Conciliabule
Nuit du samedi au dimanche.
Les tourtereaux
« Qui aime la femme est cousin du soleil ! »
La chouette du matin a réuni les tourtereaux. Il n’y a pas lieu de s’effrayer, bien au contraire. Leurs retrouvailles ne peuvent se dérouler de manière conventionnelle. Les voisins en pâtiraient tout autant que la réputation d’un commissaire devenu gloire locale en quelques heures ; le flic ayant supplanté l’ancien demi de mêlée par la transformation d’un meurtre à sensation, en un banal accident.
Ignace et Guylaine célèbrent la Loire dans une fusion à laquelle seule la nuit étoilée assiste, non sans gêne, d’ailleurs. Ils s’en vont en catimini sur l’autre rive, face à l’endroit où la dame tient la perche de son sport ancestral, tout autant que devant le drame dans un lit qui les réunit pour la vie. C’est du moins ce qu’ils espèrent tous deux. Le ciel pour seul témoin, ils se lancent dans une sarabande étonnante qui ne lasse pas de surprendre les animaux, interloqués de découvrir les prodiges d’imagination dont sont capables deux humains pour réaliser une union charnelle. Une maman castor prie ses enfants de ne pas regarder ce spectacle édifiant, tandis qu’un Grand-Duc d’Orléans s’offre un vol circulaire pour se rincer l’œil qu’il a grand ouvert. Serait-ce déjà notre Gontrand réincarné en rapace par un facétieux signe du destin ?
Quoiqu’il en soit, faisons-nous plus discrets que cet indélicat volatile ! laissons-les aux tumultes des sens, aux débordements du désir, à la célébration des corps, à la folie ligérienne !
La Loire n’est pas déçue. Les deux amants lui accordent ce qu'elle n'a entendu jusqu’alors. Leur union, leur confusion, dure toute la nuit. Le sol tremble, le lit de la rivière se soulève, le vent murmure au rythme de leurs soupirs. Au loin, la ville tout entière est prise d'une frénésie d'amour. C’est la nuit la plus torride qu’on ait jamais connue de mémoire d’Orléanais. Il y a même quelques Jeanne qui en perdent leur pucelage. Les candidates au défilé seront moins nombreuses encore...
Sur son calepin, l’amoureux a écrit avant de se rendre à son rendez-vous :
26 : Je ne sais qui d’elle ou de moi a pris l’autre dans ses rets. Voilà une bien belle et curieuse pêche que nous avons accomplie en Loire !
Au chant du coq
« Où il y a un coq, ce n’est pas la poule qui chante ! »
Au petit matin, épuisé mais heureux, Ignace se fend d’une petite bluette pour honorer sa belle. Elle en est comblée, l’amour rend aussi aveugle que sourd :
Ses habits de lumière
J'aimerais tant vous parler d'elle
De ses habits de lumière
Des reflets qui la font si belle
A mes envies marinières
Elle se glisse dans son lit
Majestueuse et docile
Se donne à toutes vos envies
Quand elle se fait gracile
Elle vous chasse sans pitié
Coléreuse et farouche
Gronde le long des sentiers
Arrachant toutes les souches
J'aimerais tant vous parler d'elle
De ses habits de lumière
Des reflets qui la font si belle
Dans le creux des sablières
Elle se répand sans retenue
Gracieuse et câline
Se montre alors toute nue
Pour une nuit coquine
Elle se refuse soudainement
Frondeuse et violente
Repousse sans ménagement
Celui qui la croyait dolente
J'aimerais tant vous parler d'elle
De ses habits de lumière
Des reflets qui la font si belle
Le long de ses gravières
Elle se prélasse sans détour
Paresseuse et offerte
S'abandonnant à votre amour
Sans vous avouer sa défaite
Elle vous chasse un peu plus tard
Rageuse et cinglante
Affirmant sans aucun fard
Qu'elle ne sera plus votre amante
J'aimerais tant vous parler d'elle
De ses habits de lumière
Des reflets qui la font si belle
Au détour de la rivière
Vous l'avez sans doute compris
Elle est ma merveilleuse Loire
Aimée beaucoup, à la folie
D'une passion à ne pas croire
Vous l'avez sans doute compris
Et il vous faudra bien me croire
Je l'aime plus qu'à la folie
Ma si douce et tendre Loire
J'aimerais tant vous parler d'elle
De ses habits de lumière
Des reflets qui la font si belle
Dans les yeux des lavandières
* * *
Il ne peut s’empêcher de conclure cette étrange aventure par cette dernière annotation concernant l’affaire De La Motte Sanguin :
27 : Certains prétendent que la Loire recèle fées et sirènes, vouivres et birettes. J’ai eu la chance d’y trouver une sirène sublime en suivant les traces d’un héron. Tout est donc possible dans cet étrange pays aux mille et une légendes.
* * *
FIN
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