vendredi 28 juillet 2017

L'île de la perpétuation



L'arbre de la renaissance.



Il était une fois sur les rives de Loire, une petite graine portée par un oiseau de passage. Une simple graine qui décida de s'enraciner sur les berges, de se dresser malgré le vent, le froid, l'eau qui vint souvent à lécher sa frêle tige et surtout les rongeurs, toujours prompts à dévorer de jeunes pousses. Le petit arbre grandit, s'éleva fièrement vers le ciel de Loire, le plus beau qu'il fût donné de voir …

Il était devenu un arbre majestueux, un fier saule noir qui ne cessa de croître et d'embellir, de dresser sur la rive sa formidable chevelure. C'est à ses pieds que se déroulèrent bien des secrets, des confidences et des amours. Il vit grandir des enfants qui devenus adultes, furent parents à leur tour .Il vit aussi les enfants de leurs enfants. Il était somptueuse présence tutélaire sur les rives de la fille Liger …

Mais un jour, sans trop qu'on sache pourquoi un castor choisit de s'attaquer à son tronc . L'arbre en sentant les premières morsures, comprit alors que ses jours étaient comptés, qu'il allait bientôt disparaître de ce territoire enchanté. Il avait eu une belle vie, longue et heureuse ; non, il n'avait rien à regretter …

Le castor revint et s'acharna sur le saule pendant deux ou trois jours; il y avait beaucoup à faire pour faire tomber cet arbre vénérable, ce qui n'est pas le cas de certains arbustes, incapables de tenir bon plus d'une journée . Il résista, debout aussi longtemps qu'il put. Il avait raison, car ce n'est pas sous les coups sournois du gentil rongeur qu'il allait perdre la partie.

En effet, ce jour-là, la Loire se mit à gonfler, elle gronda, enfla, se fit violente et puissante. Elle déborda comme elle aime à le faire parfois, arrachant tout sur son passage et le pauvre arbre fut emporté comme fétu de paille. Rien ni personne ne peut arrêter la rivière déchaînée quand elle déborde ainsi de toutes parts.

Notre arbre devint lui aussi une épave flottante parmi les corps d'animaux, les objets abandonnés, les végétaux arrachés, tous charriés par les eaux en furie. Il n'avait plus qu'à suivre le mouvement, allant au gré des fantaisies des flots. La vie et la mort d'un arbre ne sont que peu de chose face à la violence d'un fleuve en colère. Il allait finir, sur une berge, bois flotté, abandonné, bien vite brûlé par les hommes ravis de cette aubaine.

Pourtant, notre saule allait connaître un autre destin.. L'arbre gigantesque était encore muni de la plupart de ses branches. On eût dit un immense corps flottant, un monstre couché dont la puissance encore redoutable, pouvait briser un bateau, déchirer une maison, mettre à mal un pont. Il n'en fut rien cependant.

Au détour d'une courbe de la rivière, en un endroit où le courant se fait moins violent, au milieu du lit, un obstacle imprévisible, un amoncellement de pieux et de rochers arrêtèrent la course du géant. Il se planta là, corps inerte parmi le tumulte et devint à son tour, un obstacle plus grand et imposant que les autres, barricade incroyable qui se dressait au milieu du fleuve.

Les eaux retrouvèrent leur cours habituel et la vie de la rivière reprit son rythme ordinaire. Cependant, la Loire ne cesse de transporter du limon et du sable, des déchets et des pierres. L'arbre couché fut pour tous, un réceptacle, un piège, un support, le début d'une nouvelle histoire. Cet agrégat de matières diverses devint point de départ pour une nouvelle aventure.

Un îlot allait naître; il devint bientôt île. Au fil des années, des arbustes s'enracinèrent, des animaux s'installèrent, la vie prit possession de cet espace gagné sur la rivière, né d'elle et qui désormais avait son existence propre. Cette île grandit; elle devint même l'une des plus importantes en cette partie de notre Loire.

L'histoire pourrait en rester là et ne serait que des plus banales car notre Loire est un fleuve sauvage qui ne cesse de façonner son territoire et ses abords, qui se plaît à se transformer, toujours changeante au fil des saisons et des ans. La vie y est si opiniâtre, affronte des difficultés si considérables, des variations si incroyables que rien de sa part ne devrait nous surprendre.

L'arbre qu'on s'imaginait trépassé, qu'on avait laissé comme un corps mort, flottant au hasard de la colère des eaux, avait conservé en lui un souffle de vie, une volonté obstinée de renaître encore et toujours. Au nom de quel miracle à peine croyable, une branche dans ce tumulte de la création devint-elle pousse? Nul ne peut le savoir. Toujours est-il, qu'en tête de cette belle et grande île, figure de proue de sa création, un saule noir, majestueux et emblématique se dresse comme un pied de nez au destin.

De cette histoire de la vie et de la mort, des eaux et des végétaux, des minéraux et des animaux, il ne faut croire qu'en la force de la vie, en la volonté farouche qu'elle manifeste de perdurer sur nos rives, dans les flots et dans les airs. Préservez-la partout où vous vous trouverez et ne commettez jamais crime contre la Loire et ses hôtes. C'est bien la seule morale de cette histoire, aussi, je vous en conjure, respectez -la et faites-la connaître partout autour de vous !

Genèsement vôtre.


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