à l’origine de bien des travaux à commencer par le chantier d’élévation et de renforcement des levées et celui de canaux.

Après 1879, on change de gabarit. Les écluses sont aménagées pour des bateaux de 300 tonnes . Le gabarit Freycinet est une norme qui fixe la dimension des écluses afin de permettre à toutes les péniches de circuler sur ceux-ci. C’est en 1879 que Charles Freycinet fixe la dimension des sas d’écluses : 39 mètres de long, 5m 20 de large pour un tirant d’eau compris entre 1m 80 et 2 m 20. cela implique que les péniches fassent au maximum 38 m 50 de long et 5 m 05 de large.


Déjà entre 1820 et 1840, une norme précédente : le Gabarit Becquet avait fixé la longueur des écluses à 30 m 40 . Pour assurer une meilleure alimentation en eau, les travaux se poursuivent en 1895 avec la création de l'usine élévatoire de Briare, un système complexe de pompage de l'eau de la Loire pour mieux alimenter le canal. C’est ainsi que fort de tous ces aménagements le trafic sur le canal arrivera à son apogée en 1913 avec 12 170 bateaux et 1 657 700 tonnes de marchandises.

Après 1945, les voies d’eau battent de l’aile. Le transport routier s’impose par sa capacité à se rendre d’un pont à l’autre, n’importe où sur le territoire. C’est le lent déclin de batellerie qui provoquera la fermeture de nombreux canaux en 1954 dont ceux d’Orléans et du Berry. Le canal de Briare transporte alors presque exclusivement des céréales avec seulement 27 000 tonnes. Ce sera le tourisme fluvial qui sauvera Briare et fera de cette belle cité ligérienne un port actif et très apprécié, d’autant que le pont canal construit entre 1890-95 par les entreprises Eiffel, Daydé et Pillé permet d’éviter le redoutable passage de Mantelot dont nous reviendrons prochainement sur la belle et tragique histoire. Le pont-canal de Briare, fut longtemps le plus long d'Europe avec presque 663m pour permettre le passage du canal de Briare au canal latéral à la Loire ouvert en 1838.

Le canal, outre son intérêt touristique garde une grande utilité pour la régulation des crues. Il constitue une réserve d'eau en cas de sécheresse et l’on constate que nombres d’agriculteurs y puisent de l’eau pour des arrosages qui ne sont pas tous déclarés. C’est encore une belle réserve piscicole qui fait le bonheur des pêcheurs.

Depuis 1981 le Conseil Général du Loiret en a fait un grand pôle touristique. On peut ainsi voir passer plus de 3 000 pénichettes par an pour des vacances sur l’eau. Le Conseil Départemental a pris le relais et se lance dans des travaux de réfection du pont canal. Seule la promesse établie par convention de rouvrir le canal d’Orléans semble être passée aux oubliettes de l’histoire après les récentes crises financières. C’est fort dommage que la jonction des canaux de Briare et Orléans ne soit pas envisageable, ce serait un formidable atout pour notre département et la Loire.



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