lundi 17 juin 2019

Le nez dans la farine.


De la poudre aux yeux. Minotiers et Minauderies



Depuis le temps qu’il nous donnait du grain à moudre, matière à broyer des idées noires, tout en devant s’écraser devant la puissance de son verbe, ce moulin à paroles a reçu la monnaie d’une pièce qu’il n’avait pas mise de côté. Il faut se garder de jeter de la poudre aux yeux au bon peuple ; celui-ci finit toujours par devenir chaud du bonnet et, en la matière, ce fut celui du meunier qui porta l’estocade.

La farine était blanche, ce qui, hélas, n’était pas le cas de la cible. Même si la justice n’a pas tranché, on peut affirmer que l’homme avait fait belles et grandes moissons dans les deniers publics. Le bon grain lui est désormais revenu en pleine face tandis qu’il salissait ainsi une livrée, sans doute offerte par un gros céréalier de Beauce : un généreux donateur qui souhaite que son favori lui permette de continuer de souiller la terre encore longtemps.

À ce train-là, la farine blanche va devenir une arme de destruction massive et le pauvre empêcheur de frauder en rond risque fort les foudres d’une justice impitoyable avec le terrorisme chimique. Ceux qui répandent sans compter des produits toxiques sur les récoltes sont des bienfaiteurs de l’humanité, quand celui qui s’élève contre la caste des empoisonneurs risque l'échafaud.

Il est vrai que notre ami des céréales douteuses était, lui aussi, présent aux obsèques du grand minotier de la fédération des agriculteurs apprentis sorciers. À défendre ainsi la production intensive et nocive, il était prévisible qu’un excès de production lui revienne en pleine face. Ce sont les lois du marché : elles sont aussi intangibles que le courroux des peuples humiliés, volés, trahis, foulés au pied.

Gloire à l’enfarineur ! En écrivant ceci, je ne sais d’ailleurs qui est celui qui mérite pareil titre de gloire. J’avoue que la cible en costume-cravate mérite, plus que tout autre, cette distinction ; lui qui ne sait du blé que la partie qu’il se met dans les poches. La fatigue d’une campagne harassante et délicate lui ayant octroyé de jolies poches sous les yeux, le blé devint farine par la magie d’une meute qui refuse de s’écraser.

Les casseroles ont cessé de faire du bruit. Le sac de farine ne risque pas de tomber sous le coup des délits de tapage public. La prochaine étape consistera à envoyer des œufs sur le bonhomme pour qu’il finisse par s’écraser comme une crêpe. Vous pouvez admirer la logique, tout en remarquant que les casseroles furent sans doute une réponse prématurée. C’était ce qu’on appelle dans l’agriculture - que ne défend pas notre châtelain - mettre la charrue avant les bœufs !

Ne poussez plus, monsieur l'accapareur ; nous ne sommes justement pas des bœufs. Vous comptez nous mettre sous le joug de votre mépris sidérant, de votre politique de classe, de vos mesures injustes et inégalitaires. La farine nous monte au nez ; vous en constatez les effets. Votre honneur aurait pu être touché par ce geste discutable mais d’honneur, monsieur, vous nous avez démontré que vous n’en avez guère.

Comme le chiendent pousse parfois dans les beaux épis de blé, vous êtes le parasite de la République, le chancre d’un système politique qui fait la part belle aux profiteurs de votre espace. La coupe est pleine et la colère se déverse désormais sur vous qui êtes devenu le symbole de la déliquescence de la démocratie représentative.

Un grand coup de vent s’impose ; non pour faire tourner les moulins et vous permettre ainsi d’être blanchi par le peuple, avant que vos avocats ne trouvent la faille, mais bien pour broyer tous les gredins de votre espèce. Nous avions une poutre dans l’œil et nous pensions naïvement que ce n’était qu’une paille, trop habitués que nous étions à choisir d'attribuer le poste à celui qui tirait la plus courte pour mieux nous leurrer. Le temps est venu de faire grande et belle moisson. Le peuple souverain reprend son destin en main.

Pour ne pas gaspiller, d’autres fabriquent des petites poupées de paille. Quelques affiches électorales permettront de leur donner visage humain. Nous piquerons ces poupées d’aiguilles après moult incantations. La malédiction tombera alors sur les épouvantails de nos palais. Le temps est venu de la récolte républicaine, du grand battage des moissons. Les ballots ont cessé de l’être et nos grains de blé n’iront plus remplir vos silos et vos greniers quand l’ivraie sera enfin remisée dans des prisons qui n’attendent que vous. Coupons le blé en herbe tant qu’il en est encore temps.

Enfarinement sien.


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