samedi 21 décembre 2019

Une poignée de main.



Il y a des claques qui se perdent …



Nous pouvons constater que la poignée de main a perdu de son influence dans les relations humaines. Bon nombre de nos contemporains préfèrent désormais se faire la bise ou bien se saluer par des combinaisons complexes de mouvements de la main. C'est ainsi que l'on s'aperçoit soudainement qu'on est devenu un vieux con, dépassé par la terrible tendance : celle qui ne cesse de nous pousser toujours plus rapidement vers la sortie.

Avant qu'il ne soit trop tard, je souhaite néanmoins rendre un ultime hommage à ce moyen devenu obsolète de se saluer. Non que j'en sois un partisan effréné : je n'ai pas l'âme d'un homme politique qui passe ses journées à serrer des louches pour se faire un nom, mais simplement parce qu'il y a dans ce geste simple bien des indications qui renseignent sur celui qui se présente à vous.

Une bonne poignée de main en dit beaucoup sur celui qui vous l'octroie. Il passe dans cet échange furtif bien des informations, bien des sensations qui dévoilent la véritable nature de celui qui se présente à vous. Hélas, depuis quelque temps, il y a une baisse significative de la qualité du geste. Il convient de le signaler avant qu'il ne soit définitivement abandonné.

Le plus redoutable est de croiser un mollusque, un être sans consistance qui vous accorde une main molle, sans vigueur et sans plaisir. Vous pouvez être certain que votre vis-à-vis n'a nulle envie de faire votre connaissance, qu'il remplit là une obligation qui le fait suer. D'ailleurs, il ne manque pas d'avoir la main moite et ajoute au désagrément de sa poigne l'obligation de devoir s'essuyer ensuite.

Le plus risqué et, de loin le moins fréquent, est la poigne de fer : la poignée de main qui vous enserre votre pauvre « mimine » et la broie comme dans un étau. De plus en plus rares sont les athlètes de la chose, les colosses du salut. Ils étaient le plus souvent des hommes du métier, des francs du collier qui aimaient à montrer leur potentiel par ce simple geste. Fort heureusement, de nos jours, vous ne risquez pas la brisure du métatarse : la mollesse est la norme.

Le plus insupportable et de loin le plus fréquent est la main tendue sans conviction, sans envie ni plaisir. Votre vis-à -vis joue l'évitement : il ne tend pas sa main, il en garde sous le coude au cas où il pourrait échapper à la corvée. Vous ne sentez aucune vigueur dans son geste et ce n'est qu'un petit désagrément dans son comportement.

Car, voyez vous, le sinistre personnage a autre chose à faire que de vous accorder son attention. Il est au téléphone ou bien en conversation avec un autre. Il n'est pas question de s'interrompre. Vous n'êtes qu'un comparse sans importance qu'il salue sans courtoisie. La main est flasque, là encore et, pire que tout, ce malotru ne vous regarde pas.

Il semble que ce soit devenu la norme. Je ne supporte pas d'avoir affaire à tel individu. Si ma présence lui déplaît, qu'il évite au moins la contrainte d'un geste dont il ne voit pas l'intérêt. C'est décidé, je vais trouver une riposte à cette manière qui ne cesse de se multiplier. Une réflexion bien sentie, une esquive de la main que le goujat ne veut pas serrer franchement.

N'étant pas homme à agir par traîtrise, j'ai cru bon d'avertir ces nobles individus que désormais, si on daigne me tendre la main, ce sera les yeux dans les yeux et d'une main solide. Si tel n'est pas le cas, attendez-vous à la réplique cinglante, à la remarque acerbe ou au geste désagréable. Les conventions ont besoin d'un minimum de conviction.

Je précise ici, en guise d'avertissement, que ce comportement ne tiendra pas compte du statut social de mon homologue. Il se trouve que, plus celui-ci se pense au-dessus de vous, moins son regard se pose sur vous. Le pouvoir, la classe sociale, la notoriété, la fortune aussi sont sans doute des justificatifs avancés par ces êtres méprisants. Qu'ils sachent qu'il vaut mieux ne pas prendre le risque de me serrer une main incertaine, la réplique sera cinglante. Vous serez prévenus !

Cordialement vôtre.

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