Une
pensée émue pour ces gens de l’aube.
Il
est des jours plus encore que les autres où le monde sommeille,
la soirée s’est terminée fort tard, la fête ou les agapes ont
battu le plein et le joyeux peuple des fêtards dort d’un sommeil
lourd, chargé des débordements de la veille. Certains n’émergeront
qu’aux premières heures de l’après-midi, d’autres passeront
la journée dans un état comateux. Les rues resteront désertes, un
silence inhabituel s’étend dans la cité.
Pourtant,
des ombres furtives s’agitent ici ou là, s’emploient à assurer
la continuité de la vie, à œuvrer pour le confort et la sécurité
des citoyens ou bien la propreté de la ville. Ce sont les gardiens
du petit matin, ces travailleurs de l’aube qui en dépit des
festivités de la veille, gardent la continuité de nos existences et
sont les vigies de la fin de la nuit. Dans les campagnes, les
éleveurs eux-aussi, affrontent les brumes du sommeil pour s’occuper
de leurs bêtes.
J’imagine
aisément le sentiment étrange qui doit les envahir. Jamais ils
n’évoluent dans un tel contexte. Ces jours sont si particuliers,
ils prennent alors conscience de l’immense décalage qui est le
leur. Ils se sont levés alors que d’autres n’étaient pas encore
couchés. Ils se sont rendus dans leur ferme, au commissariat, à la
caserne, à l’hôpital, à l’entrepôt ou bien dans le fournil,
entamant une journée de labeur quand le pays tout entier sombre dans
les vapeurs de l’alcool.
Ils
ont passé la soirée précédente à se priver, à refuser de
trinquer tout en fuyant les joyeuses troupes avinées. Ils se sont
couchés quand tous les autres enfilaient leurs habits de lumière.
Ils ont cherché le sommeil alors qu’arrivaient jusqu’à eux les
murmures de la fête, les coups de klaxons et les décibels des
animations. Ils se sentaient en décalage déjà, en se levant ils
perçoivent combien leur situation l’est véritablement.
Ils
seront en poste pour recevoir ceux qui ont débordé à un moment ou
un autre. Ils se rendront sur les lieux d’un accident, ils
viendront au chevet d’un buveur déraisonnable, ils recevront les
éclopés de la furie collective, ils interviendront pour calmer les
algarades du petit matin, ils nettoieront les rues souillées par les
excès de toutes sortes.
Les
gardiens du petit matin sont ces travailleurs de l’ombre, mal
payés, peu reconnus, moqués par les tenants d’un libéralisme
forcené qui ne fait la part belle qu’à ceux qui n’agissent que
pour leur seul profit. Eux, sont au service de tous, des plus
faibles, des exclus, des malades, des isolés, de ceux qui sont en
détresse, ils sont pour la plupart fonctionnaires ou bien employés
de l’ombre de services à la personne, infirmières ou médecins,
pompiers ou bien ambulanciers, gendarmes ou bien agents de sécurité.
Ils
méritaient bien un petit hommage quand le discours ambiant ne fait
gloire et honneur qu’aux princes de l’avidité et de l’égoïsme,
aux rois du CAC 40 et aux requins de la finance. La vie collective ne
serait pas supportable sans eux, ils sont le ciment d’une société
qui se délite de plus en plus. Ils maintiennent en dépit de leurs
chefs, des directives de l’état, de la pensée majoritaire la
bonne marche d’une nation bien loin des paradigmes de notre bon
président.
Quand
vous émergerez de votre sommeil, ils en auront fini, à leur tour
ils rentreront chez eux pour bénéficier d’un sommeil réparateur.
La vie aura repris ses droits, vous oublierez de les remercier,
ignorant ce qui s’est passé alors que vous n’étiez pas en état.
Si au moins vous aviez une petite pensée pour eux, un peu de
gratitude et beaucoup de considération, vous leur feriez le plus
grand plaisir. N’oubliez jamais qu’un monde sans les gardiens du
petit matin ou bien sans les veilleurs de la nuit, ne serait pas
fréquentable.
Dormez
tranquilles braves gens, le petit peuple de l’ombre veille sur
votre sérénité Faites-leur un petit signe amical, ils
appartiennent à la même humanité que la vôtre.
Reconnaissancement
leur.
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