En chamboulant le temps
En bousculant l'histoire
En martyrisant la chronologie
En travestissant la vérité
En défiant la logique
Et en grimant les personnages
Le bonimenteur vous invite à le suivre
Lorsqu'il vous déclare avec gravité :
« Il advint une bonne fois pour toute !
Qu'il vous faudra bien accroire »
Phénomène de
société, mal-être civilisationnel, besoin d'exister au travers de
ce qui se fait de plus futile, recherche effrénée à moins
qu'elle ne soit désespérée d'avoir
son petit quart d'heure de célébrité à moins tout simplement que
ce ne soit une excroissance démesurée du nombril, les réseaux
sociaux bruissent indéfiniment du quotidien le plus insipide et sans
intérêt des naufragés de la toile.
C'est ainsi que
nous apprenons, médusés et forcément admiratifs, le menu de ce que
mange celui-ci tandis que cet autre nous fait part
de l'apparition inopinée et traitresse
d'un furoncle mal placée. Mettre en place des trésors de
technologie pour que parviennent jusqu'à nous de telles informations
relève de la plus parfaite farce.
Le déballage
est incessant. Nous pouvons tout savoir pour peu que l'on prenne un
peu garde à ces bouteilles à la mer qui sont déversées par
convois entiers sur ce lien ténu qui n'avait certes pas été
imaginé pour atteindre de tels bas-fonds. Faut-il que nos semblables
aillent mal pour éprouver le besoin de se mettre ainsi à nu,
prenant le risque d'être lus par de parfaits inconnus ?
Mais qu'ont-ils
besoin de raconter de telles inepties si ce n'est de tenter de se
faire une infime place dans un monde qui broie l'individu, ne laisse
plus la place au dialogue et à la conversation de visu ? Le
dernier rhum du petit dernier prend place à côté des pirouettes et
des facéties de l'animal domestique, tandis que chacun prend la
peine d'informer la planète entière de la mort d'une vedette,
information du reste largement relayée par les autres médias ?
Le plus
surprenant encore sont les bulletins météorologiques en direct,
annonçant à tout un chacun
que la pluie, la neige ou la grêle tombent chez eux, leur évitant
ainsi de mettre le nez à la fenêtre et surtout, leur épargnant de
quitter des yeux leur merveilleux écran. C'est ainsi que ce qui
était autrefois la spécialité de la boulangère, pour agrémenter
la vente, devient aujourd'hui un contenu essentiel et filmé sur la
toile. Des big datas, des satellites, des ordinateurs et une folle
débauche d'énergie pour un tel truisme. C'est à pleurer de rage.
Le phénomène
est si puissamment ancré que rien désormais ne permettra un retour
en arrière d'autant que la comptabilisation des pouces en l'air
permet à ses naïfs de croire qu'ils existent dans le cœur de ceux
qui leur font offrande d'un intérêt virtuel. Le désespoir se
mesure ainsi et ne laisse que peu de place à la formulation sincère
que chacun aimerait écrire sous ces messages ridicules.
Mais comment
dire sans être méchant ? Mais pourquoi s'immiscer dans cette
confession publique sans la moindre valeur ? Il faut laisser
dire ces êtres au cœur de leur naufrage qui s'agrippent
à ces messages misérables. Ils n'ont
même pas conscience de la vacuité de leur démarche pas plus qu'ils
ne prennent en compte le coût carbone de leur SOS pathétique.
Peut-on encore
qualifier de social ce qui relève désormais de l'exhibition
intime ? Notre époque s'empare de ces formidables instruments
de la technologie pour en faire ce qui se faisait de plus dérisoire
dans nos sociétés archaïques. Le café du commerce amplifié à
l'infini, le propos de comptoir transmis au monde entier, la
confession publique servie à
des inconnus qui n'en ont cure et tout ça avec la complicité
d’algorithmes qui doivent se creuser les circuits imprimés pour
donner du sens à cette bouillie infâme.
Pouvons-nous
espérer un sursaut d'intelligence ? Le risque tout au contraire
est de voir ceci devenir la norme pour toujours plus abaisser les
humains au rang de pions robotisés sans le moindre jugement ni la
plus petite distance intellectuelle.
Comme c'est le but recherché par les instigateurs de cette machine
infernale,
il y a peu de chance que s'inverse cette diabolique mécanique du
vide.
Il
était un temps si lointain que nul ne peut en témoigner de nos
jours. Le monde n'était pas soumis aux mêmes forces que celles qui
animent notre planète aujourd'hui. Les lois de la physique ne
répondaient pas aux mêmes règles. Ainsi, les eaux ne coulaient pas
sous les ponts qui d'ailleurs n'existaient pas. Seuls les mages, les
fées, les sorcières et les elfes vivaient alors au bord de notre
rivière nourricière.
Nous
sommes en un lieu que l'on nommera par la suite le Val d''Or. Les
hommes pour y commémorer ce que je vais vous conter y bâtirent
ensuite la Basilique de Fleury. Des forces mystérieuses y célèbrent
le mariage de la lumière et des eaux de la Loire.
Mais
alors, en cette époque reculée, bien au-delà des hommes, nul
mouvement dans les eaux comme dans le ciel. Un paysage figé, une
immobilité parfaite de carte postale. Merlin ne pouvait plus
supporter ce qu'il prenait pour une absence de vie, une image
factice. D'autres prétendaient vivre au paradis, c'est sans doute
parce qu'on n'y manquait de rien. Mais la vie suppose des envies et
des frustrations, des désirs et des refus. Il fallait mettre un peu
de mouvement dans ce décor figé.
Merlin
eut alors géniale intuition. Rien ne bougeait en cet Éden
magnifique car les choses n'étaient pas nommées. Il prit alors sa
baguette magique et d'un geste solennel entreprit de donner un nom à
tout ce qu'il voyait. Chaque partie du décor ainsi désigné se
mettait à se mouvoir au gré du vent et des eaux. Car, en bon
ligérien qu'il était, c'est la Loire que Merlin baptisa en premier.
De
ce jour mémorable d'entre tous, des noms désignent toutes les
plantes, les animaux et les idées qui venaient à notre mage en
regardant son œuvre. Arbres, fleurs, insectes, poissons, nuages,
paysage, chacun avait son appellation et tout semblait prendre de la
vie.
Pourtant
bien vite, Merlin comprit qu'il manquait encore quelque chose. Que
s'il y avait mouvements et variétés dans ce décor en évolution,
il semblait lui manquer un peu de fantaisie, un souffle de volupté.
Rien de nouveau n'apparaissait. Après quelque temps, quand il eut
finit de constituer son lexique initial, il ne se passait plus rien
de neuf et de surprenant.
Merlin
réfléchit longuement. Il fallait apporter un petit brin de folie,
un désir qui venait du plus profond de chaque chose. C'est une
petite fée friponne qui lui souffla dans le cou ce petit frisson qui
le mit dans le droit chemin. Il créa alors des petits mots qui,
placés devant les noms, leur donna un genre et un nombre. Voilà une
idée fort singulière et si déterminante. Il y avait des garçons
et des filles, du désir et des attirances. La vie pouvait prendre un
tout autre essor.
Une
fois encore, après une longue période d'euphorie et de volupté,
Merlin comprit que sa création manquait encore de vérité. Si les
mouvements et les amours étaient désormais partie intégrante du
décor, il lui semblait que rien ne changeait, que tout restait en
l'état. Il manquait des différences, des variations, des débuts et
une fin. Mais comment s'y prendre ?
C'est
en observant la Loire qui n'est jamais tout à fait pareille, tout à
fait la même qu'il se dit qu'un mot devait se parer de mille et une
facettes. Son monde avait besoin de nuances, de couleurs et de
caractère. Il créa, pour notre plus grand bonheur l'immense troupe
des adjectifs. Il y avait des plus jeunes, des plus vieux, des moins
gros, des plus grands, des lestes et des balourds, des gentils et des
méchants …. La vie était désormais pleine de surprises comme de
déceptions.
Encore
une fois Merlin n'était pas encore tout à fait satisfait de son
œuvre. Si de ses yeux, il assistait à un merveilleux spectacle, il
ne parvenait pas trouver tous ses mots. Il lui fallait une autre
catégorie de termes pour décrire le mouvement. Contrairement à ce
que prétend la bible, c'est Merlin qui inventa le verbe bien après
avoir donné un nom à chaque chose de la création.
Il
pouvait désormais jouir du spectacle qu'il avait créé tout en
ayant le bonheur de pouvoir le traduire en mots pour en faire part
aux autres mages. Les eaux roulaient, grondaient, s'endormaient, se
réveillaient, brillaient. Le vent soufflait, tombait, tempêtait. Le
soleil pouvait enfin se lever ou se coucher et le ciel s'empourprait.
La vie était devenue cette merveille pour laquelle la Loire
constituait un écrin.
Merlin
était fier de ce qu'il avait accompli. Il prit grand plaisir à se
raconter des histoires, à s'inventer des aventures merveilleuses qui
se passaient en bord de Loire. Il s'arrêta pourtant au milieu du
gué. Il n'avait pas inventé les adverbes et les prépositions, les
pronoms et les conjonctions. Mais c'était là besoins bien trop
complexes pour nos mages. Il lui semblait en avoir assez fait ! Tout
le monde n'écrit pas des bonimenteries ...
Depuis plusieurs
années, je ne cesse à chaque instant d'avoir quelqu'un dans le nez,
un locataire insupportable, un être détestable qui a élu domicile
dans mon tarin. Une véritable obsession car pas un jour ne passe
sans que je n'essaie de l'en déloger et ceci sans le moindre succès.
Je pensais jusqu'alors être le seul dans ce cas, le seul à vivre ce
calvaire de souffrir d'un locataire nasal que personne ne peut
contraindre à expulser.
Les lois sont
mal faites et ne protègent pas les propriétaires d'un nez ordinaire
qui ne peuvent jouir à loisir de leur cher appendice. C'est vraiment
la crotte comme le diraient mes
enfants qui voient le loup partout. J'en viens parfois à penser
qu'ils sont de mèche avec cet indésirable, ce parasite qui
m'irrite, me tourmente, m'exaspère, me rend la vie impossible.
Qui plus est, ce
squatteur est un petit morveux. C'est sans doute la raison qui lui
fit porter son choix sur mon nez plutôt que sur son palais. Il est
vrai que dès que je le vis se pointer dans le paysage, je le
gratifiai d'un
pied de nez irrespectueux. Attitude enfantine que je ne cesse de
regretter. L'autre profita de ce geste pour me couper l'herbe sous le
pied afin de pouvoir aisément s’incruster dans mes narines.
Curieusement,
cet indésirable, ce parasite nasal, ne manque pas d'air si bien
qu'il ne cesse de me gonfler à longueur de temps. J'aimerais tant
qu'il prenne la poudre d'escampette au lieu de quoi, c'est une toute
autre poudre qu'il m'introduit de force dans mes naseaux. J'étouffe,
je perds contenance devant ses comportements douteux, ses marques de
mépris.
Je voudrais me
moucher du nez mais voilà qu'il m'est revenu aux oreilles que je
n'avais nulle légitimité à expulser l'immonde personnage. Il
serait dans mon nez par la volonté d'un suffrage auquel je n'ai pas
apporté ma voix. Je suis donc condamné à le supporter encore de
longues années, un calvaire tant mon nez me pique, me gratte,
m'insupporte.
J'ai parfois des
mouvements d'humeur vite réprimés par mon locataire qui frappe là
où ça fait mal. Je saigne alors du nez sans raison apparente,
frappé que je suis par son comportement détestable. Je perds mon
sang, je me retrouve en situation de faiblesse tandis que la tension
monte autour de moi. Je découvre alors, ébahi et circonspect, que
nombre de mes semblables se plaignent du même phénomène.
Le même
parasite a investi leurs propres nez. Je ne suis donc pas le seul à
l'avoir dans le nez. L'indésirable aurait donc don d'ubiquité y
compris à travers la planète. Voilà qui me fait une belle jambe.
Je ne peux me satisfaire de ce constat sans réagir. L'idée m'est
venue de proposer une union sacrée de toutes les victimes de ce
ruissellement nasal. Évacuons l'intrus, mouchons-nous du nez et
cessons le de le faire du coude comme nous l'ont imposé ses
complices.
Je n'avais
jusqu'alors pas saisi le but précis de cette absurdité. Se moucher
du pli caudal et non du coude (car il s'agit toujours de nous prendre
pour des imbéciles) n'avait d'autre intérêt que de laisser en
place le petit morveux. Il est grand temps de prendre le taureau par
les cornes, de laisser tomber qui plus est le mouchoir en papier à
usage unique, incapable d'extirper l'immonde morve. Emparons-nous
d'un tire-jus, d'un grand mouchoir à carreaux et évacuons du nez ce
pitoyable personnage.
Le laisser sur
le carreau, voilà bien la seule perspective réjouissante, pourvu
qu'il soit de Cholet, le mouchoir servira de réceptacle à ce triste
épisode d'une Raie Publique pestilentielle qui fait son chou gras
dans nos appendices. À vue de nez, le temps est venu de se moucher
très fort.
Une fenêtre, à
la condition qu'elle se fut libérée d'un volet qui l'obstruait est
une lucarne ouverte sur le monde, un écran plat d'une redoutable
efficacité sans le moindre recours au moindre satellite. En cela,
elle pourrait constituer une bonne source d'économie d'énergie dans
une société où le premier quidam venu prend son portable pour
quérir des informations au bout de son nez.
Je devine votre
incompréhension alors que vous fixez désespérément la vitre
couverte de buée qui se trouve derrière ce petit rectangle bleu qui
vous a envoûté. Que peut-on découvrir de ce côté-là de la vie ?
Existe-t-il d'ailleurs une existence en dehors de la boîte à malice
que vous avez dans les mains ? Je ne sais pas quel bout
commencer pour vous expliquer l'usage de la chose alors qu'il
n'existe aucun tutoriel pour le faire.
Prenons tout par
le début. La buée sur votre vitre indique qu'il existe un phénomène
dont, je vous l'accorde, on peut trouver l'explication sur la toile.
Sachant votre attachement à ce vecteur, je vais ici me contenter
d'un copier-coller afin de ne pas perturber pour l'instant, vos
repères habituels : « L'air chaud peut généralement
absorber plus d'humidité que l'air froid. Si l'air chaud et chauffé
de l'intérieur touche les surfaces froides des fenêtres ou des
portes, l'air se refroidit sur ces espaces. Étant donné que l'air
froid ne peut pas transporter l'humidité aussi bien que l'air chaud,
l'humidité se condense. »
Autre élément
que cette merveilleuse prouesse technologique peut vous offrir par le
truchement d'une transparence éloquente, gratuitement et sans le
moindre satellite, elle vous permet de constater de visu – c'est à
dire pour vous même, de vos propres yeux - si une précipitation
quelconque vient perturber l'air du temps. J'entends par
précipitation, pluie, neige, grêle, grésil, éléments du langage
pour désigner les éléments du ciel. Le lexique reste à quelques
subtilités vernaculaires près dès
qu'il s'agit de l'eau du ciel, aquadiaux, secouée, arnapée, dracheauxquels il convient d'ajouter averse,
crachin, bruine… entre autres.
Vous voilà
informés sur l'essentiel bien qu'il vous manquera sans nul doute, le
détail dont dépendra votre accoutrement vestimentaire. Là encore,
tout ceci n'est qu'une question de ressentiment. C'est donc à vous
d'observer ceux qui affrontent avant vous cet extérieur, lieu de
toutes les variations possibles. À leur tenue, vous aurez déjà une
bonne indication sur la température, à leur démarche vous saurez
s'ils se trouvent en difficulté. Vous pouvez aussi observer leur
visage avec des indices qui échappent à votre écran de poche :
la vapeur qui sort de leur bouche, la goutte qui pend sous le nez, la
nature du pas pour les rares piétons, la vêture des cyclistes et
bien d'autres détails encore.
Vous pouvez
pousser l'investigation plus loin encore et sans doute un peu plus
haut en regardant les nuages, la couleur du ciel et surtout le sens
du vent. Je sais vous désorienter en vous proposant de comprendre
d'où vient le vent. Sans GPS, comment identifier les points
cardinaux, ces indices aujourd'hui obsolètes. Pourtant ils vous en
diront bien plus sur le temps qu'il fait dehors si
vous aviez une girouette sous les yeux et un peu de végétation peut
mesurer la force d'un vent que vous prendriez alors plaisir à
nommer.
Je devine votre
perplexité. Votre vitre serait-elle en
plexiglas à moins que le double vitrage vous isole désormais de
tout ce qui passe dehors. Retournez précipitamment à votre petit
écran si ça peut vous rassurer.
Le monde réel est si effrayant que je peux admettre votre frilosité
à l'affronter. Tachez de ne pas mettre le nez dehors tout en ayant
tout appris du bulletin météorologique. Vous serez ainsi conforme à
la pratique commune. Vous pourriez tout aussi bien remplacer ces
maudites fenêtres par des écrans plats sur lesquels vous choisiriez
le décor et le climat de votre choix. Patience, ça viendra bientôt.
Si le calembour est selon
Victor Hugo la fiente de l'esprit, il n'en a pas moins tiré la
quintessence avec cette charade qui fit le tour du pays.
Mon
1erest
un oiseau. Mon 2èmeest
ce que disait Alexandre Dumas fils à Alexandre Dumas père pour lui
faire remarquer que les domestiques espionnaient par le trou de la
serrure alors qu’il était tard et qu’ils auraient mieux fait
d’aller se coucher. Mon tout est ce qu’on dit quand on a
perdu sa montre à Nogent-le-Rotrou. Réponse:
J’ai
perdu ma montre à Nogent-le-Rotrou
Explication:
1.
Geai 2. Père Dumas, montre à nos gens l’heure au trou.
D'un
Nogent à l'autre il est permis de suivre à distance les traces du
grand homme pour évoquer un salon du livre qui s'y tient ce jour.
Ce
ne sera que calembredaine à l’embonpoint certain, billevesée
maladroite ou coquecigrue déplacée écrit à la plume trempée dans
un jaune d'œuf. Mais qu'importe, l'essentiel est de jeter l'ancre
sur ce petit affluent du Puiseaux dans lequel j'ai puisé mon
inspiration désastreuse.
Que
peut-on dire à cette occasion littéraire ?
Qu'à
Nogent les vers y sont sages
ou
bien encore
Qu'à
Nogent les vers y sont pages
Faire
salon du livre ici suppose de débuter par un vernissage
Car
à Nogent c'est sûr, vernissons !
Devant
ces piètres propositions, le mieux est de plier bagage
N'est pas La
Fontaine qui veut, il convient de savoir rester à sa place d'autant
plus que je n'ai guère la réputation d'être un individu affable.
Partant de ces constats qui poussent à l'humilité et la prudence,
il était hors de question de prétendre écrire des fables même si
la tentation de la morale et le goût exacerbé de dépeindre notre
société peuvent donner l'illusion que le maître demeure source
d'inspiration.
Comme il est
plus raisonnable de ne jamais affirmer : « Fontaine, je ne
boirai jamais de ton eau ! » il a fallu biaiser et trouver
niche littérale pour y glisser quelques sornettes animalières à
visée éducative et plaisante. Singeant le grand homme, le
manichéisme y est de bon aloi tandis que la faune y conserve la part
du lion.
Ainsi donc sont
nées des fariboleries qui ne resteront pas dans les annales tant il
n'est plus permis de se gausser de nos travers et plus encore de ceux
des canailles qui se pensent les maîtres du monde. Le genre est
d'autant plus obsolète qu'il se prive des deux mamelles du succès
de l'époque : grossièreté et vulgarité tout en empruntant le
chemin escarpé et totalement délaissé de la rime et de la
métrique.
Pour ce dernier
point, votre auteur, loin d’être un homme de plume, s'émancipe
largement de la rigueur versificatrice qu'il convenait autrefois à
nos chers fabulistes. Ces petits textes ne sont que pauvres
fariboles, misérables sornettes, humbles facéties qui ne prétendent
ni à la postérité, ni même à un lectorat de masse. Quant aux
enfants, il est fort improbable qu'un enseignant s'aventure à leur
offrir de telles âneries. Il a bien mieux en rayon en ce domaine,
dans la littérature destinée à la jeunesse.
Il ne reste donc
plus qu'une poignée d'irréductibles dinosaures antédiluviens pour
prendre le risque de perdre leur précieux temps à décrypter des
textes qui sont écrits en français, handicap suprême, avec pour ne
rien arranger, des mots écrits dans leur entièreté. S'il faut
ajouter à ce triste tableau, des formulations alambiquées, des mots
compliqués, des verbes qui sont conjugués sur tous les modes et
vous comprendrez que seul un public averti et en voie de disparition
pourrait faire l'effort de lire une Faribolerie.
Si jamais vous
êtes du nombre des élus, prenez donc la peine d'en parcourir
quelques-unes. Il convient cependant d'ajouter une réserve
supplémentaire et de taille. La pratique m'a administré terrible
constat et j'ai grand souci de vous épargner pareille déconvenue.
Mes fariboleries mettant en scène des animaux, j'ai eu la fort
mauvaise idée de les illustrer de photographies animalières. La
facilité tout autant que l'usage désormais habituel m'a valu des
encouragements, des appréciations et parfois des commentaires de la
part de cossards qui n'avaient regardé que les illustrations,
s'épargnant le pensum de la lecture. J'en fus à chaque fois fort
marri tout autant qu'exaspéré que ces gens se permettent une telle
facilité.
Autre curiosité,
le nombre de ces fameux pouces bleus pointant le ciel, forme la plus
élaborée de la pensée contemporaine, ne sont nullement en relation
avec le compteur des petites vidéos accompagnant la faribole. Ceci
démontre à l'évidence, que l'appréciation est désormais une
aimable preuve de politesse, sans que ce fut une réaction
subséquente. L'absence de fondement à l'opinion étant
naturellement la marque de fabrique de notre société.
Vous disposez
désormais de l'information utile à votre venue éventuelle dans
l'univers de mes fariboleries. Si l'épreuve vous parait
insurmontable, je ne peux vous en tenir rigueur à la condition que
vous n’en veniez
pas troubler mon onde pure. Épargnez-vous donc toute forme de
flagornerie illusoire, mon misérable ramage n'a pas à se mesurer à
l'aulne de votre plumage.