Au
pied de son arbre, il était bienheureux
Lug
était le fils de Cian et Eithne. Le jour de sa naissance, son
grand-père maternel Balor, arriva au pied de son berceau, accompagné
de trois fées, Houlipe, Morgane et Mélusine. Houlipe, la délicieuse
fée de notre Val se pencha la première sur l’enfant et lui
souffla à l’oreille une merveilleuse berceuse tout en lui offrant
une lyre, capable de jouer seule, les plus beaux airs qui soient.
Elle lui promit gloire et sagesse, faisant de lui le prochain maître
des arts, de la lumière et de l’âge celtique.
Morgane
à son tout se tourna vers l’enfant. Elle lui tendit une lance
magique et une fronde. Elle avait le visage grave tout en lui donnant
la lourde charge de défendre son peuple jusqu’à la mort. Il
serait le puissant guerrier invincible avec sa lance à la pointe
empoisonnée et cette fronde dont il userait avec adresse.
Mélusine
arriva à son tour vers le nouveau né. Avec elle, tout était
possible, le bien comme le mal, elle était imprévisible et
redoutée. Elle fit offrande au petit Lug d’un chêne qui dans
l’instant sortit de terre, en bord de Loire, juste à deux pas
d’une pierre Crapaud qui venait elle aussi se poser là après des
bonds puissants provoquant un petit séisme. Elle prophétisa la
puissance de l’enfant, il serait le dieu absolu, celui qui maîtrise
toutes les techniques et toutes les connaissances tant que le chêne
resterait planté en terre. Sous la pierre, un gigantesque trésor,
inaccessible jusqu’à ce que Lug en ait besoin pour sauver son
peuple.
Cian et Eithne n’en croyaient pas leurs oreilles. Leur fils était
appelé au plus grand destin qui soit mais il leur appartenait de
protéger cet arbre auquel sa destinée était intimement liée.
C’est un sanglier qui se chargea de veiller sur l’arbre et pour
sa peine, il se nourrissait de glands qui ne cessaient de tomber de
ses branches. Nul ne pouvait l’approcher tant ce sanglier était
redoutable.
Lug
grandit et devint le plus puissant des dieux. Il s’était imposé
comme le maître des lumières et de la guerre, le bienfaiteur du
peuple celte, celui qui provoque effroi chez les ennemis et
admiration chez les amis. Il était bon, juste et savait enjôler,
caresser, plaire et séduire. Ses conquêtes furent nombreuses, il
avait toujours une belle histoire à conter au pied de son chêne
totémique et les femmes succombaient toujours à ses paroles
caressantes.
Il
régna longtemps, très longtemps sur tous les peuples discriminés
désormais sur toute la façade occidentale de l’Europe. Son nom
dépassait en gloire les vieilles divinités du passé. Il allait de
par son vaste territoire jouant de la harpe pour que règnent la
concorde et la paix. Sa lance rebutait toute velléité de rébellions
et à quoi bon mettre à bas un dieu juste et bienveillant ?
Les
siècles passèrent ainsi sans que Lug n’y prenne garde. De
nouvelles croyances vinrent menacer son aura surnaturelle. Mais ces
dieux n’étaient que pacotilles, apportés par des envahisseurs
belliqueux certes mais tolérants. Il conservait sa place dans le
cœur des siens qui se prêtaient volontiers au simulacre des
nouvelles idoles sans renier leurs croyances.
Tout
bascula quand une nouvelle idole survint de l'orient. Un dieu unique
qui n’acceptait pas les autres. Il progressa lentement dans les
esprits mais tous ceux qui étaient gagnés à sa cause n’en
démordaient jamais plus. Ils se donnaient un poisson comme signe de
ralliement et dressaient des temples à sa grandeur.
Lug
ne comprit pas qu’il était menacé. D’autant que l’époque
était troublée. Les envahisseurs d’autrefois étaient retournés
en bord de Méditerranée. D’autres grondaient désormais dans les
vastes plaines orientales. Ils étaient redoutables, puissants et
impitoyables. Ils conquirent le pays par le fer et se grimèrent
d’une religion de paix pour s’implanter pour toujours. Ils se
prétendaient francs mais ne l’étaient guère. Sanguinaires et
barbares, ceux-là ne se souciaient pas des tendres mélodies de Lug
et de sa lyre.
Quand
Clovis étendit son joug sur un territoire qui allait de Lutèce à
Aurélianis en suivant les cours de la Seine de la Loire, Lug sentit
qu’il convenait de se faire discret. Le Dieu puissant et magnifique
vieillit soudainement. Il devint un vieillard digne et courbé qui
allait à la recherche de ses derniers fidèles.
Il
racontait des histoires qui devenaient désormais des légendes
d’autrefois. On écoutait le conteur qui s’accompagnait de sa
lyre, on se moquait de sa pauvre lance au fer émoussé qu’il
brandissait parfois en un geste pitoyable et dérisoire. Lug était
las, las et désemparé. Plus personne ne croyait à ses récits, on
l’écoutait seulement, un sourire aux lèvres avant de lui offrir
le gîte et le couvert et de le chasser au petit matin.
Un
jour que Clovis tenait grand concile en Aurélianis, entouré des
serviteurs du nouveau Dieu, il entendit parler de ce vieil homme qui
sillonnait son royaume, racontant des sornettes d’un autre temps.
Il voulut s’en amuser et distraire les évêques qui avaient
beaucoup travaillé à établir le dogme qui allait asseoir son
pouvoir.
On
alla quérir le vénérable Lug qu’on installa au chœur de cette
docte assemblée. Clovis le pria de raconter comme il le faisait à
travers tout le pays. Lug s’exécuta de bonne grâce, pensant sans
doute conquérir le cœur de ces hommes sérieux. Hélas, les
personnages étaient à table et rien n’a moins d’oreille qu’un
ventre affamé de voluptés terrestres. Seuls quelques-uns écoutaient
distraitement ces contes d’un autre temps.
Clovis
vit que l’homme n’était pas écouté, il le pria de se taire et
l’invita à rester là s’il voulait profiter des victuailles. Lug
lui sourit, se retira dans un coin, s’assit sur un trépied et
s’endormit. Quelque part en bord de Loire des guerriers abattaient
un vieux solitaire, un animal qui n’en pouvait plus d’effrayer le
voisinage. Des bûcherons arrivèrent pour mettre à terre un chêne
qui menaçait de s'effondrer à chaque instant.
Quand
le repas fut achevé, que les agapes n’eurent que trop duré, les
évêques et leur roi se retirèrent. Seul Mamert, l’évêque de
Vienne eut pitié du vieil homme qui dormait dans un recoin obscur.
Il s'approcha de lui, lui posa la main sur l’épaule pour le
réveiller. L’homme s’effondra, des milliers de glands roulèrent
à terre, Lug avait disparu à jamais, métamorphosé en fruits du
chêne.
Ainsi
meurent aussi les dieux quand ils ne trouvent plus de place dans le
cœur des hommes. Curieusement ce sont les plus doux et les plus
sages qui disparaissent les premiers. Lug avait subi la domination
d’autres qui portaient le glaive sans jamais l’afficher comme
étant leur attribut. Il avait été maître des lumières et la
sienne brille encore en bord de Loire, quelque part dans les yeux des
amoureux de la rivière.
Ligériennement
sien
J'aurais aimé écrire moi-même ce conte qui dit la vérité ! :)
RépondreSupprimerInconnu
SupprimerJe vous l'offre en vérité