mardi 27 août 2019

Brèves de Berlaudiot


Quand le Bonimenteur fait l'âne




C’est not’Brave bredin qui s’en va à la foire des cours à Gien. Le malheureux n’a personne qui veut l’y conduire, faut ben reconnaître que le gredin refoule un peu de tous les bouts. Mais pour l’occasion, espérant trouver enfin une drôlesse, lui qu’est encor à cet’heure vieux gars, s’est soigneusement lavé les pieds. On ne sait jamais !
Il se met en chemin, la route est longue. À Lion-en-Sullias, il trouve sur route le gars La Malice qui marche d’habitude d'aussi bon pas que lui. Mais anhuit, c’est Berlaudiot qui traîne la patte. Son compère est obligé de l’attendre un peu et s’en inquiète :
« Qu’as-tu donc aujourd’hui pour lambiner pareillement ! »
Berlaudiot tout penaud de lui répondre : «  A chaque fois que je me lave les arpions, j’ai beau bien les essuyer, je flotte toujours dans mes godillots ! »

Le gars La Malice, un brave gars certes mais grandement pingre et peu compatissant pour ses collègues, s’en va au marché de Sully emportant des cochons à la foire. Il a chargé la troupe des gorets sur un tombereau qui lui sert de calèche rudimentaire. Il s’approche de la côte de Logneau quand il double Berlaudiot chargé comme une mule qui s’en va à pied au marché vendre quelques lapins. Le tombereau double le marcheur quand celui-ci gueule de toutes ses forces :
« Hé La Malice ! T’as perdu quelqu’chose en chemin ! »
L’autre d’arrêter son cheval et se retourner vers lui :
« Hé quoi donc j’ai ti perdu mon gars ? »
Berlaudiot tout sourire, prenant l’air le plus niais qui soit de lui répondre :
« Ben tu l’vois pas par toi-même grand nigaud ? T’as perdu l’occasion d’me rendre service en t’arrêtant pour me monter à bord ! »
La Malice furieux donna un grand coup de fouet au cheval, sans ren dire au quémandeur qui il faut ben l’avouer, est trop gaillard pour lui chercher querelle.

Une autre fois, encore un lundi, jour de marché, Berlaudiot devait se rendre à Vérote pour y livrer des dames Jeanne. Il y a grande chasse au domaine, c’est pour alimenter des gosiers en pente de bourgeoisiaux qu’il se rend à l’office. Là il tombe sur le garde chasse, flanqué de quelques rabatteurs, tous en train de licher une bonne bouteille. Berlaudiot livre son vin et essuie son front pour bien marquer l’effort qu’il vient de consentir.
Le garde lui fait alors remarquer qu’il a un peu de retard sur l’horaire prévu. Notre homme de lui répondre du tac au tac :
« Mille excuses monsieur le garde de chasse, mais ma vache vient de vêler et elle a mis au monde cinq viaux. Ça pas été une mince affaire pour les faire têter ! »
Le garde, tout assermenté qu’il est, n’a pas vu venir le traquenard que lui tend le gredin.
« Mais une vache, ça n’a que quatre mamelles. Comment fait le cinquième veau ? »
Berlaudiot tout sourire de répliquer, piquant :
« Ben il est emberlaudé. Il doit faire comme moi. Il regarde les autres boire ! »

Le village est en émoi. Le Sénateur rend visite à la cité. Il y a tout un cérémonial organisé pour l’occasion et le grand personnage est perché sur une estrade et trône sur un superbe fauteuil en velours rouge. Un tapis de la même couleur est installé au pied de l’estrade et chacun a reçu la consigne de n’y mettre point les arpions.
Berlaudiot autant par dérision que pour faire briller les autres notables de la cité fait partie de la liste de ceux qui vont être présentés au parlementaire. Naturellement, il passe en dernier, un peu pour la bonne bouche diront les esprits moqueurs.
Un conseiller souffle à l’oreille du Sénateur le compliment qu’il doit adresser à son visiteur. Quand arrive notre lascar, l’important lui glisse à l’oreille que le village a voulu honorer son imbécile. Le grand élu s’en amuse et regarde un bon moment le pauvre garçon qui chiffonne son béret dans ses mains.
Voulant faire le malin comme tout notable qui se respecte, le Sénateur pose une question alambiquée à Berlaudiot : « Dites moi mon brave, vous qu’on présente ici comme un homme sage, j’aimerais savoir ce qui sépare un homme important d’un pauvre imbécile ? »
Berlaudiot sans se démonter et puisqu’on l’avait piqué au vif de répondre :
« C’est tout simple votre Grandeur, simplement un tapis rouge même si les rôles qu’on prétend attribuer à l’un et à l’autre sont dans le cas présent inversés »

Berlaudiot se rend à la grande ville. Il est tout émerveillé par ce qu’il voit d’autant que c’est la grande foire exposition à la préfecture. Il y a même des curiosités venues d’un lointain continent. En effet l’Amérique est à l’honneur cette année-là.
Il déambule parmi les stands quand il s’arrête devant une drôle de cabane en tissu avec des piquets qui dépassent sur le haut. Personne ne lui dit que c’est un Tipi, il semble sans doute trop bête pour retenir le mot. Notre homme se rend compte de la chose tout en feignant de ne rien voir .
Il insiste donc quand une hôtesse, se moquant ouvertement de lui, lui donne enfin réponse à sa question : «  Mon brave, ceci est la grotte de la squaw ! »
Berlaudiot se gratte le crâne le sommet du crâne cherchant une réplique à la hauteur. Puis, décochant un sourire parfaitement stupide il répond : « C’est donc pourquoi il y a des peintures rupestres sur la toile ! »

Berlaudiot est un bon voisin à la condition de n’avoir pas besoin de lui demander un service. Pourtant ce jour-là, Archimède, le plus pauvre du village vint vers lui. Le malheureux avait absolument besoin d’un âne pour porter du blé au moulin. Il avança humblement vers Berlaudiot et le plus poliment du monde lui demanda si par bonheur il pouvait lui prêter son âne.
Berlaudiot de se désoler, levant les bras au ciel et de répondre : «  Mon Brave Archimède, me voilà bien ennuyé mais mon épouse est partie ce matin avec notre bourrique pour se rendre au marché. Ça aurait été avec grand plaisir que je vous aurais rendu ce petit service »
Archimède s’en retourna chez lui. Il n’avait pas parcouru deux cents mètres qu’il entendit braire un âne, qui à n’en point douter était celui de Berlaudiot. L’homme fâché revint chez son voisin afin de lui signifier son mécontentement. Berlaudiot de lever les bras au ciel, de s’indigner,de montrer du doigt l’importum : « Quelle déception mon voisin. Vous me traitez de menteur car vous croyez davantage mon âne que moi ! »

L’âne de Berlaudiot s’était encore perdu. Cette fois, il était introuvable. Les jours passaient, tous ses élèves en riaient. Pour se moquer du pauvre maître, un garnement lui dit : « N’êtes-vous pas au courant ? Votre âne est parti faire le maître d’école dans le village voisin ! »
Sans s’émouvoir, Berlaudiot répondit au chenapan : «  Voilà qui me réjouit grandement. Quand je vous faisais classe, j’ai bien remarqué que c’était lui le plus attentif. Il avait toujours ses oreilles dressées alors qu’aucun de vous n’écoutait vraiment. C'est bien le seul à avoir profité de mes lumières. »

Le châtelain du pays part à la chasse. Il pleut tellement ce jour-là que l’homme rentre complétement trempé dans son domaine. Berlaudiot arrive tranquillement sur son âne, les vêtements totalement secs. Le châtelain s’interroge : «  Comment se fait-il que ne tu sois absolument pas mouillé après une telle secouée ? »
Le gentil niais de répondre : «Mon maître, c’est que ma mule est plus vive que l’éclair  » Sans plus d’explication, le puissant achète à prix d’or cet âne qui passe entre les gouttes.
Une semaine plus tard, une nouvelle averse surprend le châtelain à la chasse. Quoique monté sur l’âne miraculeux, il rentre totalement trempé. Furieux, il convoque Berlaudiot pour le sermonner : « Gredin tu m’as trompé ! Ton âne n’évite pas la pluie ... »
Berlaudiot de répliquer : « Si vous aviez retiré vos vêtements pour les ranger dans le bas de l’âne durant la pluie, vous seriez rentré aussi sec que moi l’autre jour ! »

Berlaudiot, tout grand imbécile qu’il est, se plait à gruger les plus naïfs que lui. C’est ainsi qu’un jour, il alla emprunter à son voisin La Malice une hache pour faire du bois. Le soir, il revint rendre la hache en lui donnant une petite serpette. La Malice de s’étonner : « Comment se fait-il mon ami que vous me donniez votre serpette ? » Berlaudiot de répondre : «  Elle est nullement mienne. Tandis que je coupais du bois, votre hache mit au monde cette serpette. Elle vous revient de droit ! » Sans chercher à comprendre, La Malice pris sa hache et sa serpette.
Une semaine plus tard, Berlaudiot retourna emprunter la belle hache du voisin. Trois jours plus tard, ne voyant pas revenir son outil, l’homme alla chez son emprunteur. Berlaudiot alors d’expliquer, des larmes aux yeux, que la hache avait rendu l’âme durant son ouvrage. Elle était morte et enterrée comme il se doit »
La Malice de s’indigner : « Tu me prends pour un imbécile. Une hache ne meurt pas. Rends la moi ! » Berlaudiot de répondre le plus calmement possible : «  C’est curieux que tu aies pu penser qu’elle pouvait mettre au monde une serpette et aujourd’hui tu refuses de croire à sa mort ? Qui donc est le plus sot des deux ? » Et Berlaudiot ferma la porte au nez du pauvre voisin qui venait de perdre un bel outil pour le prix d’une bonne leçon.

Sagement sien.


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