Un
temps révolu, semble-t-il.
La
lecture d’un curieux roman dont un chapitre traite justement de
tels souvenirs d’une façon sans doute beaucoup plus elliptique m’a
poussé à replonger dans le temps béni de nos jolies colonies de
vacances. C’était en un temps lointain où les réglementations ne
faisaient pas de cette formidable proposition de départ, un
casse-tête administratif qui a eu pour effet de transformer ce
loisir populaire en une proposition pour public privilégié.
En
ce temps-là, la volonté d’une seule personne pouvait permettre de
mettre sur pied une formidable aventure collective, bon marché et
ouverte à tous. Dans mon village d’en-France, c’est la sœur
Vincent qui était la cheville ouvrière de mes premières colonies.
Je m’en souviens encore comme si c’était hier avec une douce
nostalgie et une admiration sans borne pour cette femme à la poigne
de fer et à la volonté inébranlable.
Nous
étions minots, nous partions pour la première fois de chez nos
parents. Nous nous retrouvions tous, les enfants d’ouvriers, les
fils de commerçants, les filles d’employées, les orphelins ou les
gamins des cités, sans distinction aucune et dans un formidable
mélange qui faisait se retrouver ici ceux de l’école publique et
ceux de l’école Jeanne D’arc que dirigeait la bonne dame. La
mixité sociale avant qu’on en parle car à cette époque, cela
semblait une évidence.
Nous
partions avec la compagnie de cars sullyloise qui allait se fracasser
quelques années plus tard dans un accident qui laisse à jamais les
mémoires locales meurtries. C’était encore le temps de
l'insouciance et des trajets épiques pour gagner les Alpes. Nous,
les enfants de Loire, partions à la rencontre du relief et nous
allions en prendre plein les yeux. Plusieurs années, notre havre de
paix fut Longefoy-sur-Aime en Savoie.
Jeune
normalien, c’est là-bas que j’encadrai ma première classe de
neige, manière sans doute de rendre un peu tout l’amour qu’on
m’avait donné. Ce furent alors des séjours épiques, des balades
folles, des soirées qui resteront à jamais gravées dans ma
mémoire. Les moniteurs n’étaient que des jeunes gens dont très
peu étaient formés mais qui avaient tous l’envie de bien faire.
L’esprit de famille régnait ainsi dans la joie et la bonne humeur.
La
sœur Vincent, avec l’appui du très haut sans doute, passa au
travers de toutes les chausse-trappes et incidents qui émaillent
parfois de tels centres. Nous passâmes c’est certain, quelques
fois, tout près de l’irréparable, surpris par un orage d’une
rare violence dans les estives, égarés dans une forêt sombre et
inhospitalière, glissant sur des pentes incertaines et rocailleuses,
…, mais au bout du compte, une bonne fée devait veiller sur nous.
Nous
grandissions, la sœur voulut sans doute trouver local plus en
conformité avec les exigences croissantes d’une époque qui avait
déclaré l’enfant roi après 1968. C’est en Suisse que nous
partîmes, toujours dans les Alpes. Le confort y était tout autre,
les conditions d’hébergement plus en rapport avec les règles qui
pointaient le bout de leur nez. Nous les plus vieux qui avions droit
à la tente, nous n’avions vu guère de changement.
Les
années avaient passé, nous étions de jeunes adolescents qui
trouvèrent avec l’abbé Philippe le prolongement naturel des
colonies de la bonne sœur. Nous passions un cap, une frontière
supplémentaire, plongeant au cœur de la forêt noire pour découvrir
les joies et des tracas du camp à la dure. Que de souvenirs encore,
que de péripéties et de transgressions qui n’ont pas leur place
ici. C’est cependant ainsi que l’on devient un adulte, par cette
accumulation d’expériences auxquelles je dois beaucoup dans le
futur choix de mon métier d’enseignant.
C’est
ainsi que nous achevâmes cette formation par deux camps en totale
autogestion sous le seul regard bienveillant des abbés Philippe et
René. La religion n’avait guère sa place dans nos turpitudes et
un de nos deux « encadrants » finit même pas épouser
l’une de nos camarades. C’est vous dire s’il y avait du
relâchement dans la règle. Les vacances suivantes, je n’avais pas
encore seize ans et j’avais passé l’âge de ces camps. C’est
donc en tant que plongeur que je partis pour une colonie des œuvres
universitaires. La première étape avant que de passer totalement de
l’autre côté et de devenir à mon tour un moniteur, diplômé
cette fois car la législation avançait à grand pas.
Les
temps avaient changé aussi. Je découvris des publics déshérités,
des centres qui manquaient de tout avec des gamins difficiles et
exigeants. Je n’étais pas au bout de mes surprises en la matière,
j’encadrai aussi des colonies pour de grands comités d’entreprise
disposant d’un luxe sans égal d’installations et d'activités
pour des colons plus que jamais insatisfaits.
Longtemps,
j’ai prolongé ces moments bénis de l’enfance en étant moniteur
lors d’un de mes mois de grandes vacances. C’était un luxe et un
avantage que m’autorisait mon métier. C’était également une
nécessité pour moi, un besoin de véritablement comprendre les
enfants. Je n’aurais jamais imaginé devenir enseignant sans être
passé par cette formation indispensable à mes yeux de l’encadrement
de colonies de vacances.
Depuis,
les choses ont bien changé. Nombreux sont les nouveaux professeurs
qui ne sont jamais passés par cette formidable école de la vie.
Qu’en penser ? J’ai naturellement mon opinion sur ce sujet mais
je ne veux pas prendre le risque une fois encore d’être traité de
vieux con. Pourtant, je ne remercierai jamais assez la sœur Vincent
pour m’avoir offert ainsi ce si bel apprentissage de la vie
collective.
Aventureusement
leur.
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