Il y a de quoi manger chapeau.
De plus en plus de lieux, initialement destinés à tout autre chose, proposent en catimini des spectacles l’information circulant le plus souvent de bouche à oreille ou par la magie des courriels afin d’échapper à l’hydre Sacem. La musique se meurt de ce monstre avide qui réclame sa part pour servir les plus grands et ignorer les petits artisans locaux de la chanson. Beaucoup s’efforcent de contourner ce Racket en agissant ainsi et tendent ensuite un chapeau pour dédommager les artistes.
Nous n’ignorons pas que pour le fisc, cela s’apparente à du travail au noir. C’est un affreux crime contre le Trésor Public, une odieuse dissimulation de revenus, colossaux à n’en point douter. Il est préférable d’en rire avant que de plonger la main dans ledit chapeau pour en compter les pièces. Certains n’ont pas oublié le temps lointain où ils se rendaient à la messe et leur reconnaissance se mesure à l’aulne de quelques piécettes …
Il se joue là, non pas la farce de la pingrerie, je ne me permettrais pas de pointer du doigt cet affreux travers, mais bien la considération que ces gens peuvent avoir pour ceux qui viennent les distraire. Ils ne se rendent nullement compte de la somme de travail et d’investissement humain et financier qui se cache derrière un spectacle, fut-il modeste. Des heures de création, de réflexion, répétition, de mise au point ainsi que l’achat d’un matériel toujours plus onéreux et sophistiqué.
C’est certes pour nombre de ces amateurs éclairés, un plaisir tout autant qu’un loisir. Ils ne désirent ni fortune ni d’en faire un métier, ils souhaitent simplement qu’on reconnaisse à sa juste valeur ce qu’ils font du mieux de leur possible. Il est certain que souvent ils souffrent de la comparaison avec les vedettes exposées sur les écrans, mais de là à penser que ce qu’ils proposent ne vaut que des roupies de sansonnet, il y a un monde.
J’ai eu le déplaisir de découvrir dans un chapeau une somme si considérablement ridicule que j’en tirai deux conclusions diamétralement opposées. Ma prestation était d’une insignifiance et d’une médiocrité rares, ce qui m’interroge alors sur la résistance de ces gens qui sont restés jusqu’à son terme, supportant plus de 90 minutes d’inepties abracadabrantes sans même songer à partir alors qu’il n’avait rien déboursé pour être là ou bien ces braves gens n’avaient strictement aucune idée de la somme à débourser pour un spectacle.
Je penche, sans doute par orgueil et vanité pour la seconde hypothèse. Mettre ainsi dans le chapeau en moyenne un tout petit peu plus de deux euros par personne, cela relève du denier de l’inculte. La somme récoltée ne couvrant même pas les frais de déplacement, la mesure était bien plus pleine que la bourse.
Vous pouvez penser à juste raison que ces spectateurs se sont en agissant ainsi honorés d’une obligation avant que de s’enfuir à toutes jambes. Ce serait légitime tant leur geste semble exprimer un mécontentement profond. Mais il n’en est rien, ils sont restés pour discuter, dire leur satisfaction et le bon moment qu’ils avaient passé en ma compagnie. C’est donc qu’il n’avait aucune conscience de la signification exacte de ce chapeau qui circula dans la salle…
C’était pour l’essentiel un public qui n’avait sans doute pas l’habitude de se rendre dans une salle de spectacle. Dans un petit bistrot très rural, ils étaient venus passer un bon moment, se divertir et prendre une ou deux consommations. Leur geste atteste simplement du peu de crédit qu’ils accordent au spectacle vivant, de l’absence totale de repères qu’ils ont en ce domaine et non d’un mépris ou d’une indifférence désolante. Ironie du sort, le soir-même, j’étais à mon tour spectateur d’un spectacle au chapeau. Il fut formidable et je glissai dans ce réceptacle à obole autant que ce que j’avais laissé à mon partenaire quelques heures auparavant ce qui fit sourire un ami averti de mes déboires et qui m’en fit la remarque.
Qu’en conclure ? J’avoue ne pas trop savoir même si j’ai la ferme intention de ne pas renoncer à me rendre à de tels rendez-vous, fusse au prix de quelques désagréments pécuniaires. Je suis convaincu de la nécessité de me produire là où le conte habituellement ne vient jamais, loin d’un public averti et habitué. Si le risque est de recevoir de tels chapeaux, j’en accepte le prix à payer. À votre bon cœur messieurs dames.
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