vendredi 27 mai 2022

Un bec hors de l'eau - fin -

 

Conciliabule


Nuit du samedi au dimanche.


Les tourtereaux


« Qui aime la femme est cousin du soleil ! »







La chouette du matin a réuni les tourtereaux. Il n’y a pas lieu de s’effrayer, bien au contraire. Leurs retrouvailles ne peuvent se dérouler de manière conventionnelle. Les voisins en pâtiraient  tout autant que la réputation d’un commissaire devenu gloire locale en quelques heures ; le flic ayant supplanté l’ancien demi de mêlée par la transformation d’un meurtre à sensation, en un banal accident.


Ignace et Guylaine célèbrent la Loire dans une fusion à laquelle seule la nuit étoilée assiste, non sans gêne, d’ailleurs. Ils s’en vont en catimini sur l’autre rive, face à l’endroit où la dame tient la perche de son sport ancestral, tout autant que devant le drame dans un lit qui les réunit pour la vie. C’est du moins ce qu’ils espèrent tous deux. Le ciel pour seul témoin, ils se lancent dans une sarabande étonnante qui ne lasse pas de surprendre les animaux, interloqués de découvrir les prodiges d’imagination dont sont capables deux humains pour réaliser une union charnelle. Une maman castor prie ses enfants de ne pas regarder ce spectacle édifiant, tandis qu’un Grand-Duc d’Orléans s’offre un vol circulaire pour se rincer l’œil qu’il a grand ouvert. Serait-ce déjà notre Gontrand réincarné en rapace par un facétieux signe du destin ?


Quoiqu’il en soit, faisons-nous plus discrets que cet indélicat volatile ! laissons-les aux tumultes des sens, aux débordements du désir, à la célébration des corps, à la folie ligérienne !


La Loire n’est pas déçue. Les deux amants lui accordent ce qu'elle n'a entendu jusqu’alors. Leur union, leur confusion, dure toute la nuit. Le sol tremble, le lit de la rivière se soulève, le vent murmure au rythme de leurs soupirs. Au loin, la ville tout entière est prise d'une frénésie d'amour. C’est la nuit la plus torride qu’on ait jamais connue de mémoire d’Orléanais. Il y a même quelques Jeanne qui en perdent leur pucelage. Les candidates au défilé seront moins nombreuses encore...



Sur son calepin, l’amoureux a écrit avant de se rendre à son rendez-vous :


26 : Je ne sais qui d’elle ou de moi a pris l’autre dans ses rets. Voilà une bien belle et curieuse pêche que nous avons accomplie en Loire !









Au chant du coq


« Où il y a un coq, ce n’est pas la poule qui chante ! »






Au petit matin, épuisé mais heureux, Ignace se fend d’une petite bluette pour honorer sa belle. Elle en est comblée, l’amour rend aussi aveugle que sourd :




Ses habits de lumière



J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

A mes envies marinières


Elle se glisse dans son lit

Majestueuse et docile

Se donne à toutes vos envies

Quand elle se fait gracile


Elle vous chasse sans pitié

Coléreuse et farouche

Gronde le long des sentiers

Arrachant toutes les souches


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Dans le creux des sablières


Elle se répand sans retenue

Gracieuse et câline

Se montre alors toute nue

Pour une nuit coquine


Elle se refuse soudainement

Frondeuse et violente

Repousse sans ménagement

Celui qui la croyait dolente


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Le long de ses gravières


Elle se prélasse sans détour

Paresseuse et offerte

S'abandonnant à votre amour

Sans vous avouer sa défaite


Elle vous chasse un peu plus tard

Rageuse et cinglante

Affirmant sans aucun fard

Qu'elle ne sera plus votre amante


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Au détour de la rivière


Vous l'avez sans doute compris

Elle est ma merveilleuse Loire

Aimée beaucoup, à la folie

D'une passion à ne pas croire


Vous l'avez sans doute compris

Et il vous faudra bien me croire

Je l'aime plus qu'à la folie

Ma si douce et tendre Loire


J'aimerais tant vous parler d'elle

De ses habits de lumière

Des reflets qui la font si belle

Dans les yeux des lavandières


* * *

Il ne peut s’empêcher de conclure cette étrange aventure par cette dernière annotation concernant l’affaire De La Motte Sanguin :


27 : Certains prétendent que la Loire recèle fées et sirènes, vouivres et birettes. J’ai eu la chance d’y trouver une sirène sublime en suivant les traces d’un héron. Tout est donc possible dans cet étrange pays aux mille et une légendes.


* * *

 


FIN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le loup est sur les dents

  Il y a comme un loup … Le voilà sur les dents En recherche d'indices Le museau en avant Guettant la pelisse Le...