samedi 9 mars 2024

La cité des Falaises.

 

Du risque d'être voyageur.




Il existe encore un petit coin de France où séjourne une joyeuse colonie d'individus rieurs et volages. Amateurs de la verticalité, ils se nichent avec bonheur dans des appartements minuscules. Ils ont choisi ce lieu de villégiature car ils tenaient absolument à avoir une vue imprenable sur la mer sans se soucier de la loi littorale.


La cité des Falaises a cette étrange particularité qu'elle n'accueille que des couples en désir d'enfants qui justement viennent ici pour procréer. La chose n'est pas banale et implique de grands problèmes de voisinage lorsque les enfants grandissent d'autant plus qu'il y a toujours des déçus de la loterie génétique qui viennent semer la panique dans les foyers heureux.


La cité des Falaises se vide aux premiers signes d'un automne qui approche. Elle ne reçoit donc que des gens du voyage qui ne se sédentarisent que l'espace d'un enfantement. Jusqu'alors, cette maternité de granite avait donné toute satisfaction à des générations ailées mais depuis quelques temps, la vie de la cité est troublée par les agissements fâcheux d'un prédateur terrible, un drôle de pèlerin qui donne des coups de becs à longueur de journée.


Avant cette menace funeste, on grandissait heureux dans la cité. Monsieur ou Madame, à tour de rôle prenait le large, quérir de quoi nourrir leur petite famille. Ils n'hésitaient pas à parcourir jusqu'à 100 km pour trouver pitance à leur convenance. Quand le premier rentrait, la seconde prenait le relais, dans un ballet incessant de voyages utilitaires, alimentaires et néanmoins aviaires.


Les enfants attendaient le parent voyageur pour se régaler de ses histoires, ses aventures et son butin merveilleux. Les gamins étaient insatiables ! Les parents parfois se lassaient de cette génération de quémandeurs permanents, des enfants qui harcèlent leurs géniteurs tant et si bien que ces derniers finissent parfois , quand les enfants avaient grandis suffisamment par prendre la poudre d'escampette en abandonnant des rejetons trop pénibles.


Les enfants abandonnés doivent alors apprendre seuls à voler de leurs propres ailes. Ils n'ont pas le choix, c'est la réussite ou la mort. La cité des falaises ne se satisfait pas des fadaises habituelles en matière éducative ; le droit à l'erreur est banni du programme éducatif. C'est la loi de la jungle, vaincre ou périr pour prendre à son tour la grande route de la migration.


Ceux qui parviendront au bout du voyage passeront trois longues années sur les routes de l'exil à travers le Monde, de la proche Irlande à la lointaine Amérique avant que de revenir à la pointe de la Bretagne, reconduire à leur tour le cycle de la reproduction « tridactylale» dans la cité des Falaises.


Ils ne se doutent pas qu'à leur retour, la politique d'accueil de notre joli pays ne cesse de change au fil des lois sur l'immigration si bien que les gens du voyage ne sont plus les bienvenus ici. De terribles corbeaux planent au dessus de leurs têtes, prêts à fondre sur eux. De drôles d'oiseaux sont capables de prendre le relais pour chasser à tout jamais tous ceux qui viennent d'ailleurs.


La cité des Falaises vit maintenant ces derniers instants de bonheur. Prédateurs et difficultés de toutes sortes viennent entraver le fragile équilibre de cette micro-société. L'issue est inquiétante. Devront-ils créer une nouvelle colonie ? Faudra-t-il mettre un terme à cette philo patrie qui depuis toujours les faisaient revenir au pays.


J'entends les cris d'angoisse des enfants et des derniers parents quand survient la terrible menace. La troupe se disperse pour éviter la sanction fatale. Chacun avertit son voisin du danger qui menace tandis que les touristes toujours plus nombreux viennent ici aussi, imposer leur mortelle présence. La cité des Falaises se dépeuple. Il n'est pas si facile d'être immigré en ce doux pays de France.


 

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