Le Bordeau

Première passe

Le Bordeau

C’est un pauvre bordeau

Dans lequel des marins

Font la bête à deux dos

À de vieilles catins

Ils partent si longtemps

Qu’au milieu de la course

Surviennent des tourments

Et des démangeaisons

Loin de leurs compagnes

Ces matelot sans détour

À des femmes de cocagne

Proposent une nuit d’amour

Refrain

Derrière des volets clos

Ces grosses matrones

Sans leur en faire cadeau

Se font sacrées laronnes

Moyennant trois écus

Et quelques secousses

Prennent ce qui leur est dû

Tout en vidant leurs bourses

Refrain

Ils viennent ici par jeu

Mais devant tant d’ardeur

Les catins mettent le feu

Et leur prennent le cœur

Retournant sur le quai

Ils ont du vague à l’âme

Tout autant des regrets

Pour ces si tendres femmes

C’est un pauvre bordeau

Dans lequel des marins

Font la bête à deux dos

Jusqu’au petit matin 

Seconde passe

Au bordeau

Quand ils pénètrent au bordeau

C’est pour faire la bête à deux dos

Car tous ces valeureux marins

Ne fréquentent que des catins

Qu’ils soient par monts ou bien par veaux

Quand ils descendent de leur bateau

S’ils réclament quelques câlins

Les femmes les repoussent c’est certain

Ils passent pour d’affreux godelureaux

Auprès des dames portant chapeau

Plus méprisés que les gredins

L’amour n’est pas leur quotidien

Une maison au bord de l’eau

Leur ouvrira tous ses ventaux

C’est dans les bras d’une putain

Qu’alors ils se sentiront bien

Des filles tombées dans le ruisseau

Leur accorderont le repos

Brefs instants jusqu’à demain

Et un départ au p’tit matin

Quand ils reprennent le boulot

Les yeux cernés et le cœur gros

Ont dans la tête le vieux refrain

Du désespoirs et du chagrin

Ils se vantent de pauvres assauts

Que la dame jugeait fort beaux

Ils héritent du mal vénérien

Un souvenir qui fera lien

Et ce redoutable cadeau

Sur les berges se fait écho

Lors de l’accostage prochain

L’infection changera de main

Ils refilent le mauvais numéro

À Josiane ou bien Margot

Qui à son tour c’est pas malin

Couchera avec un marin

Quand ils pénètrent au bordeau

C’est pour faire la bête à deux dos

Car tous ces malheureux marins

Ne fréquentent que des putains

Illustrations de 
Toulouse Lautrec  
Peintre des tempêtes