Mes fariboleries
N'est pas La Fontaine qui veut, il convient de savoir rester à sa place d'autant plus que je n'ai guère la réputation d'être un individu affable. Partant de ces constats qui poussent à l'humilité et la prudence, il était hors de question de prétendre écrire des fables même si la tentation de la morale et le goût exacerbé de dépeindre notre société peuvent donner l'illusion que le maître demeure source d'inspiration.
Comme il est plus raisonnable de ne jamais affirmer : « Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau ! » il a fallu biaiser et trouver niche littérale pour y glisser quelques sornettes animalières à visée éducative et plaisante. Singeant le grand homme, le manichéisme y est de bon aloi tandis que la faune y conserve la part du lion.
Ainsi donc sont nées des fariboleries qui ne resteront pas dans les annales tant il n'est plus permis de se gausser de nos travers et plus encore de ceux des canailles qui se pensent les maîtres du monde. Le genre est d'autant plus obsolète qu'il se prive des deux mamelles du succès de l'époque : grossièreté et vulgarité tout en empruntant le chemin escarpé et totalement délaissé de la rime et de la métrique.
Pour ce dernier point, votre auteur, loin d’être un homme de plume, s'émancipe largement de la rigueur versificatrice qu'il convenait autrefois à nos chers fabulistes. Ces petits textes ne sont que pauvres fariboles, misérables sornettes, humbles facéties qui ne prétendent ni à la postérité, ni même à un lectorat de masse. Quant aux enfants, il est fort improbable qu'un enseignant s'aventure à leur offrir de telles âneries. Il a bien mieux en rayon en ce domaine, dans la littérature destinée à la jeunesse.
Il ne reste donc plus qu'une poignée d'irréductibles dinosaures antédiluviens pour prendre le risque de perdre leur précieux temps à décrypter des textes qui sont écrits en français, handicap suprême, avec pour ne rien arranger, des mots écrits dans leur entièreté. S'il faut ajouter à ce triste tableau, des formulations alambiquées, des mots compliqués, des verbes qui sont conjugués sur tous les modes et vous comprendrez que seul un public averti et en voie de disparition pourrait faire l'effort de lire une Faribolerie.
République du Centre
Si jamais vous êtes du nombre des élus, prenez donc la peine d'en parcourir quelques-unes. Il convient cependant d'ajouter une réserve supplémentaire et de taille. La pratique m'a administré terrible constat et j'ai grand souci de vous épargner pareille déconvenue. Mes fariboleries mettant en scène des animaux, j'ai eu la fort mauvaise idée de les illustrer de photographies animalières. La facilité tout autant que l'usage désormais habituel m'a valu des encouragements, des appréciations et parfois des commentaires de la part de cossards qui n'avaient regardé que les illustrations, s'épargnant le pensum de la lecture. J'en fus à chaque fois fort marri tout autant qu'exaspéré que ces gens se permettent une telle facilité.
Autre curiosité, le nombre de ces fameux pouces bleus pointant le ciel, forme la plus élaborée de la pensée contemporaine, ne sont nullement en relation avec le compteur des petites vidéos accompagnant la faribole. Ceci démontre à l'évidence, que l'appréciation est désormais une aimable preuve de politesse, sans que ce fut une réaction subséquente. L'absence de fondement à l'opinion étant naturellement la marque de fabrique de notre société.
Vous disposez désormais de l'information utile à votre venue éventuelle dans l'univers de mes fariboleries. Si l'épreuve vous parait insurmontable, je ne peux vous en tenir rigueur à la condition que vous n’en veniez pas troubler mon onde pure. Épargnez-vous donc toute forme de flagornerie illusoire, mon misérable ramage n'a pas à se mesurer à l'aulne de votre plumage.
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