Le signe de l'importance ….
Lors d'un bref échange avec un personnage qui pense soutenir une pensée alternative, qui se prétend progressiste et écologiste, le débat de fond porta sur la forme. Ce quidam défend l'image de son candidat favori, portant magnifique cravate et joli costume. L'image est la clef de la communication, elle fonde, d'après mon interlocuteur, le respect de la fonction qui curieusement en manque singulièrement dans l'exercice de sa charge. J'en reste sans voix et cette cravate m'étrangle le gosier !
Ainsi donc, ce bout de tissu ridicule qui orne le menton de nos importants est l'attribut de leur pouvoir, la marque de leur puissance ! La norme bat son plein encore dans ce monde. L'autre excité de me renvoyer à la face qu'il est hors de question de se présenter aux électeurs les cheveux gras et les pieds sales… Ce serait donc l'alternative à la cravate. J'ai préféré mettre un terme à ce dialogue sans issue.
La cravate serait le signe du soin corporel pour l'homme distingué. Les bras m'en tombent ! À moins, et je suis assez stupide pour ne pas y avoir songé plus tôt, qu'elle ne soit que le substitut de la lointaine bavette, un retour à l'enfance pour ces individus qui ont besoin d'un tuteur, fût-il symbolique, pour affronter le monde réel.
Je comprends mieux leur attachement frénétique à cet objet parfaitement et totalement inutile. Vous pouvez bien chercher, la cravate n'apporte aucune fonctionnalité à celui qui la porte en se montant du col. Elle ne réchauffe pas, elle ne couvre rien qui vaille la peine d'être caché et elle fait parfois des bosses quand le ventre se refuse d'être plat. Sinon elle pend lamentablement, semblant indiquer le seul sujet de préoccupation qui vaille pour ces hommes de pouvoir ….
La cravate avait un rival : le nœud papillon qui avait au moins ce supplément d'âme qu'on nomme la fantaisie. Il transformait son porteur en girouette, ce qui, avouez-le, facilitait la compréhension de ces personnages si prompts à tourner leur veste quand ils comprennent de quel côté souffle le vent. Il avait l'élégance de la vacuité.
La cravate est une résurgence de la perruque. Elle symbolise cette volonté déplaisante de se distinguer du commun, de montrer d'une manière éclatante sa position sociale. Elle est un marqueur de caste et c'est à ce titre qu'elle est un symbole insupportable n'en déplaise à mon écologiste de salon. `
La cravate indique la fragilité de la position de celui qui légitime sa posture au travers de cette étoffe plus ou moins large, plus ou moins brillante ou colorée. Elle lui est indispensable et sans elle, il se sent nu. Pauvre personnage, pantin désarticulé dont l'unique ficelle pend vers le bas. Il a besoin de la quitter pour se libérer de sa rigidité posturale ; elle lui indique quand se lâcher et quand jouer les importants !
La cravate se plaît encore à se donner elle-même de l'enflure alors que c'est déjà sa fonction première pour son porteur. La taille du nœud fixe un code qui m'échappe quelque peu. Le nœud étroit pour les tenants de la rigueur et de l'ordre, le nœud ample pour les fats et les orgueilleux, le nœud relâché pour ceux qui veulent se donner l'air de ne pas être dupes de cette comédie, le nœud double pour ceux qui ont la tentation du double menton …
La longueur du bout de tissu qui pend a certainement sa signification. J'avoue ne pas avoir soulevé la veste pour établir une classification approfondie de sa sémantique. La seule chose qui vaille la peine d'être remarquée c'est la pointe quelquefois si longue, qu'elle finit par être rangée dans le pantalon. C'est le sommet du ridicule, le point d'orgue d'un accessoire qui n'en manque pas pourtant.
Je reste le cou nu et je ne désespère pas qu'un jour, il sera la cible de ces effroyables tenants de la réaction. Qu'ils ne se gênent pas, rien ne viendra entraver la lame de leur vengeance ! Qu'ils prennent garde cependant, car cette cravate est fort commode pour les colleter à distance, les attraper et les pendre au bout de cette étoffe qui n'a pas le bonheur de servir des héros. Je salue mon inspirateur que j'ai abandonné à sa défense de la cravate, retirant mes commentaires et le laissant à ses diatribes.
Voilà ma réponse, j'espère qu'elle lui restera en travers de la gorge comme sa remarque qui m'avait mis en furie : « La tenue réglementaire c'est cheveux sales, pieds qui puent et pull qui gratte ? La portée des symboles c'est aussi de ne pas mettre un bermuda quand on se présente aux municipales, au risque de mépriser la fonction. » Qu'il aille au diable, en cravate et en bermuda et je continuerai d'aller pieds nus quand ça me chante !
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