dimanche 29 décembre 2019

J'ai la mémoire qui flanche !


Souvenirs de Saint Sylvestre.




Je me souviens que nous étions tout jeunes parents et que nous avions décidé de franchir le seuil de la nouvelle année loin des cotillons et des dîners dansants.
Je me souviens que nous rêvions d'un Monde plus juste, sans guerre ni injustice, où chaque peuple aurait accès au bonheur.
Je me souviens des enfants qui arrivaient d'année en année, avec parfois, sur la table dressée pour la fête, plus de biberons que de bouteilles.
Je me souviens que nous pensions alors que l'école donnerait sa chance à tous les enfants et que personne ne viendrait détruire cette formidable institution.
Je me souviens que le règne du lait prit assez vite fin et je sais que jamais la soif des hommes ne sera sevrée en cette nuit de folie collective.
Je me souviens que nous faisions encore bien naïvement confiance à la politique, pensant que des hommes de bonne volonté pouvaient renverser des montagnes.
Je me souviens que nos cheveux étaient alors aussi longs que nos liquettes, et l'espoir grand d'un monde meilleur pour nos enfants.
Je me souviens que nous espérions alors voir le partage, l'amour et la bonté gagner de proche en proche les habitants de cette planète.
Je me souviens avoir recréé ce Monde d'autant plus facilement que la nuit avançait, et que l'alcool faisait son œuvre.
Je me souviens que nous croyions alors en l'idée Européenne pour obtenir l'union des peuples et une société plus juste.
Je me souviens de folies nocturnes qui firent de nos réveillons, des moments de grâce et d'incroyable communion dans ce petit coin d'Aveyron.
Je me souviens des premières désillusions, des trahisons politiques, des guerres pour du pétrole et de la prise de conscience d'un chômage qui jamais ne baissera.
Je me souviens d'une crèche vivante, d'une véritable étable avec des vaches qui n'avaient rien demandé à personne et qui partagèrent leur litière avec tout ce qui convenait à la fête.
Je me souviens de la montée des intégrismes, des prélats ou des ayatollahs qui allaient ensanglanter le Monde pour un Dieu que l'on nomme Amour.
Je me souviens de balade nocturne en tracteurs, de bidons d'huile à peine secs, d'un vacarme des quatre cents diables pour annoncer l'année et la remorque nouvelle.
Je me souviens de la multiplication des chaînes sur nos petites lucarnes et de la vulgarité des programmes qui remplacèrent alors ceux qui nous avaient fait grandir.
Je me souviens d'un naufrage Titanic, d'une table de camping qui se plia de rire, de nageurs dénudés par une température Sibérienne.

Je me souviens de la chute d'un mur, d'un espoir Universel vite déçu au profit d'un capitalisme pire encore que le monstre totalitaire.
Je me souviens de spectacles impromptus, d'une vie qui ne sera jamais un long fleuve tranquille au milieu d'un lac ou des cygnes se prenaient pour des oiseaux mazoutés.
Je me souviens de festivals et de concerts, de rassemblements culturels quand les artistes avaient encore un statut et que la curiosité ne se décidait pas à la télé.
Je me souviens d'une partie de cartes dans une autre étable, des hommes en shorts qui firent le tour des maisons environnantes, un béret sur la tête pour plus de dignité.
Je me souviens de l'arrivée de l'Euro, de notre naïveté avec ce petit paquet de pièces dans nos poches avant que les prix ne se mettent à flamber.
Je me souviens d'une histoire sans fin, d'une nourrice télévisuelle bien commode pour la multiple progéniture, entassée devant une écran minuscule.
Je me souviens des convictions politiques, des candidats qui parlaient en notre nom et qui n'ont jamais agi que pour l'intérêt de quelques-uns.
Je me souviens de repas incertains, de plats impossibles, d'expérience absurdes et inconscientes qui transformèrent les cuisines en laboratoire de chimie aléatoire.
Je me souviens de la montée d'une droite extrême, fabriquée par un président socialiste et exploitée par son vieil adversaire Corrézien
Je me souviens de jeux à s'endormir debout, d'un maître de cérémonie oiseux et d'épreuves tirées par des cheveux qui devenaient d'année en année plus courts et plus blancs.
Je me souviens que l'argent n'était pas le signe de la réussite d'une vie, que l'intelligence alors, la sagesse ou la clairvoyance valaient tout autant.
Je me souviens des huîtres qu'on ouvrait encore dans le secret d'un sous-sol où disparaissaient des bouteilles de vin blanc.
Je me souviens que nous pensions voir le droit d'ingérence imposer notre vision de la paix alors qu'il s'agissait uniquement d'avancer quelques intérêts.
Je me souviens d'épopées acheteuses dans des hyper-marchés incertains où naissait à l'improviste le menu de la soirée à venir.
Je me souviens d'un référendum que nous avons pensé gagner contre les puissants, les appareils et les médias jusqu'à ce qu'on nous fasse taire pour toujours.
Je me souviens de tous ceux qui ne firent que passer, de ceux qui ne reviendront plus, de ceux qui n'en sont jamais revenus.
Je me souviens que nous avons voulu protéger notre Planète persuadés que nos changements d'habitude allaient être suivis par des décisions politiques.
Je me souviens de nos petits matins, d'une année qui s'ouvrait sur des débats philosophiques pour expliquer un Monde plus noir d'année en année.
Je me souviens que nous nous sommes opposés au bœuf aux hormones, aux OGM, à la mal bouffe, aux pollueurs, aux apprentis sorciers et qu'ils finiront par gagner.

Je me souviens d'une vache qui vêle en se mettant sur son trente et un, d'un évacuateur qui déraille au plus mauvais moment, d'une matrice qui se retourne sur elle-même.
Je me souviens que nous avons vu venir un petit homme énervé, menteur, arrogant, dangereux, manipulateur et que nous redoutions son avènement.
Je me souviens que les enfants ont volé de leur propres ailes, qu'ils ont fui un à un le théâtre de nos réveillons sans eux.
Je me souviens que les braves gens ne nous écoutaient pas quand nous disions qu'ils allaient voter pour une bête brune qui allait casser notre nation.
Je me souviens de monstrueux Sumo enduits d'on ne sait quoi pour affronter une température à pierre fendre sans peur du ridicule ni de la pleurésie.
Je me souviens que nous avons pleuré pour notre pays en constatant d'année en année ce qu'il en faisait, que nous avons eu honte que nous nous sommes indignés.
Je me souviens qu'il y a eu les années chez les Coucous et les autres chez les Potiers. Que parfois, un autre lieu vint rompre l'éternelle alternance.
Je me souviens des expulsions, des injures, de la protection des riches, de la casse de l'école, de la disparition des fonctionnaires, de la baisse du pouvoir d'achat.
Je me souviens qu'alors nous allions jusqu'au petit matin mais que maintenant, quelques nez piquent bien avant l''aube.
Je me souviens des promesses qui étaient à l'inverse de cette sombre réalité, d'une catastrophe que nous allons renouveler.
Je me souviens des lendemains qui prolongent le bonheur de la veille, le plaisir de se voir avant que d'attendre une année entière.
Je me souviens des manifestations contre la réforme des retraites, d'un peuple qui se retrouvait enfin dans la rue pour dire une colère qui n'a pas même été entendue.
Je me souviens de la balade du premier, marche sous le froid, la pluie ou bien parfois la neige pour se donner la force de terminer une dernière fois les reliefs de la veille.
Je me souviens, j'enrage, je me révolte mais avons-nous retenu les leçons, avons-nous agi comme il le fallait pour que nos rêves deviennent autres que cette sordide réalité ?

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