De
la poudre aux yeux. Minotiers et Minauderies
Depuis
le temps qu’il nous donnait du grain à moudre, matière à broyer
des idées noires, tout en devant s’écraser devant la puissance de
son verbe, ce moulin à paroles a reçu la monnaie d’une pièce
qu’il n’avait pas mise de côté. Il faut se garder de jeter de
la poudre aux yeux au bon peuple ; celui-ci finit toujours par
devenir chaud du bonnet et, en la matière, ce fut celui du meunier
qui porta l’estocade.
La
farine était blanche, ce qui, hélas, n’était pas le cas de la
cible. Même si la justice n’a pas tranché, on peut affirmer que
l’homme avait fait belles et grandes moissons dans les deniers
publics. Le bon grain lui est désormais revenu en pleine face tandis
qu’il salissait ainsi une livrée, sans doute offerte par un gros
céréalier de Beauce : un généreux donateur qui souhaite que
son favori lui permette de continuer de souiller la terre encore
longtemps.
À
ce train-là, la farine blanche va devenir une arme de destruction
massive et le pauvre empêcheur de frauder en rond risque fort les
foudres d’une justice impitoyable avec le terrorisme chimique. Ceux
qui répandent sans compter des produits toxiques sur les récoltes
sont des bienfaiteurs de l’humanité, quand celui qui s’élève
contre la caste des empoisonneurs risque l'échafaud.
Il
est vrai que notre ami des céréales douteuses était, lui aussi,
présent aux obsèques du grand minotier de la fédération des
agriculteurs apprentis sorciers. À défendre ainsi la production
intensive et nocive, il était prévisible qu’un excès de
production lui revienne en pleine face. Ce sont les lois du marché :
elles sont aussi intangibles que le courroux des peuples humiliés,
volés, trahis, foulés au pied.
Gloire
à l’enfarineur ! En écrivant ceci, je ne sais d’ailleurs
qui est celui qui mérite pareil titre de gloire. J’avoue que la
cible en costume-cravate mérite, plus que tout autre, cette
distinction ; lui qui ne sait du blé que la partie qu’il se
met dans les poches. La fatigue d’une campagne harassante et
délicate lui ayant octroyé de jolies poches sous les yeux, le blé
devint farine par la magie d’une meute qui refuse de s’écraser.
Les
casseroles ont cessé de faire du bruit. Le sac de farine ne risque
pas de tomber sous le coup des délits de tapage public. La prochaine
étape consistera à envoyer des œufs sur le bonhomme pour qu’il
finisse par s’écraser comme une crêpe. Vous pouvez admirer la
logique, tout en remarquant que les casseroles furent sans doute une
réponse prématurée. C’était ce qu’on appelle dans
l’agriculture - que ne défend pas notre châtelain - mettre la
charrue avant les bœufs !
Ne
poussez plus, monsieur l'accapareur ; nous ne sommes justement
pas des bœufs. Vous comptez nous mettre sous le joug de votre mépris
sidérant, de votre politique de classe, de vos mesures injustes et
inégalitaires. La farine nous monte au nez ; vous en constatez
les effets. Votre honneur aurait pu être touché par ce geste
discutable mais d’honneur, monsieur, vous nous avez démontré que
vous n’en avez guère.
Comme
le chiendent pousse parfois dans les beaux épis de blé, vous êtes
le parasite de la République, le chancre d’un système politique
qui fait la part belle aux profiteurs de votre espace. La coupe est
pleine et la colère se déverse désormais sur vous qui êtes devenu
le symbole de la déliquescence de la démocratie représentative.
Un
grand coup de vent s’impose ; non pour faire tourner les
moulins et vous permettre ainsi d’être blanchi par le peuple,
avant que vos avocats ne trouvent la faille, mais bien pour broyer
tous les gredins de votre espèce. Nous avions une poutre dans l’œil
et nous pensions naïvement que ce n’était qu’une paille, trop
habitués que nous étions à choisir d'attribuer le poste à celui
qui tirait la plus courte pour mieux nous leurrer. Le temps est venu
de faire grande et belle moisson. Le peuple souverain reprend son
destin en main.
Pour
ne pas gaspiller, d’autres fabriquent des petites poupées de
paille. Quelques affiches électorales permettront de leur donner
visage humain. Nous piquerons ces poupées d’aiguilles après moult
incantations. La malédiction tombera alors sur les épouvantails de
nos palais. Le temps est venu de la récolte républicaine, du grand
battage des moissons. Les ballots ont cessé de l’être et nos
grains de blé n’iront plus remplir vos silos et vos greniers quand
l’ivraie sera enfin remisée dans des prisons qui n’attendent que
vous. Coupons le blé en herbe tant qu’il en est encore temps.
Enfarinement
sien.
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