lundi 18 mars 2024

L'étron sauvage.

 

Souvenirs de latrines 2

Ethnologie d'un quotidien trivial







Second volet des commentaires intimes de mes lecteurs. L'histoire des tinettes reste évocatrice de bien des souvenirs où se mêlent nostalgie, crainte, frayeur, rire et farce. Chacun pour peu qu'il soit quinquagénaire se souvient de ce petit coin au fond du jardin. Ils m'ont offert sans fausse pudeur un petit pan de leur passé après avoir lu : «  La cabane au fond du jardin ».

Que ce billet ait pu susciter ici ou là plus de cent commentaires est un petit miracle. Rien de graveleux, des récits tout en retenue sont venus parsemer ce joli moment de communication. J'ai le bonheur de restituer les plus beaux fleurons de ces confessions intestines. L'étron sauvage ou la colique bucolique, le souvenir fugace ou la peur viscérale, rien ne nous est épargné.

Ouvrez la porte, laissez entrer ce doux parfum du passé. Derrière cette énigmatique cœur ou bien ce losange parfait, un pan de notre vie s'est écoulé. Recevez ce présent commun, ce moment si secret aujourd'hui dévoilé à tous. Que les chercheurs des temps futurs en fassent bon usage et qu'ils laissent ce billet dans l'état où ils l'auront trouvé en y pénétrant sur la pointe des pieds.

« Cet édifice branlant ornait mon jardin quand je suis arrivé ici et il était utilisé.....jusqu'au jour où ma compagne a été surprise (horrifiée même) de constater que le lieu était squaté par une magnifique couleuvre....la sortie en catastrophe (culotte aux genoux) a été assez croquignolesque .»

« Sans oublier l'édicule dans lequel Michel GALABRU  dérivait sur un cours d'eau car , pour des raisons pittoresques , " sa cabane du fond du jardin " se retrouva embarquée à l' arrière d'une embarcation genre futreau de Loire . L' auriez - vous secouru dans de telles circonstances  ? »

« Chez moi, à Nice, on appelle ça un « cagadou ». Une cabane au dessus d'un torrent, je me souviens du grondement effrayant de l'eau, avec la peur de je ne sais quelle chute ! »

« Billet quelque peu trivial, mais toujours d’époque.
 Je me souviens bien des « cabinets » de ma grand-tante, posés sur un petit torrent, Royo comme on dit chez moi dans les Hautes Vosges.
 C’était nickel, mais même en été, on ressortait de là les fesses gelées, tant l’air venant du torrent était froid ! »


 

« Allez vous balader sur la mer de glace et remontez le glacier de Léchaux rive droite, face aux grandes Jorasses, jusqu'au refuge du même nom, du type "boîte de jambon" retenue à la paroi par des câbles. Pendant que vous y êtes, allez donc aux toilettes, de préférence l'après midi pour voir le papier remonter jusqu'au plafond à chaque tentative de le jeter dans le trou... qui conduit toutes les "matières lourdes" vers le glacier. Ramuz a raison : "la pensée remonte les fleuves" et le vent remonte les vallées l'après midi... »

« Ça me fait penser à un passage d'un bouquin : "Tziganes" de Jan Yoors. Il y était dit que les Roms Lovara trouvaient indécent d'avoir des toilettes, car quand quelqu'un s'y rendait, tous les autres savaient ce qu'il allait y faire alors que cela relevait de la plus grande intimité. Eux allaient philosopher dans la nature, en partant comme pour n'importe quelle autre balade. »

« Quelques rochers en croissant de lune vous dissimulaient du refuge. Un simple trou avec un spectacle à vous donner le vertige. Le lac de Serre-Ponçon s'offrait à votre admiration. Perché à 2 200 mètres, vous étiez maitre du monde, le pantalon en bas des jambes. Votre dépôt terminé, il fallait brûler le papier, ce qui n'était pas une mince affaire avec le vent qui soufflait en cet endroit. »

« Je m’en souviens aussi... 
Mais nul mystère, dans la cabane près de la ferme : un petit ruisseau coulait sous le siège, qui enchantait les oreilles du résident temporaire. 
Les canards, à la sortie, faisaient le ménage...Recyclage assuré !
 On prenait son temps et on s’instruisait : lecture du journal local, de Spirou.
 On échappait aussi pour un temps à la surveillance parentale. »

« Dans mon enfance, nous avions aussi un petit coin au fond de la propriété, tout près du tas de fumier, dont mon père se servait pour le jardin. Des couches de papier de toutes sortes étaient accrochées à l’une des parois, et des toiles d’araignées tapissaient le plafond.

Mais ce petit coin servit aussi à autre chose.

Comme il y avait un vieil arbre couvert de lierre à proximité, mon père, les jours d’hiver, se mettait « à l’espère » dans le cabinet, son fusil à portée de la main. Il était ainsi protégé du froid, et pouvait surveiller merles et grives venant déguster les graines.

 Enfant, j’arrivais en courant, comme tous les enfants. Voyant mon père installé avec son fusil, je disais « papa, ça presse, vite » et il sortait en rouspétant que j’avais fait fuir les oiseaux.
 »

« Et y’avait même pas besoin de mettre une pièce pour que la porte s’ouvre et se ferme ?
 De quoi rendre JC. Decaux malade  ! »

« L'épandage aussi m'a marquée. Production collective qui rapproche l'humain de la terre dont il est issu et à laquelle il est censé retourner un jour... Je me souviens d'un oncle à la manœuvre, qui crachait dans ses mains avant d'étaler le limon au bout de la fourche... Devant mes yeux d'enfants horrifiés (je restais à distance comme quand on tuait une poule ou un lapin), il clamait qu'il n'y avait pas mieux, qu'on récolterait les meilleurs légumes la saison suivante »

« Chez mon grand-père c’était très étudié !
 En amont (la maison était sur une pente) le tas de fumier. L
es liquides (pluie polluée) partaient dans une canalisation à 1 m de la surface.
 Cette canalisation traversait un petit bâtiment : dans l’ordre

- poulailler : une petite pièce

- cages à lapins 

- une petite pièce
- coin wc avec siège percé en bois, journaux accrochés à la cloison. Cette troisième pièce outre la cabane wc contenait un ’bloc" pour casser le bois, un petit stock de bois cassé pour allumer le feu, le matériel pour tuer et dépouiller les lapins et plumer les poules.
Après avoir traversé la cour, la canalisation récupérait le purin de l’étable et terminait par une fosse devant le logement du cochon ! »

 


 

« J’ai connu ça dans ma jeunesse en Touraine, les pages de journal coupées en 4 directement

attachées avec une ficelle sur une paroi . La cabane était directement au dessus du trou où l’on mettait le fumier des lapins, des poules et des oies, le broc d’eau servait à la maturation du tout ! La nuit, nous allions nous coucher avec le seau hygiénique dans des lits sans draps de dessus, juste un édredon en plume d’oie fait par ma grand mère. Dans mon chalet, j’ai des WC chimiques mais j’ai gardé la cabane originelle sur le terrain et chaque fois que je passe devant je me souviens comme ma jeunesse est loin  désormais... »

« Chez nous, nous avions les WC dans la maison. Invité chez un lointain cousin alsacien dans les années 55, je fus pris d'une envie subite. J'ai dû me rendre dans la cabane que ma tante avait désignée comme étant l'endroit que je cherchais. Pas de lumière en ce lieu et pas de lampe de poche pour cette aventure nouvelle, pour moi. Je cherchais le fameux trou à l'aveuglette et j'ai fini par uriner là où j'estimais viser juste. Ça éclaboussait un peu ! Le lendemain, je suis revenu au grand jour sur le lieu de mes exploits. J'ai aspergé le couvercle ! »

« Chez nous, en Berry, la cabane était au fond de la cour, derrière les clapiers à lapins. La nuit, les lapins faisaient grand bruit. Nous, les enfants, étions effrayés par ce vacarme. Le produit de nos entrailles tombait dans une grande casse (marmite en fonte de 100 litres de contenance). Quand celle-ci menaçait de déborder, il fallait la charger sur une brouette pour aller la vider dans le jardin distant d'un bon kilomètre. Nous traversions le village dans ce bel équipage. Un jour, l'oncle alors âgé de 16 ans, ayant sans doute mieux à faire voulut s'acquitter de sa corvée avec empressement. Ce qui devait arriver, survint pour sa plus grande honte, la casse chut de la brouette et se renversa au beau milieu de la rue centrale qui par bonheur était en pente. L'oncle se prit une avoinée mémorable et s'en est allé sans rien ramasser. Les gens du bas de la rue ont du en profiter ... »

Ainsi se termine ce récit épique. C'est avec regret que nous quittons ces tranches de vie. La modernité s'est installée chez vous, cabinet de toilette et cabinet fermé de l'intérieur furent les deux éléments du confort des trente glorieuses. La machine à laver a libéré la femme, les WC ont soulagé beaucoup d'entre nous. Pourtant, nous gardons un souvenir ému, de cette période qui sera un jour, un sujet de thèse (à moins que ce ne soit déjà fait).


 

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