Coup
de tabac sur le pays
Le
pays est en deuil, un deuil national pour un contribuable exemplaire,
une bête de scène qui brûlait les planches, la vie et défrayait
la chronique de ses turpitudes et frasques en tous genres. C’est
ainsi, les médias font d’un triste pantin dérisoire une icône,
un modèle, un géant que l’histoire s’empressera de jeter dans
ses oubliettes. La veille, un joyeux cabotin l’avait précédé,
dans l’indifférence de la rue. Qui de l’un ou de l’autre
laissera trace ? La question peut se poser pour le second, certes pas
pour le rocker énervé.
On
place au premier plan des êtres qui ne sont en définitive que
l’expression même de notre société. La vacuité dirige le monde
et les élus s’empressent de prononcer une phrase de circonstance
sur un non-événement absolu. Puis on s’étonne que les enfants ne
donnent plus de sens à ce qu’ils lisent dans un contexte où les
adultes eux-mêmes sont incapables de mettre en perspective ce qui
les entoure.
Nous
pouvons louer les performances scéniques et vocales de ce formidable
contribuable, nous ne devons pas omettre d’ajouter qu’il n’a
rien écrit, qu’il n'a pas apporté de solutions miracles pour
sauver l’humanité. Il s’est contenté de donner un peu de
bonheur à ses admirateurs, c’est certes beaucoup mais ça ne vaut
pas le défilé de témoignages que cette journée va nous concocter.
Il
a fait un tabac durant son existence. La belle affaire puisque c’est
de ça qu’il est mort également. L’artiste part en fumée, il va
se dissoudre dans la mémoire des siècles. Il est certain que ceux
dont on évoquera le nom dans les temps futurs sont dans l'anonymat
le plus total. Des chercheurs, des philosophes, des poètes ou bien
des prosateurs qui creusent un sillon profond tandis que d’autres
se contentent de micro-sillons de platine.
Il
faut laisser retomber le soufflé, surtout ne pas opposer une voix
discordante au concert de lamentations des pleureuses, des
hypocrites, des opportunistes et de toute la clique des m’as-tu-vu
et m’as-tu-entendu. Là, le grand chapiteau de l’insignifiance
joue à guichet fermé, on se bouscule pour disposer d’un
strapontin et donner devant la foule éplorée sa petite anecdote,
son misérable témoignage, son petit fragment du grand personnage.
Sortez
vos mouchoirs et vos disques durs. Durant quelques jours, les
émissions spéciales, les rétrospectives, les concerts d’hommage
vont pleuvoir. Ne manquez rien ou bien vous serez un mauvais citoyen,
un de ceux qui n’ont rien compris au génie de l’époque. Le
tiroir caisse va tourner à plein régime, les cadeaux de Noël cette
année auront une forme plate et ronde. Le deuil va envahir les têtes
de gondole des centres culturels, car le paradoxe est que notre ami
défunt est classé derrière ce vocable si surprenant pour lui.
Faire
culture de tout et surtout de n’importe quoi ne peut que nous
conduire dans le mur. Ça tombe bien, c’est exactement l’objectif
assigné par nos dirigeants à ceux qui font métier non plus
d’informer mais de manipuler. Le rouleau compresseur est en marche,
les cerveaux sonnent creux et s’en vont sur la route de Tennessee
du bleu à l’âme.
Je
vous laisse à votre tristesse, je ne parviens pas en éprouver
aucune Je suis désolé de n’être pas du nombre. Je n’ai jamais
saisi la frénésie qui s’emparait de mes semblables devant le
personnage, je ne serai donc pas non plus du nombre des pleureurs.
L’ombre et la lumière, vaste loterie qui a tendance à mettre en
lumière ceux qui n’en valent pas la peine. C’est bien le signe
d’une société qui déconnecte de ses valeurs.
Iconoclastement
sien.
Deux ans plus tard, la cathédrale d'Orléans célèbre une messe en sa mémoire ....
La sanctification est en marche
https://blogs.mediapart.fr/c-est-nabum/blog/111219/quant-lidole-devient-icone
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