On a marché sur la Lune
Je
me souviens de la nuit du 20 au 21 juillet 1969. Je me souviens d'une
douce et belle soirée dans les Alpes suisses. Nous étions jeunes et
nous étions dans ces colonies de vacances qui aujourd'hui seraient
sans doute interdites… Nous campions dans un confort plus que
relatif dans une prairie que nous partagions avec de belles vaches
suisses qui à notre grande surprise n'étaient pas mauves.
Je me souviens
d'un petit groupe d'enfants sages (et oui, ça m'est arrivé aussi
!). Nous avions les yeux rivés sur ce ciel sans nuage d'une époque
qui ignorait tout du réchauffement climatique ! Nous avions tous au
cœur un formidable désir de modernité. Nous nous disions tous que
nous aurions 40 ans (un tout petit peu plus …) en l'an 2000 et que
nous connaîtrions alors un monde merveilleux et facile. Nous ne
pouvions imaginer alors à quel point nous nous fourvoyons !
Je me souviens
de cette utopie de 1968 qui était encore si présente. Nous n'avions
vécu qu'à distance, ces soubresauts d'une société archaïque qui
mettra encore des années à disparaître. Nous allions pourtant
entrer au collège deux mois plus tard avec la disparition de
l'algèbre et de l'arithmétique au profit des mathématiques
modernes. Un événement qui compte bien moins que la découverte des
filles avec lesquelles nous n’avions pas partagé les bancs de la
communale ! Ce fut une douce révélation pour moi...
Nous vivions une
enfance qui ignorait le racisme et la délinquance, nous ne
connaissions ni la peur ni le terrorisme ni le vol de nos vélos que
jamais nous n'attachions. Nous n'avions pas de téléphone portable
vissé à nos oreilles ni quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Nous
étions libres d’aller et venir, la nature était notre terrain de
jeu, la Loire notre espace de totale liberté et notre beau château
de Sully, le point de rendez-vous.
Je me souviens
d'un voyage entrepris le 16 juillet 1969 et qui avait emporté des
hommes à 370 000 kms de nous. Nous vivions intensément une aventure
sans qu'il fût besoin d'un battage médiatique et d'une injonction
journalistique. Nous avions la tête dans un ciel que nous pensions
éternellement débarrassé de scories qui avaient assombri celui de
nos aînés et de leurs abominables guerres. Nos monitrices nous
projetaient des diapositives de « On a marché sur la Lune »,
nous préparions ainsi la nuit qui allait changer le monde.
Je me souviens
de notre héros, Neil Amstrong, il était pour nous tout à la fois
Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol. Hergé avait
pris le relais de Jules Verne tandis que son voyage de la Terre à la
lune devenait réalité. Nous savions depuis longtemps que les
Sélénites n'existaient pas. Qu'importe, tous nos autres rêves nous
semblaient encore possibles et nous avions tous la tête dans les
étoiles espérant en des lendemains enchanteurs.
Nous découvrions
le monde sans qu'on nous impose des goûts, des loisirs, des pensées
à travers une petite lucarne qui n'avait que deux chaînes en noir
et blanc et qui ne fonctionnait pas à plein temps. L'ORTF était
sous la tutelle du premier ministre depuis quelques jours et le
ministère de l'information venait de disparaître. Je me souviens
d'une douce nuit d'été dans les Alpes suisses, d’une nuit passée
la tête dans les étoiles grâce à la Sœur Vincent et ses
impensables colonies de vacances.
Je me souviens
que nous avions une foi inébranlable en l’Humanité, au progrès,
en l’école, en la science que nous étions insouciants et sans la
moindre peur pour l’avenir. Je sais désormais que nous n’avons
jamais décroché la Lune, bien au contraire et que tous nos rêves
d’un monde meilleur resteront à jamais des espoirs déçus !
Sélénitement
vôtre.
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