vendredi 6 décembre 2019

Lendemain de Saint Nicolas …


La cerise sur le pain d’épice.




Il est des traditions qui reviennent au premier plan, de par la volonté de quelques-uns. Ils se retrouvent alors dans une confrérie à défendre un pan de la gastronomie locale, habillés de toges et de drôles de chapeaux pour conférer à leur combat une solennité qui décourage parfois les plus jeunes. Pourtant, ils se dressent à raison et à leur manière, maladroite sans doute, face à l’ogre mondialiste qui envisage de passer tout le monde dans la même moulinette.

Il y a encore ceux qui cherchent dans l’indifférence presque générale à redonner vie aux fêtes et foires d’antan. Le feu de la Saint Jean a pâle figure devant le rouleau compresseur et amplifié d’une fête de la musique dissonante et arrogante. Les brandons résistent encore dans de rares endroits tandis que la tradition des œufs a été pulvérisée par l’intrusion à grands coups de matraquage publicitaire par une fête prétendument celtique, venue d’outre-monde civilisé.

Les grandes foires qui existaient depuis des lustres, celles qui avaient trouvé leurs racines dans le grand commerce du Moyen-Âge ne peuvent subsister que si le grand Barnum de la fête foraine vient s’installer sur le foirail. Adieu les Cours, la Saint Georges, La Saint Aignan, la Maille d’Or, vive les manèges à sensations fortes…

Il faut se faire à l’idée que tout ce qui faisait lien dans une société doit s’éclipser devant ce qui fait bénéfice pour les tenants de la mondialisation et de l'aseptisation à outrance. Quant aux stands de bouche, la règle est simple : plus c’est mou, insipide et indigeste, mieux ça marche avec en prime l’incontournable injonction cultuelle qui joue un sacré tour de cochon à notre goret préféré.

Dans ce contexte délirant, quelques personnes ont souhaité réactiver une fête ancestrale qui avait lieu un peu partout en bord de Loire du temps glorieux de la marine marchande. La Saint Nicolas quoique célébrée alors durant les mois de chômage et non quand la rivière était à flot, était véritablement un grand moment de partage collectif autour d’une croyance certes mais surtout dans un désir de convivialité qui faisait alors société.

À Châteauneuf-sur-Loire, la volonté des instigateurs de ce renouveau était clairement de ne pas s’en tenir à la seule communauté marinière mais bien au contraire d’élargir ce moment à toute la population. Le succès fut au rendez-vous, puisqu’au fil des années, le public répond à l’invitation de mariniers toujours plus nombreux dans un déroulé de festivités qui ne fait pas la part belle qu’aux seuls porteurs de tricornes.

Musique, chant, messages envoyés à la rivière, vin chaud, pain d’épices, défilé dans la ville, parade fluviale et cerise sur le gâteau : arrivée du Grand Saint Nicolas sur les flots. Un passage à la colonne des mariniers pour célébrer le courage de ceux qui lors de la grande crue de 1846 allèrent au péril de leur vie, au secours des naufragés du Val, place clairement cette manifestation dans le grand récit historique de la cité.

La mayonnaise a pris. En dépit d’une date qui ne pousse pas les gens à sortir (autour du 6 décembre et le dimanche avant l’incontournable Téléthon), la fête est au rendez-vous sur un schéma qui ferait s’arracher les cheveux à un spécialiste de l'Évènementiel à connotation anglo-saxonne comme il en existe tant surtout dans nos Métropoles de l’inculture traditionnelle. Le succès est là, à la mesure naturellement de cette charmante ville ligérienne.

Le lendemain de la fête, les mariniers et les organisateurs ont souhaité, en toute discrétion, loin des objectifs de la presse locale, partager un peu de ce moment avec ceux qui n’ont pas pu venir du fait de leur grand âge. La Saint Nicolas se prolonge par un goûter animé dans la maison de retraite installée Grande Rue du Port (on ne peut faire mieux).

Cette année encore, nos anciens eurent droit à la visite d’une vingtaine de mariniers et marinières en tenue, chapeau sur la tête flanqué d’un Saint Nicolas qui jamais n’avait aussi bien mérité son qualificatif de GRAND. Les aînés se tordirent le cou à tenter d’apercevoir la mitre de ce géant venu les saluer dans un drôle d’habit.

La chorale de la confrérie des trois compagnies marinières : Châteauneuf – Vitry – Saint Benoît fit aubade aux têtes blanches qui reprirent en chœur en frappant dans les mains. Un curieux bonimenteur les ramena en enfance avec deux contes qui mettaient le personnage de légende en scène. Puis le goûter paracheva ce moment d’une grande simplicité.

C’est ainsi je crois que nous pouvons lutter contre l’envahissement de notre calendrier festif par des animations dénuées de toute humanité pour servir seulement les intérêts de quelques faiseurs d’argent. Ici, rien à gagner pour personne, nul n’envisage de mettre la Loire ou la fête à sa merci. C’est ce qui fait toute l’authenticité de ce rendez-vous auquel je vous convie en décembre 2020.

Traditionnellement vôtre.

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