Un
nouveau monde est possible …
Il
était une fois un petit garçon qui n'arrivait pas à s'exprimer.
Les mots se bousculaient tellement sur sa langue et dans sa tête,
qu'il lui était impossible de les mettre en bouche. La vie était
pour lui une souffrance, confronté qu'il était à ce blocage
terrible qui le privait du commerce des humains, ses semblables. Il
se morfondait, seul dans son coin, muré dans un silence qui le
rendait malheureux.
Il
lui fallait briser les murs de cette prison imaginaire. Il prit la
décision de trouver sa voie en empruntant d'autres chemins que ceux
des routes de l'exil. C'est dans son silence qu'il mènerait son
exploration, prenant une plume pour écrire les récits qui
tournaient dans sa tête. Il avait tant de belles histoires à
raconter, des aventures magnifiques, des récits émouvants, des
poèmes et mêmes des chansons d'amour …
Il
voulait se faire entendre, lui qui ne pouvait pas parler, être
écouté par tous ceux, qui jusqu'alors, se détournaient de lui. Il
confia ses trésors à quelques troubadours et trouvères qui se
firent un honneur de les lui mettre en musique. Bientôt, dans tout
le pays, résonnaient ses agréables airs qui enchantaient le public.
Personne,
pourtant ne savait qui était l'auteur de ces ballades émouvantes,
de ces ritournelles qui ne cessaient d'envahir les esprits. Il
souriait d'entendre fredonner des mots qui se dérobaient à lui mais
qui retrouvaient force et vigueur par la magie de douces mélodies.
Il était empli d'une immense fierté qui réchauffait son cœur.
Le
petit garçon se surprit parfois à fredonner, lui aussi, les airs
que lui avaient octroyés ses amis de la Baraka. Les mots
s'échappaient alors, plus dociles qu'auparavant, se glissant
derrière les notes pour enfin être apprivoisés. C'est ainsi qu'il
se découvrit la capacité de chanter ce qu'il était incapable de
dire autrefois.
La
chose peut paraître surprenante ; je devine ici ou là des gens
susceptibles de mettre en doute ma parole. Qu'importe, ceux-là
resteront toujours des porteurs de vilaines nouvelles, des êtres
retors et tristes. Pour imiter celui qui enchantait ainsi leurs vies,
les gens du pays firent tous comme lui. Chacun cessa de parler pour
se mettre à s'exprimer en chantant.
Vivre
dans ce pays de comédie musicale devint un véritable enchantement.
Tous les habitants étaient au diapason, reprenant en chœur le
propos du voisin. Les querelles cessèrent, les chagrins se firent
plus rares, les histoires d'amour prirent le pas sur les disputes et
les griefs. Des musiciens sillonnaient les rues, pour accompagner
ceux qui voulaient s'exprimer.
Le
petit garçon, comme il se doit, devint le maître des chœurs, le
grand ordonnateur des affaires du pays. Il fut porté au pouvoir par
un plébiscite unanime où chacun lui donna sa voix. Le parlement fut
débaptisé, il devint, pour le plus grand bonheur de tous, la
chorale nationale. Les discours se firent cantates, oratorios,
opéras, épopées musicales.
L'armée
fut renvoyée dans ses casernes. Les soldats déposèrent les armes
pour prendre des instruments de musique. Après de multiples
répétitions, ils apprirent à jouer de concert tout en cessant de
marcher au pas. La mélodie plutôt que la gabegie de la guerre :
voilà qui allait réjouir les mélomanes. Seuls les chants en canon
furent prohibés.
Le
petit garçon grandit alors dans un monde enchanté, un monde
d'opérettes et de contes de fées. Il avait trouvé sa destinée,
elle serait parsemée de roses et de bonheur. Il fut le premier
responsable public à ne plus prendre la parole mais à entonner un
discours repris en chœur par l'assistance. La communion au lieu
d'une écoute ennuyeuse et sans intérêt ; il y avait de quoi
se réjouir.
Le
petit garçon ignorait alors qu'il allait bouleverser le monde par ce
simple changement. La parole se faisant chanson, les menteurs et les
raseurs, les discoureurs et les ratiocineurs, les politiques et les
ennuyeux se virent confrontés à des dos tournés ou des oreilles
bouchées. Les propos sans âme ne supportaient pas d'être chantés.
Seuls les mots sincères se mariaient harmonieusement avec les notes
et les airs. La vie redevenait joyeuse grâce à cette bienheureuse
transformation.
Enchantement sien.
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