mercredi 12 juin 2019

Rue Notre Dame de Recouvrance


La grande avenue du sucre

 

En bord de Loire, il est possible de retrouver trace du passé glorieux de la marine de Loire en découvrant le nom des rues pour peu que les élus n’aient pas fait table rase de l’héritage toponymique au profit de quelques grands hommes, souvent n’ayant jamais vécu ni eu le plus petit rapport avec la ville.

Il existe encore fort heureusement des noms de rues d’Orléans qui ne sont pas amnésiques, ne s’étant pas encore pliées à la vaine vanité de la gloire posthume des célébrités de pacotille. Nous préférons mille fois la Rue de l’Écu d’Or à la celle d’un général d’Empire, la Rue des Tanneurs à un Président du Conseil, la Rue de la Chèvre qui Danse ou celle de la Main qui File à des mauvaises canailles déjà tombées dans l’oubli.

Les abords des quais sont ainsi riches de plaques qui renvoient aux activités portuaires et ligériennes : Rue des Pêcheurs, du Pont de Cé, de la Bascule, de la Motte Sanguin, de l’Âne qui veille, de Chasse-Coquin, des Aydes, des Turcies, du Fil de Soie… La Liste serait trop longue et c’est tant mieux.

Plongeons tout particulièrement dans l’une d’entre-elles, plus évocatrice encore que les autres : la Rue Notre Dame de Recouvrance. Le nom de la rue est intimement lié à l’activité marinière dont le port principal était à ce niveau. Le pierré est d’ailleurs enfoui sous l’herbe, il n’est pas de même forme que celui du quai du Châtelet. La pente douce conduit jusqu’à la Loire sans qu’il y ait de quai plat. Des pontons permettaient alors de s'amarrer, trouver une « planche » était alors le souci des mariniers. Les marchandises qui arrivaient ici étaient directement liées à deux choses :

1 ) Le commerce vers Paris en allant transiter sur la Place du Martroi, la rue Notre Dame de Recouvrance était alors l’artère principale pour se rendre là avant le percement de la rue Royale. Le vin, les fruits, les ardoises, longue serait la liste des produits transitant ici.

2 ) L’approvisionnement des nombreuses raffineries de la rue. Les grandes façades bourgeoises de la rue attestent encore de cette activité essentielle à partir des années 1650. La mélasse arrivant des Antilles et devenant du sucre blanc ici.

L'église Notre dame de Recouvrance confirme à la fois de la culture maritime de l’endroit tout comme de l’inquiétude des femmes de mariniers qui venaient prier en ce lieu pour le retour de leurs époux. Une chapelle dite de Bon Secours avait été érigée par ces dames dans l’église.

Les Dames de Bon Secours relèvent d’une toute autre activité sur laquelle il convient de fermer les yeux. Une maison close réputée donnait en effet sur la rue. À deux pas de là, la rue de la Chèvre qui Danse peut signifier la présence d’un Cabaret. On trouve de nombreuses évocations de la vie bourgeoise du quartier dans le livre « Mémoires d’un Guêpin » durant la période révolutionnaire.

Plus loin dans le temps, la rue correspond, à partir du restaurant, aux fossés extérieurs de la muraille enserrant la ville au XIV° siècle. On trouve des vestiges de cette muraille derrière la Tour Saint Paul et plus bas au niveau du remarquable hôtel particulier de la rue Croix de Bois. Le nom des rues démontre l’ancienneté de cette zone qui fut même investie durant la période Gauloise. Dans le secteur on trouve un peu plus haut des sépultures celtes avec des parures de Pygargues, cet aigle pêcheur qui ornait également les pièces de monnaie.

La Rue Notre Dame de Recouvrance fut un temps prévue pour constituer l’artère principale de la cité permettant la traversée de la Loire. Les premiers projets prévoyaient la construction du Pont Royal dans son prolongement. Le projet fut abandonné et la rue perdit un peu de son aura. La fin des distilleries avec le blocus anglais et la généralisation de la betterave sucrière transforma sa nature, elle devint une rue résidentielle après avoir été diablement active.

Nous ne conservons trace que des façades bourgeoises des distilleries. Les usines étaient dans l’arrière cour et eurent bien vite d’autres destinations. Autre caractéristique de l’endroit, un peu plus bas que le restaurant, nombre de maisons disposent de trois niveaux de caves voûtées, héritage de l’activité mais aussi de la présence de la Loire un peu plus de 80 mètres plus haut que son lit actuel à l’époque Gallo Romaine.

Tout ceci ne fait pas de la Rue Notre Dame de Recouvrance le cœur de la cité historique puisqu’à l’époque de Ceno « Nom Celte de la future Orléans » celle-ci était une campagne peuplée d’habitats isolés, mais bien une extension considérable de la ville à partir du XV° siècle. Son emplacement en aval de la ville et des ponts successifs (Pont des Tourelles puis Pont Royal) lui octroyant un avantage considérable sur les Ports faisant face au Châtelet.

La Orléans Industrieuse est née ici. Elle se prolongea encore au-delà des raffineries avec des petits établissements industriels (Pompes hydrauliques, Automobiles, Filatures, …) jusqu’à péricliter quand Orléans devint une immense garnison. La rue de Recouvrance est donc la tête de pont d’un pan entier de l’histoire locale. La Loire permettant alors l’acheminement de marchandises et de produits alimentaires venant du Sud, il y a une continuité qui ne trahit pas ce glorieux passé. 



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