jeudi 6 juillet 2017

Vent de Galerne sur la Loire


Rosalie et moi
Une longue histoire.



Tout a commencé il y a fort longtemps par un Roman : « Vent de Galerne sur la Loire », écrit par une femme qui conserve encore la mémoire des marines de Loire et du canal. Madame Sénotier est la petite fille de Rosalie, celle dont elle a narré l’aventure dans deux ouvrages passionnants. Elle habite Combleux, la perle de l’Orléanais, sa maison domine la rivière avec une vue exceptionnelle.

Son fils, président de l’association marinière « Les chemins de l’eau » me demanda, un jour, dans le tumulte du Festival de Loire, il y a bientôt deux ans, si je voulais bien résumer le livre de sa chère mère afin d’en tirer une bande son pour un son et lumière. J’acceptai sans hésiter tant j’avais été séduit par la lecture de cette histoire, émouvante et si bien documentée. Je mettais comme seule condition de récupérer la copie numérique du texte afin de pouvoir y travailler.

Je comptais en effet faire un simple exercice de coupage afin de garder le style et les mots de l’auteur. J’avais trop de respect pour elle pour glisser mes mots et mes tournures dans son récit familial. Il en fallut donc passer par l’éditeur et c’est là que les choses prirent plus de temps que je ne l’avais imaginé.

Aux Éditions Corsaire, non pas qu’on se méfie de moi mais le responsable de cette belle maison qui a édité quelques merveilles sur la Marine de Loire, voulait absolument que nous respections les formes administratives. Nous dûmes en passer par une convention tripartite entre l’éditeur, l’auteur et l’adaptateur. Cela prit du temps et brisa un peu mon élan initial.

C’est donc deux mois seulement avant la date du son et lumière que je me décidai à me mettre à l’ouvrage, ayant obtenu le précieux document numérique. Je n’imaginais pas alors l’ampleur de la tâche, sa complexité et sa longueur. J’y passai un bon mois, taillant, coupant, élaguant, éliminant des passages pour en tirer un récit cohérent propre à être enregistré.

J’avais imaginé un scénario, retenu des passages en cohérence avec l’histoire de la Loire et l’objet même de ce travail : une animation nocturne devant la grande écluse de Combleux, là où Loire et Canal fusionnent. Je rendis une première copie, un texte de 18 pages pour un roman de plus de trois cents, je pouvais être heureux de mon travail. On me renvoya un laconique «  Beaucoup trop long ! » qui doucha mon enthousiasme.

Mon censeur avait raison, il convenait d’alléger encore pour ne pas ennuyer les futurs spectateurs. Je repris mon travail de jardinier littéraire, coupant tout ce qui pouvait dépasser, les herbes folles, les digressions inutiles, les descriptions qui ne servent pas vraiment le récit. Je parvins néanmoins à garder à la fois les mots et les tournures de madame Sénotier pour parvenir à 12 pages de bonne facture.

De nouveau la terrible sentence tomba. Il fallait encore tailler dans le vif. L’enregistrement ne devait pas faire plus de douze minutes en y incluant un peu de musique. Je me trouvais devant un impossible. Comment réaliser ce miracle de concision sans dénaturer l’œuvre initiale ? Cela faisait bientôt un mois que je passais mes journées avec Rosalie, des liens d’intimité s’étaient créés entre nous et le risque était grand d’en venir à la scène de ménage.

La dernière tentative me fut douloureuse. Je coupai plus que de raison. Je prenais le risque de perdre le fil du récit, son rythme et sa petite musique nostalgique. Il fallait bien rentrer dans le format demandé. Le résultat quoique un peu bancal, tenait au moins la Loire à défaut de la route. Huit pages qui reprenaient les grandes lignes de la vie de dame Rosalie avec les mots, rien que les mots de sa petite fille.

Une fois encore, la longueur ne convenait pas. Je ne pouvais faire mieux en terme de rabotage. Je devais renoncer à conserver le phrasé de l’auteur qui, avouons-le avait été malmené par toutes ces coupes. Je dus donc glisser mes mots dans les quelques plans que j’avais retenus. Cela, naturellement me prit beaucoup moins de temps et j’arrivai enfin à rentrer dans les contraintes temporelles.

Je pensais en avoir terminé mais des difficultés techniques s’insinuèrent entre les organisateurs et moi. Ils tenaient à entendre ma voix sur la bande son et le fichier que je leur adressais n’était pas compatible avec les formats dont ils disposaient. Je décidai donc de faire moi même cette bande son. « Ton ouvrage cent fois, tu remettras sur le métier, » me disait ma vieille mère tapissière.

Une nouvelle épopée débuta. Il me fallut trouver un studio d’enregistrement bienveillant susceptible de me recevoir gracieusement, car d’argent il n’était pas question dans cette affaire. Ce ne fut pas simple, d’autant que la première solution s’avéra calamiteuse en terme de son. J’avais pourtant offert un livre à mon ingénieur du son et dus aller voir ailleurs si la piste serait plus audible. Les voies sonores sont aussi impénétrables que les voies d’eau.

J’étais désormais pris par le temps. Je trouvai un bon Samaritain qui me sauva la mise juste à temps. Je pouvais remettre la bande son et partir en vacances, loin de cette manifestation à laquelle, malheureusement je ne pus assister. À mon retour, je souhaitais faire un petit film à partir de mon travail et des images de mes amis. Hélas, ceux-ci tout à leur navigation, n’en avaient pas pris.

C’est donc la mort dans l’âme que je concoctai ce petit souvenir avec des photographies dérobées ici ou là, faute d’avoir pu recevoir des clichés de cette belle nuit ligérienne. J’en avais le cœur gros et un regret qui resta de longs mois en tête. Je devais autre chose à ma chère Rosalie, une petite chanson pour l’honorer comme elle le méritait.

Il y a parfois des idées qui restent longtemps à l’état de vague projet et un jour, émergent soudainement, sans crier gare. Ce fut le cas, un matin vers cinq heures, Rosalie m’avait tiré du lit pour me souffler cette complainte. J’espère que les amis du Chemin de l’eau auront le plaisir de l’écouter un jour. Lors du prochain Festival de Loire, mes chansons ne figureront malheureusement pas au programme.

Voilà mon aventure avec Rosalie arrive à son terme. J’avais à cœur de vous en faire part. Je sais que certains hausseront les épaules au ciel mais je m’en moque. Si je peux vous avoir donné l’envie de lire ces deux romans, j’aurai honoré une nouvelle fois madame Sénotier. Bonne lecture à vous.


La Chanson de Rosalie


Enfant du Canal et de la Loire
Sur ses pauvres treize arpents
Elle peinait du matin au soir
Tout en admirant les chalands

Elle a grandi dans une ferme
Entre ses chèvres et sa vigne
Regardant le cœur en berne
Les bateaux lui faire des signes
De la terre prisonnière
Elle ne pouvait pas s’échapper
Elle serait à son tour fermière
Son avenir était tracé

Enfant de Loire et du Canal
Elle a rêvé d’un grand voyage
D’une aventure originale
Qu’elle espérait sans ambages

C’est dans une grande taverne
Le rendez-vous des mariniers
Qu’elle a trouvé celui qu’elle aime
Un beau gaillard venu d’Angers
Sans tarder elle l’a épousé
Le chargement était en route
Avant qu’il ne parte naviguer
La laissant seule sur ses doutes

Enfant du Canal et de la Loire
Sur ses pauvres treize arpents
Elle peinait du matin au soir
Tout en admirant les chalands

Son enfant sera orphelin
Son père jamais ne reviendra
Quand les gabelous un matin
Arraisonnèrent son papa
Il plongea dans les eaux profondes
Pour échapper à la prison
Jamais il ne revit le monde
Car il rejoignit les poissons


Enfant de Loire et du Canal
Elle a rêvé d’un grand voyage
D’une aventure originale
Qu’elle espérait sans ambages

Comme toutes les femmes de marins
Rosalie savait le risque
Qui un jour brise les destins
Quand la Loire les confisque
Son homme ne reviendra plus
Si jeune, elle portera le deuil
En sachant son rêve perdu
La rivière pour seul linceul


Enfant de Loire et du Canal
Elle a rêvé d’un grand voyage
D’une aventure originale
Qu’elle espérait sans ambages

Enfant du Canal et de la Loire
Sur ses pauvres treize arpents
Elle peinait du matin au soir
Tout en admirant les chalands


Combleusiennement vôtre.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le bon moine de Marcigny

  Une légende usurpée Il était une fois un gentil moine de l'ordre des Récollets. C'était un brave franciscain habillé de g...