Les violences faites aux femmes.
Il
n’est pas plus belle histoire macabre que celle des sorcières.
Conteur, je n’hésite pas à faire appel à l’image de la Birette
en prenant pour modèle Irène,
personnage réel du département du Loiret qui a vécu en portant le
lourd fardeau de cet anathème. Encore heureux pour elle que le XXème
siècle n’était plus porteur d’inquisiteurs odieux. Cela
pourtant n'empêcha nullement la malheureuse de vivre l’enfer et de
mourir en martyre. Elle trouva une gloire posthume quand sa maison
devint un lieu de culture, il était bien tard, la médisance avait
fait son œuvre.
Plus
connue et souvent emblématique notre Jeanne, la petite bergère
connut les affres de l’impitoyable monstruosité des hommes. Elle
rejoint là l’immense cohorte des dames qui finirent leur existence
sur le bûcher, dans une Europe à feu et à sang, pourvu que ce fut
le sexe faible qui en pâtisse. La Sorcière était alors le premier
combustible d’affiliation
à une société (terme évidemment machiste). La Fraternité du
reste ne fera pas mieux, comme si une seule moitié de l’humanité
permettait d’agréger une société.
Il
est significatif de constater que le fait religieux contribua et
contribue toujours à justifier la mise au ban de ce sexe qu’on
prétend faible quand on évoque ses droits alors que c’est à
elles que les hommes ont toujours confié les tâches les plus
délicates, contraignantes, pénibles, rébarbatives. Celui qui a
quelque chose qui pend entre ses cuisses devant, sans aucun doute,
avoir besoin de se ménager pour permettre l’expansion de l’espèce.
Si
les religieux de toute obédience aiment à porter une robe, c’est
pour mieux réduire à néant la Femme. Le feu sacré fut
certainement le moyen le plus radical pour maintenir l’hégémonie
des mâles dont on peut ici apprécier le double sens de ce
mot si ambigu. Rien n’a véritablement changé du reste dans cette
effroyable main mise d’un sexe sur l’autre si ce n’est
peut-être la reconversion des gens d’église vers les petits
garçons pour assouvir leurs turpitudes.
Mais
puisque le persifleur est également conteur, revenons à la grande
histoire, pour offrir en ce jour de lutte et non de distribution
souriante de roses et autres niaiseries commerciales, une histoire
qui démontre l’iniquité des mots. Que les âmes sensibles, les
adorateurs excessifs de la donzelle me pardonnent ce terrible pas de
côté !
Il
était une fois une petite bergère sentant en elle ce feu sacré qui
déplace des montagnes et change la face du monde. Dans sa naïveté,
la belle se pensa investie de la parole divine pour mener à bien son
dessein. Elle enfourcha un destrier et se revêtit, faute suprême,
de la tenue du combattant belliqueux.
Elle
eut le mérite immense de convaincre le roi, ce pleutre incapable de
mener la bataille contre l’envahisseur, tout autant que d’entraîner
les gueux derrière elle. C’est ainsi qu’elle bouta l’odieux
anglois de la bonne ville d’Orléans. Là fut son crime le plus
terrible, celui qui allait provoquer sa chute quand le temps fut venu
des trahisons de tous ceux qu’elle avait rétablis en dignité et
en honneur.
Femme
elle était, c’est en femme qu’elle serait jugée et condamnée à
la pire des sentences : « Sorcière ! » Point n’est
besoin d’un nez crochu, de quelques verrues bien placées et de
cheveux longs et hirsutes, elle avait porté le pantalon à la place
du roi, il convenait qu’elle périsse en suppôt de Satan.
L’église
répond toujours présente quand il s’agit de montrer du doigt
celle qui a fauté. Seule la Sainte Vierge échappe à la vindicte
des hommes confits dans un célibat absurde, l’évêque Cauchon,
lui joua un tour à sa façon, la menant sans coup férir vers une
fin atroce. La pauvrette résista tant bien que mal, il n’est
jamais plus délicat de clamer son innocence que lorsque celle-ci est
réelle.
« Femme
tu es, femme tu périras par le bûcher. » Il fallait frapper
les esprits, leur apporter la lumière dans les ténèbres de leurs
superpositions. La malheureuse serait brûlée en place publique.
L’évêque dans un sursaut d’humanité lui demanda ce qu’elle
désirait. La Pucelle éperdue eut la malencontreuse idée de lui
avouer que son vœu le plus cher serait de finir son existence en
humble et modeste Femme au Foyer !
En
bon Cauchon qu’il était, le prélat comprit la requête comme tous
ces hommes qui confondent leur bistouquette avec le glaive vengeur.
Il viola la jeune fille afin qu’elle cessât d’être vierge et
sans se soucier de ses larmes, la porta sur le bûcher. Il venait de
satisfaire à la fois sa lubricité et l’ultime vœu de Jeanne.
Elle monta sur le bûcher, n’étant plus pucelle, elle devenait
dans l’instant Femme au foyer.
Elle
s’éteint le 30 mai 1431. Elle fut et restera un symbole, non pas
celui que tous ces hommes imbus de leur personne, s’empressent
d’instrumentaliser pour défendre la Famille, le Travail et la
Patrie en invoquant Dieu tout en défilant derrière son avatar mais
bien celui de la femme humiliée, trahie, abandonnée, martyrisée.
Que les flammes de l’enfer brûlent les arpions de tous ceux qui
considèrent ainsi la Femme !
Paroboliquement
vôtre.
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