La
cerise sur le pain d’épice.
Il
est des traditions qui reviennent au premier plan, de par la volonté
de quelques-uns. Ils se retrouvent alors dans une confrérie à
défendre un pan de la gastronomie locale, habillés de toges et de
drôles de chapeaux pour conférer à leur combat une solennité qui
décourage parfois les plus jeunes. Pourtant, ils se dressent à
raison et à leur manière, maladroite sans doute, face à l’ogre
mondialiste qui envisage de passer tout le monde dans la même
moulinette.
Il
y a encore ceux qui cherchent dans l’indifférence presque générale
à redonner vie aux fêtes et foires d’antan. Le feu de la Saint
Jean a pâle figure devant le rouleau compresseur et amplifié d’une
fête de la musique dissonante et arrogante. Les brandons résistent
encore dans de rares endroits tandis que la tradition des œufs a été
pulvérisée par l’intrusion à grands coups de matraquage
publicitaire par une fête prétendument celtique, venue
d’outre-monde civilisé.
Les
grandes foires qui existaient depuis des lustres, celles qui avaient
trouvé leurs racines dans le grand commerce du Moyen-Âge ne peuvent
subsister que si le grand Barnum de la fête foraine vient
s’installer sur le foirail. Adieu les Cours, la Saint Georges, La
Saint Aignan, la Maille d’Or, vive les manèges à sensations
fortes…
Il
faut se faire à l’idée que tout ce qui faisait lien dans une
société doit s’éclipser devant ce qui fait bénéfice pour les
tenants de la mondialisation et de l'aseptisation à outrance. Quant
aux stands de bouche, la règle est simple : plus c’est mou,
insipide et indigeste, mieux ça marche avec en prime
l’incontournable injonction cultuelle qui joue un sacré tour de
cochon à notre goret préféré.
Dans
ce contexte délirant, quelques personnes ont souhaité réactiver
une fête ancestrale qui avait lieu un peu partout en bord de Loire
du temps glorieux de la marine marchande. La Saint Nicolas quoique
célébrée alors durant les mois de chômage et non quand la rivière
était à flot, était véritablement un grand moment de partage
collectif autour d’une croyance certes mais surtout dans un désir
de convivialité qui faisait alors société.
À
Châteauneuf-sur-Loire, la volonté des instigateurs de ce renouveau
était clairement de ne pas s’en tenir à la seule communauté
marinière mais bien au contraire d’élargir ce moment à toute la
population. Le succès fut au rendez-vous, puisqu’au fil des
années, le public répond à l’invitation de mariniers toujours
plus nombreux dans un déroulé de festivités qui ne fait pas la
part belle qu’aux seuls porteurs de tricornes.
Musique,
chant, messages envoyés à la rivière, vin chaud, pain d’épices,
défilé dans la ville, parade fluviale et cerise sur le gâteau :
arrivée du Grand Saint Nicolas sur les flots. Un passage à la
colonne des mariniers pour célébrer le courage de ceux qui lors de
la grande crue de 1846 allèrent au péril de leur vie, au secours
des naufragés du Val, place clairement cette manifestation dans le
grand récit historique de la cité.
La
mayonnaise a pris. En dépit d’une date qui ne pousse pas les gens
à sortir (autour du 6 décembre et le dimanche avant
l’incontournable Téléthon), la fête est au rendez-vous sur un
schéma qui ferait s’arracher les cheveux à un spécialiste de
l'Évènementiel à connotation anglo-saxonne comme il en existe tant
surtout dans nos Métropoles de l’inculture traditionnelle. Le
succès est là, à la mesure naturellement de cette charmante ville
ligérienne.
Le
lendemain de la fête, les mariniers et les organisateurs ont
souhaité, en toute discrétion, loin des objectifs de la presse
locale, partager un peu de ce moment avec ceux qui n’ont pas pu
venir du fait de leur grand âge. La Saint Nicolas se prolonge par un
goûter animé dans la maison de retraite installée Grande Rue du
Port (on ne peut faire mieux).
Cette
année encore, nos anciens eurent droit à la visite d’une
vingtaine de mariniers et marinières en tenue, chapeau sur la tête
flanqué d’un Saint Nicolas qui jamais n’avait aussi bien mérité
son qualificatif de GRAND. Les aînés se tordirent le cou à tenter
d’apercevoir la mitre de ce géant venu les saluer dans un drôle
d’habit.
La
chorale de la confrérie des trois compagnies marinières :
Châteauneuf – Vitry – Saint Benoît fit aubade aux têtes
blanches qui reprirent en chœur en frappant dans les mains. Un
curieux bonimenteur les ramena en enfance avec deux contes qui
mettaient le personnage de légende en scène. Puis le goûter
paracheva ce moment d’une grande simplicité.
C’est
ainsi je crois que nous pouvons lutter contre l’envahissement de
notre calendrier festif par des animations dénuées de toute
humanité pour servir seulement les intérêts de quelques faiseurs
d’argent. Ici, rien à gagner pour personne, nul n’envisage de
mettre la Loire ou la fête à sa merci. C’est ce qui fait toute
l’authenticité de ce rendez-vous auquel je vous convie en décembre
2020.
Traditionnellement
vôtre.
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